L’ABBAYE de SAINT-ANDRÉ ZEVENKERKEN
UN PROJET AUDACIEUX
de DOM GERARD VAN CALOEN 1853-1912
Christian Papeians de Morchoven O.S.B.
Un ouvrage des Moines de l’Abbaye de Saint-André Zevenkerken,
 

 


TABLE DES MATIÈRES


TABLE DES MATIÈRES


Preface


Prologue


1.1. Sa jeunesse - 1853-1872

1.2. Moine à Maredsous - 1872

1.3. Les obédiences à Maredsous - 1876-1886

1.4. Séjour à Rome -1886-1888

1.5. Séjours à Louvain et à Maredsous - 1888-1893

1.6. Gérard van Caloen: l’homme et le moine


2.1. La congrégation bénédictine brésilienne en 1893

2.2. Les abbayes brésiliennes et leur patrimoine

2.3. Les conclusions du mémorandum van Caloen

2.4. Le premier séjour au Brésil - 1894

2.5. Nouvelles tractations - 1894-1895


3.1. Les premiers mois à Olinda

3.2. Les moines d’Olinda

3.3. D’autres soucis pour dom van Caloen3.4. Crise à Olinda

3.5. Le chapitre général de Beuron - juillet 1897

3.6. La paix revenue


4.1. Son érection - 15 janvier 1899

4.2. La vie à la procure de Saint-André

4.3. La procure sans dom Gérard van Caloen -1899-1900

4.4. Saint-André, avec ou sans noviciat?84

4.5. La lutte pour l’abbaye -1901



5.1. Alea jacta est! 17 juin 1901

5.2. Les séquelles de l’érection

5.3. Les premiers bâtiments

5.4. L’inauguration de l’abbaye - 8 septembre 1902

5.5. La réconciliation avec dom Hildebrand de Hemptinne


6.1. Dom Peter Roeser et dom Paul Damman, prieurs

6.2. Dom Benoît D’Hondt, prieur -1905-1908


7.1. L’arrivée de dom Théodore Nève - 1906

7.2. Dom Théodore Nève, prieur -1908-1912


8.1. La fondation de la mission du Katanga -13 avril 1910

8.2. La fondation de l’école abbatiale - 8 septembre 1910

8.3. La construction de l’école abbatiale -1911


9.1. La nomination abbatiale

9.2. La bénédiction abbatiale - 8 septembre 1912




Notes


Quelques chiffres


Bibliographie



 

 



Preface


Prologue


1. Dom Gérard van Caloen

1.1. Sa jeunesse - 1853-1872

1.2. Moine à Maredsous - 1872

1.3. Les obédiences à Maredsous - 1876-1886

1.4. Séjour à Rome -1886-1888

1.5. Séjours à Louvain et à Maredsous - 1888-1893

1.6. Gérard van Caloen: l’homme et le moine35


2. Le voyage d’information au Brésil - 1894

2.1. La congrégation bénédictine brésilienne en 1893

2.2. Les abbayes brésiliennes et leur patrimoine

2.3. Les conclusions du mémorandum van Caloen

2.4. Le premier séjour au Brésil - 1894

2.5. Nouvelles tractations - 1894-1895


3. Olinda - 1895-1898

3.1. Les premiers mois à Olinda

3.2. Les moines d’Olinda

3.3. D’autres soucis pour dom van Caloen3.4. Crise à Olinda

3.5. Le chapitre général de Beuron - juillet 1897

3.6. La paix revenue


4. La procure de Saint-André

4.1. Son érection - 15 janvier 1899

4.2. La vie à la procure de Saint-André

4.3. La procure sans dom Gérard van Caloen -1899-1900

4.4. Saint-André, avec ou sans noviciat?84

4.5. La lutte pour l’abbaye -1901



5. La nouvelle abbaye de Saint-André

5.1. Alea jacta est! 17 juin 1901

5.2. Les séquelles de l’érection

5.3. Les premiers bâtiments

5.4. L’inauguration de l’abbaye - 8 septembre 1902

5.5. La réconciliation avec dom Hildebrand de Hemptinne


6. Les premières années de l’abbaye -1902-1906

6.1. Dom Peter Roeser et dom Paul Damman, prieurs

6.2. Dom Benoît D’Hondt, prieur -1905-1908


7. Les années décisives -1907-1910

7.1. L’arrivée de dom Théodore Nève - 1906

7.2. Dom Théodore Nève, prieur -1908-1912


8. 1910: Une année mouvementée

8.1. La fondation de la mission du Katanga -13 avril 1910

8.2. La fondation de l’école abbatiale - 8 septembre 1910

8.3. La construction de l’école abbatiale -1911


9. Dom Théodore Nève, abbé - 1912

9.1. La nomination abbatiale

9.2. La bénédiction abbatiale - 8 septembre 1912


Conclusion


Annexe  La première abbaye de Saint-André 1100-1796Notes


Quelques chiffres




 

 

 

 

 

Preface

Prologue

1. Dom Gérard van Caloen

1.1. Sa jeunesse - 1853-1872

1.2. Moine à Maredsous - 1872                                                15

1.3. Les obédiences à Maredsous - 1876-1886                         18

1.4. Séjour à Rome -1886-1888                                                24

1.5. Séjours à Louvain et à Maredsous - 1888-1893                 27

1.6. Gérard van Caloen: l’homme et le moine                          35

2. Le voyage d’information au Brésil - 1894                                   38

2.1. La congrégation bénédictine brésilienne en 1893              38

2.2. Les abbayes brésiliennes et leur patrimoine                       41

2.3. Les conclusions du mémorandum van Caloen                   43

2.4. Le premier séjour au Brésil - 1894                                     44

2.5. Nouvelles tractations - 1894-1895                                     46

3. Olinda - 1895-1898                                                                      51

3.1. Les premiers mois à Olinda                                                51

3.2. Les moines d’Olinda                                                          55

3.3. D’autres soucis pour dom van Caloen                               56

3.4. Crise à Olinda                                                                    58

3.5. Le chapitre général de Beuron - juillet 1897                      62

3.6. La paix revenue                                                                  67

4. La procure de Saint-André                                                             72

4.1. Son érection - 15 janvier 1899                                           72

4.2. La vie à la procure de Saint-André                                    77

4.3. La procure sans dom Gérard van Caloen -1899-1900          8o

4.4. Saint-André, avec ou sans noviciat?                                 84

4.5. La lutte pour l’abbaye -1901                                            89

5. La nouvelle abbaye de Saint-André

5.1. Alea jacta est! 17 juin 1901                                              96

5.2. Les séquelles de l’érection                                              101

5.3. Les premiers bâtiments                                                   108

5.4. L’inauguration de l’abbaye - 8 septembre 1902             109

5.5. La réconciliation avec dom Hildebrand de Hemptinne 112

 

 

 

 

 

6. Les premières années de l’abbaye -1902-1906

6.1. Dom Peter Roeser et dom Paul Damman, prieurs          116

6.2. Dom Benoît D’Hondt, prieur -1905-1908                      122

7. Les années décisives -1907-1910

7.1. L’arrivée de dom Théodore Nève - 1906                       127

7.2. Dom Théodore Nève, prieur -1908-1912                       141

8. 1910: Une année mouvementée...                                             147

8.1. La fondation de la mission du Katanga -13 avril 1910  147

8.2. La fondation de l’école abbatiale - 8 septembre 1910    164

8.3. La construction de l’école abbatiale -1911                     172

9. Dom Théodore Nève, abbé - 1912                                            178

9.1. La nomination abbatiale                                                 178

9.2. La bénédiction abbatiale - 8 septembre 1912                 185

Conclusion                                                                                    189

Annexe  La première abbaye de Saint-André 1100-1796             191

Notes                                                                                             201

Quelques chiffres

Bibliographie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PREFACE

PRÉFACE

This book relates the history of the founding and development of the Abbey of Saint-André in Bruges, from 1853 to 1912. Saint-André owes its existence to two exceptional personalities: Dom Gérard van Caloen, the founder of the abbey , and Dom Théodore Nève, the first abbot. Three factors have constantly inspired their lives: a deep faith, combined with a great love for the Church; a sincere attachment to the monastic tradition; particular attention to the needs of their time. Present in all their businesses, these three elements have undoubtedly ensured their success.

Ce livre relate l’histoire de la fondation et du développement de l’abbaye de Saint-André de Bruges, de 1853 à 1912. Saint-André doit son existence à deux personnalités exceptionnelles: dom Gérard van Caloen, le fondateur de l’abbaye, et dom Théodore Nève, le premier abbé. Trois facteurs ont sans cesse inspiré leur vie: une foi profonde, alliée à un grand amour pour l’Église; un attachement sincère à la tradition monastique; une attention particulière aux besoins de leur temps. Présents dans toutes leurs entreprises, ces trois éléments en ont incontestablement assuré le succès.

But would it have been possible if, coming from different European countries, young people, sharing the same ideal, had not presented themselves at the gates of the monastery? The charisma of the founders, under the impulse of the Spirit, determined many young people to give new vigor to the old monastic ideal. Everything that the founders achieved was never outside of tradition and responded both to Roman aspirations and to the aspirations of the political and cultural world of the time. Thus was born more than an abbey. A very special spirit, in fact, radiated from Saint-André. Many young people came forward to become monks serving the evangelization of the world. What Saint Boniface, Saint Amand and many others achieved during the early Middle Ages encouraged young Europeans to bring something new to this period of colonial expansion and cultural restoration.

Mais aurait-ce été possible si, venus de différents pays d’Europe, des jeunes, partageant le même idéal, ne s’étaient pas présentés aux portes du monastère? Le charisme des fondateurs, sous l’impulsion de l’Esprit, détermina de nombreux jeunes à donner une vigueur nouvelle au vieil idéal monastique. Tout ce que les fondateurs ont réalisé ne le fut jamais en dehors de la tradition et répondait tant aux aspirations romaines qu’aux aspirations du monde politique et culturel du temps. Ainsi naquit plus qu’une abbaye. Un esprit tout particulier, en effet, rayonnait à partir de Saint-André. Beaucoup de jeunes se présentèrent pour devenir moines au service de l’évangélisation du monde. Ce que saint Boniface, saint Amand et bien d’autres réalisèrent au cours du haut Moyen Âge, incita de jeunes Européens à apporter quelque chose de neuf en cette période d’expansion coloniale et de restauration culturelle.

The initiative of Dom van Caloen and Dom Nève was not an exception at that time. A hundred years ago, numerous religious congregations, particularly missionary congregations, emerged in several European countries. A century later, they are all faced, within the Church, with new challenges: how, from faith, to make the message of the Good News known to the world? This is why it is good today to know and write the lives of these men and women who, in their time, collaborated in the religious and missionary expansion of the Church. By placing all these initiatives side by side, we could learn how to renew the mission today.

L’initiative de dom van Caloen et de dom Nève n’était pas une exception, à cette époque. Il y a cent ans, de nombreuses congrégations religieuses, des congrégations missionnaires tout particulièrement, virent le jour dans plusieurs pays d’Europe. Un siècle plus tard, elles sont toutes confrontées, au sein de l’Église, à de nouveaux défis: comment, à partir de la foi, faire connaître le message de la Bonne Nouvelle au monde? C’est pourquoi il est bon aujourd’hui de connaître et d’écrire la vie de ces hommes et de ces femmes qui, en leur temps collaborèrent à l’expansion religieuse et missionnaire de l’Église. En plaçant toutes ces initiatives les unes à côté des autres, on pourrait apprendre comment renouveler aujourd’hui la mission.

The historical research undertaken by Dom Christian Papeians of Morchoven is not only useful but necessary. I hope and hope that this book, during the jubilee years of the Abbey of Saint-André, will be able to suggest new directions and develop new energy for renewal. This book is more than a testimony of gratitude from the monks of Saint-André to their founders. It is also a signal to the faithful and especially to young people to allow them to understand what is happening today in religious communities. The seed planted in Saint-André and in many other places has not yet reached its growth and development. What are a hundred years in the eyes of God?

Les recherches historiques entreprises par Dom Christian Papeians de Morchoven ne sont pas seulement utiles mais nécessaires. Je forme le souhait et j’espère que ce livre, au cours des années jubilaires de l’abbaye de Saint-André, pourra suggérer de nouvelles orientations et développer pour un renouveau une énergie nouvelle. Ce livre est plus qu’un témoignage de reconnaissance des moines de Saint-André envers leurs fondateurs. Il est aussi un signal aux fidèles et tout particulièrement aux jeunes pour leur permettre de comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans les communautés religieuses. La semence jetée en terre à Saint-André et en bien d’autres endroits n’a pas encore atteint sa croissance et son développement. Que sont cent ans aux yeux de Dieu?

Have you eyes that you cannot see and ears that you cannot hear? And do you not remember how many baskets full of pieces of bread you gathered when I broke the five loaves for the five thousand men? They answered him: twelve. And when I broke the seven loaves for the four thousand men, how many baskets full of pieces did you gather? And they said: seven. Then do you not yet understand? (Mk.8,18-21)

Avez-vous des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre? Et ne vous rappelez-vous pas combien de corbeilles pleines de morceaux de pain vous avez ramassées quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes? Ils lui répondirent: douze. Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous ramassées? Et ils dirent: sept. Alors ne comprenez-vous pas encore? (Mc.8,18-21)

The Feast of the Holy Apostles Peter and Paul, June 29, 2998

En la fête des saints Apôtres Pierre et Paul 29 juin 1998

Paul Standaert, Abbot of Saint-André

Paul Standaert, abbé de Saint-André

 

 

BOOK ONE: SAINT-ANDRÉ ET
DOM GÉRARD VAN CALOEN 1853-1912

TOME PREMIER SAINT-ANDRÉ ET
DOM GÉRARD VAN CALOEN 1853-1912

 

 

PROLOGUE

PROLOGUE

It was at the end of 1893 that Dom Gérard van Caloen left, for the first time, for Brazil. He was charged by the Benedictine congregation of Beuron with restoring Benedictine life in this immense Latin American country.

C’est à la fin de 1893 que, pour la première fois, dom Gérard van Caloen partit pour le Brésil. Il était chargé par la congrégation bénédictine de Beuron de restaurer la vie bénédictine dans cet immense pays d’Amérique latine.

Congregations and religious orders were then experiencing major survival problems in this country due to an old decree, dating from 1764 and promulgated by the Secretary of State, Francisco Xavier de Mendonça Furtadol at the time of the Pombal government 2 , which prohibited recruitment of novices. The imperial Freemason government which had come to power in Brazil, after the break with Portugal in 1822, often resorted to this decree to stifle all religious life. In 1889, a revolution overthrew the Empire and created the Republic of Brazil, which enshrined in its Constitution the separation of Church and State. As a result, all previous anticlerical laws fell into disuse. Congregations and orders could revive. However, they could not do this without help from Europe. The abbot president of the Brazilian Benedictine congregation, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado (1824-1908), abbot of the Saint-Sébastien abbey of Bahia3 , wishing to revive his congregation, contacted the Holy See to obtain the necessary help. After some hesitation, Rome advised him to contact the archabbot of the congregation of Beuron, Dom Placid Wolter 4 . Beuron accepted in 1893 and promised to send a monk to examine the situation with the abbot president.

Les congrégations et les ordres religieux connaissaient alors dans ce pays de gros problèmes de survie du fait d’un vieux décret, datant de 1764 et promulgué par le secrétaire d’État, Francisco Xavier de Mendonça Furtadol au temps du gouvernement Pombal2, qui interdisait le recrutement de novices. Le gouvernement impérial franc-maçon qui s’était installé au pouvoir au Brésil, après la rupture avec le Portugal en 1822, avait souvent recours à ce décret pour étouffer toute vie religieuse. En 1889, une révolution renversa l’Empire et créa la République du Brésil, qui inscrivit dans sa Constitution la séparation de l’Église et de l’État. Du coup, toutes les lois anticléricales antérieures tombèrent en désuétude. Les congrégations et les ordres pouvaient revivre. Ils ne le pouvaient cependant pas sans l’aide de l’Europe. L’abbé président de la congrégation bénédictine brésilienne, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado (18241908), abbé de l’abbaye Saint-Sébastien de Bahia3, désireux de redonner vie à sa congrégation, s’adressa au Saint-Siège pour obtenir l’aide nécessaire. Après quelques hésitations, Rome lui conseilla de s’adresser à l’archiabbé de la congrégation de Beuron, dom Placide Wolter4. Beuron accepta en 1893 et promit d’envoyer un moine pour examiner la situation avec l’abbé président.

But who should we entrust this mission to? Where can I find the man capable of carrying out this enterprise?

Mais à qui confier cette mission? Où trouver l’homme capable de mener à bien cette entreprise?

“Wouldn’t Dom Gérard van Caloen be the providential man?”, said Dom Hildebrand de Hemptinne, abbot of Maredsous and primate of the Benedictine order. As it happened, in 1893 Dom Gérard van Caloen was in Rome, where he had collaborated in the founding of the Saint-Anselmo abbey on the Aventine Hill; There he held the office of Procurator General of the congregation of Beuron. What had he not already achieved during his life! Did he not have all the qualities required for this difficult undertaking: will, authority, dynamism, audacity, energy, intuition, entrepreneurial spirit? Had he not also felt constrained in the missions that had been entrusted to him until then? Wouldn’t this be a mission for him that matched his overflowing temperament? He was the right man.

«Dom Gérard van Caloen ne serait-il pas l’homme providentiel?», se dit alors dom Hildebrand de Hemptinne, abbé de Maredsous et primat de l’ordre bénédictins. Il se faisait même qu’en 1893, dom Gérard van Caloen était à Rome, où il avait collaboré à la fondation de l’abbaye Saint-Anselme sur le mont Aventin; il y occupait la charge de procureur général de la congrégation de Beuron. Que n’avait-il déjà réalisé dans son existence! N’avait-il pas toutes les qualités requises pour cette entreprise difficile: volonté, autorité, dynamisme, audace, énergie, intuition, esprit d’entreprise? Ne se sentait-il pas aussi à l’étroit dans les missions qu’on lui avait confiées jusque-là? N’y aurait-il pas là pour lui une mission à la hauteur de son tempérament débordant? C’était bien l’homme qu’il fallait.

But who was Dom Gérard van Caloen?

Mais qui donc était dom Gérard van Caloen?

 

 

1. DOM GERARD VAN CALOEN


1. DOM GÉRARD VAN CALOEN

1.1. His youth - 1853-1872


1.1. Sa jeunesse - 1853-1872

Joseph van Caloen was born in Bruges, Dyver 10-11 6 a, on March 12, 1853. His father, Baron Charles van Caloen, was mayor of Loppem, provincial councilor and senator. His mother was born Countess Savina de Gourcy-Serainchamps. Young Joseph spent his entire youth between Bruges and Loppem, depending on the season, without enrolling in any school. Indeed, his mother, who had strong opinions in the area of education, did not want him to be subjected to the bad influence of school circles and preferred to entrust him to a tutor. Finding one was not easy. She finally called on a French priest, “Abbé Lefèbvre”, from the diocese of Amiens, who remained in the service of the family for seven years. Joseph van Caloen followed the ancient humanities program, with a clear preference for Christian authors. He learned Dutch with the famous Flemish priest-poet, Guido Gezelleb’, then vicar of the parish of Sainte-Walburge in Bruges. They got along so well that young Joseph even became Guido Gezelle’s collaborator for his magazine Rond den Heerd. The young van Caloen later admitted he owed much to the Flemish poet: not only his facility for languages - he spoke six of them fluently — and his interest in history, but also the missionary ideal. Quickener of vocations, Guido Gezelle was very interested in missionary vocations; It is not impossible to think that his influence was not negligible in the missionary orientation of the young van Caloen. At that time, he was mainly interested in archaeology, architecture and history, especially the Gothic Middle Ages and the neo-Gothic which was triumphant at the time. How could it have been otherwise when we know that, when Joseph was six years old, the architect Jean Béthune’, the promoter of neo-Gothic in Belgium, built the castle of Loppem, one of the greatest successes of this art in our country, and that he was often the guest of the child’s father? He had made a friend.

Joseph van Caloen naquit à Bruges, Dyver 10-116a, le 12 mars 1853. Son père, le baron Charles van Caloen, était bourgmestre de Lop-pem, conseiller provincial et sénateur. Sa mère était née comtesse Savina de Gourcy-Serainchamps. Le jeune Joseph passa toute sa jeunesse entre Bruges et Loppem, selon les saisons, sans s’inscrire dans aucune école. Sa mère, en effet, qui avait des idées bien arrêtées dans le domaine de l’éducation, ne désirait pas qu’il subisse la mauvaise influence des milieux scolaires et préféra le confier à un précepteur. En dénicher un ne fut pas chose facile. Elle fit appel finalement à un prêtre français, l’«abbé Lefèbvre», du diocèse d’Amiens, qui resta sept ans au service de la famille. Joseph van Caloen suivit le programme des humanités anciennes, avec une nette préférence pour les auteurs chrétiens. Il apprit le néerlandais avec le célèbre prêtre-poète flamand, Guido Gezelleb’, alors vicaire de la paroisse Sainte-Walburge à Bruges. Ils s’entendirent si bien que le jeune Joseph devint même le collaborateur de Guido Gezelle pour sa revue Rond den Heerd. Le jeune van Caloen avoua plus tard beaucoup devoir au poète flamand: non seulement sa facilité pour les langues — il en parlera six couramment? — et son intérêt pour l’histoire, mais aussi l’idéal missionnaire. Éveilleur de vocations, Guido Gezelle s’intéressait beaucoup aux vocations missionnaires; il n’est pas interdit de penser que son influence ne fut pas négligeable dans l’orientation missionnaire du jeune van Caloen. À cette époque, il était surtout intéressé par l’archéologie, l’architecture et l’histoire, tout spécialement le Moyen Âge gothique et le néo-gothique qui triomphait alors. Comment en aurait-il été autrement quand on sait que, lorsque Joseph avait six ans, l’architecte Jean Béthune’, le promoteur du néo-gothique en Belgique, construisit le château de Loppem, une des plus belles réussites de cet art dans notre pays, et qu’il était souvent l’invité du père de l’enfant? Il s’en était fait un ami.

Another close friend of the van Caloen family, James Weale, was also no stranger to his taste for archaeology, architecture and history. This Englishman, converted to Catholicism, had resided in Bruges since 1855. An archaeologist and art lover, he contributed through his writings to a better understanding of Bruges as a city of art in the past. In 1863 he created the magazine La Gilde de Saint Thomas et de Saint Luc, with the aim of promoting the study of Christian antiquities and disseminating the true principles of Christian art. This was more than enough to excite the young Joseph van Caloen who, at the age of seventeen, became a member and secretary of the review. He published reports and numerous articles there on the most diverse subjects 9 . This love of the past, his first vocation, will last throughout his life. Nothing will be able to restrain his boundless intellectual activity.

Un autre proche de la famille van Caloen, James Weale, ne fut pas non plus étranger à son goût pour l’archéologie, l’architecture et l’histoire. Cet Anglais, converti au catholicisme, résidait à Bruges depuis 1855. Archéologue et amateur d’art, il contribua par ses écrits à une meilleure connaissance de Bruges comme ville d’art du passé. Il avait créé en 1863 la revue La Gilde de saint Thomas et de saint Luc, dans le but de promouvoir l’étude des antiquités chrétiennes et de propager les vrais principes de l’art chrétien. C’était plus qu’il n’en fallait pour enthousiasmer le jeune Joseph van Caloen qui, à l’âge de dix-sept ans, devint membre et secrétaire de la revue. Il y publia des comptes rendus et de nombreux articles sur les sujets les plus divers9. Cet amour du passé, sa première vocation, perdurera toute sa vie. Rien ne pourra retenir son activité intellectuelle débordante.

But this closed education did not facilitate social contacts, and Joseph van Caloen had, throughout his life, difficult relationships with the people he encountered. His religious education, on the other hand, serious and profound by family tradition, was especially influenced by the political and religious events which shook Western Christianity in 1870: the unification of Italy and the Vatican Council. Joseph would have liked to serve the papacy in the regiment of pontifical zouaves to defend the political independence of the pope against the pretensions of Garibaldi and Cavour’, but his youth did not permit him to do so. Whatever the case, the events of 1870, which had marked him, strengthened his unwavering attachment to the Pope and the Holy See.

Mais cette éducation fermée ne facilita pas les contacts sociaux, et Joseph van Caloen aura, sa vie durant, des relations difficiles avec les gens qu’il côtoiera. Son éducation religieuse, par contre, sérieuse et profonde par tradition familiale, fut surtout influencée par les événements politiques et religieux qui secouèrent en 1870 la chrétienté occidentale: l’unification de l’Italie et le concile du Vatican. Joseph aurait voulu servir la papauté dans le régiment des zouaves pontificaux pour défendre l’indépendance politique du pape contre les prétentions de Garibaldi et de Cavour’, mais son jeune âge ne le lui permit pas. Quoi qu’il en soit, les événements de 1870, qui l’avaient marqué, affermirent son attachement indéfectible au pape et au Saint-Siège.

There was also his poor health. All his life, van Caloen complained about it. At fourteen he suffered from pleurisy; later, tuberculosis and heart disease seriously handicapped him. But we had to live well despite this fragility; his boundless energy, however, hardly improved his constitution: on the contrary, it wore him out before his time and forced him to make long stays in a healthier climate or in a thermal center.

Il y avait aussi sa mauvaise santé. Toute sa vie, van Caloen s’en plaindra. À quatorze ans, il souffrit d’une pleurésie; plus tard, la tuberculose et une maladie cardiaque le handicapèrent fortement. Mais il fallait bien vivre malgré cette fragilité; son énergie débordante n’améliora toutefois guère sa constitution: elle l’usa au contraire avant l’âge et l’obligea à faire de longs séjours dans un climat plus sain ou dans un centre thermal.

At eighteen, Joseph van Caloen had become a young man full of ideas and enthusiasm, an enterprising and intuitive boy who was ahead of the ideas of his time, and who was unstoppable despite failing health.

À dix-huit ans, Joseph van Caloen était devenu un jeune homme plein d’idées et d’enthousiasme, un garçon entreprenant et intuitif qui devançait les idées de son époque, et que rien n’arrêtait malgré une santé défaillante.

1.2. Monk in Maredsous -1872

1.2. Moine à Maredsous -1872

His love of the Middle Ages inevitably brought Joseph van Caloen into contact with the monastic world. Reading the book The Monks of the West, by Charles de Montalembert, fascinated him as it fascinated many young people at his time, and introduced him to the Benedictine world. Joseph van Caloen once claimed that his Benedictine vocation dated from 1863, when he was barely ten years old. In his Memoirs, he wrote on this subject: “It was in the tumult of a child’s bedroom that I heard the first time in Loppem the interior and irresistible voice of the divine Master telling me: ‘Become a Benedictine’ :»

Son amour du Moyen Âge mit inévitablement Joseph van Caloen en contact avec le monde monastique. La lecture du livre Les Moines d’Occident, de Charles de Montalembert”, le passionna comme elle passionna de nombreux jeunes à son époque, et lui fit connaître le monde bénédictin. Joseph van Caloen prétendit un jour que sa vocation bénédictine datait de 1863, alors qu’il avait à peine dix ans. Dans ses Mémoires, il écrivit à ce propos: «C’est dans le tumulte d’une chambre d’enfant que j’entendis la première fois à Loppem la voix intérieure et irrésistible du divin Maître me disant: “Fais-toi bénédictin’:»

But where to find Benedictines? Who then knew in Belgium the few monks who had settled in the former Capuchin convent, in Dendermonde 12 ? When he told his father about it, he was told: “That order no longer exists. If you want to become religious, you have to choose between the Capuchins and the Jesuits.”

Mais où trouver des bénédictins? Qui connaissait alors en Belgique les quelques moines qui s’étaient installés dans l’ancien couvent des capucins, à Dendermonde12? Quand il en parla à son père, il obtint cette réponse: «Cet ordre n’existe plus. Si vous désirez devenir religieux, il faut choisir entre les capucins et les jésuites.»

The former were well known in Bruges, and his uncle had himself become a Jesuit. It was from a completely different direction, however, that the answer came. A relative and friend, Félix de Hemptinne, former papal zouave, had become a monk at the abbey of Beuron, founded in 1863 by the Wolter brothers, receiving the [religious] name ‘Hildebrand’. They wrote to each other regularly.

Les premiers étaient bien connus à Bruges, et son oncle était lui-même devenu jésuite. C’est d’un tout autre côté cependant que vint la réponse. Un parent et ami, Félix de Hemptinne, ancien zouave pontifical, était devenu moine à l’abbaye de Beuron, fondée en 1863 par les frères Wolter, sous le nom d’Hildebrand. Ils s’écrivaient régulièrement.

“A continued correspondence that I had with this excellent friend had provided me with much light on the monastic questions which greatly preoccupied me.” (Memories)

«Une correspondance suivie que j’avais eue avec cet excellent ami, m’avait donné beaucoup de lumière sur les questions monastiques qui me préoccupaient vivement.» (Mémoires)

Hildebrand de Hemptinne was, like him, an unwavering believer in the Pope and the Catholic Church, an enthusiast for monastic life. He convinced the young man. However, His parents hesitated. To give him time to reflect and to consolidate his health, in 1872 they offered him a trip to the Holy Land. This changed nothing in his decision. His parents then acquiesced, and Joseph began looking for a monastery.

Hildebrand de Hemptinne était comme lui un fidèle indéfectible du pape et de l’Église catholique, un enthousiaste de la vie monastique. Il convainquit le jeune homme. Ses parents, toutefois, hésitèrent. Pour lui donner à la fois le temps de réfléchir et de consolider sa santé, ils lui offrirent, en 1872, un voyage en Terre sainte. Cela ne changea rien à sa décision. Ses parents s’inclinèrent alors, et Joseph se mit à la recherche d’un monastère.

Dom Guéranger and Solesmes 13 made a strong impression on him (September 15, 1872). His aristocratic tendencies and his taste for splendor found favorable terrain in this abbey; he hesitated, however. He then went to Engelberg Abbey in Switzerland, which seemed too popular to him, and to Einsiedeln’ 4 which only accepted students from its abbey school. Moreover, the baroque did not appeal to him. Finally, he arrived in Beuron, on September 30, 1872. From the outset, everything attracted him: the archabbot, Dom Maur Wolter, the young community, the beauty of the liturgical services, the dynamism of the young abbey and, of course, the presence of his friend, Hildebrand de Hemptinne.

Dom Guéranger et Solesmes13 firent sur lui forte impression (15 septembre 1872). Ses tendances aristocratiques et son goût du faste trouvaient dans cette abbaye un terrain favorable; il hésita cependant. Il se rendit alors à l’abbaye d’Engelberg en Suisse, qui lui parut trop populaire, et à Einsiedeln’4 qui n’acceptait que des élèves de son école abbatiale. De plus, le baroque ne lui plaisait pas. Enfin, il aboutit à Beuron, le 3o septembre 1872. D’emblée, tout l’attira: l’archiabbé, dom Maur Wolter, la jeune communauté, la beauté des offices liturgiques, le dynamisme de la jeune abbaye et, bien sûr, la présence de son ami, Hildebrand de Hemptinne’S.

“The abbot of Beuron, “ he wrote in his Memoirs, “has a piercing and sometimes sublime gaze. He is both kind and always profound; it is goodness combined with great dignity: in a word the true type of the Benedictine monk, all imbued with the discretion of Saint Benedict.”

«Le père abbé de Beuron, écrivit-il dans ses Mémoires, a le regard perçant et parfois sublime. Il est à la fois aimable et toujours profond; c’est la bonté alliée à une grande dignité: en un mot le véritable type du moine bénédictin, tout empreint de la discrétion de saint Benoît.»

After a long interview with Joseph van Caloen, the abbot said to him: “I accept you as my son. I accept you to be a monk in Belgium.”

Après un long entretien avec Joseph van Caloen, l’abbé lui dit: «Je vous accepte comme mon fils. Je vous accepte pour être moine en Belgique.»

“But there is no monastery in Belgium,” replied Joseph van Caloen.

«Mais il n’y a pas de monastère en Belgique», répondit Joseph van Caloen.

“No, but there will be one in two months.”

«Non, mais il y en aura un dans deux mois.»

The decision was therefore made, Joseph van Caloen would become a monk in Belgium. Where? In Maredsous, on the banks of the Molignée. For some time now, the Archabbot of Beuron, Dom Maur Wolter, had been thinking of settling in Belgium if a providential opportunity pushed him there. Was he already looking for a favorable place to continue the monastic life, in case Chancellor Bismark’s Kulturkampf policy led to the suppression of religious orders in Germany 6 ? It is not impossible, although the threat was still distant. After a first failed attempt, 17  he accepted the offer from the Desclée family 8 . Thus, while awaiting the construction of the cloistered buildings, [Joseph] began his monastic life on October 15, 1872, in Maredsous, in the castle of the Desclée family, a well-known Christian publisher from Tournai. Joseph arrived there on November 9, 1872, and thus became the first monk of this new Belgian abbey:

La décision était donc prise, Joseph van Caloen deviendrait moine en Belgique. Où? À Maredsous, au bord de la Molignée. Depuis quelque temps déjà, l’archiabbé de Beuron, dom Maur Wolter, songeait à s’installer en Belgique si une occasion providentielle l’y poussait. Cherchait-il déjà un endroit favorable où poursuivre la vie monastique, au cas où la politique du Kulturkampf du chancelier Bismark entraînerait la suppression des ordres religieux en Allema-gnei6? Ce n’est pas impossible, quoique la menace fût encore vague. Après une première tentative manquée17, il accepta l’offre de la famille Desclée8. C’est ainsi qu’en attendant la construction des bâtiments claustraux, il commença sa vie monastique, le 15 octobre 1872, à Maredsous, dans le château de la famille Desclée, éditeur chrétien bien connu de Tournai. Joseph y arriva le 9 novembre 1872, et devint ainsi le premier moine de cette nouvelle abbaye belge:

“What a godsend to be able, like these monks of the Middle Ages, to participate in the establishment of a new monastery.”

«Quelle aubaine de pouvoir, comme ces moines du Moyen Âge, participer à l’implantation d’un nouveau monastère.»

It was therefore an enthusiastic young monk - Joseph van Caloen was only nineteen years old - who began his monastic life under the patronage of Saint Gérard de Brogne’ 9 , a reforming monk from the Maredsous region. The novitiate period, however, took place in an unusual way: it began in Beuron and continued on the Côte d’Azur, where Brother Gérard ended up with three of his confreres who, like him, were suffering from tuberculosis. However, care was taken to have them accompanied by their master of novices to ensure the canonical validity of the novitiate. Brother Gérard made profession in Beuron on May 25, 1874, then returned to Maredsous to begin theological studies and fulfill the tasks of cellarer and master of works. His studies suffered. It must also be noted that, from the start, both his monastic training and his theological training were incomplete; he, himself ,would admit this:

Ce fut donc un jeune moine enthousiaste — Joseph van Caloen n’avait que dix-neuf ans — qui commença sa vie monastique sous le patronage de saint Gérard de Brogne’9, un moine réformateur de la région de Maredsous. La période de noviciat se déroula toutefois de façon inhabituelle: elle commença à Beuron et se poursuivit à la Côte d’Azur, où le frère Gérard aboutit avec trois de ses confrères qui étaient comme lui atteints de tuberculose. On eut cependant soin de les faire accompagner par leur maître des novices pour assurer la validité canonique du noviciat. Le frère Gérard fit profession à Beu-ron le 25 mai 1874, puis retourna à Maredsous pour commencer des études de théologie et y remplir les tâches de cellérier et de maître des travaux. Ses études en souffrirent. Il faut d’ailleurs bien constater que, dès le départ, tant sa formation monastique que sa formation théologique furent incomplètes; il l’avouera lui-même:

“It was obviously unfortunate to be reduced to being an autodidact. I never had contact with distinguished professors, nor the emulation of hard-working and intelligent fellow students.”

«Il est évidemment fâcheux d’en être réduit à être un autodidacte. Je n’eus jamais le contact de professeurs distingués, ni l’émulation de condisciples travailleurs et intelligents.»

But how could it have been otherwise in a new abbey?

Mais comment en aurait-il été autrement dans une nouvelle abbaye?

1.3. Responsibilities in Maredsous -1876-1886

1.3. Les obédiences à Maredsous -1876-1886

Barely ordained a priest, on December 23, 1876, Dom Gérard van Caloen became a little later — [only as long as it took] to let him chant his first mass” — prior and novice master of the abbey of Mared-sous. He was just twenty-three years old. Why had Dom Maur Wolter appointed him prior while so young? Should he have appointed a Belgian at the head of an essentially German community? It is reasonable. Shouldn’t we also attract Belgian vocations?

À peine ordonné prêtre, le 23 décembre 1876, dom Gérard van Ca-loen devint un peu plus tard — «le temps de lui laisser chanter sa première messe» —prieur et maître des novices de l’abbaye de Mared-sous. Il avait tout juste vingt-trois ans. Pourquoi dom Maur Wolter l’avait-il nommé prieur si jeune? Devait-il nommer un Belge à la tête d’une communauté essentiellement allemande? C’est plausible. Ne fallait-il pas aussi attirer les vocations belges?

“The weight of these charges, however, was overwhelming,” writes Dom Gérard in his Memoirs. The youngest of all, I had under me venerable monk-priests, one of whom had been my master of novices at Cannes, the other my professor of theology, and all of whom were superior to me in virtue, experience and in knowiedge.”

«Le poids de ces charges, cependant, était écrasant, écrit dom Gérard dans ses Mémoires. Le plus jeune de tous, j’avais sous moi des moines-prêtres vénérables dont l’un avait été mon maître des novices à Cannes, l’autre mon professeur de théologie, et qui tous m’étaient supérieurs en vertu, en expérience et en science.»

In fact, his first efforts at leadership were not a success. His inexperience and haughty character caused discontent and tensions that he was unable to overcome. It was too much for his failing health: after two years, he considered resigning.

De fait, ses premiers essais de supériorat ne furent pas une réussite. Son inexpérience et son caractère hautain provoquèrent des mécontentements et des tensions qu’il ne parvint pas à dominer. C’en était trop pour sa santé défaillante: après deux ans, il songea à démissionner.

He then conceived the notion of obtaining the title of abbey for his monastery. He was convinced that this would give great impetus to this foundation (1878), and he even proposed Dom Placid Wolter as abbot. Was this choice wise? Dom Placid was not cut from the same cloth as his brother, Dom Maur Wolter, who knew [Fr. Gerard’s] weaknesses all too well. Dom Placid was a good man but weak and impressionable, a slow and scrupulous spirit, very fond of monastic observance and easily reassuring the monks. Did Gérard van Caloen already hope to obtain from him everything he wanted in the future?

Il eut alors l’idée d’obtenir pour son monastère le titre d’abbaye. Il était convaincu que cela donnerait une grande impulsion à cette fondation (1878), et il proposa même comme abbé, dom Placide Wolter. Ce choix était-il judicieux? Dom Placide n’avait pas l’étoffe de son frère, dom Maur Wolter, qui connaissait trop bien ses faiblesses. Dom Placide était un homme bon mais faible et impressionnable, un esprit lent et scrupuleux, aimant beaucoup l’observance monastique et rassurant facilement les moines. Gérard van Caloen espérait-il déjà obtenir de lui, dans l’avenir, tout ce qu’il voulait?

“Dom Placid constantly oscillated between the somewhat narrow principles of Solesmes and Beuron and the broader ideas that I put forward on monastic action in our time, where I saw the need to unite action with contemplation and studies. .”

«Dom Placide oscillait constamment entre les principes un peu étroits de Solesmes et de Beuron et les idées plus larges que j’émettais sur l’action monastique à notre époque où je voyais la nécessité d’unir l’action à la contemplation et aux études.»

It is true that Dom Placid felt great admiration for Dom Gérard. He did not hide the fact that “having always been more or less left to his own devices, he had acquired a certain personality which can have disadvantages, it is true, but also advantages in an individual’s career.” Dom Gérard therefore hoped, with this man who was so conciliatory and so admiring, to succeed in realizing certain projects that he had been mulling over for some time. Indeed, the silence and contemplation of monastic life did not dampen his dreams or his ideas, quite the contrary. Taking up theological and monastic studies on his own, which had been carried out in haste, Dom Gérard formed a certain conception of Benedictine life which did not exactly correspond to the directives or the vision of the Wolter brothers. His Memoirs offer the following reflections:

Il est vrai que dom Placide éprouvait une grande admiration pour dom Gérard. Celui-ci ne cachait pas «qu’ayant toujours été à peu près livré à lui-même, il avait acquis une certaine personnalité qui peut avoir des inconvénients, il est vrai, mais aussi des avantages dans la carrière d’un individu». Dom Gérard espérait donc, avec cet homme si conciliant et si admiratif, parvenir à réaliser certains projets qu’il ruminait depuis quelque temps. En effet, le silence et le recueillement de la vie monastique ne mirent aucune sourdine à ses rêves ni à ses idées, bien au contraire. Reprenant pour son compte des études théologiques et monastiques, qui avaient été faites dans la précipitation, dom Gérard se forgea une certaine conception de la vie bénédictine qui ne correspondait pas exactement aux directives ni à la vision des frères Wolter. Ses Mémoires offrent les réflexions suivantes:

“Dom Maur Wolter, student of Dom Guéranger, made Benedictine life consist of the praise of God, the interior life and ecclesiastical studies. However, he broadened this field of activity and he fully permitted priestly ministry to pilgrims to Our Lady of the Seven Sorrows of the monastery of Beuron and for the surrounding parishes as well andfor retreats preached outside by his monks. By studying monastic history, I noted on the one hand that the education of youth was one of the great services rendered by the sons of Saint Benedict to the society of the Middle Ages, and on the other hand that the centuries of apostolic monastics were the most brilliant in holiness and influence in the Church for the order of Saint Benedict.

«Dom Maur Wolter, élève de dom Guéranger, faisait consister la vie bénédictine dans la louange de Dieu, la vie intérieure et les études ecclésiastiques. Il élargit toutefois ce champ d’activité et il admit parfaitement le ministère sacerdotal pour le pèlerinage de Notre-Dame des Sept Douleurs du monastère de Beuron et pour les paroisses environnantes ainsi que pour des retraites prêchées au-dehors par ses moines. En étudiant l’histoire monastique, je constatai d’une part que l’éducation de la jeunesse fut un des grands services rendus par les fils de saint Benoît à la société du Moyen Âge, et d’autre part que les siècles d’apostolat monastique furent les plus brillants en sainteté et en influence dans l’Église pour l’ordre de saint Benoît.»

Youth and apostolate, in whatever form they took, became his dreams and his favorite themes. Would they come true? In the meantime, Dom Gérard van Caloen, influenced, of course, by the nascent liturgical movement led by Dom Guéranger and taken up by the Wolter brothers, was also interested in the liturgy, not as a theoretician but as a pastor and an apostle, wishing to involve the Christian people in the liturgy by making it accessible to as many people as possible. To do this, they had to be given the opportunity to follow the mass in their own language.

Jeunesse et apostolat, sous quelque forme que ce fût, devinrent ses rêves et ses thèmes favoris. Deviendraient-ils réalité? En attendant, dom Gérard van Caloen, influencé, bien sûr, par le mouvement liturgique naissant, animé par dom Guéranger et repris par les frères Wolter, s’intéressa aussi à la liturgie, non pas en théoricien mais en pasteur et en apôtre, désirant faire participer le peuple chrétien à la liturgie en la mettant à la portée du plus grand nombre. Pour cela, il fallait lui donner la possibilité de suivre la messe dans sa langue.

Thus was born the “Missel des Fidèles” (1879-1880). Dom Gérard was convinced that the liturgy and the Eucharist were essential for the deepening of the faith of Christians and that as the Church desired, these texts should no longer remain hidden,.

Ainsi naquit le «Missel des Fidèles» (1879-1880). Dom Gérard était convaincu que la liturgie et l’eucharistie étaient incontournables pour l’approfondissement de la foi des chrétiens et que ces textes ne pouvaient rester plus longtemps cachés, comme le voulait l’Église.

“The prayers of the Church, “ he wrote in the preface to the Missal published in 1882, “ are made for us: they sanctified our ancestors, heroes of the faith. They have made the hearts of many generations of Christians beat. Should we renounce this precious heritage to settle for human productions, these ridiculous manuals of private devotion incontestably inferior to the sacred text?

«Les prières de l’Église, écrivit-il dans la préface du Missel paru en 1882, sont faites pour nous: elles ont sanctifié nos ancêtres, héros de la foi. Elles ont fait battre le coeur de nombreuses générations de chrétiens. Irions-nous renoncer à ce précieux patrimoine pour nous contenter de productions humaines, ces ridicules manuels de dévotion privée incontestablement inférieurs au texte sacré?»

Dom Gérard had a penetrating sense of the shortcomings of Catholicism at the time. He was not content with presenting to the public a translation of Sunday masses and feast days; he also includes the liturgy of each day, accompanying the texts with a commentary, largely inspired by the “Liturgical Year” of Dom Guéranger. The first edition appeared by Desclée-Tournai in 1882. The success was undeniable. It was a “mass book”, and no longer a “prayer book”, that was thus presented to the Christian people. This work was remarkable for the very fact that with the exception of the canon, it presented a complete translation of all the parts of the Roman missal, which [at that time]was unusual.

Dom Gérard avait un sens pénétrant des lacunes du catholicisme d’alors. Il ne se contenta pas de présenter au public une traduction des messes du dimanche et des jours de fête; il y inclut également la liturgie de chaque jour, en accompagnant les textes d’un commentaire, en grande partie inspiré par l’«Année liturgique» de dom Guéranger. La première édition parut chez Desclée-Tournai, en 1882. Le succès fut incontestable. C’était un «livre de messes», et non plus un «livre de prières», qui était présenté là aux chrétiens. Cet ouvrage fut un événement par le fait même qu’il présentait une traduction intégrale de toutes les pièces du missel romain, canon excepté, ce qui était insolite.

During the brief period that he was interested in the liturgy, Dom van Caloen carried out pioneering work in this field, not only by translating the Roman missal but also by taking certain initiatives, always with the aim of involving the faithful. at the liturgy. This is how he introduced the “dialogue mass” in the abbey school which he had just founded. The Abbot of Beuron immediately put an end to this premature initiative.

Durant le court laps de temps où il s’intéressa à la liturgie, dom van Caloen réalisa dans ce domaine un travail de pionnier, non seulement en traduisant le missel romain mais aussi en prenant certaines initiatives, toujours dans le but de faire participer les fidèles à la liturgie. C’est ainsi qu’il introduisit à l’école abbatiale, qu’il venait de fonder, la messe dialoguée. L’abbé de Beuron mit immédiatement fin à cette initiative prématurée.

The discussion that followed the delivery of his paper, “Memoir on communion during the mass”, presented at the Eucharistic Congress of Liège in 1883, also fell flat. The doctrinal aspect of the problem was not called into question - it was obvious that communion must take place during the mass and not before or after - but practically, in the eyes of the Ordinaries, it presented only disadvantages.

La discussion qui suivit la lecture de son rapport, «Mémoire sur la communion pendant la messe»,présenté au Congrès eucharistique de Liège en 1883, tourna court également. L’aspect doctrinal du problème n’était pas mis en cause — il est évident que la communion doit avoir lieu au cours de la messe et non pas avant ou après —, mais pratiquement, aux yeux des Ordinaires, il ne présentait que des inconvénients.

Monsignor Faict, Bishop of Bruges, exemplifies well the thinking of the Church when he wrote to him on October 10, 1883: “Theoretically, there is no objection to communion during mass, but in practice, this habit would lead to serious inconveniences in the parishes.”

Monseigneur Faict, évêque de Bruges, reflétait bien la pensée de l’Église quand il lui écrivit, le 10 octobre 1883: «Théoriquement, il n’y a aucune objection à une communion pendant la messe, mais en pratique, cette habitude entraînerait de graves inconvénients dans les paroisses.»

What inconveniences? It would seem that distributing communion at regular intervals between two masses was a way of keeping the faithful in church until the end of mass!

Quels inconvénients? Il semblerait que la distribution de la communion à intervalles réguliers entre deux messes était une manière de retenir les fidèles à l’église jusqu’après la messe!

But Dom Gérard van Caloen was already preoccupied with something else entirely. In 1881, in fact, he had created the abbey school of Maredsous. His first dream! Unlike Solesmes, Beuron was not hostile to the creation of an abbey school, but was opposed to the way Dom Gérard went about it. The project for an abbey school in Maredsous had existed for a long time, [even] since the foundation of the abbey; but due to lack of staff and premises it had remained forgotten.

Mais dom Gérard van Caloen était déjà préoccupé par tout autre chose. En 1881, en effet, il avait créé l’école abbatiale de Maredsous. Son premier rêve! A la différence de Solesmes, Beuron n’était pas hostile à la création d’une école abbatiale, mais s’opposa à la manière dont s’y prit dom Gérard. Le projet d’une école abbatiale à Mared-sous existait depuis lontemps, dès la fondation de l’abbaye, mais par manque de personnel et de locaux, il était resté aux oubliettes.

In 1881 Dom van Caloen believed that the abbey could no longer remain at the stage of wishful thinking, and was convinced that the time had come to achieve what everyone wanted. Would such a school, he explained, not be the best way to combat the liberal and anticlerical opinion of the country, to train young Christians for tomorrow’s society? It would at the same time be a source of income for the abbey.

Dom van Caloen estimait, en 1881, que l’abbaye ne pouvait plus en rester au stade des voeux pieux, et trouvait le moment venu de réaliser ce que tout le monde souhaitait. Une telle école, expliquait-il, ne serait-elle pas le meilleur moyen de combattre l’opinion libérale et anticléricale du pays, de former de jeunes chrétiens pour la société de demain? Elle serait en même temps une source de revenus pour l’abbaye.

Dom Gérard insisted and forced the decision on Dom Placid Wolter, abbot of Maredsous, even though the community regarded this foundation as premature. Dom Maur Wolter, archabbot of Beuron, disapproved of the initiative. But it was too late, Dom Gérard had not waited. He had initiated a loan with the issuing of bonds in order to finance the necessary constructions. To enlighten him, since he had never attended a school, he went to England to visit certain famous schools and came back with various new ideas in the field of education: they concerned honor, confidence, personal initiative, hygiene and sport. He himself said that he came back with a football and taught the sport to his students and perhaps to Belgium 2

Dom Gérard insista et força la décision auprès de dom Placide Wolter, abbé de Maredsous, alors que la communauté trouvait cette création prématurée. Dom Maur Wolter, archiabbé de Beuron, désapprouva l’initiative. Mais il était trop tard, dom Gérard n’avait pas attendu. Il avait lancé un emprunt avec émission d’obligations en vue de financer les constructions nécessaires. Pour éclairer sa lanterne, puisqu’il n’avait jamais fréquenté d’établissement scolaire, il se rendit en Angleterre pour visiter certaines écoles célèbres et en revint avec quelques idées nouvelles dans le domaine de l’éducation: elles concernaient l’honneur, la confiance, l’initiative personnelle, l’hygiène et le sport. Lui-même raconta qu’il était revenu avec un ballon de football et avait appris ce sport à ses élèves et peut-être à la Belgique2O.

Dom van Caloen was thinking big. He imposed his views on buildings, the number of students, discipline, education or instruction. There were many good things in his educational ideas: the school educates as much as it instructs. A family spirit, mutual trust, solid piety, a sense of honor, were the basis of the education he wanted to give to his students.

Dom van Caloen voyait grand. Il imposa ses vues quant aux constructions, au nombre d’élèves, à la discipline, à l’éducation ou à l’instruction. Il y avait beaucoup de bonnes choses dans ses idées pédagogiques: l’école éduque autant qu’elle instruit. Un esprit de famille, une confiance réciproque, une piété solide, le sens de l’honneur, étaient à la base de l’éducation qu’il tenait à donner à ses élèves.

Some of his pedagogical ideas, however, were strange to say the least. He wanted as many study rooms as classes, as many toilets as there were students, four refectories to counteract the noise and rowdiness of large refectories, he required the use of cold water at all times of the day, and many other things.  His abbot tried in vain to slow him down, the teaching staff tried to follow him.

Certaines de ses conceptions pédagogiques étaient cependant pour le moins étranges. Il voulait autant de salles d’études que de classes, autant de toilettes que d’élèves, quatre réfectoires — pour ré-médier au bruit et aux chahuts des grands réfectoires —, il imposait l’emploi d’eau froide à tout moment de la journée, et bien d’autres choses encore... Son abbé essayait en vain de le freiner, le corps professoral s’efforçait de le suivre.

The parents, on the other hand, seemed satisfied; as proof, this letter from Dom Hildebrand de Hemptinne, written on January 2, 1884: “New Year’s Day put me in touch with a number of parents and friends of our students and I was very happy to learn how much the abbey school is appreciated... Our school stands out from others by its method of education and it seems to me that in this respect we are on very good track.”

Les parents, par contre, semblaient satisfaits; pour preuve, cette lettre de dom Hildebrand de Hemptin-ne, écrite le 2 janvier 1884: «Le jour de l’an m’a mis en rapport avec nombre de parents et amis de nos élèves et j’ai été très heureux d’apprendre combien l’école abbatiale est appréciée... Notre école se distingue des autres par son mode d’éducation et il me semble que sous ce rapport nous sommes en très bonne voie.»

But his energy was not limited to that. He then thought - it was in 1885 - of attaching next to the abbey school an apostolic school with a view to training Benedictine missionaries for the Congo. He even approached Baron Lambermont, Minister of State, faithful collaborator of King Leopold II for all major international companies, in order to explain to him “the method of evangelization of the Benedictines” and his idea on the question of the evangelization of the Congo. . He went so far as to contact the archbishop of Mechelen.

Mais son énergie ne se limitait pas à cela. Il songea alors — c’était en 1885 — à annexer, à côté de l’école abbatiale, une école apostolique en vue de former des missionnaires bénédictins pour le Congo. Il approcha même le baron Lambermont, ministre d’État, fidèle collaborateur du roi Léopold II pour toutes les grandes entreprises internationales, afin de lui exposer «le mode d’évangélisation des bénédictins» et son idée sur la question de l’évangélisation du Congo. Il alla jusqu’à prendre contact avec l’archevêque de Malines.

The project and the idea, however, remained a dead letter. As for establishing this school in Spontin, on the property of his recently deceased uncle, there was no question of allowing it. Already by then his zeal for school had cooled. It must be admitted that his authoritarian initiatives were difficult for his colleagues to accept.

Le projet et l’idée, toutefois, restèrent lettre morte. Quant à établir cette école à Spontin, dans la propriété de son oncle récemment décédé, il n’en fut pas question. À ce moment-là déjà, son zèle pour l’école s’était refroidi. Il faut bien avouer que ses initiatives autoritaires étaient difficilement acceptées par ses confrères.

Moreover, a year earlier, Dom Gérard had launched, with the authorization of his abbot, into the writing of a liturgical review, Le Messager des Fidèles, the first number of which appeared in 1884. By this means he wanted propagate the spirit of Saint Benedict and make known to the public the rites, traditions and teaching of the Church. His purpose was to teach and edify. One of the characteristics of his review resided in the copious chronicles with which he filled the monthly pamphlets, under the title of “Benedictine News” and especially “Benedictine Chronicles”.

Du reste, un an plus tôt, dom Gérard s’était lancé, avec l’autorisation de son abbé, dans la rédaction d’une revue liturgique, Le Messager des Fidèles, dont le premier numéro parut en 1884. Il voulait par ce biais propager l’esprit de saint Benoît et faire connnaître au public les rites, les traditions et la doctrine de l’Église. Son but était d’enseigner et d’édifier. Une des caractéristiques de sa revue résidait dans les copieuses chroniques dont il gonflait les fascicules mensuels, sous le titre de «Nouvelles bénédictines» et surtout de «Chroniques bénédictines».

Missionary problems already particularly interested him and he never failed to highlight Benedictine foundations overseas. Very quickly, however, he had disagreements with his abbot and some of his colleagues over the aims of the review, its financing, publicity, and independence. Furthermore, the fact that his initiatives, to remain feasible, were trimmed by his collaborators meant that Dom Gérard, tired, upset and ill, soon asked to be relieved of the rectorate[of the school] and the magazine.

Les problèmes missionnaires l’intéressaient déjà tout particulièrement et il ne manquait jamais de relever les fondations bénédictines outre-mer. Très vite, cependant, il eut maille à partir avec son abbé et quelques-uns de ses confrères à propos des buts de la revue, de son financement, de la propagande, de son indépendance. De plus, le fait que ses initiatives, pour rester réalisables, fussent élaguées par ses collaborateurs fit que dom Gérard, fatigué, vexé et malade, demanda bientôt à être déchargé du rectorat et de la revue.

What to do with him? The Archabbot of Beuron then sent him in 1886 to Rome, to protect the interests of the Beuronese congregation and lead on behalf of that congregation the negotiations concerning the foundation of the “Collegio Sant Anselmo,” with which Pope Leo XIII had charged the Benedictine Cardinal Dusmet 21 . It is from the same year, 1886, that this burning page dates, written at the end of the annual retreat:

Que faire de lui? L’archiabbé de Beuron l’envoya alors en 1886 à Rome, pour défendre les intérêts de la congrégation de Beuron et mener au nom de cette même congrégation les pourparlers concernant la fondation du «Collegio Sant Anselmo», dont le pape Léon XIII avait chargé le cardinal bénédictin Dusmet21. C’est de la même année, 1886, que date cette page brûlante, écrite à l’issue de la retraite annuelle:

“I reflect on this great ardor that I feel for work and grand enterprises. This has been going on for years! It seems to me that I always have great works to accomplish for the glory of God. If it is an illusion of the devil, it will disappear through blind obedience. If God one day wants to use this great ardor that he has put in my heart, He will make it known to me through the mouths of my superiors. These are ideas that pursue me: I would like to bring thousands of idolaters back to the Holy Faith to extend the reign of God. I would be happy to go and found a monastery among the barbarian nations to honor God...”

«Je réfléchis à cette grande ardeur que j’éprouve pour le travail et les grandes entreprises. Cela dure depuis des années! Il me semble que j’ai toujours de grandes oeuvres à accomplir pour la gloire de Dieu. Si c’est une illusion du démon, elle disparaîtra par l’obéissance aveugle. Si Dieu veut un jour se servir de cette grande ardeur qu’il m’a mise dans le coeur, Il me le fera connaître par la bouche de mes supérieurs. Voilà des idées qui me poursuivent: je voudrais ramener des milliers d’idolâtres à la sainte Foi pour étendre le règne de Dieu. Je serais heureux d’aller fonder un monastère chez les nations barbares pour y faire honorer Dieu...»

The whole secret of Dom Gérard van Caloen’s overflowing activity is found in this page: all the initiatives he subsequently undertakes, often very impulsively, will be like an echo of this program statement.

Tout le secret de l’activité débordante de dom Gérard van Caloen se trouve dans cette page; toutes les initiatives qu’il prendra par la suite, souvent très librement, seront comme un écho de cette page-programme.

1.4. Sojourn in Rome -1886-1888

1.4. Séjour à Rome -1886-1888

The task that awaited him in Rome was delicate. Beuron was expanding and faced many problems. Discretion, diplomacy and much persuasion were necessary to bring the Roman Curia to a new vision of things. The creation of the abbey of Saint-Anselmo required other qualities. Indeed, it was necessary to bring together divergent points of view. The abbots of Beuron, Solesmes and Monte Cassino did not agree on the formula proposed by Pope Leo XIII. None of them wanted to get involved if their monastic vision was not accepted. This was not an easy task for Dom Gérard van Caloen, because the disagreements ran deep: he partly succeeded.

La tâche qui l’attendait à Rome était délicate. Beuron était en pleine expansion et se trouvait confronté à de nombreux problèmes. De la discrétion, de la diplomatie et beaucoup de persuasion étaient nécessaires pour amener la Curie romaine à une nouvelle vision des choses. La création de l’abbaye de Saint-Anselme demandait d’autres qualités. Il fallait en effet rapprocher des points de vue divergents. Les abbés de Beuron, de Solesmes et du mont Cassin ne s’entendaient pas sur la formule proposée par le pape Léon XIII. Aucun d’eux ne voulait s’engager si on n’acceptait pas sa vision monastique. Ce ne fut pas une tâche facile pour dom Gérard van Ca-loen, car les désaccords étaient profonds: il y réussit en partie.

While the affairs of Beuron kept him busy, Dom Gérard, always looking for other projects, turned towards the East and dreamed, once again, of a Benedictine congregation of the Eastern rite, responsible for working to the union of the Churches. Was this not the desire and wish of Pope Leo XIII? The young monk’s enthusiasm was great. Since his trip to the Holy Land, Dom Gérard had always been interested in Eastern questions. He therefore developed a project, in collusion with the Turkish consul in Rome, establishing an eastern branch of the Benedictine order which would take care of the training of the clergy of the Orthodox rite and young intellectuals.

Alors que les affaires de Beuron l’occupaient, dom Gérard, toujours en quête d’autres projets, s’était tourné vers l’Orient et rêvait, une fois de plus, d’une congrégation bénédictine de rite oriental, chargée de travailler à l’union des Églises. N’étaient-ce pas le désir et le souhait du pape Léon XIII? L’enthousiasme du jeune moine était grand. Depuis son voyage en Terre sainte, dom Gérard s’était toujours intéressé aux questions d’Orient. Il élabora donc un projet, de connivence avec le consul de Turquie à Rome, instituant une branche orientale de l’ordre bénédictin qui s’occuperait de la formation du clergé de rite orthodoxe et de la jeunesse intellectuelle.

Informed of this project by his private secretary, Monsignor Boccali, the pope encouraged the initiative and promised to support the first steps. A report, written by Dom Gérard at the request of the Pope, spoke of a new congregation, grafted onto that of Beuron to receive men and resources. The pope even proposed an ancient monastery, located in Perugia, to begin this new enterprise 22 . All that remained was for Dom van Caloen was to take the final step: to inform his superiors.

Mis au courant de ce projet par son secrétaire privé, Monseigneur Boccali, le pape encouragea l’initiative et promit de soutenir les premières démarches. Un rapport, rédigé par dom Gérard à la demande du pape, parlait d’une congrégation nouvelle, greffée sur celle de Beuron pour en recevoir des hommes et des ressources. Le pape proposa même un ancien monastère, situé à Pérouse, pour commencer cette nouvelle entreprise22. Il ne restait plus à dom van Ca-loen qu’à faire le dernier pas: avertir ses supérieurs.

When Maredsous and Beuron learned of this, their astonishment and anger were great. What else had this Dom Gérard invented? Dom Maur Wolter especially was stunned. Had he not always had great confidence in Dom Gérard? How was it then that, without authorization from his superiors, he allowed himself to thus commit his abbey and his congregation?

Quand Mared-sous et Beuron apprirent la chose, l’étonnement et la colère furent grands. Qu’avait donc encore inventé ce dom Gérard? Dom Maur Wolter surtout, était abasourdi. N’avait-il pas toujours eu une grande confiance en dom Gérard? Comment se faisait-il alors que, sans autorisation de ses supérieurs, il se permettait d’engager son abbaye et sa congrégation?

His great friend and confidant, Dom Hildebrand de Hemptinne, was afraid of this personal initiative and, in a letter to the Abbot of Maredsous, wrote: “But what to do? A message from Dom Gérard, which arrived yesterday and which we are communicating to you, will make you understand that the matter is very close to being over, and then, as is right, you will have to bow, to the will of the Holy See . In itself, it is an honor that the Holy See offers our congregation; but perhaps we will then have to once again say: “honoris sunt onera’:” [how onerous are honors] ( March 31, 1887)

Son grand ami et confident, dom Hildebrand de Hemptinne, eut peur de cette initiative personnelle et, dans une lettre à l’abbé de Maredsous, écrivit: «Mais que faire? Un message de dom Gérard, arrivé hier et que l’on vous communique, vous fera comprendre que l’affaire est bien près d’être terminée, et alors, comme de juste, il faudra s’incliner devant la volonté du Saint-Siège. En soi, c’est un honneur que le Saint-Siège fait à notre congrégation mais peut-être aurons-nous alors une fois de plus à dire: “honoris sunt onera’:»(31 mars 1887)

Dom Robert de Kerchove, prior of Maredsous, in the name of Dom Placid Wolter, wrote to Dom Gérard van Caloen, on March 24, 1887: “Your superiors had given you all their confidence, you handle the most intimate affairs of the congregation in Rome , the archabbot had just named you his representative for the important affair of the Saint-Anselmo College, and now for three whole months you are meditating on a new work which could involve the honor of the congregation; you meditate on it, you push it forward, without saying a single word about it to your superiors; and then one fine day you announce to them that the matter is almost settled.”

Dom Robert de Kerchove, prieur de Maredsous, au nom de dom Placide Wolter, écrivit à dom Gérard van Caloen, le 24 mars 1887: «Vos supérieurs vous avaient donné toute leur confiance, vous traitez à Rome les affaires les plus intimes de la congrégation, le père archiabbé venait de vous nommer son représentant pour l’importante affaire du collège Saint-Anselme, et voilà que pendant trois mois entiers vous méditez une oeuvre nouvelle qui peut engager l’honneur de la congrégation; vous la méditez, vous la poussez en avant, sans en dire une seule parole à vos supérieurs et puis un beau jour vous leur annoncez que l’affaire est quasi arrangée.»

Dom Placid Wolter, a little later, made this judicious remark: “I still read at the end of your letter, ‘everything is in the hands of God’. Magnificent words, no doubt, but for a monk, in certain cases it is better to say ‘in the hands of the superior’. Take care, dear Dom Gérard, never to go beyond this, nor try to arrange anything with God without your abbot.” (March 31, 1887)

Dom Placide Wolter, un peu plus tard, fit cette remarque judicieuse: «Je lis encore à la fin de votre lettre, tout est entre les mains de Dieu. Magnifiques paroles, il n’y a pas de doute, mais pour un moine, il vaut mieux dans certains cas dire entre les mains du supérieur. Prenez garde, cher dom Gérard, de ne jamais passer outre et de vouloir arranger n’importe quoi avec Dieu sans votre abbé.» (31 mars 1887)

The abbots put forward their arguments [against it] and the pope gave up the project, all the more easily because in his eyes, it was first necessary for Saint-Anselmo to get off to a good start.

Les abbés firent valoir leurs arguments et le pape renonça au projet, d’autant plus facilement qu’à ses yeux, il fallait d’abord que Saint-Anselme démarrât bien.

Dom Gérard humbly asked his superiors for forgiveness and submitted:

Dom Gérard demanda humblement pardon à ses supérieurs et se soumit:

“Having understood in this retreat that, to respond to my vocation, it is essential to uproot self-will, I take the following resolution to achieve this goal: I will direct all my energy towards this goal to be achieved, namely the complete union of my will with that of my superiors which is that of God and I will fight any personal initiative.” (October 30, 1887)

«Ayant compris dans cette retraite que, pour répondre à ma vocation, il est indispensable de déraciner la volonté propre, je prends la résolution suivante pour atteindre ce but: je dirigerai toute mon énergie sur ce but à atteindre, à savoir la complète union de ma volonté avec celle de mes supérieurs qui est celle de Dieu et je combattrai toute initiative personnelle.» (3o octobre 1887)

A great example of humility and sincerity! But was it surprising, then, that he was feared? Dom Gérard van Caloen was in fact a monk with a fertile imagination, constantly ruminating on new ideas and initiatives, inspired, he said, by divine Providence, confronting his superiors with a fait accompli. A senior from Beuron one day made this remark: “Every letter from Dom Gérard is a bomb.”

Bel exemple d’humilité et de sincérité! Mais était-il étonnant, alors, qu’on le craignît? Dom Gérard van Caloen était en effet un moine à l’imagination fertile, ruminant sans cesse des idées et des initiatives nouvelles, inspirées, disait-il, par la divine Providence, mettant ses supérieurs devant le fait accompli. Un sénieur de Beuron fit un jour cette remarque:«Chaque lettre de dom Gérard est une bombe.»

However, neither the archabbot of Beuron nor the abbot of Maredsous could help entrusting him with the most diverse functions, so great were his charm and his strength of persuasion, so great were the bonds of friendship and mutual esteem that had strengthened over the years. Was not Dom Gérard the worker from the very beginning?” For me, Maredsous, wrote Dom Placid Wolter, was, so to speak, Dom Gérard; you are the elder [founder], Maredsous was made to a certain extent by you: I always counted on you.”

Pourtant, ni l’archiabbé de Beuron, ni l’abbé de Maredsous ne pouvaient s’empêcher de lui confier les fonctions les plus diverses, tant étaient grands son charme et sa force de persuasion, tant les liens d’amitié et d’estime mutuelle s’étaient renforcés au cours des années. Dom Gérard n’était-il pas l’ouvrier de la première heure?”Pour moi, Maredsous, écrivait dom Placide Wolter, c’était pour ainsi dire dom Gérard; vous êtes l’ancien, Maredsous a été fait dans une certaine mesure par vous: je comptais toujours sur vous.»

It was true! Together, they had created Maredsous.

C’était vrai! Ensemble, ils avaient créé Maredsous.

When finally the college of Saint-Anselmp, at the insistence of the Pope and after difficult negotiations, was able to open its doors, on January 4, 1888, Dom Gérard van Caloen became responsible for the clerics and lay brothers, and was professor of liturgy.

Quand enfin le collège de Saint-Anselme, sur l’insistance du pape et après de difficiles négociations, put ouvrir ses portes, le 4 janvier 1888, dom Gérard van Caloen devint responsable des clercs et des frères convers, et professeur de liturgie.

Strongly influenced by the Roman mentality to centralize everything in the Eternal City, Dom Gérard, never short of ideas, then thought, against all monastic traditions, of the centralization of the Benedictine order. He could not help but describe this abbey, already alive in his mind, to his abbot:

Fortement influencé par la mentalité romaine à tout centraliser dans la Ville éternelle, dom Gérard, jamais à court d’idées, songea alors, à l’encontre de toutes les traditions monastiques, à la centralisation de l’ordre bénédictin. Il ne put s’empêcher de décrire cette abbaye, déjà vivante dans son esprit, à son abbé:

“This abbey, once well established, could be declared by the Holy See, an archabbey or capital of the monastic order with an invitation to others to join it... to end up forming only one large congregation or rather the Benedictine order into which the congregations would merge.” (March 6, 1888)

«Cette abbaye, une fois bien assise, pourrait être déclarée par le Saint-Siège, archiabbaye ou chef-lieu de l’ordre monastique avec invitation aux autres de s’y rattacher... pour finir par ne former qu’une seule grande congrégation ou plutôt l’ordre bénédictin dans lequel se fondraient les congrégations.» (6 mars 1888)

It was obvious that he was preaching in a vacuum. So he received from Dom Hildebrand de Hemptinne, in the name of Archabbot Wolter, this rather scathing response: “The family is the monastic unit; it has its source in the essence of life and not in organization.” (March 7, 1888)

Il était évident qu’il prêchait dans le vide. Aussi reçut-il de dom Hildebrand de Hemptinne, au nom de l’archiabbé Wolter, cette réponse assez cinglante: «La famille, voilà l’unité monastique; elle a sa source dans l’essence de la vie et non pas dans l’organisation.» (7 mars 1888)

In his turn, Father Abbot Placid made him understand to be content with his task of “magister clericorum” and procurator of the congregation: “ You have no patience, my dear Dom Gérard, your mind is always working, always working hard. Always new [projects]... I admit that I fear a little for you when I don’t have you beside me, before my eyes.” (March 24, 1888)

À son tour, le père abbé Placide lui fit comprendre de se contenter de sa tâche de «magister clericorum» et de procureur de la congrégation:« Vous n’avez pas de patience, mon cher dom Gérard, votre tête travaille toujours, toujours du nouveau... Je vous avoue que je crains un peu pour vous quand je ne vous ai pas à côté de moi, sous mes yeux.» (24 mars 1888)

Was this objection heard? Not at all! The idea gained ground in Vatican circles, the creation of the primate would follow.

La cause était-elle entendue? Non pas! L’idée fit son chemin dans les cercles du Vatican, la création du primat s’ensuivrait.

1.5. Sojourn in Louvain and Maredsous -1888-1893

1.5. Séjours à Louvain et à Maredsous -1888-1893

After a few months spent in Rome, Dom Gérard van Caloen returned to the abbey of Maredsous. Discouraged and tired out by the lack of discipline reigning in the house, he had asked to be relieved of his functions at Saint-Anselmo, and he took advantage of the visit of Cardinal Schiaffino to Belgium, who had come for the consecration of the abbey church of Maredsous, August 19, 1888 2, , to accompany him and serve as his mentor during his stay in the country.

Après quelques mois passés à Rome, dom Gérard van Caloen revint à l’abbaye de Maredsous. Découragé et fatigué par l’indiscipline régnant dans la maison, il avait demandé à être déchargé de ses fonctions à Saint-Anselme, et il profita de la visite du cardinal Schiaffino en Belgique, venu pour la consécration de l’église abbatiale de Ma-redsous, le 19 août 18882,, pour l’accompagner et lui servir de mentor durant son séjour dans le pays.

Was he then planning to retire to his cell to devote himself to monastic life, as he so often claimed to aspire to? Certainly not! In a voluminous report to the archchabbot of Beuron, he underlined the opportunity to create a house of studies in Louvain for the first students leaving the abbey school of Maredsous. The idea was not new. He had himself initiated it at the start of the founding of Maredsous. The Wolter abbots were also thinking about it. But as always, van Caloen, considering the moment opportune, now presented himself with irresistible arguments, notably highlighting the fact that the first rhetoricians to leave the school had been his very first students, and he prevailed with his abbot.

Comptait-il alors se retirer dans sa cellule pour s’adonner à la vie monastique, comme il prétendait si souvent y aspirer? Que non! Dans un volumineux rapport à l’ar-chiabbé de Beuron, il souligna l’opportunité de créer à Louvain une pédagogie pour les premiers élèves sortant de l’école abbatiale de Maredsous. L’idée n’était pas neuve. Il l’avait lui-même lancée au début de la fondation de Maredsous. Les abbés Wolter y songeaient également. Mais comme toujours, van Caloen, estimant le moment opportun, se présentait maintenant avec des arguments irrésistibles, mettant notamment en avant le fait que les premiers rhétoriciens sortant de l’école avaient été ses tout premiers élèves, et il l’emporta auprès de son abbé.

He found a house on rue Notre-Dame, and the Louvain pedagogy opened its doors in September 1888. But beyond pedagogy, Dom Gérard was already thinking of a school, of an abbey, of the struggle of youth against liberalism and Freemasonry. In his eyes, it was a question of forming a strong youth capable of opposing the enemies of the Church, of creating a vast Catholic lay association under the immediate direction of the Holy See: it was Catholic action before the designation.

Il trouva une maison rue Notre-Dame, et la pédagogie de Louvain ouvrit ses portes en septembre 1888. Mais au-delà de la pédagogie, dom Gérard songeait déjà à une école, à une abbaye, à la lutte de la jeunesse contre le libéralisme et la franc-maçonnerie. Il s’agissait à ses yeux de former une jeunesse forte et capable de s’opposer aux ennemis de l’Église, de créer une vaste association laïque catholique sous la direction immédiate du Saint-Siège: c’était de l’action catholique avant la lettre.

But the young Maredsous alumni from the 1888-1889 academic year, the first occupants of the rented house in Louvain, thought more about their freedom and student life than about the fight against the forces of evil. Furthermore, they found it difficult to tolerate the narrow discipline imposed by Dom Gérard, and little appreciated his clerical projects. The tensions were such that after six months, in March 1889, the house of studies was suppressed. Discouraged and disappointed, he wrote to his abbot:

Mais les jeunes anciens de Maredsous de l’année académique 1888-1889, premiers occupants de la maison louée à Louvain, pensaient plus à leur liberté et à la vie estudiantine qu’à la lutte contre les forces du mal. De plus, ils supportèrent mal la discipline étroite imposée par dom Gérard, et appréciaient peu ses projets cléricaux. Les tensions furent telles qu’après six mois, en mars 1889, la pédagogie fut supprimée. Découragé et déçu, il écrivit à son abbé:

“I have a great desire to return to monastic life purely and simply, after so many years of exterior and varied life. The more closely I see the world, the more I become disgusted with it and the more I see that the life of the cloister alone can satisfy the needs of my soul. The monastic life, deep down, I love it very much and esteem it above all else. If I have often wanted something else, it has only been, I think, out of unbridled zeal and good faith. Now that I have seen by experience that I can do nothing in the world because of my faults, I will devote myself with sincere love to monastic life to mourn my past and seek God alone.” (November 21, 1888)

«J’ai un grand désir de reprendre la vie monastique purement et simplement, après tant d’années de vie extérieure et variée. Plus je vois le monde de près, plus je m’en dégoûte et plus je vois que la vie du cloître seule peut satisfaire aux besoins de mon âme. La vie monastique, au fond, je l’aime beaucoup et l’estime au-dessus de tout. Si j’ai souvent voulu autre chose, ce n’a été, je pense, que par un zèle déréglé et de bonne foi. Maintenant que j’ai vu par expérience que je ne puis rien dans le monde à cause de mes défauts, je m’adonnerai avec un amour sincère à la vie monastique pour pleurer mon passé et chercher Dieu seul.» (21 novembre 1888)

He was deeply sincere, but his enterprising character kept him far from his desires. Because at the same time he was writing this letter from Louvain, his imagination had once again been kindled and an old idea had resurfaced:

Il était profondément sincère, mais son caractère entreprenant le maintenait éloigné de ses désirs. Car au moment où il écrivait cette lettre de Louvain, son im gination s’était une nouvelle fois enflammée et une vieille idée avait refait surface:

“The goal of my desires and aspirations has currently taken the following concrete form: the formation of a Benedictine monastery in a Catholic country which would serve as a nursery for monastic foundations in mission countries.”

«Le but de mes désirs et de mes aspirations a actuellement pris la forme concrète que voici: la formation d’un monastère bénédictin en pays catholique qui servirait de pépinière pour les fondations monastiques en pays de missions.»

His love of history had taught him the unique role that the monks had played in the conversion of Europe: how they had gone about converting the Frankish and Germanic populations and, moreover, how they had been the basis of European civilization. So why would the Benedictine order not take over the missionary work of the Church today?

Son amour pour l’histoire lui avait appris le rôle unique qu’avaient joué les moines dans la conversion de l’Europe: comment ils s’y étaient pris pour convertir les populations franques et germaniques et, de plus, comment ils avaient été à la base de la civilisation européenne. Alors, pourquoi l’ordre bénédictin ne reprendrait-il pas aujourd’hui à son compte l’oeuvre missionnaire de l’Église?

“I have always been struck by the fact that the ancient Benedictine missions, by means of monastic foundations, produced more serious and more desirable effects than the later missions which were carried out by isolated missionaries. They first took possession of the country, fixed themselves on the ground and brought entire peoples back to the Church; the latter [individual missionaries] only converted isolated individuals.”

«J’ai toujours été frappé de ce que les anciennes missions bénédictines, au moyen de fondations monastiques, produisaient des effets plus sérieux et plus désirables que les missions ultérieures qui se faisaient par des missionnaires isolés. Les premiers prenaient possession du pays, se fixaient au sol et ramenaient à l’Église des peuples entiers; les seconds ne convertissaient que des individus isolés.»

In a report intended for the Congregation of Propaganda, he specified what, in his opinion, the modalities of the Benedictine monastic apostolate should be:

Dans un rapport destiné à la congrégation de la Propagande, il précisait quelles devaient être, d’après lui, les modalités de l’apostolat monastique bénédictin:

“These monk-apostles, instead of traveling alone to the countries to be converted, would leave in groups of ten or twelve and establish themselves together in a favorable place among the pagan populations. There they would build a monastery, practice cloistered life, agriculture, arts and crafts, attracting the indigenous people around them, grounding them, converting them to the true faith. Once this center was firmly established, the monks would evangelize the entire surrounding country... This monastic system of apostolate would offer the incalculable advantage of making it possible to work from the outset on the education of people and the training of a clergy native, which is always the essential condition for the success of a mission. Finally, this system allows us to preserve intact, despite the missions, the spirit of Our Holy Patriarch Benedict who wants his sons to live together in monasteries.”

«Ces moines-apôtres, au lieu de parcourir seuls les pays à convertir, partiraient par groupes de dix ou douze et s’établiraient ensemble dans un lieu propice au milieu des populations païennes. Là ils bâtiraient un monastère, pratiqueraient la vie claustrale, l’agriculture, les arts et les métiers, attirant autour d’eux les indigènes, les fixant au sol, les convertissant à la vraie foi. Une fois ce centre solidement établi, les moines évangéliseraient tout le pays des alentours... Ce système monastique d’apostolat offrirait l’avantage incalculable de permettre de travailler dès le principe à l’éducation des peuples et à la formation d’un clergé indigène, ce qui est toujours la condition indispensable du succès d’une mission. Enfin ce système permet de conserver intact, malgré les missions, l’esprit de Notre Saint Patriarche Benoît qui veut que ses fils vivent ensemble dans des monastères.»

It was necessary to transcribe this ardent page in which Dom Gérard van Caloen exposed his ideal of monk-apostle, this ideal which animated his life as a monk and justified in his eyes his initiatives, so often incongruous in the eyes of his superiors. But this text is also a prophetic page, in advance of the great encyclicals of the missionary popes. To achieve this ideal, however, he needed an abbey that would train his recruits in this spirit. Why could we not found this apostolic monastery in Louvain alongside the existing house of studies, instead of a monastery that would serve as a house of study for the monks of Maredsous?

Il fallait transcrire cette page ardente dans laquelle dom Gérard van Caloen exposait son idéal de moine-apôtre, cet idéal qui animait sa vie de moine et justifiait à ses yeux ses initiatives, si souvent incongrues aux yeux de ses supérieurs. Mais ce texte est aussi une page prophétique, en avance sur les grandes encycliques des papes missionnaires. Pour réaliser cet idéal, cependant, il lui fallait une abbaye qui formerait ses recrues dans cet esprit-là. Pourquoi ne pourrait-on pas fonder à Louvain ce monastère apostolique à côté de la pédagogie existante, au lieu d’un monastère qui servirait de maison d’étude pour les moines de Maredsous?

He did not fail to write, in a draft of the project which however did not come out of his files, that the abbey of Maredsous would take the initiative for this foundation and would have purchased Mount Caesar for this purpose. His preferences, however, were for a foundation near Bruges, his native country, where the van Ockerhout family promised to make land available to him.

Il ne manqua pas d’écrire, dans une ébauche de projet qui ne sortit toutefois pas de ses cartons, que l’abbaye de Maredsous prendrait l’initiative de cette fondation et aurait acheté à cet effet le mont César. Ses préférences toutefois allaient à une fondation près de Bruges, son pays natal, où la famille van Ockerhout promettait de mettre un terrain à sa disposition.

The reaction of the Wolter abbots was not long in coming and the archabbot’s secretary, Dom Hildebrand de Hemptinne, wrote to him: “Your goal is to train personnel intended for the missions... Let a Jesuit make a vow to leave for the missions if we send him there, that’s very good... But it’s a completely different thing to say: I want to be a monk but to go on a mission. The essence of monasticism is the complete abandonment of everything and oneself... Whoever puts a condition on it proves in some way his lack of monastic vocation. (January 24, 1889)

La réaction des abbés Wolter ne se fit pas attendre et le secrétaire de l’archiabbé, dom Hildebrand de Hemptinne, lui écrivit: «Votre but est de former un personnel destiné aux missions... Qu’un jésuite fasse voeu de partir pour les missions si on l’y envoie, c’est très bien... Mais c’est chose toute différente que de dire: je veux être moine mais pour aller en mission. L’essence du monachisme est l’abandon complet de tout et de soi... Celui qui y met une condition prouve en quelque manière son manque de vocation monastique.» (24 janvier 1889)

His abbot, Dom Placid Wolter, made this remark: “The abandonment of all apostolic or other pretensions seems essential to me, otherwise how would our missionaries differ from the fathers of the Holy Spirit or others?...” ( February 15 , 1889)

Son abbé, dom Placide Wolter, fit quant à lui cette remarque: «L’abandon de toute prétention apostolique ou autre me semble essentielle, sinon en quoi nos missionnaires différeraient-ils des pères du Saint-Esprit ou autres?... »(15 février 1889)

Beuron did not fundamentally condemn the missions but wanted them to conform to the Benedictine and Beuronian model. Dom Gérard tried to refute the arguments of his superiors. He too considered monastic obedience, a primordial element in the eyes of Beuron and Solesmes, as self-evident in his monastery. The monk should simply know, upon entering, that the possibility exists of being sent on a mission on the orders of his abbot and not on his own authority.

Beuron, au fond, ne condamnait pas les missions mais les voulait selon le modèle bénédictin et beuronien. Dom Gérard tenta de réfuter les arguments de ses supérieurs. Lui aussi considérait l’obéissance monastique, élément primordial aux yeux de Beuron et de Solesmes, comme allant de soi dans son monastère. Le moine devrait simplement savoir, en y entrant, que la possibilité existe d’être envoyé en mission sur ordre de son abbé et non de sa propre autorité.

It was wasted effort. However, according to him, this project accorded with the desires of many young people who sought to unite monastic life and mission; and Louvain, from this point of view, seemed to him the ideal place.

Ce fut peine perdue. Pourtant ce projet rencontrait, d’après lui, le désir de bien des jeunes gens qui cherchaient à réunir vie monastique et mission, et Louvain, de ce point de vue, lui semblait l’endroit idéal.

He found powerful support from outside: King Leopold II, the nuncio in Brussels and others were won over to this idea. For Beuron and Maredsous, however, the problem was not ripe and the time was not well chosen to launch into something new.

Il trouva de puissants appuis à l’extérieur: le roi Léopold II, le nonce à Bruxelles et d’autres furent gagnés à cette idée. Pour Beuron et Maredsous, toutefois, le problème n’était pas mûr et le moment était mal choisi pour se lancer dans la nouveauté.

As a monk, did he, van Caloen, still have to obey? Should he renounce the monastic apostolate because it did not suit the Wolter brothers? Did he always have to come up against incomprehending abbots when he was deeply convinced that the call he felt was truly divine?

En sa qualité de moine, lui, van Caloen, devait-il encore obéir? Devait-il renoncer à l’apostolat monastique parce que cela ne convenait pas aux frères Wolter? Devait-il toujours se heurter à des abbés incompréhensifs alors qu’il était intimement persuadé que l’appel qu’il éprouvait était vraiment divin?

To the archabbot of Beuron, Dom Maur Wolter, he wrote:

À l’archiabbé de Beuron, dom Maur Wolter, il écrivit:

“You know that for several years I have felt driven by an irresistible call to the missionary apostolate. This call, more and more pressing, already subject to several tests of holy obedience, has little by little become very clear in me... This call is real and I must no longer fight it. (February 2, 1889)

«Vous savez que depuis plusieurs années je me sens poussé par un appel irrésistible à l’apostolat missionnaire. Cet appel, de plus en plus pressant, soumis déjà à plusieurs épreuves de la sainte obéissance, est peu à peu devenu très clair en moi... Cet appel est réel et je ne dois plus le combattre.» (2 février 1889)

To his abbot, Dom Placid Wolter:

À son abbé, dom Placide Wolter:

“If God has put in my heart, little by little, and in a way that is incontestable today, this firm and unshakeable desire to work in the apostolate by propagating these same desires in countries where they are unknown, can I still fight this appeal? Can I refuse the work that God asks of me? (March 4, 1889)

«Si Dieu m’a mis au coeur, peu à peu, et d’une manière aujourd’hui incontestable, ce ferme et inébranlable désir de travailler à l’apostolat par la propagation de ces mêmes désirs dans les pays où ils sont inconnus, puis-je encore lutter contre cet appel? Puis-je me refuser au travail que Dieu demande de moi?» (4 mars 1889)

Dom Gérard van Caloen then resorted to Rome. In a long report, he presented his project and all the advantages attached to it to the Holy See; he reported the refusals received and asked to be relieved of his vow of obedience (subtractio obedientiae). He finally requested authorization to found near Bruges, on land offered to him by his cousin, Senator van Ockerhout, an apostolic monastery under the responsibility of the Congregation of Propaganda. This appeal caused him pain, as he wrote to his abbot:

Dom Gérard van Caloen recourut alors à Rome. Dans un long rapport, il présenta au Saint-Siège son projet et tous les avantages qui s’y attachaient; il signala les refus essuyés et demanda à être relevé de son voeu d’obéissance (subtractio obedientiae). Il sollicita enfin l’autorisation de fonder près de Bruges, sur un terrain qui lui était offert par son cousin, le sénateur van Ockerhout, un monastère apostolique sous la responsabilité de la congrégation de la Propagande. Ce recours lui fit de la peine, ainsi qu’il l’écrivit à son abbé:

“The impulse that has dominated me for several years is so powerful and at the same time calm and thoughtful, that I cannot believe that it does not come from God: it is what pushes me to act.” (April 17, 1889)

«L’impulsion qui me domine, depuis plusieurs années, est tellement puissante et à la fois calme et réfléchie, que je ne puis croire qu’elle ne vient pas de Dieu: c’est elle qui me pousse à agir.» (17 avril 1889)

The abbots of Beuron and Maredsous reacted vehemently to this new initiative of their monk. As Dom Gérard did not budge, Dom Placid Wolter wrote to Cardinal Schiaffino, a friend of Beuron and Maredsous but also of Dom van Caloen, who was, moreover, very influential in the circles of the Curia. He described Dom Gérard van Caloen in the following terms: “Gérard is a brilliant person, capable of making a great effort for the success of an enterprise, but he lacks clarity and insight. In the organization of our school, he showed unusual dedication and zeal, but without the intervention of his brothers and the restraint of his abbot, he would have allowed himself to be led into unreasonable eccentricities; for example, he wanted to extract permission from me to have the entire audience respond aloud to low mass... Having the management of the abbey school and the editorial staff of the “Messager” on his hands, he sometimes meditated of the revival of an ancient Belgian monastery, sometimes of a Benedictine foundation in the Congo, at other times of an apostolic school, then of an anti-Masonic league. (April 18, 1889)

Les abbés de Beuron et de Maredsous réagirent avec véhémence à cette nouvelle initiative de leur moine. Comme dom Gérard n’en démordait pas, dom Placide Wolter écrivit au cardinal Schiaffino, ami de Beuron et de Maredsous mais aussi de dom van Caloen, qui était, de plus, fort influent dans les milieux de la Curie. Il décrivit dom Gérard van Caloen dans les termes suivants: «Gérard est une nature brillante, capable de faire un grand effort pour la réussite d’une entreprise, mais il manque de sûreté et de coup d’oeil. Dans l’organisation de notre école, il a fait preuve d’un dévouement et d’un zèle peu communs, mais sans l’intervention de ses frères et le frein de son abbé, il se serait laissé entraîner à des excentricités peu raisonnables; par exemple, il voulait m’arracher la permission de faire répondre à haute voix à la messe basse par toute l’assistance... Ayant sur les bras la direction de l’école abbatiale et la rédaction du “Messager’, il méditait tantôt du relèvement d’un ancien monastère belge, tantôt d’une fondation bénédictine au Congo, à d’autres moments d’une école apostolique, puis d’une ligue antimaçonnique.» (18 avril 1889)

It was hard, but true. Rome did not respond to his request and its abbot recalled him to Maredsous. Dom Gérard, for his part, humbly implored his abbot’s forgiveness:

C’était dur, mais vrai. Rome ne donna pas suite à sa demande et son abbé le rappela à Maredsous. Dom Gérard, quant à lui, implora humblement le pardon de son abbé:

“Ignore feci. I acted out of ignorance.” (May 4, 1889)

«Ignoranter feci. J’ai agi par ignorance.» (4 mai 1889)

There were, however, some very interesting ideas and proposals in the report sent by Dom van Caloen to the Holy See. He spoke of the training of indigenous clergy, the education of peoples and acculturation avant la lettre, ideas which would be found in the missionary encyclicals of Popes Benedict XV and Pius XI. His argument was well-founded. But it was clearly too early to carry out this project.

Il y avait cependant des idées et des propositions bien intéressantes dansiē rapport envoyé par dom van Caloen au Saint-Siège. Il y parlait de la formation du clergé indigène, de l’éducation des peuples et d’acculturation avant la lettre, idées qui se retrouveront dans les encycliques missionnaires des papes Benoît XV et Pie XI. Son argumentation était fondée. Mais il était manifestement trop tôt pour réaliser ce projet.

What is striking in this whole affair is the delicacy of the feelings with which Abbots Wolter, Hildebrand de Hemptinne and van Caloen confronted each other. Esteem and respect, listening and understanding, loyalty to Benedictine traditions and to the congregation of Beuron were always present. Their faith in God and in prayer, their trust in Providence were remarkable and helped them overcome momentary tensions. Everyone had difficulty remaining in their positions or giving in, being forced to resort to extreme measures, and when everything finally returned to normal, they were profoundly happy. It was undoubtedly a very painful moment, but the fight was honest and peaceful.

Ce qui frappe dans toute cette affaire, c’est la délicatesse des sentiments avec laquelle les abbés Wolter, Hildebrand de Hemptinne et van Caloen s’affrontaient. Estime et respect, écoute et compréhension, fidélité aux traditions bénédictines et à la congrégation de Beuron étaient toujours présents. Leur foi en Dieu et dans la prière, leur confiance dans la Providence étaient remarquables et les aidèrent à dépasser les tensions momentanées. Tous avaient de la peine à rester sur leurs positions ou à céder, à être obligés de recourir aux grands moyens, et quand enfin tout rentrait dans l’ordre, ils étaient profondément heureux. Ce fut un moment très pénible sans doute, mais le combat fut honnête et serein.

The years that followed were years of exile: first in Beuron, where the abbot charged him with taking care of the Italian workers who worked on the railway not far from the abbey, then in Maredsous. In his Memoirs, we find these lines:

Les années qui suivirent furent des années d’exil: d’abord à Beu-ron, où l’abbé le chargea de s’occuper des ouvriers italiens qui travaillaient à la voie ferrée non loin de l’abbaye, ensuite à Maredsous. Dans ses Mémoires, on trouve ces lignes:

“By resuming regular [monastic] observance here (Maredsous) , I firmly established myself in the disposition of a new monk entering the monastery, seeking salvation only in obedience.”

«En reprenant ici (Maredsous) la pratique régulière, je me suis établi fortement dans la disposition d’un moine nouveau entrant au monastère, ne cherchant son salut que dans l’obéissance.»

During these years of compulsory rest, van Caloen actively collaborated with the Revue Bénédictine, published a series of articles on ecumenism 4 , even gave some courses at the abbey school and also took care of the library and the archives.

Au cours de ces années de repos obligatoire, van Caloen collabora activement à la Revue bénédictine, publia une série d’articles sur l’oecuménisme~4, donna même quelques cours à l’école abbatiale et s’occupa aussi de la bibliothèque et des archives.

A big change, however, occurred in 1890. Dom Maur Wolter, archabbot of Beuron, died on July 1, 1890, and was replaced by his brother Dom Placid Wolter at the head of the abbey and the congregation of Beuron. The community of Maredsous, for its part, elected Dom Hildebrand de Hemptinne as abbot. He was the faithful friend of Dom Gérard van Caloen, whom he knew well; he was also the only one who could hold him in check. The hour would soon come when Dom Gérard could show the full extent of his talents.

Un grand changement toutefois intervint en 1890. Dom Maur Wolter, archiabbé de Beuron, était décédé le n juillet 1890, et avait été remplacé par son frère dom Placide Wolter à la tête de l’abbaye et de la congrégation de Beuron. La communauté de Maredsous, quant à elle, élut comme abbé dom Hildebrand de Hemptinne. Il était le fidèle ami de dom Gérard van Caloen, qu’il connaissait bien; il était aussi le seul à pouvoir lui tenir la bride. L’heure allait bientôt sonner où dom Gérard pourrait donner la mesure de ses talents.

Because Dom Gérard was languishing in Maredsous. On October 1 , 1890, he wrote to Dom Hildebrand de Hemptinne, his new abbot:

Car dom Gérard se morfondait à Maredsous. Le ter octobre 1890, il écrivait à dom Hildebrand de Hemptinne, son nouvel abbé:

“You will never have to expect anything from me, but you will help me, I am sure, to put myself a little on the path of serving God and to save my poor soul, the only thing I still hope for in this world.”

«Vous n’aurez jamais rien à attendre de moi, mais vous m’aiderez, j’en suis certain, à me mettre un peu sur le chemin du service de Dieu et à sauver ma pauvre âme, seule chose que j’espère encore en ce monde.»

The East, at this time, attracted him more and more. The brochure The Religious Question among the Greeks, which developed his paper read at the Catholic Congress of Mechelen in 1891, and the article “The Religious Question of the Orient at the Congress of Malines in 1891”, published in the Revue Bénédictine, had attracted to him the attention of specialists on the subject. Hence the idea - yet another one - of publishing a related publication in order to make the Christian East better known to the faithful of our countries. For him it would be a form of apostolate which “seems to me reconcilable with the duties of monastic life which I have always deeply loved and esteemed” (1892).

L’Orient, à cette époque, l’attirait de plus en plus. La brochure La Question religieuse chez les Grecs, qui développait son rapport lu au Congrès catholique de Malines de 1891, et l’article «La Question religieuse d’Orient au Congrès de Malines de 1891», paru dans la Revue bénédictine, avaient attiré sur lui l’attention des spécialistes de la question. D’où l’idée — encore une — de publier un organe de liaison afin de faire connaître l’Orient chrétien aux fidèles de nos pays. Ce serait pour lui une forme d’apostolat qui «me paraît conciliable avec les devoirs de la vie monastique que j’ai toujours profondément aimée et estimée» (1892).

A short time later, in a letter to his abbot, Dom Hildebrand de Hemptinne, dated August 4, 1892, he returned this time to the advisability of a monastic foundation for the Congo, which his abbot also seemed to be planning. Van Ockerhout’s offer, he wrote, remained valid, his parents would welcome this foundation near their home, well-known people were ready to pay large sums of money for this missionary work. He ended with these words:

Un peu plus tard, dans une lettre à son abbé, dom Hildebrand de Hemp-tinne, datée du 4 août 1892, il revint cette fois sur l’opportunité d’une fondation monastique pour le Congo, que son abbé semblait projeter aussi. L’offre van Ockerhout, écrivait-il, restait valable, ses parents verraient d’un bon oeil cette fondation près de leur demeure, des personnes connues étaient prêtes à verser de grosses sommes d’argent pour cette oeuvre missionnaire. Il terminait par ces mots:

“If you do not find this presentation reasonable, Most Reverend Father, and if you do not believe that you can undertake a serious work of apostolate, deign at least to allow me to take care of the East... Have pity on me, your son! I have been burning with the same desires for more than ten years. When you became my abbot, I had great hope. I believed that you, who have broad ideas and a generous and compassionate heart, would do something for me whom you have known for so many years, and whom such intimate ties now unite with you.

«Si vous ne trouvez pas cet exposé raisonnable, Révérendissime Père, et si vous ne croyez pas pouvoir entreprendre une oeuvre sérieuse d’apostolat, daignez me permettre au moins de m’occuper de l’Orient... Ayez pitié de moi, votre fils! Il y a plus de dix ans que je brûle des mêmes désirs. Lorsque vous êtes devenu mon abbé, j’ai conçu un grand espoir. J’ai cru que vous qui avez des idées larges et un coeur généreux et compatissant, vous feriez quelque chose pour moi que vous connaissez depuis tant d’années, et que des liens si intimes unissent maintenant à vous.»

Dom Gérard had to wait a few more months. It was in May 1893 that the new abbot of Maredsous wrote to him for the first time about the request from the general chapter of the Brazilian Benedictine congregation to send monks to Brazil with a view to the restoration of monastic life.

Dom Gérard dut encore patienter quelques mois. C’est en mai 1893 que le nouvel abbé de Maredsous lui écrivit pour la première fois au sujet de la demande du chapitre général de la congrégation bénédictine brésilienne d’envoyer au Brésil des moines en vue de la restauration de la vie monastique.

“Should this be seen as a somewhat Machiavellian calculation on the part of Dom Hildebrand de Hemptinne and Dom Placid Wolter? If he succeeded, it would be on the other side of the planet; if he failed, the [cold] shower would calm him down: in any case, he had as good a chance of breaking his teeth as succeeding 25 ...”

«Fallait-il y voir un calcul quelque peu machiavélique de la part de dom Hildebrand de Hemptinne et de dom Placide Wolter? S’il réussissait, ce serait de l’autre côté de la planète; s’il échouait, la douche le calmerait: de toute façon, il avait beaucoup de chances de se casser les dents; c’était autant de gagné25...»

25 A suggestion by Dom Nicolas Huyghebaert (1912-1982), monk, historian and archivist of the abbey of Saint-André, in a conference “Presentation of the abbey of Saint-André”, on June 20, 1961

25 Ainsi s’exprimait dom Nicolas Huyghebaert (1912-1982), moine, historien et archiviste de l’abbaye de Saint-André, dans une conférence «Présentation de l’ab baye de Saint-André», le 20 juin 1961.

When Dom Hildebrand de Hemptinne suggested that Dom Gérard van Caloen make a fact-finding trip there, van Caloen’s response was somewhat reserved. He returned to it a little later:

Lorsque dom Hildebrand de Hemptinne proposa à dom Gérard van Caloen d’y effectuer un voyage d’information, sa réponse fut plutôt réservée. Il y revint un peu plus tard:

“What I fear is that the choice of the man does not correspond to the magnitude of the mission. I don’t really feel up to the task of doing such a work... It’s not that I’m going backwards, no, absolutely not. I will walk if I have to, but I know my weaknesses and you know them better than me.” (August 12, 1893)

«Ce que je crains, c’est que le choix de l’homme ne corresponde pas à la grandeur de la mission. Je ne me sens pas vraiment de taille à faire une telle oeuvre... Ce n’est pas que je recule, non, absolument pas. Je marcherai si je dois marcher, mais je connais mes faiblesses et vous les connaissez mieux que moi.» (12 août 1893)

When, on his return from Brazil, he wrote his report for the general chapter of the congregation of Beuron, he admitted that Latin America, at that time, did not interest him and that only the Orient attracted him. “It is certain,” wrote Dom Nicolas Huyghebaert, “ that God sometimes granted him what his superiors had initially refused. Most often God grants what we have not asked for. Dom Gérard had never thought of Brazil.”

Lorsque, à son retour du Brésil, il rédigea son rapport pour le chapitre général de la congrégation de Beuron, il avoua que l’Amérique latine, à cette époque, ne l’intéressait pas et que seul l’Orient l’attirait. «Il est certain, écrivit dom Nicolas Huyghebaert, que Dieu lui accorda parfois ce que les supérieurs avaient commencé par refuser. Le plus souvent Dieu accorde ce qu’on n’a pas demandé. Jamais dom Gérard n’avait pensé au Brésil.»

In the meantime, on July 12, 1893, at the insistence of the Pope, an attempt to centralize the order of Saint Benedict was born: it had also been an idea of Dom Gérard van Caloen. On that day, in fact, Dom Hildebrand de Hemptinne, abbot of Maredsous, became the first abbot primate of the order and abbot of the abbey of Saint-Anselmo on the Aventine Hill.

Entre-temps, le 12 juillet 1893, sur l’insistance du pape, une tentative de centralisation de l’ordre de saint Benoît vit le jour: c’était aussi une idée de dom Gérard van Caloen. Ce jour-là, en effet, dom Hildebrand de Hemptinne, abbé de Maredsous, devint le premier abbé primat de l’ordre et abbé de l’abbaye de Saint-Anselme sur le mont Aventin.

At that time, Dom Gérard was still in Rome, as procurator of the congregation of Beuron. He was also responsible for finding temporary accommodation for Saint-Anselmo, while awaiting the completion of the abbey, while preparing his trip to Brazil.

À ce moment, dom Gérard était encore à Rome, comme procureur de la congrégation de Beuron. Il était aussi chargé de trouver un logis provisoire pour Saint-Anselme, en attendant l’achèvement de l’abbaye, tout en préparant son voyage pour le Brésil.

1.6. Gérard van Caloen: the man and the monk

1.6. Gérard van Caloen: l’homme et le moine

So here is our man charged with a mission suited to him, which he would be able to fulfill with all the energy, the will, the entrepreneurial spirit and the ideals which animated him. His love of the Church, his attachment to the papacy, his faith in the Benedictine ideal, his zeal for the apostolate were at the service of a rich and strong personality. These qualities, however, went hand in hand with an authoritarian and haughty attitude. Dom Gérard did not allow anyone to oppose him; he was harsh towards his subordinates and did not sufficiently consider their situation, neither moral nor physical. However, he could arouse unfailing devotion, because he had the great talent to convince and charm, to seduce and enthuse his listeners, especially the youngest, for his great options and his ideas.

Voilà donc notre homme chargé d’une mission à sa mesure, qu’il allait pouvoir remplir avec toute l’énergie, la volonté, l’esprit d’entreprise et les idéaux qui l’animaient. Son amour de l’Église, son attachement à la papauté, sa foi dans l’idéal bénédictin, son zèle pour l’apostolat étaient au service d’une riche et forte personnalité. Ces qualités cependant allaient de pair avec une attitude autoritaire et hautaine. Dom Gérard n’admettait pas qu’on s’oppose à lui; il était dur envers ses subordonnés el rie considérait pas suffisamment leur situation, pas plus morale que physique. Il pouvait toutefois susciter des dévouements à toute épreuve, car il avait le grand talent de convaincre et de charmer, de séduire et d’enthousiasmer ses auditeurs, surtout les plus jeunes, pour ses grandes options et ses idées.

The Abbot of Maredsous, in a letter to Father Brichet, spiritual advisor to Dom van Caloen, described him as follows: “Brilliant nature, noble character, he has great ideas and deploys to put them into practice an energy that obstacles seem to excite more... He seduces everyone he approaches and soon wins them over to his views, as he knows how to use persuasion and good faith to defend his projects. Dom Gérard has retained from his private education a very personal spirit which bends with difficulty and rarely gives in to an objection. Lacking moderation, he loses himself in working at certain times, then he needs absolute rest. He has no perseverance in his projects. The beautiful fire that makes him undertake something falls at a given moment.” (April 28, 1889)

L’abbé de Maredsous, dans une lettre au père Brichet, conseiller spirituel de dom van Caloen, le décrivait ainsi: «Nature brillante, caractère noble, il a de grandes idées et déploie pour les mettre en pratique une énergie que les obstacles semblent exciter davantage... Il séduit tous ceux qu’il approche et les gagne bientôt à ses vues, tant il sait mettre de persuasion et de bonne foi à défendre ses projets. Dom Gérard a conservé de son éducation privée un esprit très personnel qui se courbe difficilement et cède rarement à une objection. Manquant de mesure, il s’abîme à travailler à certains moments, puis il a besoin d’un repos absolu. Il n’a dans ses projets aucune persévérance. Le beau feu qui lui fait entreprendre quelque chose tombe à un moment donné.» (28 avril 1889)

That was true too. When Dom van Caloen understood that he was no longer being followed, he quickly gave up, became discouraged and cited his poor health as the reason to withdraw. As Dom Placid Wolter rightly said, he was made to start a business but not to manage it. One day, Dom van Caloen confided this to one of his nephews:

C’était vrai aussi. Quand dom van Caloen comprenait qu’on ne le suivait plus, il laissait vite tomber les bras, se décourageait et arguait de sa mauvaise santé pour se retirer. Comme le disait très justement dom Placide Wolter, il était fait pour lancer une affaire mais non pour la diriger. À l’un de ses neveux, dom van Caloen fit un jour cette confidence:

“To succeed at something, you have to have ideas, know how to communicate them and carry them out. I had good ideas, I often knew how to convince, but on a practical level, I was terrible. I realized too late that I should have hired a director.”

«Pour réussir quelque chose, il faut avoir des idées, savoir les communiquer et les réaliser. J’ai eu de bonnes idées, j’ai souvent su convaincre, mais sur le plan pratique, j’étais nul. J’ai compris trop tard que j’aurais dû me flanquer d’un réalisateur.»

His life therefore had contradictory aspects. We have seen that he aspired to monastic life when he was far from his abbey, to the apostolate when he was there. His delicate health - he suffered from incurable endocarditis - prevented him from fully following monastic life, but not from carrying out his projects and ideas with such energy that his health continually suffered. A new project could ignite it and bring it back to life, but a lack of response led to disenchantment. All he wanted to do was return to the four walls of his cell in Maredsous, his professional abbey. But in Brazil, the great freedom that will be given to him and that he will take in the restoration of Benedictine life will so ignite his dynamism, his audacity and his energy that he will largely bring his task to a successful end: the fight excited.

Sa vie avait donc des aspects contradictoires. Nous avons vu qu’il aspirait à la vie monastique quand il était loin de son abbaye, à l’apostolat quand il y était. Sa santé délicate — il souffrait d’une endocardite incurable — l’empêchait de suivre totalement la vie monastique, mais non de réaliser ses projets et ses idées avec une énergie telle que sa santé en souffrit continuellement. Un nouveau projet pouvait l’enflammer et lui redonner vie, mais un manque de réponse l’amenait au désenchantement. Il ne souhaitait plus alors que retrouver les quatre murs de sa cellule à Maredsous, son abbaye de profession. Mais au Brésil, la grande liberté qui lui sera donnée et qu’il prendra dans la restauration de la vie bénédictine enflammera tellement son dynamisme, son audace et son énergie qu’il mènera en grande partie sa tâche à bonne fin: le combat l’excitait.

 

 

2. THE FACT-FINDING TRIP TO BRAZIL - 1894

2. LE VOYAGE D’INFORMATION AU BRÉSIL - 1894

 

 

 2.1. The Brazilian Benedictine congregation in 1893

 2.1. La congrégation bénédictine brésilienne en 1893

Dom van Caloen prepared very seriously for his information trip. Before his departure, he even wrote a very complete memorandum which explained in a clear and exhaustive manner the Brazilian problem in all its aspects, political, diplomatic and religious. Thanks to the kindness of Cardinal Rampolla, Secretary of State, he was able to consult in the Vatican archives all the documents relating to Brazil, even - a rare occurrence - the most recent. He then learned this.

Dom van Caloen se prépara très sérieusement à son voyage d’information. Avant son départ, il rédigea même un mémorandum très complet qui exposait d’une façon claire et exhaustive la problématique brésilienne sous tous ses aspects, politique, diplomatique et religieux. Grâce à la bienveillance du cardinal Rampolla, secrétaire d’État, il put consulter dans les archives du Vatican tous les documents ayant trait au Brésil, même — fait rare — les plus récents. Il apprit alors ceci.

Monastic life began in Brazil, via Portugal, towards the end of the 16th century. The Monastery of San Sebastian de Bahia, the oldest abbey, dated from 1582; Rio de Janeiro was then founded in 1590, Sâo Bento de Olinda in 1592, Sâo Paulo in 1598, Parahyba in the 16th century also, Brotas and Campos in 1650. Until 1822, all these abbeys were part of the Portuguese Benedictine congregation. For years, however, they had been in complete decline. The Freemason attitude of the Portuguese governments at the time of Pombal, under the Ancien Régime, inspired by that of Emperor Joseph II who considered contemplative orders useless, and that of the Brazilian Empire, after the separation of Portugal, favored this decadence. The situation of the order had become alarming.

La vie monastique avait commencé au Brésil, via le Portugal, vers la fin du xvie siècle. Le monastère de Saint-Sébastien de Bahia, la plus ancienne abbaye, datait de 1582; furent ensuite fondés Rio de Janeiro en 1590, Sâo Bento de Olinda en 1592, Sâo Paulo en 1598, Parahyba au xvie siècle également, Brotas et Campos en 165o. Jusqu’en 1822, toutes ces abbayes faisaient partie de la congrégation bénédictine portugaise. Depuis des années, cependant, elles étaient en pleine décadence. L’attitude franc-maçonne des gouvernements portugais au temps de Pombal, sous l’Ancien Régime, inspirée de celle de l’empereur Joseph II qui jugeait inutiles les ordres contemplatifs, et celle de l’Empire brésilien, après la séparation du Portugal, favorisa cette décadence. La situation de l’ordre était devenue alarmante.

Rome’s attempts to breathe new life into these abbeys, which in 1827 had formed the Brazilian Benedictine congregation, and to prevent the Brazilian state from confiscating the monasteries’ property, were opposed by the monks themselves. In 1830, the imperial government authorized provincial assemblies to legislate in favor of religious corporations. Thus the provinces of Bahia and Pernambuco had authorized the Carmelites, Franciscans and Benedictines to receive up to thirty novices each, not one more. In 1855, Emperor Pedro II closed all novitiates until a modus vivendi with Rome was concluded. There was neither concordat nor modus vivendi...

Les tentatives de Rome pour insuffler une nouvelle vie à ces abbayes, qui avaient formé en 1827 la congrégation bénédictine brésilienne, et pour empêcher l’État brésilien de confisquer les biens des monastères, se heurtèrent à l’opposition des moines eux-mêmes. En 1830, le gouvernement impérial autorisait les assemblées provinciales à légiférer en faveur des corporations religieuses. C’est ainsi que les provinces de Bahia et de Pernambuco avaient autorisé les carmes, les franciscains et les bénédictins à recevoir jusqu’à trente novices chacun, pas un de plus. En 1855, l’empereur Pedro II ferma tous les noviciats jusqu’à la conclusion d’un modus vivendi avec Rome. Il n’y eut ni concordat, ni modus vivendi...

The lack of young recruits, the absence of directives, the aging of communities and the isolation from Europe, desired by the State, condemned Benedictine life in Brazil to disappearance. The situation had worsened over time: community life no longer existed, the vow of poverty was no longer observed, the property of the monasteries was intended for the private expenses of monks and abbots. Finances were falling apart due to heavy taxation and poor management. In 1833, the Benedictines numbered 53; in 1890, there were only 19; in 1893.10.

Le manque de jeunes recrues, l’absence de directives, le vieillissement des communautés et l’isolement vis-à-vis de l’Europe, voulu par l’État, condamnaient à la disparition la vie bénédictine au Brésil. La situation s’était aggravée avec le temps: la vie communautaire n’existait plus, le voeu de pauvreté n’était plus observé, les biens des monastères étaient destinés aux dépenses particulières des moines et des abbés. Les finances se désagrégeaient suite à une lourde fiscalité et à une mauvaise gestion. En 1833, les bénédictins étaient au nombre de 53; en 1890, ils n’étaient plus que 19; en 1893,10.

The coup d’état of November 15, 1889 put an end to the Brazilian Empire. The Republic was established and the provisional government proclaimed, on January 7, 1890, the separation of Church and State. All anticlerical decrees and laws thus became null and void. Religious orders and congregations were able to breathe and recruit new members, henceforth without limitation. The internuncio in Brazil, Monsignor Spolverini 26 , who did not like monks, and more particularly the Benedictines, took advantage of the opportunity and concocted a plan to suppress the old religious orders and give their property to the dioceses. In the meantime, the abbot president of the Brazilian congregation, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, had sent a first letter to the sovereign pontiff, dated May 14, 1890, requesting authorization to open a novitiate and the sending of two or more three European monks, with a view to training, according to the spirit of Saint Benedict, young Brazilian recruits. As a training center, he proposed Sorocaba, in the province of Sâo Paulo. This approach displeased the internuncio who had put the letter at the bottom of his drawer without sending it. He then obtained from Rome, on September 3, 1891, that the Benedictines be subject to episcopal jurisdiction in order to prevent the State from seizing the heritage. Tension rose further when the abbot of Rio de Janeiro, without authorization from Rome, sold three fazendas or monastery estates in order to pay back taxes. The abbot was excommunicated. The situation seemed hopeless.

Le coup d’État du 15 novembre 1889 mit fin à l’Empire brésilien. La République fut instaurée et le gouvernement provisoire proclama, dès le 7 janvier 1890, la séparation de l’Église et de l’État. Tous les décrets et lois anticléricaux devenaient ainsi nuls et non avenus. Les ordres et les congrégations religieuses purent respirer et recruter de nouveaux membres, dorénavant sans limitation. L’internonce au Brésil, Monseigneur Spolverini26, qui n’aimait pas les moines, et plus particulièrement les bénédictins, profitant de l’occasion, avait concocté un plan pour supprimer les vieux ordres religieux et donner leurs biens aux diocèses. Entre-temps, l’abbé président de la congrégation brésilienne, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, avait envoyé une première lettre au souverain pontife, datée du 14 mai 1890, demandant l’autorisation d’ouvrir un noviciat et l’envoi de deux ou trois moines européens, en vue de former, selon l’esprit de saint Benoît, les jeunes recrues brésiliennes. Comme centre de formation, il proposait Sorocaba, dans la province de Sâo Paulo. Cette démarche déplut à l’internonce qui avait remisé sans l’expédier la lettre au fond de son tiroir. Il obtint alors de Rome, le 3 septembre 1891, que les bénédictins soient soumis à la juridiction épiscopale afin d’éviter que l’État ne s’emparât du patrimoine. La tension monta encore lorsque l’abbé de Rio de Janeiro, sans autorisation de Rome, vendit trois fazendas ou domaines du monastère afin de payer des arriérés d’impôts. L’abbé fut excommunié. La situation semblait sans issue.

The new internuncio, Monsignor Gotti, a Discalced Carmelite~7 who succeeded Monsignor Spolverini in 1892, clarified the situation. He supported the desires and reform projects of the Benedictines, while Cardinal Rampolla affirmed that submission to the bishops was only provisional. Frei Domingos da Transfiguraçâo then addressed Rome to the abbot of Saint-Paul-hors-les-murs, Dom Zelli, on January 28, 1893. The latter, like Cardinal Rampoila 28 , suggested that he address the congregation of Beuron. The internuncio then asked Dom Placid Wolter, archabbot of Beuron and the congregation, on March 3, 1893, to favorably examine Frei Domingos’ request. Dom Hildebrand de Hemptinne, in the name of Archabbot Wolter, responded positively and promised to send three monks to discuss the situation. However, he set as a prerequisite the provision of Beuron with an abbey where the reform could begin (May 26, 1893).

Le nouvel internonce, Monseigneur Gotti, un carme déchaux~7 qui succéda à Monseigneur Spolverini en 1892, clarifia la situation. Il soutint les désirs et les projets de réforme des bénédictins, tandis que le cardinal Rampolla affirmait que la soumission aux évêques n’était que provisoire. Frei Domingos da Transfiguraçâo s’adressa alors à Rome à l’abbé de Saint-Paul-hors-les-murs, dom Zelli, le 28 janvier 1893. Celui-ci, comme le cardinal Rampoila28, lui proposa de s’adresser à la congrégation de Beuron. L’internonce pria alors dom Placide Wolter, archiabbé de Beuron et de la congrégation, le 3 mars 1893, d’examiner favorablement la demande de Frei Domingos. Dom Hildebrand de Hemptinne, au nom de l’archiabbé Wolter, y répondit positivement et promit l’envoi de trois moines pour discuter de la situation. Il posait toutefois comme préalable la mise à disposition de Beuron d’une abbaye où pourrait commencer la réforme (26 mai 1893).

Rome, just like Beuron, wanted a profound reform of the Brazilian congregation: basically, a new congregation according to the constitutions and customs of Beuron. Cardinal Rampolla, Secretary of State, even wanted the novices to be kept away from the decadent monks, a shame for the order, while remaining under the authority of the abbot president in order to avoid any difficulty with those in power. The first contacts were over, the decision made.

Rome, tout comme Beuron, désirait une réforme profonde de la congrégation brésilienne: au fond, une nouvelle congrégation selon les constitutions et les coutumes de Beuron. Le cardinal Rampolla, secrétaire d’État, souhaitait même que les novices fussent éloignés des moines décadents, une honte pour l’ordre, tout en restant sous l’autorité de l’abbé président afin d’éviter toute difficulté avec le pouvoir. Les premiers contacts étaient terminés, la décision prise.

It was at this time that Dom Gérard van Caloen was asked for this information trip. While studying the Brazilian problem, Dom van Caloen requested an audience with the Pope and obtained it. On August 19, 1893, at 11:30 a.m., he met Pope Leo XIII for the first time. The interview lasted a quarter of an hour. It was a cordial conversation, if we are to believe the description given by Dom van Caloen afterwards. The Pope blessed his enterprise and made him understand that he was at the service of the Church and the Benedictine order. For Dom Gérard, this interview was more than an encouragement: it confirmed him in his ideal of a monastic apostolate.

C’est à ce moment que dom Gérard van Caloen fut sollicité pour ce voyage d’information. Alors qu’il étudiait la problématique brésilienne, dom van Caloen demanda une audience du pape et l’obtint. Le 19 août 1893, à 11 heures 3o, il rencontra pour la première fois le pape Léon XIII. L’entrevue dura un quart d’heure. Ce fut un entretien cordial, si l’on en croit la description qu’en fit par la suite dom van Caloen. Le pape bénit son entreprise et lui fit comprendre qu’il était au service de l’Église et de l’ordre bénédictin. Pour dom Gérard, cet entretien fut plus qu’un encouragement: il le confirmait dans son idéal d’apostolat monastique.

Dom Hildebrand de Hemptinne, as primate of the Benedictine order and abbot of Maredsous, officially informed Frey Domingos da Transfiguraçaô, on October 20, 1893, that Dom Gérard van Caloen, procurator of the congregation of Beuron, was responsible for a fact-finding mission to Brazil. His arrival there was planned for April 1894, so that Dom van Caloen and his two companions would have time to assimilate the Portuguese language.

Dom Hildebrand de Hemptinne, en tant que primat de l’ordre bénédictin et abbé de Maredsous, fit officiellement savoir à Frei Domingos da Transfiguraçaô, le 20 octobre 1893, que dom Gérard van Caloen, procureur de la congrégation de Beuron, était chargé d’une mission d’information au Brésil. Son arrivée sur place était prévue pour avril 1894, afin que dom van Caloen et ses deux compagnons eussent le temps d’assimiler la langue portugaise.

Dom Gérard van Caloen’s mission was clear and specific: to present Beuron’s point of view and defend it. If there were an agreement he would remain in Brazil and be installed in an abbey of his choice. If not he would returned in July 1894, for the general chapter of the congregation of Beuron which was to be held in Maredsous.

La mission de dom Gérard van Caloen était claire et nette: exposer le point de vue de Beuron et le défendre. Y avait-il un accord: il restait au Brésil et pouvait s’installer dans une abbaye de son choix. N’y en avait-il pas: il revenait en juillet 1894, pour le chapitre général de la congrégation de Beuron qui devait se tenir à Maredsous.

It was not an easy mission; he was well aware of this. In his memorandum, he expressed the following thoughts:

Ce n’était pas une mission facile; il s’en rendait bien compte. Dans son mémorandum, il avait émis les réflexions suivantes:

“So far, we see, there is one point that is not clear: it is the mode and conditions of establishment of the monks of Beuron in Brazil. The congregation of Beuron wants to found an abbey which will be the starting point for the subsequent restoration of other monasteries. The abbot president always talks about opening a novitiate, helping the Brazilian monks restore their congregation, etc. There is a significant difference between the two points of view. The first is the truly Benedictine system, consistent with tradition, the second is the more modern system of centralized religious orders divided into provinces, the spirit of which has too often rubbed off on Benedictine congregations from the 15th century onwards.

«Jusqu’ici, on le voit, il y a un point qui n’est pas clair: c’est le mode et les conditions d’établissement des moines de Beuron au Brésil. La congrégation de Beuron veut fonder une abbaye qui soit le point de départ de la restauration ultérieure d’autres monastères. ‘abbé président parle toujours d’ouvrir un noviciat, d’aider les moines b ésiliens à restaurer leur congrégation, etc. Il y a une sensible différence entre les deux points de vue. Le premier est le système vraiment bénédictin, conforme à la tradition, le second est le système plus moderne des ordres religieux centralisés et divisés en province, dont l’esprit a trop souvent déteint sur les congrégations bénédictines à partir du xve siècle.

2.2. Brazilian abbeys and their patrimony

2.2. Les abbayes brésiliennes et leur patrimoine

What was the situation of the Brazilian Benedictine abbeys on the eve of the arrival of Dom Gérard van Caloen?

Quelle était la situation des abbayes bénédictines brésiliennes à la veille de l’arrivée de dom Gérard van Caloen?

According to the 1869 census, religious orders owned 90 convents in Brazil and had 258 members, 150 churches, 800 properties in town, 200 landed properties with more than 8,000 slaves: all for a value of 20,000 contos, or a billion and a half Belgian francs approximately 29 . The Benedictines intervened there for seven abbeys and four priories with nineteen monks. The abbey of Bahia owned houses and land in the city, and outside, fazendas which brought in 6o contos (3,600,000 FB), the abbey of Rio had an income of 200 contos (12,000,00o FB), the abbey of Olinda 4o contos (2,400,00o BF), the abbey of Parahyba 8o contos (4,800,00o FB) and the abbey of Brotas owned io 00o ha of land. But what management! The Brotas estate was rented for the paltry annual sum of ioo FB. The abolition of slavery, however, had greatly reduced the financial importance and income from land. If we take into account the taxes on income that the abbeys had to pay, the abbey of Rio, alone, had paid to the State in 1892 78 contos (4,68o,00o FB). In the state of Pernambuco, where Olinda Abbey was located, income was taxed at 55%.

Selon le recensement de 1869, les ordres religieux possédaient au Brésil 90 couvents et comptaient 258 membres, 150 églises, 800 propriétés en ville, 200 propriétés terriennes avec plus de 8 00o esclaves: le tout pour une valeur de 20 00o contos, soit un milliard et demi de francs belges environ29. Les bénédictins y intervenaient pour sept abbayes et quatre prieurés avec dix-neuf moines. L’abbaye de Bahia possédait en ville des maisons et des terrains, et au-dehors, des fazendas qui rapportaient 6o contos (3 600 00o FB), l’abbaye de Rio avait un revenu de 200 contos (12 000 00o FB), l’abbaye d’Olinda 4o contos (2 400 00o FB), l’abbaye de Parahyba 8o contos (4 800 00o FB) et l’abbaye de Brotas possédait io 00o ha de terres. Mais quelle gestion! Le domaine de Brotas était loué pour la somme annuelle dérisoire de ioo FB. La suppression de l’esclavage avait toutefois fortement diminué l’importance financière et les revenus des terres. Si l’on tient compte des impôts sur les revenus qu’avaient à payer les abbayes, l’abbaye de Rio, à elle seule, avait versé à l’État en 1892 78 contos (4 68o 00o FB). Dans l’État de Pernambuco, où était située l’abbaye d’Olinda, les revenus étaient imposés à 55 %.

Some abbeys were still in good condition, such as those of Bahia, the largest of all, Sâo Paulo and Olinda. Rio Abbey was partly occupied by the army and partly by a Catholic day school. The other abbeys were in a lamentable state. How many monks did they have? In 1882, the monks numbered thirty; there were only nineteen of them in 1890, spread over eleven monasteries. When Dom van Caloen arrived, there were still ten, distributed as follows: two monks in Bahia, the presiding abbot and a monk, plus a former presiding abbot living in town; at De Graça, near Bahia, a monk; in Olinda, the abbot no longer resided at the monastery but in town, in one of the abbey houses; Rio still had three monks: the abbot, the prior and a monk in town, and the abbot of Sâo Paulo used the income from the abbey to support his children. Each abbey therefore had its abbot but no monks: monastic life was non-existent. However, every three years, with astonishing regularity, the general chapter was convened. For what? Quite simply because the abbots were only elected for three years.

Certaines abbayes étaient encore en bon état, comme celles de Bahia, la plus grande de toutes, de Sâo Paulo et d’Olinda. L’abbaye de Rio était en partie occupée par l’armée et en partie par un externat catholique. Les autres abbayes étaient dans un état lamentable. Combien de moines comptaient-elles? En 1882, les moines étaient au nombre de trente; ils n’étaient plus que dix-neuf en 1890, répartis sur onze monastères. À l’arrivée de dom van Caloen, il y en avait encore dix, répartis comme suit: deux moines à Bahia, l’abbé président et un moine, plus un ancien abbé président vivant en ville; à De Graça, près de Bahia, un moine; à Olinda, l’abbé ne résidait plus au monastère mais en ville, dans une des maisons de l’abbaye; Rio comptait encore trois moines: l’abbé, le prieur et un moine en ville, et l’abbé de Sâo Paulo se servait des revenus de l’abbaye pour entretenir ses enfants. Chaque abbaye avait donc son abbé mais pas de moines: la vie monastique était inéxistante. Cependant, tous les trois ans, avec une régularité étonnante, le chapitre général était convoqué. Pourquoi? Tout simplement parce que les abbés n’étaient élus que pour trois ans.

Should we then be surprised that the Brazilian state attempted, in 1892 and 1893 , to seize the property of religious orders, as the law permitted, and especially those of the Benedictines? Each time, the intervention of the internuncio, Monsignor Gotti, made it possible to avoid the worst. For its part, the Holy See had to protect these same assets against mismanagement or squandering of revenues. The situation was complex and required great tact and diplomacy.

Faut-il alors s’étonner que l’État brésilien tenta, en 1892 et en 1893, de s’emparer des biens des ordres religieux, comme la loi le permettait, et tout spécialement de ceux des bénédictins? À chaque fois, l’intervention de l’internonce, Monseigneur Gotti, permit d’éviter le pire. De son côté, le Saint-Siège devait protéger ces mêmes biens contre une mauvaise gestion ou une dilapidation des revenus. La situation était complexe et exigeait beaucoup de tact et de diplomatie.

2.3. The conclusions of the van Caloen memorandum

2.3. Les conclusions du mémorandum van Caloen

At the end of this long memorandum on the situation of the Benedictines in Brazil, Dom van Caloen proposed different solutions. First of all, to send out of the monasteries all the Brazilian monks, who were Benedictines only in name, and if necessary to secularize them. This drastic solution, however, risked hurting national sentiment. Prudence, on the other hand, required keeping the Brazilian congregation but making it accept monks from Beuron into its midst. That was where the problem was! The Brazilians always talked about the novitiate and a temporary stay of the monks of Beuron. Beuron didn’t want to hear about it: no new wine in old wineskins.

À la fin de ce long mémorandum sur la situation des bénédictins au Brésil, dom van Caloen proposait différentes solutions. Tout d’abord de renvoyer hors des monastères tous les moines brésiliens, qui n’avaient de bénédictins que le nom, et au besoin de les séculariser. Cette solution drastique risquait toutefois de blesser le sentiment national. La prudence par contre exigeait de garder la congrégation brésilienne mais de lui faire accepter en son sein des moines venant de Beuron. C’était là que le bât blessait! Les Brésiliens parlaient toujours de noviciat et d’un séjour temporaire des moines de Beuron. Beuron ne voulait pas en entendre parler: pas de vin nouveau dans de vieilles outres.

There was therefore only one solution for Dom van Caloen: to begin a foundation in one of the Benedictine monasteries placed at his disposal, and from there, depending on the circumstances, to reform the other monasteries. Why wouldn’t Rome itself designate the monastery in question? Furthermore, if European monks applied for Brazilian nationality, would they not then be considered Brazilians, full members of the Brazilian congregation? The government would be reassured: Europeans would not seize Brazilian property and Brazilian monks could stay in their monasteries until they died. Thus we could witness the birth of a new and young Brazilian Benedictine congregation.

Il n’y avait dès lors qu’une solution pour dom van Caloen: commencer une fondation dans un des monastères bénédictins, mis à sa disposition, et de là, d’après les circonstances, réformer les autres monastères. Pourquoi Rome ne désignerait-elle pas elle-même le monastère en question? De plus, si les moines européens demandaient la nationalité brésilienne, ne seraient-ils pas alors considérés comme des Brésiliens, membres à part entière de la congrégation brésilienne? Le gouvernement serait tranquillisé: les Européens ne s’empareraient pas de biens brésiliens et les moines brésiliens pourraient rester dans leur monastère jusqu’à leur mort. Ainsi pourrait-on assister à la naissance d’une nouvelle et jeune congrégation bénédictine brésilienne.

Dom van Caloen himself proposed Olinda Abbey to begin the restoration. It had no holder, since the abbot lived in town; it was also in good condition and well located. Finally, he believed that the constitutions of the Brazilian congregation should be replaced by those of Beuron. All these conclusions had, in his eyes, to be ratified by a papal bull. The sacrosanct pontifical authority!

Dom van Caloen lui-même proposait l’abbaye d’Olinda pour commencer la restauration. Elle n’avait pas de titulaire, vu que l’abbé vivait en ville; elle était en outre en bon état et bien située. Enfin, il estimait que les constitutions de la congrégation brésilienne devaient être remplacées par celles de Beuron. Toutes ces conclusions devaient, à ses yeux, être ratifiées par une bulle papale. La sacro-sainte autorité pontificale!

Such was the situation at the time of the departure of Dom van Caloen and his companions for Brazil. It was now necessary to confront this data with reality.

Telle était donc la situation au moment du départ de dom van Caloen et de ses compagnons pour le Brésil. Il fallait maintenant confronter ces données à la réalité.

2.4. The first stay in Brazil - 1894

2.4. Le premier séjour au Brésil - 1894

In a letter to the Abbot President announcing his arrival, Dom Gérard wrote that he arrived “with a sympathetic heart and boundless devotion.... I can tell you today that you will find in me a devoted heart, sincerely desirous of helping to revive the Brazilian congregation and to revive the observance which will restore its splendor.” (December 21, 1893)

Dans une lettre à l’abbé président annonçant son arrivée, dom Gérard écrivait qu’il arrivait «avec un coeur sympathique et un dévouement sans bornes.... Je puis dès aujourd’hui vous dire que vous trouverez en moi un coeur dévoué, sincèrement désireux d’aider à relever la congrégation brésilienne et à y faire refleurir l’observance qui lui rendra sa splendeur.» (21 décembre 1893)

However, he made it clear to him that his first mission was to reach an agreement on the disputed points: abbey and novitiate. When leaving Rome in December 1893, Dom Gérard was accompanied by Dom Jérôme Kiene, “of a strange character with a spirit of contradiction which made him not very pleasant on the trip”.

Il lui fit cependant nettement comprendre que sa première mission était d’arriver à un accord sur les points litigieux: abbaye et noviciat. En quittant Rome, en décembre 1893, dom Gérard était accompagné de dom Jérôme Kiene, «de caractère bizarre ayant un esprit de contradiction qui le rendait peu agréable en voyage».

We will see him very little and he will never intervene: from the start, Dom van Caloen will consider him to be a negligible quantity. But Dom Jérôme will not fail to write often to the Archabbot of Beuron to report the facts and actions of van Caloen. The latter, having spent Christmas at Monte Cassino, embarked from Naples on December 27, 1893, arriving on January 6, 1894 in Lisbon. He immediately started speaking Portuguese, without neglecting interesting and fruitful contacts with the nuncio in place and other prominent personalities. Dom van Caloen knew the art of maintaining relationships and making yourself matter. It was not until April 18, 1894 that Dom Gérard left Lisbon for Brazil with his letter of appointment in his pocket, signed and dated by the Archabbot of Beuron, April 3, 1894. It was not in Pernambuco, today Recife, which he disembarked as planned, but in Rio de Janeiro, for fear of cholera.

On le verra très peu et il n’interviendra jamais: dès le début, dom van Caloen le considérera comme quantité négligeable. Mais dom Jérôme ne manquera pas d’écrire souvent à l’archiabbé de Beuron pour rapporter les faits et gestes de van Caloen. Ce dernier, ayant passé la fête de Noël au mont Cassin, s’embarqua à Naples le 27 décembre 1893, pour arriver le 6 janvier 1894 à Lisbonne. Il se mit aussitôt au portugais, sans négliger pour autant des contacts intéressants et fructueux avec le nonce en place et d’autres personnalités en vue. Dom van Caloen connaissait l’art d’entretenir des relations et de se donner de l’importance. Ce n’est que le 18 avril 1894 que dom Gérard quitta Lisbonne pour le Brésil avec sa lettre de nomination en poche, signée et datée par l’archiabbé de Beuron, le 3 avril 1894. Ce ne fut pas à Pernambuco, aujourd’hui Recife, qu’il débarqua comme prévu, mais à Rio de Janeiro, par crainte du choléra.

The arrival in the bay of Rio transported him with admiration: “... one of the most beautiful spectacles that it is possible to see in the world.”

L’arrivée dans la baie de Rio le transporta d’admiration: «... l’un des plus beaux spectacles qu’il soit donné de voir au monde.»

Barely had he disembarked, Dom van Caloen rushed to the internuncio, Monseigneur Gotti, who advised him to go without delay to the abbot president, a man who was understanding but without authority. He drew his attention not only to the enmity of the monks of Rio but above all to the sensitivity of Brazilians and their fear of seeing their property pass into the hands of foreigners. On May 12, the two travelers were in Bahia where the abbot president, Frei Domingos da Transfiguraçâo, resided.

À peine débarqué, dom van Caloen se précipita chez l’internonce, Monseigneur Gotti, qui lui conseilla de se rendre sans retard chez l’abbé président, homme compréhensif mais sans autorité. Il attira son attention non seulement sur l’inimitié des moines de Rio mais surtout sur la sensibilité des Brésiliens et leur peur de voir passer leurs biens aux mains d’étrangers. Le 12 mai, les deux voyageurs étaient à Bahia où résidait l’abbé président, Frei Domingos da Transfiguraçâo.

Dom van Caloen was astonished to see that Brazilian monasteries were not comparable to European monasteries. Accustomed to the large abbeys of Maredsous, Beuron or Monte Cassino, he had difficulty designing an abbey of modest proportions. All these Brazilian abbeys, built in the 17th century without much style, only had a small cloister, a few cells and a church “which in Europe would be a chapel for nuns”. Only the abbeys of Rio de Janeiro and Bahia had been designed in a monumental way and deserved, according to Dom van Caloen, the name of abbeys.

Grand fut l’étonnement de dom van Caloen de constater que les monastères brésiliens n’étaient pas comparables aux monastères européens. Habitué aux grandes abbayes de Maredsous, de Beuron ou du mont Cassin, il avait de la peine à concevoir une abbaye de proportions modestes. Toutes ces abbayes brésiliennes, bâties au XVIIe siècle sans beaucoup de style, ne disposaient en effet que d’un petit cloître, de quelques cellules et d’une église «qui serait en Europe une chapelle de religieuses». Seules les abbayes de Rio de Janeiro et de Bahia avaient été conçues de façon monumentale et méritaient, aux dires de dom van Caloen, le nom d’abbayes.

We know that van Caloen had never much appreciated the Baroque, hence his negative opinion of Brazilian monasteries. He immediately noticed that the abbeys, rich on paper, were poorly managed, that the estates were rented for crusts of bread, that the gardens were allocated for derisory sums and that a lot of money was passing secretly to the abbots, to their personal use. However, house rentals in the cities were still profitable.

On sait que van Caloen n’avait jamais beaucoup apprécié le baroque, d’où son opinion négative sur les monastères brésiliens. Il constata aussitôt que les abbayes, riches sur papier, étaient mal gérées, que les domaines étaient loués pour des croûtons de pain, que les jardins étaient lotis pour des sommes dérisoires et que beaucoup d’argent passait en sous-main aux abbés, pour leur usage personnel. La location des maisons dans les villes était toutefois encore d’un bon rapport.

“A good administration would be able to rebuild a respectable heritage.”

«Une bonne administration arriverait à reconstituer un patrimoine respectable.»

The Bahia talks were not easy. The Brazilians only thought of temporary aid, the maintenance of their institutions and a central novitiate. Dom van Caloen pointed out that such a novitiate was in contradiction with the Benedictine ideal. Each abbey has its own physiognomy, it trains its novices in this perspective: this is the meaning of the vow of stability. He also rejected, in the name of Beuron and the holy rule, the temporary abbacy provided for by the Brazilian constitutions. He personally demanded the abbey of Olinda with all its property. Dom Gérard does not give up. The instructions received, nor his personal monastic convictions, were in accordance with Brazilian requirements. With the agreement of Frei Domingos da Transfiguraçâo, Dom Gérard van Caloen then proposed the transfer of Brotas Abbey with its 10,000 ha of fallow land to establish a school and an orphanage. Finding the idea of ​​the Bishop of Bahia to create a faculty of theology at the Abbey of Bahia excellent - it was more than enough to ignite his spirit - Dom Gérard also requested the transfer of this abbey. It was too much for the Brazilians.

Les entretiens de Bahia ne furent pas faciles. Les Brésiliens ne songeaient qu’à une aide temporaire, au maintien de leurs institutions et à un noviciat central. Dom van Caloen fit remarquer qu’un tel noviciat était en contradiction avec l’idéal bénédictin. Chaque abbaye possède sa physionomie propre, elle forme ses novices dans cette perspective: c’est là le sens du voeu de stabilité. Il rejetait aussi, au nom de Beuron et de la sainte règle, l’abbatiat temporaire prévu par les constitutions brésiliennes. Il exigeait personnellement l’abbaye d’Olinda avec tous ses biens. Dom Gérard n’en démordit pas. Les instructions reçues, pas plus que ses convictions monastiques personnelles, ne s’accordaient aux exigences brésiliennes. Avec l’accord de Frei Domingos da Transfiguraçâo, dom Gérard van Caloen proposa alors la cession de l’abbaye de Brotas avec ses 10 000 ha de terres en friche pour y établir une école et un orphelinat. Trouvant excellente l’idée de l’évêque de Bahia de créer auprès de l’abbaye de Bahia une faculté de théologie — c’était plus qu’il n’en fallait pour enflammer son esprit —, dom Gérard demanda aussi la cession de cette abbaye. C’en était trop pour les Brésiliens.

Dom van Caloen then proposed to request Brazilian nationality for all monks coming from Europe and to keep them in the Brazilian congregation until the death of Frei Domingos da Transfiguraçâo. On his death, a new congregation would be created according to the Beuron model, to which the other abbeys would adhere upon the death of the last monks: this proposal did not suit the Brazilians either. The resistance was strong. Frei Do-mingos da Transfiguraçâo, who was nevertheless a supporter of these proposals, had no authority and the Brazilian abbots had no desire to lose their rights or especially their income. A counter-proposal from the abbots being unacceptable to Dom van Caloen, it was the failure of his mission. On July 2, 1894, he left Brazil to report to the general chapter of the congregation of Beuron, whose meetings would be held in Maredsous from July 29.

Dom van Caloen proposa alors de demander la nationalité brésilienne pour tous les moines venant d’Europe et de les maintenir dans la congrégation brésilienne jusqu’à la mort de Frei Domingos da Transfiguraçâo. Au décès de celui-ci, une nouvelle congrégation serait créée selon le modèle de Beuron, à laquelle les autres abbayes adhéreraient à la mort des derniers moines: cette proposition ne convint pas non plus aux Brésiliens. La résistance fut vive. Frei Do-mingos da Transfiguraçâo, qui était pourtant partisan de ces propositions, n’avait aucune autorité et les abbés brésiliens ne tenaient nullement à perdre leurs droits ni surtout leurs revenus. Une contre-proposition des abbés étant inacceptable pour dom van Caloen, ce fut l’échec de sa mission. Le 2 juillet 1894, il quittait le Brésil pour faire rapport au chapitre général de la congrégation de Beuron, dont les assises se tiendraient à Maredsous à partir du 29 juillet.

2.5. New negotiations - 1894-1895

2.5. Nouvelles tractations - 1894-i895

Dom van Caloen’s report had become a large file of more than 72 pages, in-4 format. His conclusions were negative:

Le rapport de dom van Caloen était devenu un gros dossier de plus de 72 pages, format in-4 . Ses conclusions étaient négatives:

“My humble opinion is that, for the moment, the dignity of the congregation of Beuron and the hope of a more favorable situation, if the Holy See judged it appropriate to intervene, advise us to decline the offers of the abbot president and to refrain from all interventions in the Benedictine affairs of Brazil3o.”

«Mon humble avis est que, pour le moment, la dignité de la congrégation de Beuron et l’espoir d’une situation plus favorable, si le Saint-Siège jugeait à propos d’intervenir, conseillent de décliner les offres de l’abbé président et de s’abstenir de toutes interventions dans les affaires bénédictines du Brésil3o.»

In fact, if Beuron and van Caloen wanted to take over the Brazilian congregation and start again ab ovo, the Brazilians, on the other hand, did not intend to relinquish their property: the points of view were irreconcilable. The problem, ultimately, was a matter of monastic conception and temporal goods. Beuron like Solesmes defended the old monastic tradition of the autonomy of abbeys and life-long abbacy; Brazil, a tradition strongly influenced by new norms, introduced in the 15th century and imposed after the Council of Trent, extensive centralization and temporary abbacy. By holding on to their customs and their goods, didn’t the Brazilians want to protect themselves in a certain way against European encroachment? Only Rome could impose an ex auctoritate solution. The fourth general chapter of the congregation of Beuron agreed with the opinion of Dom van Caloen.

En fait, si Beuron et van Caloen voulaient reprendre la congrégation brésilienne et recommencer ab ovo, les Brésiliens, par contre, ne prétendaient pas se dessaisir de leurs biens: les points de vue étaient inconciliables. Le problème, au fond, était affaire de conception monastique et de biens temporels. Beuron comme Solesmes défendaient la vieille tradition monastique de l’autonomie des abbayes et de l’abbatiat à vie; le Brésil, une tradition fortement influencée par les nouvelles normes, introduites au xve siècle° et imposées après le concile de Trente, une centralisation poussée et l’ab-batiat temporaire. En tenant à leurs coutumes et à leurs biens, les Brésiliens ne voulaient-ils pas d’une certaine façon se prémunir contre l’empiètement des Européens? Seule Rome pouvait imposer une solution ex auctoritate. Le quatrième chapitre général de la congrégation de Beuron se rangea à l’avis de dom van Caloen.

Both Pope Leo XIII and the nuncio, Monsignor Gotti, insisted that Beuron continue to seek a solution. In the meantime, Rome took the matter in hand. She put pressure on the abbot of Olin-da so that he gave way to monks coming from Europe. He refused at first, then submitted in November 1894. The heritage was the subject of an agreement between the two congregations. The agreement regulated the situation of the newly professed and the monks of Beuron, who became full members of the Brazilian congregation, with the consequences that would ensue for the heritage. Brazil also recognized Beuron’s right to impose the Beuronian constitutions on new monks. The abbey of Olinda was entrusted to the monks of Beuron and a canonical novitiate was opened there. The two parties accepted the Roman convention set up in January 1895. Dom Gérard informed the Archabbot of Beuron that he was ready to assume this mission of Brazil in all obedience and humility, convinced that it was the will of God ; he added: “I only expect light and strength from the direction of my venerated Superiors.” On March 8, 1895, Dom Placid Woltcr informed Dom van Caloen that Beuron ratified the convention and that he was maintained in his mission. For his part, the abbot primate named him prior of the abbey of Olinda and established the canonical novitiate in this same abbey, as Rome authorized it.

Tant le pape Léon XIII que le nonce, Monseigneur Gotti, insistèrent pour que Beuron continuât à chercher une solution. En attendant, Rome prit l’affaire en main. Elle fit pression sur l’abbé d’Olin-da afin qu’il cédât la place aux moines venant d’Europe. Il refusa d’abord, puis se soumit en novembre 1894. Le patrimoine fit l’objet d’une convention entre les deux congrégations. L’accord réglait la situation des nouveaux profès et des moines de Beuron, qui devenaient membres à part entière de la congrégation brésilienne, avec les conséquences qui s’ensuivraient pour le patrimoine. Le Brésil reconnaissait aussi à Beuron le droit d’imposer aux nouveaux moines les constitutions beuroniennnes. L’abbaye d’Olinda était confiée aux moines de Beuron et un noviciat canonique y était ouvert. Les deux parties acceptèrent la convention romaine mise sur pied en janvier 1895. Dom Gérard fit savoir à l’archiabbé de Beuron qu’il était prêt à assumer cette mission du Brésil en toute obéissance et humilité, persuadé que c’était la volonté de Dieu; il ajoutait: «je n’attends de lumière et de force que de la direction de mes vénérés Supérieurs.» Le 8 mars 1895, dom Placide Woltcr fit savoir à dom van Caloen que Beuron ratifiait la convention et qu’il était maintenu dans sa mission. De son côté, l’abbé primat le nomma prieur de l’abbaye d’Olinda et érigea dans cette même abbaye le noviciat canonique, comme Rome l’autorisait.

The Pope is delighted with the decisions taken: “We have worked to keep you in Rome to take care of Eastern affairs, you must go to Brazil: that is my will. But I will call you back to Rome.”

Le pape se réjouit des décisions prises: «On a travaillé à vous retenir à Rome pour vous occuper des affaires d’Orient, il faut que vous alliez au Brésil: c’est ma volonté. Mais je vous rappellerai à Rome.»

These were, during a private audience, the Pope’s own words, reported by Dom Gérard van Caloen.

Ce furent, lors d’une audience particulière, les propres paroles du pape, rapportées par dom Gérard van Caloen.

Dom Gérard set to work. For him, help had to come from everywhere. He first made his mission known to the Belgian public in the form of a brochure, entitled Restoration of the order of Saint Benedict in Brazil - Monastic life - Apostolate - Call to vocations, published by Desclée de Brouwer. He briefly described the events of recent years and attached the private letter that the pope had addressed to the “Dilecto filio religioso viro Gerardo van Caloen”. It was a beautiful letter, full of encouragement and fraternal sympathy, in which the Pope did not hide his concern to see the Benedictine restoration succeed. It was at the same time an appeal to the Belgians to help the Benedictines in every possible way. Dom Gérard concluded with an appeal to candidate monk-missionaries. Dom van Caloen, in fact, could not fail to insist on the apostolic life of monks, his great hobby:

Dom Gérard se mit au travail. Pour lui, les secours devaient venir de partout. Il fit tout d’abord connaître sa mission au public belge sous forme d’une brochure, intitulée Restauration de l’ordre de saint Benoît au Brésil - Vie monastique - Apostolat - Appel aux vocations, parue chez Desclée de Brouwer. Il y décrivait brièvement les faits des dernières années et y joignait la lettre particulière que le pape avait adressée au «Dilecto filio religioso viro Gerardo van Caloen». C’était une belle lettre, pleine d’encouragements et de sympathie fraternelle, dans laquelle le pape ne cachait pas son souci de voir aboutir la restauration bénédictine. C’était en même temps un appel aux Belges pour qu’ils aident les bénédictins de toutes les manières possibles. Dom Gérard concluait par un appel aux candidats moines-missionnaires. Dom van Caloen, en effet, ne pouvait pas ne pas insister sur la vie apostolique des moines, son grand dada:

“It is a question of employing the monks in the apostolic work of education, teaching and ministry of souls, so imperatively demanded in Brazil by the present circumstances... The idea of ​​missions strictly speaking is not excluded of their future aspirations.”

«Il s’agit d’employer les moines au travail apostolique d’éducation, d’enseignement et de ministère des âmes, si impérieusement réclamé au Brésil par les circonstances présentes... L’idée des missions proprement dites n’est pas exclue de leurs aspirations futures.»

What did the abbots of Beuron and Maredsous think of these sentences? Was it not a revenge on the part of Dom van Caloen who found here favorable ground to openly develop his ideas? Some Belgian newspapers published extracts from his pamphlet; Le Bien Public headlined: “A call from the Holy Father to the apostolic zeal of the Belgians.” Dom Gérard did not fail to send a copy of the pope’s letter to Cardinal Goossens, archbishop of Mechelen, and to other high dignitaries of the Church in order to inform them of the appeal of the sovereign pontiff. Dom Gérard van Caloen had always had an innate sense of publicity, he had trumpeted his activities everywhere: he thus made himself present everywhere.

Que pensèrent de ces phrases les abbés de Beuron et de Maredsous? N’était-ce pas une revanche de dom van Caloen qui trouvait ici un terrain favorable pour développer ouvertement ses idées? Quelques journaux belges publièrent des extraits de sa brochure; Le Bien Public titra: «Un appel du Saint Père au zèle apostolique des Belges.» Dom Gérard ne manqua pas d’envoyer une copie de la lettre du pape au cardinal Goossens, archevêque de Malines, et à d’autres hauts dignitaires de l’Église afin de les mettre au courant de l’appel du souverain pontife. Dom Gérard van Caloen avait toujours eu un sens inné de la publicité, il avait claironné partout ses activités: il se rendait ainsi partout présent.

Who were his first traveling companions? Four monks came from Maredsous: Dom Feuillen Lhermitte, Dom Denis Ver-din, Dom Willibrord Van Heteren and Brother Louis Kaiser. From Beuron came Brother Damien Mauthe, cook. From Emmaüs Abbey, near Prague, Brother Casimir Moschner, locksmith, and Gaudens Mâtl, tailor. From Seckau, Austria, Brother Dominique Liedl. Two postulant lay brothers and three German choir oblates accompanied the monks. Father Moreau, from the diocese of Namur, and Father Van Emelen, from the archdiocese of Mechelen, joined the group. A French engineer, Mr Schünewski, was also among the starters. This first caravan therefore had, including Dom Gérard van Caloen, seventeen members.

Qui furent ses premiers compagnons de voyage? Quatre moines venaient de Maredsous: dom Feuillen Lhermitte, dom Denis Ver-din, dom Willibrord Van Heteren et le frère Louis Kaiser. De Beuron vint le frère Damien Mauthe, cuisinier. De l’abbaye d’Emmaüs, près de Prague, le frère Casimir Moschner, serrurier, et Gaudens Mâtl, tailleur. De Seckau, en Autriche, le frère Dominique Liedl. Deux postulants frères convers et trois oblats de choeur allemands accompagnaient les moines. L’abbé Moreau, du diocèse de Namur, et l’abbé Van Emelen, de l’archidiocèse de Malines, se joignirent au groupe. Un ingénieur français, Monsieur Schünewski, était également parmi les partants. Cette première caravane comptait donc, dom Gérard van Caloen compris, dix-sept membres.

The number of lay brothers could perhaps surprise the reader. In the history of the order, brothers have never been considered monks. They were always recruited from modest, non-intellectual backgrounds, and formed the essential workforce for the life of the community. Lay brothers have always been very numerous, especially in German abbeys, even more numerous than monk-priests, and this is still the case today. In our regions, they have practically disappeared, the distinctions between monks and brothers being removed. Their existence, however, corresponded to the spirit of chapter 66 of the Rule of Saint Benedict: “As for the monastery, it must be, if possible, built in such a way that everything necessary, that is to say water, the mill, the garden and the various trades, are located inside the monastery, so that the monks are not obliged to run outside in all directions...” (RB 66,6)

Le nombre de frères convers pourrait peut-être étonner le lecteur. Dans l’histoire de l’ordre, les frères n’ont jamais été considérés comme des moines. Ils se sont toujours recrutés dans les milieux modestes, non intellectuels, et formaient la main-d’oeuvre indispensable pour la vie de la communauté. Les frères convers ont toujours été très nombreux, surtout dans les abbayes allemandes, plus nombreux même que les moines-prêtres, et c’est encore le cas aujourd’hui. Dans nos régions, ils ont pratiquement disparu, les distinctions entre moines et frères étant supprimées. Leur existence cependant correspondait à l’esprit du chapitre 66 de la Règle de saint Benoît: «Quant au monastère, il doit être, si possible, construit de telle façon que tout le nécessaire, c’est-à-dire l’eau, le moulin, le jardin et les divers métiers, se trouve à l’intérieur du monastère, de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au-dehors de tous côtés...» (RB 66,6)

So, no monastic enterprise without lay brothers, without workforce. This was the mentality of monks in European abbeys: brothers are indispensable, even if we never talk about them. So Dom van Caloen must have thought

Donc, pas d’entreprise monastique sans frères convers, sans main-d’oeuvre. Telle était la mentalité des moines dans les abbayes européennes: les frères sont indispensables, même si on n’en parle jamais. Ainsi pensait forcément dom van Caloen

The departure of the caravan was planned for August 1, 1895. The farewells took place the day before at the abbey of Maredsous, according to the rite provided for by the monastic ritual: presentation of the Foundation Cross, the Rule and the Psalter, followed by prayers from the Itinerarium. The Benedictine Review, in its report of the day, did not fail to emphasize the moving nature of the ceremony. The embarkation took place on August 4 in La Rochelle, and, on August 17, 1895, the group of monks disembarked in Recife. A few hours later he was in Olinda. The great Brazilian adventure of Dom Gérard van Caloen began.

Le départ de la caravane était prévu pour le ier août 1895. Les adieux eurent lieu la veille à l’abbaye de Maredsous, selon le rite prévu par le rituel monastique: remise de la Croix de fondation, de la Règle et du Psautier, suivie des prières de l’Itinerarium. La Revue bénédictine, dans son compte rendu de la journée, ne manqua pas de souligner le caractère émouvant de la cérémonie. L’embarquement eut lieu le 4 août à La Rochelle, et, le 17 août 1895, le groupe des moines débarquait à Recife. Quelques heures plus tard, il était à Olinda. La grande aventure brésilienne de dom Gérard van Caloen commençait.

 

 

3. OLINDA - 1895-1898

3. OLINDA - 1895-1898

 

 

3.1. The first months in Olinda

3.1. Les premiers mois à Olinda

The presiding abbot, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, and the abbot of Olinda, Frei José Botelho, were in Olinda on August 17, 1895, to welcome Dom Gérard van Caloen and his companions. The chronicler speaks of a cordial and warm meeting, moving for the abbot president. The very evening of their arrival, monks and brothers sang Compline: the divine office resounded again in the old abbey church; monastic life resumed. The next morning, for the first time in many years, a solemn Eucharist brought together a large audience in the church. In living memory, we had not seen this again. That same August 18, Dom Gérard sent the Pope a telegram “to announce to him by way of congratulations that the divine office and the conventual mass had recommenced at Saint-Benoît d’Olinda on the day of Saint-Joachim, its patron”.

L’abbé président, Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, et l’abbé d’Olinda, Frei José Botelho, étaient à Olinda, ce 17 août 1895, pour souhaiter la bienvenue à dom Gérard van Caloen et à ses compagnons. Le chroniqueur parle d’une rencontre cordiale et chaleureuse, émouvante pour l’abbé président. Le soir même de leur arrivée, moines et frères chantèrent les complies: l’office divin retentissait à nouveau dans la vieille église abbatiale; la vie monastique reprenait. Le lendemain matin, pour la première fois depuis de nombreuses années, une eucharistie solennelle rassembla dans l’église une assistance nombreuse. De mémoire d’homme, on n’avait plus vu cela. Ce même i8 août, dom Gérard envoyait au pape un télégramme «pour lui annoncer en guise de félicitations que l’office divin et la messe conventuelle avaient recommencé à Saint-Benoît d’Olinda le jour de la Saint-Joachim, son patron».

A very clever way of doing things so as not to fall into oblivion... The Pope’s response arrived the next day.

Façon de faire bien habile pour ne pas tomber dans l’oubli... La réponse du pape arriva dès le lendemain.

Now we had to make way for work! Dom Gérard van Ca-loen would finally find favorable ground to systematically apply his ideas on the monastic-missionary apostolate. But just as systematically, the complaints and resistance of his monks would disarm him and make him ill. Just as systematically, Abbots Wolter and de Hemptinne would try to make him understand that he was acting against the spirit of Beuron. For them, in fact, it was above all a question of creating a fervent and strong monastic community in Olinda. With his spirit and temperament, it should come as no surprise that Dom van Caloen accepted, from the beginning, all kinds of pastoral activities, more than his monks could undertake.

Il fallait maintenant faire place au travail! Dom Gérard van Ca-loen allait enfin trouver un terrain favorable pour appliquer systématiquement ses conceptions sur l’apostolat monastico-mission-naire. Mais tout aussi systématiquement, les plaintes et la résistance de ses moines allaient le désarmer et le rendre malade. Tout aussi systématiquement, les abbés Wolter et de Hemptinne tenteraient de lui faire comprendre qu’il agissait contre l’esprit de Beuron. Pour eux, en effet, il s’agissait avant tout de créer à Olinda une communauté monastique fervente et forte. Avec son esprit et son tempérament, il ne faut pas s’étonner si dom van Caloen accepta, dès le début, toutes sortes d’activités pastorales, plus que ses moines ne pouvaient entreprendre.

Everything happened very quickly. First it was the parish, with all that followed, then the apostolate outside the monastery, then teaching, later still taking charge of the seminary and the founding of an orphanage. Dom Gérard refused nothing. He accepted everything without taking into account the people at his disposal, thinking rather of the influence that the Benedictines could gain at all levels of the population. It was basically, virtually, the implementation of the apostolic monastery that he had dreamed of for so long. Despite all the beautiful declarations of fidelity to the monastic ideal of Beuron, of which his letters were full, Dom van Caloen followed his own path, the one he had always believed willed by God. Before the end of the year, he asked his abbots, or rather he begged them, to send reinforcements. For their part, Dom Placid Wolter and Dom Hildebrand de Hemptinne tried to curb the zeal of Dom van Caloen, because they themselves did not have too many monks for their own monasteries and foundations. In a letter to Dom Wolter, Dom de Hemptinne made the following remarks: “Dom Gérard’s report is very consoling but a little frightening too. The work is considerable and there is an admirable scope for action. However, I recommended two things to Dom Gérard, not only to consider the needs of Brazil but also our strengths and to never say that we went to Brazil for two purposes: monastic life and the apostolate: apostolate being only a development of monastic life. If it is false that monks should not be involved in ministry, it is also false to say that monks must be anything other than monks.” (November 23, 1895)

Tout alla très vite. Ce fut d’abord la paroisse, avec tout ce qui s’ensuivait, puis l’apostolat en dehors du monastère, ensuite l’enseignement, plus tard encore la prise en charge du séminaire et la fondation d’un orphelinat. Dom Gérard ne refusait rien. Il acceptait tout sans tenir compte des personnes dont il disposait, songeant bien plutôt à l’influence que les bénédictins pourraient y gagner à tous les niveaux de la population. C’était au fond, virtuellement, la mise en application du monastère apostolique dont il rêvait depuis si longtemps. Malgré toutes les belles déclarations de fidélité à l’idéal monastique de Beuron, dont ses lettres étaient pleines, dom van Caloen suivait sa propre voie, celle qu’il avait toujours cru voulue par Dieu. Avant la fin de l’année, il demanda à ses abbés, ou plutôt il les supplia, d’envoyer du renfort. De leur côté, dom Placide Wolter et dom Hildebrand de Hemptinne tentaient de freiner le zèle de dom van Caloen, car eux-mêmes n’avaient pas trop de moines pour leurs propres monastères et fondations. Dans une lettre à dom Wolter, dom de Hemptinne faisait les remarques suivantes: «Le rapport de dom Gérard est très consolant mais un peu effrayant aussi. Le travail est considérable et il y a là un champ d’action admirable. Toutefois, j’ai recommandé deux choses à dom Gérard, de ne pas seulement considérer les besoins du Brésil mais aussi nos forces et de ne jamais dire que nous sommes allés au Brésil pour deux buts: la vie monastique et l’apostolat: l’apostolat n’étant qu’un épanouissement de la vie monastique. S’il est faux que les moines ne doivent pas s’occuper de ministère, il est faux aussi de dire que les moines doivent être autre chose que des moines.» (23 novembre 1895)

As for Dom Wolter, he pointedly remarked to Dom van Caloen:

Quant à dom Wolter, il fit remarquer finement à dom van Caloen:

“Even if tomorrow you had 2, 4, 6 more fathers, these recruits would only increase your businesses and after a few months you would be in greater need than today. (...) I implore you, dear father prior, and I do it with double insistence because of your energy which easily undertakes too quickly and too much, I implore you to resist every temptation, every request that you will be asked to undertake new work. »(April 26, 1896)

«Même si demain vous aviez 2, 4, 6 pères de plus, ces recrues ne feraient qu’augmenter vos entreprises et après quelques mois vous seriez dans un besoin plus grand qu’aujourd’hui. (...) Je vous en conjure, cher père prieur, et je le fais avec une double insistance à cause de votre énergie qui facilement entreprend trop vite et trop, je vous conjure de bien résister à toute tentation, à toute demande qu’on vous fera d’entreprendre des travaux nouveaux.»(26 avril 1896)

The secretary of the Archabbot of Beuron reported this abbey reaction to him: “The Reverend Father Benoît Sauter, Abbot of Emmaüs, has just written a fulminant letter. He sees great dangers in Brazil for our confreres and for the entire congregation. We would lose sight of all our principles of monastic life by engaging in a host of impossible undertakings. Seminary, orphanage, all kinds of things and especially the prospect of 7 abbeys and 4 priories frightened him.” (June 25, 1896)

Le secrétaire de l’archiabbé de Beuron lui rapporta cette réaction abbatiale:«Le Révérendissime Père Benoît Sauter, abbé d’Emmaüs, vient d’écrire une lettre fulminante. Il voit de grands dangers au Brésil pour nos confrères et pour toute la congrégation. On perdrait de vue tous nos principes de vie monastique en s’engageant dans une foule d’entreprises impossibles. Séminaire, orphelinat, toutes sortes de choses et surtout la perspective de 7 abbayes et de 4 prieurés l’ont effrayé.» (25 juin 1896)

He wasn’t the only one who thought this way. Fear of Dom van Caloen’s ever-new undertakings and initiatives resurfaced: past affairs had not been forgotten, and the prospects for the future, with everything that van Caloen accepted today, could only frighten the abbots of Beuron. Dom van Caloen did not in fact hide the fact that one day or another, the other abbeys and priories would enter the fray and that they had to prepare for it, but he did not yet want to scare them off. How can we hold him back now?, thought Dom Wolter and Dom de Hemptinne. Especially since they knew that Dom Gérard, knowing he was supported and encouraged by Rome, would not fail to apply the adage: “Roma locuta causa finita.” “The Reverend Father knows very well,” wrote the archabbot’s secretary, “that you are free and in control of the situation but also that it is he who must provide you with the necessary subsidies for your enterprises.” (June 15, 1896)

Il n’était pas le seul à penser ainsi. Refaisait surface la peur des entreprises et des initiatives toujours nouvelles de dom van Caloen: on n’avait pas oublié les affaires passées, et les perspectives d’avenir, avec tout ce que van Caloen acceptait aujourd’hui, ne pouvaient qu’effrayer les abbés de Beuron. Dom van Caloen ne cachait pas en effet qu’un jour ou l’autre, les autres abbayes et prieurés entreraient en lice et qu’il fallait s’y préparer, mais il ne tenait pas encore à les effaroucher. Comment le retenir, maintenant?, songeaient dom Wolter et dom de Hemptinne. D’autant plus qu’ils savaient que dom Gérard, se sachant soutenu et encouragé par Rome, ne manquerait pas d’appliquer l’adage: «Roma locuta causa finita.» «Le Rme Père sait très bien, écrivait le secrétaire de l’archiabbé, que vous êtes libre et maître de la situation mais aussi que c’est lui qui doit vous fournir les subsides nécessaires pour vos entreprises.» (15 juin 1896)

Father Gérard, however, never stopped begging for reinforcements: the work was considerable, a lot was asked of them and the future would demand even more. For their part, the abbots of Beu-ron and Maredsous continually drew his attention to the health of the confreres, and highlighted their own difficulties in responding to all the requests made to them. Over time, a dialogue of the deaf was established between Brazil and Europe. The abbot primate, in one of his letters, did not fail to make this friendly remark, no doubt, but severe: “For these different undertakings, you went ahead alone, I mean without permission or the archabbot, nor me. You consulted us, it is true, but without waiting for a response before taking action. Now this should not be because, not to mention obedience, you depend on us for the execution of all these plans and we, in our turn, depend on the circumstances which do not allow us to act as we would like. .” (July 15, 1896) And added: “I think it is right to forbid you now, as primate of the order, from undertaking any new work without my permission.”

Le père Gérard, cependant, ne cessait de supplier qu’on lui envoie du renfort: le travail était considérable, on leur demandait beaucoup et l’avenir exigerait plus encore. De leur côté, les abbés de Beu-ron et de Maredsous attiraient continuellement son attention sur la santé des confrères, et faisaient valoir leurs propres difficultés à répondre à toutes les demandes qui leur étaient faites. Avec le temps, ce fut un dialogue de sourds qui s’établit entre le Brésil et l’Europe. L’abbé primat, dans une de ses lettres, ne manqua pas de lui faire cette remarque amicale, sans doute, mais sévère: «Pour ces différentes entreprises, vous avez marché de l’avant tout seul, j’entends sans permission ni de l’archiabbé, ni de moi. Vous nous avez consultés, il est vrai, mais sans attendre la réponse pour agir. Or cela ne devrait pas être car, sans parler de l’obéissance, vous dépendez de nous pour l’exécution de tous ces projets et nous, à notre tour, nous dépendons des circonstances qui ne nous permettent pas d’agir comme nous le voudrions.» (15 juillet 1896) Et d’ajouter: «Je crois bien faire de vous défendre maintenant, en tant que primat de l’ordre, d’entreprendre aucune nouvelle oeuvre sans ma permission.»

Did Dom van Caloen take into account the defense of the primate? Although he was grateful for her remarks and warnings, he did little to respect them and continued as if nothing had happened. He tried other arguments to convince the abbots of Beuron and Maredsous: he struck a chord. The role assigned to the order of Saint Benedict in Brazil was too important to let escape, he wrote:

Dom van Caloen a-t-il tenu compte de la défense du primat? Bien qu’il lui fût reconnaissant de ses remarques et de ses mises en garde, il ne fit pas grand-chose pour les respecter et continua comme si de rien n’était. Il essaya d’autres arguments pour convaincre les abbés de Beuron et de Maredsous: il fit jouer la corde sensible. Le rôle dévolu à l’ordre de saint Benoît au Brésil était trop important pour le laisser échapper, écrivait-il:

“It is indeed a beautiful work to come to our aid; if we are supported, we will be able, God helping, to reestablish our order in a unique situation: the future is ours throughout Brazil, if we have men. We can be the greatest force of the Church there in a few years.”( January 24, 1896)

«C’est en effet une belle oeuvre que de nous venir en aide; si nous sommes soutenus, nous pourrons, Dieu aidant, rétablir notre ordre dans une situation unique: l’avenir est à nous dans tout le Brésil, si nous avons des hommes. Nous pouvons y être la plus grande force de l’Église d’ici à peu d’années.»(24 janvier 1896)

A little later he added:

Un peu plus tard, il ajoutait:

“I repeat once again, our order can occupy a unique situation in Brazil in a few years, comparable to that which it occupied in the entire Church in the 11th and 13th centuries. It’s only a question of men.” ( April 2, 1896)

«Je le répète encore une fois, notre ordre peut occuper au Brésil une situation unique d’ici peu d’années, comparable à celle qu’il occupait dans l’Église entière au XIQ et au XIIQ siècle. Ce n’est qu’une question d’hommes.»(2 avril 1896)

His great love for the Church and the Benedictine order was evident; Nevertheless, Dom van Caloen should have taken into account the men at his disposal. However, he received reinforcements in 1896: two fathers and two brothers at the beginning of 1896, an English monk and an Italian monk in April, Father Michel Horn from Maredsous and six lay brothers in August: thirteen monks in all, it was not not so bad. Dom van Caloen was therefore not forgotten.

Son grand amour pour l’Église et l’ordre bénédictin était évident; il n’empêche que dom van Caloen aurait dû tenir compte des hommes dont il disposait. Il reçut pourtant des renforts en 1896: deux pères et deux frères au début de 1896, un moine anglais et un moine italien en avril, le père Michel Horn de Maredsous et six frères convers en août: treize moines en tout, ce n’était pas si mal. Dom van Caloen n’était donc pas oublié.

3.2. The monks of Olinda

3.2. Les moines d’Olinda

What were the reactions of the monks? Whisper and anger! First of all, there were great disagreements between the monks themselves. The Germans and the Belgians merged with difficulty into a community, the spirit of Beuron and that of Maredsous were not the same: we spoke of Belgian missionaries and German monks. Big problem for Dom Gérard:

Quelles furent les réactions des moines? Murmure et colère! Il existait tout d’abord de grandes mésententes entre les moines eux-mêmes. Les Allemands et les Belges se fondaient difficilement en une communauté, l’esprit de Beuron et celui de Maredsous n’étaient pas les mêmes: on parlait des missionnaires belges et des moines allemands. Gros souci pour dom Gérard :

“It is difficult to blend such diverse elements of nationalities and monasteries into a homogeneous whole. Everything that can be done to melt everything into charity does not prevent many clashes and misunderstandings” (April 2, 1896), he wrote to the abbot primate.

«Il est difficile de fondre en un tout homogène des éléments si divers de nationalités et de monastères. Tout ce que l’on peut faire pour fondre tout dans la charité n’empêche pas bien des heurts et des malentendus» (2 avril 1896), écrivait-il à l’abbé primat.

The poor knowledge of Portuguese, especially among the lay brothers, created painful misunderstandings. On the other hand, the brothers complained of being overloaded. They criticized Dom Gérard for undertaking more and more without taking into account the climate, which Europeans found difficult to tolerate. According to Dom Michel Horn 31 , the diocese was not so happy with all its initiatives: “it undertakes a lot but accomplishes nothing,” the vicar general is said to have said. The Germans, above all, accused him of endangering the principles of monastic life, according to the Beuronian tradition. A canon of Bahia, still according to Dom Michel Horn, even said in his presence to Dom Gérard that his first mission was to restore the Benedictine order, the activities would come afterwards. In any case, Dom van Caloen was unable to create a monastic community with the monks he had. His character, moreover, meant that he was always far from men and did not understand them. Taken by so many worries and responsibilities, he lacked time to listen to his monks. He also knew that he was not loved.

La piètre connaissance du portugais, surtout chez les frères convers, créait de pénibles malentendus. D’autre part, les frères se plaignaient d’être surchargés. Ils reprochaient à dom Gérard d’entreprendre de plus en plus sans tenir compte du climat, que les Européens supportaient difficilement. À en croire dom Michel Horn31, le diocèse n’était pas si heureux de toutes ses initiatives: «il entreprend beaucoup mais n’achève rien», aurait dit le vicaire général. Les Allemands, surtout, lui reprochaient de mettre en danger les principes de la vie monastique, selon la tradition beuronienne. Un chanoine de Bahia, toujours d’après dom Michel Horn, aurait même dit en sa présence à dom Gérard que sa première mission était de restaurer l’ordre bénédictin, les activités viendraient ensuite. Quoi qu’il en soit, dom van Caloen ne parvint pas à créer une communauté monastique avec les moines qu’il avait. Son caractère, d’ailleurs, faisait qu’il était toujours loin des hommes et ne les comprenait pas. Pris par tant de soucis et de reponsabilités, il manquait de temps pour écouter ses moines. Il savait d’ailleurs qu’il n’était pas aimé.

“I am not fatherly enough, I am too shy by nature and as a result sometimes too harsh. It is obvious that I do not enjoy the confidence of the monks although they support me in an exemplary manner; they consider me a dedicated and active leader; but, despite the efforts I make to gain their trust, I do not believe that they consider me as a father. (September 27, 1896)

«Je ne suis pas assez paternel, je suis trop timide par nature et par contrecoup parfois trop dur. Il est manifeste que je ne jouis pas de la confiance des moines quoiqu’ils me supportent d’une façon exemplaire; ils me considèrent comme un chef dévoué et actif; mais, malgré les efforts que je fais pour gagner leur confiance, je ne crois pas qu’ils me considèrent comme un père.» (27 septembre 1896)

In this same letter to Dom de Hemptinne, he wondered if it would not be better if he were no longer superior (September 27, 1896). Old complaints were coming to the surface, his difficult contacts with men were making him hesitant.

Dans cette même lettre à dom de Hemptinne, il se demandait s’il ne vaudrait pas mieux qu’il ne fût plus supérieur (27 septembre 1896). Les anciennes plaintes remontaient à la surface, ses contacts difficiles avec les hommes le rendaient hésitant.

3.3. Other worries for Dom van Caloen

3.3. D’autres soucis pour dom van Caloen

If Olinda Abbey, apart from some essential works, was habitable, the financial situation of the monastery was quite different, more serious than Dom van Caloen imagined. His predecessor had received the rental of most of the best land or houses until 1903; other properties had been rented in perpetuity for a ridiculous price. Taxes had not been paid for years and the abbey owed the State a debt of 37 contos, or 2,220,000 francs. Finally, part of the heritage was unusable or in the hands of neighbors who had seized it. As there was no land register, claims were difficult. Now this money, Dom Gérard absolutely needed it for his numerous businesses and especially for the maintenance of the community which numbered around fifty people: monks, brothers, oblates and staff. It cost Dom van Caloen dearly to put everything back in order; a large part of his strength and time was spent there. And it was all the more complicated because Rome, for political reasons, prohibited the sale of ecclesiastical property.

Si l’abbaye d’Olinda, sauf quelques travaux de première nécessité, était habitable, il en allait tout autrement de la situation financière du monastère, plus grave que ne se la figurait dom van Caloen. Son prédécesseur avait touché la location de la plupart des meilleurs terrains ou maisons jusqu’en 1903; d’autres biens avaient été loués à perpétuité pour un prix dérisoire. Les impôts n’avaient plus été payés depuis des années et l’abbaye avait envers l’État une dette de 37 contos, soit 2 220 00o francs. Enfin, une partie du patrimoine était inutilisable ou entre les mains de voisins qui s’en étaient emparés. Comme il n’y avait pas de cadastre, les réclamations étaient difficiles. Or cet argent, dom Gérard en avait absolument besoin pour ses nombreuses entreprises et surtout pour l’entretien de la communauté qui comptait une cinquantaine de personnes: moines, frères, oblats et personnel. Il coûta cher à dom van Caloen de remettre tout en ordre; une grande partie de ses forces et de son temps y passa. Et ce fut d’autant plus compliqué que Rome, pour des raisons politiques, interdisait la vente de biens ecclésiastiques.

Other worries were added. What everyone feared arrived: a press campaign against the European Benedictines. Newspaper articles virulently attacked the Europeans who had come to seize Brazilian property. The attacks came mainly from the south, from Rio, where the adversaries were the Benedictines themselves and more particularly the abbot of Rio. In Olinda, political adversaries tried to prevent any repair work in the abbey. A change of policy in the province of Pernambuco and the arrival of a new governor, favorable to the Catholics, allowed Dom van Caloen to resolve part of his problems and to enjoy a debt reduction.

D’autres soucis vinrent s’ajouter. Arriva ce que chacun craignait: une campagne de presse contre les bénédictins européens. Des articles de journaux s’en prirent avec virulence aux Européens venus s’emparer de biens brésiliens. Les attaques vinrent surtout du sud, de Rio, où les adversaires étaient les bénédictins mêmes et plus particulièrement l’abbé de Rio. À Olinda, les adversaires politiques tentèrent d’empêcher tous travaux de réfection dans l’abbaye. Un changement de politique dans la province de Pernambuco et l’arrivée d’un nouveau gouverneur, favorable aux catholiques, permirent à dom van Caloen de résoudre une partie de ses problèmes et de jouir d’une réduction de dette.

Alongside the domestic, financial and political worries which were not lacking, there were also the worries of the Brazilian congregation. Frei Domingos da Transfiguraçâo had, in fact, convened the general chapter of the congregation for May 1896. Dom van Caloen had tried to oppose it by resorting to Rome, but he had received orders to be present there, with defense however, not to decide anything without his approval. Although he was not invited, the abbots not wanting him, Dom Gérard went to Bahia. Of the ten remaining Brazilian monks, eight were part of the chapter. Strange situation! Did such a meeting still have any meaning? Regardless, the meeting was tense and stormy. The opposition was unleashed: the grievances, the accusations, the insults, the reproaches aimed at Dom van Caloen, the Abbot President, Beuron and even the Holy See were such that Dom Gérard threatened the chapter to send a complete report to the apostolic nuncio, and to leave with all the Europeans. His words moved the assembly, and some made amends. After much discussion and thanks to the energetic interventions of Dom van Caloen, peace was signed. In conclusion, the chapter appointed Dom van Caloen abbot of Olinda for three years, and integrated certain European monks as full monks in the congregation; he himself obtained financial support for his projects of 15 contos, or 900,000 francs, and the Brotas monastery to create an abbey school. The fight had been hard and bitter, but van Caloen had won the game. Reconciliation seemed complete in the congregation.

A côté des soucis domestiques, financiers et politiques qui ne manquaient pas, il y avait aussi les soucis de la congrégation brésilienne. Frei Domingos da Transfiguraçâo avait, en effet, convoqué le chapitre général de la congrégation pour mai 1896. Dom van Ca-loen avait tenté de s’y opposer en recourant à Rome, mais il avait reçu ordre d’y être présent, avec défense toutefois de rien décider sans son approbation. Bien qu’il ne fût pas invité, les abbés ne voulant pas de lui, dom Gérard se rendit à Bahia. Sur les dix moines brésiliens restants, huit faisaient partie du chapitre. Étrange situation! Pareille réunion avait-elle encore un sens? Quoi qu’il en soit, la réunion fut tendue et houleuse. L’opposition se déchaîna: les griefs, les accusations, les injures, les reproches à l’adresse de dom van Ca-loen, de l’abbé président, de Beuron et même du Saint-Siège furent tels que dom Gérard menaça le chapitre d’envoyer un compte rendu complet auprès du nonce apostolique, et de partir avec tous les Européens. Ses paroles émurent l’assemblée, et certains firent amende honorable. Après beaucoup de discussions et grâce aux interventions énergiques de dom van Caloen, la paix fut signée. En conclusion, le chapitre nomma pour trois ans dom van Caloen abbé d’Olinda, et intégra certains moines européens comme moines à part entière dans la congrégation; il obtint lui-même pour ses projets un soutien financier de 15 contos, soit 900 00o francs, et le monastère de Brotas pour y créer une école abbatiale. La lutte avait été dure et âpre, mais van Caloen avait gagné la partie. La réconciliation semblait totale dans la congrégation.

“The nuncio, Monsignor Guidi, is of the opinion that this chapter is an immense step taken in the work of restoration in Brazil, that now the merger has become official and that the internal opposition can be considered definitively defeated.” (June 8, 1896)

«Le nonce, Monseigneur Guidi, est d’avis que ce chapitre est un pas immense fait dans l’ceuvre de la restauration au Brésil, que maintenant la fusion est devenue officielle et que l’opposition intérieure peut être considérée comme définitivement vaincue.» (8 juin 1896)

In the same letter to the abbot primate, van Caloen spoke of the possibility of obtaining a third monastery in Sâo Paulo to create an oblate school, in the hope of attracting monastic vocations to the south. Abbots Wolter and de Hemptinne, while congratulating and thanking him, asked him to stick temporarily to monastic life in Olinda. As the ar-chiabbé of Beuron wrote to him: “Do nothing; collect yourself; inner life.”

Dans la même lettre au père abbé primat, van Caloen parlait de la possibilité d’obtenir un troisième monastère à Sâo Paulo pour y créer une école d’oblats, dans l’espoir d’attirer dans le sud des vocations monastiques. Les abbés Wolter et de Hemptinne, tout en le félicitant et en le remerciant, lui demandèrent de s’en tenir momentanément à la vie monastique à Olinda. Comme le lui écrivait l’ar-chiabbé de Beuron: «Ne faites rien; recueillez-vous; vie intérieure.»

To which he replied: “I have exactly the same principles, but in practice it is impossible. If we do not walk, we cannot live; if we do nothing, we will be despised and soon expelled.”

À quoi il répondit: «J’ai tout à fait les mêmes principes, mais en pratique, c’est impossible. Si nous ne marchons pas, nous ne pouvons vivre; si nous ne faisons rien, nous serons méprisés et bientôt expulsés.»

The brave archabbot, Dom Placid Wolter, spoke in his letters only of patience and inner life, which Dom van Caloen also affirmed on the level of principles and understood perfectly, but practice prevailed over theory and, to his eyes, it was especially important to prepare for the future: the recovery of all Brazilian monasteries.

Le brave archiabbé, dom Placide Wolter, ne parlait dans ses lettres que de patience et de vie intérieure, ce que dom van Caloen affirmait également sur le plan des principes et comprenait parfaitement, mais la pratique l’emportait sur la théorie et, à ses yeux, il était surtout important de préparer l’avenir: la récupération de tous les monastères brésiliens.

After a year spent in Olinda, the situation was still not rosy, neither for Dom van Caloen nor for the monks. Sympathy and antipathy coexisted: the Church and the population lined up behind the monks; the political class, on the other hand, took a dim view of these Europeans, who had supposedly come to restore the Benedictine order. As for the congregation, the new abbot of Olinda could count on some of the Brazilian abbots and, if necessary, on the neutrality of others: a temporary peace had been established. However, new problems would arise within the community.

Après un an passé à Olinda, la situation n’était toujours pas rose, pas plus pour dom van Caloen que pour les moines. Sympathie et antipathie se côtoyaient: l’Église et la population se rangeaient derrière les moines; la classe politique, par contre, voyait d’un mauvais oeil ces Européens, venus soi-disant pour restaurer l’ordre bénédc-tin. Quant à la congrégation, le nouvel abbé d’Olinda pouvait compter sur quelques-uns des abbés brésiliens et au besoin sur la neutralité des autres: une paix temporaire s’était installée. De nouveaux problèmes allaient toutefois surgir au sein de la communauté.

3.4. Crisis in Olinda

3.4. Crise à Olinda

It is certain that Dom van Caloen undertook far too much and did not take men into account, that he was chasing two hares at a time and wanted to achieve everything at once. There was a clear lack of prudence there: we only undertake with what we have. But this had the other consequence that Dom Gérard hardly had the time to take care of men or listen to them. On the other hand, the Belgian monks, especially Dom Denis Verdin, were more tempted by the apostolate than the German monks, and the training of the novices left something to be desired. All this ended up creating a climate of tension and suspicion that no one dared to point out to the superior and that the latter did not suspect. The crisis was approaching.

Il est certain que dom van Caloen entreprenait beaucoup trop et ne tenait pas compte des hommes, qu’il courait deux lièvres à la fois et voulait tout réaliser d’un coup. Il y avait là un manque manifeste de prudence: on n’entreprend qu’avec ce que l’on a. Mais cela avait pour autre conséquence que dom Gérard n’avait guère le temps de s’occuper des hommes ni de les écouter. D’autre part, les moines belges, dom Denis Verdin surtout, étaient plus tentés par l’apostolat que les moines allemands, et la formation des novices laissait à désirer. Tout cela finit par créer un climat de tension et de suspicion que personne n’osait faire remarquer au supérieur et que celui-ci ne soupçonnait pas. La crise approchait.

“I have just sent you a dispatch to tell you to prepare your trip to Europe, to moderate your activity and to wait for this letter... You will come to report on your mission, after which you will eventually return to Brazil.” (December 13, 1896) Why this threatening letter and this order from the abbot primate, Dom de Hemptinne, to Dom van Caloen? What had happened?

«Je viens de vous envoyer une dépêche pour vous dire de préparer votre voyage en Europe, de modérer votre activité et d’attendre la présente lettre... Vous viendrez rendre compte de votre mission, après quoi vous retournerez éventuellement au Brésil.» (13 décembre 1896) Pourquoi cette lettre comminatoire et cet ordre de l’abbé primat, dom de Hemptinne, à dom van Caloen? Que s’était-il passé?

For weeks, complaints from monks, especially from Father Michel Horn, had been piling up on the abbot primate’s desk. They not only related to van Caloen’s businesses but also to the lack of training of novices and his faulty management. The arrival of Dom Michel Horn, in August 1896, had crystallized the discontent following his own blunders and his lack of judgment. From being a helper, Dom Michel had become an adversary. He even claimed that he was in Brazil to monitor Dom van Caloen. When the crisis broke out, the abbot of Olinda was surprised: he had neither noticed nor anticipated anything. He reacted with great sincere humility, as he was accustomed to when orders came from above:

Depuis des semaines, des plaintes de moines, tout spécialement du père Michel Horn, s’entassaient sur le bureau de l’abbé primat. Elles n’avaient pas seulement trait aux entreprises de van Caloen mais aussi au manque de formation des novices et à sa gestion défectueuse. L’arrivée de dom Michel Horn, en août 1896, avait cristallisé le mécontentement à la suite de ses propres maladresses et de son manque de jugement. D’aidant, dom Michel était devenu adversaire. Il prétendait même qu’il était au Brésil pour surveiller dom van Caloen. Quand la crise éclata, l’abbé d’Olinda fut surpris: il n’avait rien remarqué, ni pressenti. Il réagit avec beaucoup de sincère humilité, comme il en avait l’habitude lorsque les ordres venaient d’en haut:

“I come to your letter, received on my knees and with the feelings of the deepest regret for the pain I have caused you by my imprudence. I humbly ask your forgiveness and promise to do everything to console you and repair my faults.” (December 31, 1896)

«J’en viens à votre lettre, reçue à genoux et avec les sentiments du plus vif regret pour les peines que je vous ai causées par mon imprudence. Je vous en demande humblement pardon et vous promets de tout faire pour vous consoler et réparer mes fautes.» (31 décembre 1896)

However, in this same letter of December 31, 1896 to the Father Abbot Primate, Dom Gérard rejected the reproaches made to him. He argued that the distance forced him to make certain decisions without delay - at that time, it took six weeks to two months for round-trip mail between Brazil and Europe. On the orders of the primate and the wishes of his colleagues, he had even renounced certain projects, such as the seminary and the professional school. With a few interviews and a few interventions, Dom van Caloen sincerely thought he had calmed the spirits. In order to separate the Germans and the Belgians, and at the suggestion of the community, he installed the novitiate and the German monks in Brotas, near Bahia, an estate which belonged to this abbey. Was it over? Such a crisis (“In Olinda on lives on a volcano...”) could it be resolved in a jiffy? Van Caloen believed it.

Toutefois, dans cette même lettre du 31 décembre 1896 au père abbé primat, dom Gérard récusait les reproches qui lui étaient faits. Il arguait de la distance qui le forçait à prendre sans attendre certaines décisions — à cette époque, il fallait en effet compter six semaines à deux mois pour le courrier aller-retour entre le Brésil et l’Europe. Sur l’ordre du primat et le désir de ses confrères, il avait même renoncé à certains projets, comme le séminaire et l’école professionnelle”. Avec quelques entretiens et quelques interventions, dom van Caloen pensait sincèrement avoir calmé les esprits. Afin de séparer les Allemands et les Belges, et sur proposition de la communauté, il installa le noviciat et les moines allemands à Brotas, près de Bahia, un domaine qui appartenait à cette abbaye. Était-ce terminé? Une telle crise («À Olinda on vit sur un volcan...») pouvait-elle se résoudre en un tournemain? Van Caloen le croyait.

However, a new conflict broke out shortly after. Father Michel Horn, superior of the house of Brotas, was once again the cause: through lack of judgment, once again. Convinced that Dom van Ca-loen had left Brazil for Europe, the Archabbot of Beuron had appointed Dom Michel Horn as interim superior. The latter believed that he was appointed in place of the abbot of Olinda and wanted to act accordingly. By an energetic and rapid intervention from the abbot of Olinda, the situation was restored and Brotas, a stillborn child due to the lack of audacity and courage of the German fathers, was removed. On this, van Caloen wrote to the Father Abbot Primate:

Un nouveau conflit éclata pourtant peu après. Le père Michel Horn, supérieur de la maison de Brotas, en fut encore la cause: par manque de jugement, une fois de plus. Persuadé que dom van Ca-loen avait quitté le Brésil pour l’Europe, l’archiabbé de Beuron avait désigné dom Michel Horn comme supérieur intérimaire. Celui-ci crut qu’il était nommé à la place de l’abbé d’Olinda et voulut agir en conséquence. Par une intervention énergique et rapide de l’abbé d’Olinda, la situation fut rétablie et Brotas, enfant mort-né par le manque d’audace et de courage des pères allemands, fut supprimé. Là-dessus, van Caloen écrivit au père abbé primat:

“What are these monks who cannot bear a little solitude, a few temporary privations, a small setback, without immediately wanting to flee? And these are the ones who have reproaches in their mouths.” (March 14, 1897)

«Qu’est-ce que c’est que ces moines qui ne savent pas supporter un peu de solitude, quelques privations passagères, un petit revers, sans vouloir tout de suite prendre la fuite? Et ce sont ceux-là qui ont des reproches à la bouche.» (14 mars 1897)

The disappointments were great. The monks, like the abbot of Olin-da, were traumatized by the events. Seven monks, including Dom Michel Horn, and some brothers returned to Europe: it was the great cleansing. The only one to stay was Dom Feuillen Lhermitte. Dom Gérard van Caloen, on this occasion, confided to the Father Abbot Primate his pain and his regrets:

Les déceptions étaient grandes. Les moines, comme l’abbé d’Olin-da, furent traumatisés par les événements. Sept moines, parmi lesquels dom Michel Horn, et quelques frères rentrèrent en Europe: ce fut le grand nettoyage. Le seul à rester fut dom Feuillen Lhermitte. Dom Gérard van Caloen, à cette occasion, confia au père abbé primat sa peine et ses regrets:

“If you think it appropriate, you will remove me from Brazil and return me to a simple monastic life, just as you sent me to Brazil two years ago. I feel desireless and willless, and place everything in your hands as God’s representative. I sincerely regret my mistakes and accept with resignation the ordeals which resulted from them... I deeply regret not having responded to the expectations of my superiors.” ( April io, 1897 )

«Si vous le jugez à propos, vous me retirerez du Brésil et me rendrez à la vie monastique toute simple, de même que vous m’avez envoyé au Brésil, il y a deux ans. Je me sens sans désir et sans volonté, et remets tout entre vos mains comme étant le représentant de Dieu. Je regrette sincèrement mes fautes et accepte avec résignation les épreuves qui en ont été la conséquence... Je regrette vivement de n’avoir pas répondu à l’attente de mes supérieurs.» (io avril 1897)

It was a tired and disappointed abbot who spoke like this and humiliated himself. The events of the last few weeks had deeply affected him: “it hurts.” Due to a lack of sensitivity, Dom van Caloen had not seen the storm coming, hence the assumption that he was not the right man to restore the Benedictine order. The trials and resistance disconcerted him and made him doubt his means. Shouldn’t he, in this case, start something else? The abbot primate did not hear it that way and ordered him to stay until everything was over: “I knew that you had walked a little hard, but I also suspected, and with good reason, that we had been indiscreet and unfair in wanting to provoke a reaction.” ( April 28 , 1897) “Don’t you think that you expect too much from men and even from monks and that you are thus exposing yourself to disillusionment? There are no perfect monks, especially in youth. Everyone has a fault or even several natural faults, and it is the mercy of superiors which must compensate for these differences between the ideal and reality. ( June 9 , 1897)

C’était un abbé fatigué et déçu qui parlait ainsi et s’humiliait. Les événements des dernières semaines l’avaient profondément touché: «cela fait mal». Par manque de sensibilité, dom van Caloen n’avait pas vu arriver la tempête, d’où cette supposition qu’il n’était pas l’homme indiqué pour restaurer l’ordre bénédictin. Les épreuves et la résistance le déconcertèrent et lui firent douter de ses moyens. Ne devait-il pas, dans ce cas, commencer autre chose? L’abbé primat ne l’entendit pas de cette oreille et lui ordonna de rester jusqu’à ce que tout soit terminé: «Je savais que vous aviez marché un peu fort, mais je soupçonnais aussi, et avec raison, qu’on avait été indiscret et injuste en voulant susciter une réaction.»(28 avril 1897) «Ne croyez-vous pas que vous attendez trop des hommes et même des moines et qu’ainsi vous vous exposez à des désillusions? Il n’y a pas de moines parfaits, surtout dans la jeunesse. Chacun a un défaut ou même plusieurs défauts naturels, et c’est la miséricorde des supérieurs qui doit compenser ces différences entre l’idéal et la réalité.» (9 juin 1897)

Very quickly, however, Dom Gérard found his rhythm and was able to write to Dom de Hemptinne:

Très vite pourtant, dom Gérard retrouva son rythme et put écrire à dom de Hemptinne:

“Do not think that I am discouraged, I am perfectly calm and confident in God. The two years that have just passed are a great personal consolation to me, because I have suffered enormously and always with a clear conscience, feeling that I was suffering for God. I am willing to continue to suffer and to work for God, where He has placed me... The good Lord has greatly modified my soul in these last years, I no longer have any failings; I experience in the service of God an iron tenacity in a profound calm.” (July 14 , 1897)

«Ne croyez pas que je sois découragé, je suis parfaitement calme et confiant en Dieu. Les deux années qui viennent de s’écouler me sont une grande consolation personnelle, car j’ai énormément souffert et toujours avec la conscience tranquille, sentant que je souffrais pour Dieu. Je suis disposé à continuer à souffrir et à travailler pour Dieu, là où Il m’a placé... Le bon Dieu a beaucoup modifié mon âme dans ces dernières années, je n’ai plus de défaillances; j’éprouve au service de Dieu une ténacité de fer dans un calme profond.» (14 juillet 1897)

However, had he gotten to the bottom of things? Had he really understood the reasons for this rebellion? Had he not thought too quickly that the departure of the hotheads had cleared up the situation? Weren’t the causes of this crisis also to be found in his behavior? Dom de Hemptinne, with the human sensitivity that characterized him, did not fail to point this out to him: “All our fathers, returning from Brazil, took their place in our monasteries in an edifying manner. Their way of acting here is not consistent with that which they had in Olinda, and therefore it is essential for you to carefully study the causes which make monks, imperfect no doubt but good at heart, intractable to the Brazil. The heat must have a lot to do with it!” (August 18, 1897) Euphemism?

Était-il cependant allé au fond des choses? Avait-il vraiment saisi les raisons de cette rébellion? N’avait-il pas pensé trop vite que le départ des têtes brûlées avait éclairci la situation? Les causes de cette crise n’étaient-elles pas à chercher aussi dans son comportement? Dom de Hemptinne, avec cette sensibilité humaine qui le caractérisait, ne manqua pas de le lui faire remarquer: «Tous nos pères, revenus du Brésil, ont repris leur place dans nos monastères d’une manière édifiante. Leur manière d’agir ici n’est pas conforme à celle qu’ils ont eue à Olinda, et dès lors il est indispensable pour vous de bien étudier les causes qui rendent des moines, imparfaits sans doute mais bons dans le fond, intraitables au Brésil. La chaleur doit y être pour beaucoup!» (18 août 1897) Euphémisme?

All these facts had discredited Dom van Caloen in Olinda. In the congregation of Beuron, there were doubts about his abilities to carry out the work of restoration in Brazil. However, it would be unfair to blame everything on van Caloen. The first monks he had to begin this adventure were not the ideal monks for this kind of work; nor were they the best who presented themselves: their weakness caused harm to the reform.

Tous ces faits avaient discrédité dom van Caloen à Olinda. Dans la congrégation de Beuron, on doutait de ses capacités pour mener à bien l’oeuvre de restauration au Brésil. Il serait toutefois injuste de tout faire porter à van Caloen. Les premiers moines qu’il avait eus pour entamer cette aventure n’étaient pas les moines idéaux pour ce genre de travail; ce n’étaient pas non plus les meilleurs qui s’étaient présentés: leur faiblesse causa du tort à la réforme.

3.5. The general chapter of Beuron - July 1897

3.5. Le chapitre général de Beuron - juillet 1897

Brazil was obviously the main course of this general chapter, convened in Beuron in July 1897. The situation of the order in the country was analyzed at length and discussed based on a long report by Dom van Caloen. This report began with a personal confession, the first cause of the difficulties:

Le Brésil fut évidemment le plat de résistance de ce chapitre général, convoqué à Beuron en juillet 1897. La situation de l’ordre dans le pays fut longuement analysée et discutée à partir d’un long rapport de dom van Caloen. Ce rapport commençait par une confession personnelle, première cause des difficultés:

“It is my duty to admit, from the beginning, that I sinned through imprudence by undertaking too many external works when our strength did not allow us to do so. I ask forgiveness from our venerated Superiors for not having sufficiently followed their prudent advice and for having risked compromising a work as important as that which was entrusted to me.

«Il est de mon devoir d’avouer, dès le début, que j’ai péché par imprudence en entreprenant trop d’ceuvres extérieures alors que nos forces ne nous le permettaient pas. Je demande pardon à nos vénérés Supérieurs pour n’avoir pas suffisamment suivi leurs conseils de prudence et pour avoir risqué de compromettre une oeuvre aussi importante que celle qui m’a été confiée.»

The second cause of the difficulties was due, according to Dom van Caloen, to the incapacity of the monks sent who could neither help nor support him. Thirdly, the confusion which had existed from the beginning concerning the authority of the abbots and their interventions in the affairs of Brazil. Not all members of the chapter were convinced of this. It was not without difficulty that Dom de Hemptinne nevertheless managed to change the minds of the fathers of the chapter. Recalling the abbot of Olinda, he said, would mean the end of the restoration of order in Brazil. In the final communiqué, we therefore paid tribute to the work accomplished, while criticizing the numerous initiatives taken without authorization and blaming the attitude of the fathers, who had returned to the country. From now on, in order to avoid any confusion, the matter of Brazil would depend on the abbot primate, who would also determine the situation of the fathers and brothers there. As far as possible and as long as there are candidates, we would try to increase the staff. Finally, the abbot of Olinda was insistently asked to pay his debts: were Olinda’s income not important?

La seconde cause des difficultés était due, d’après dom van Caloen, à l’incapacité des moines envoyés qui n’avaient pu ni l’aider ni le soutenir. En troisième lieu, la confusion qui avait existé dès le début au sujet de l’autorité des abbés et de leurs interventions dans les affaires du Brésil. Tous les membres du chapitre n’en furent pas convaincus. Ce ne fut pas sans difficulté que dom de Hemptinne parvint malgré tout à faire changer d’avis les pères du chapitre. Rappeler l’abbé d’Olinda, dit-il, signifierait la fin de la restauration de l’ordre au Brésil. Dans le communiqué final, on rendit donc hommage au travail accompli, tout en critiquant les nombreuses initiatives prises sans autorisation et en blâmant l’attitude des pères, rentrés au pays. Dorénavant, afin d’éviter toute confusion, l’affaire du Brésil dépendrait de l’abbé primat, qui fixerait également la situation des pères et des frères sur place. Dans la mesure du possible et pour autant qu’il y ait des candidats, on tâcherait d’augmenter le personnel. Enfin, on demandait avec insistance à l’abbé d’Olinda de payer ses dettes: les revenus d’Olinda n’étaient-ils pas importants?

These decisions of the general chapter were of course accompanied by numerous advice: attention to monastic life, attention to the training of novices and postulants (nineteen in number in September 1897), attention to men.

Ces décisions du chapitre général s’accompagnaient bien sûr de nombreux conseils: attention à la vie monastique, attention à la formation des novices et des postulants (au nombre de dix-neuf en septembre 1897), attention aux hommes.

Dom Gérard van Caloen was grateful to the abbot primate for his interventions in his favor, he ratified the decisions taken but protested against the assertion, widespread everywhere, that Olinda was rich.

Dom Gérard van Caloen fut reconnaissant à l’abbé primat de ses interventions en sa faveur, il ratifia les décisions prises mais s’insurgea contre l’affirmation, partout répandue, qu’Olinda était riche.

The situation had therefore become somewhat clearer in favor of Dom van Caloen, but the situation in Olinda and the numerous returns to Europe hardly favored possible candidacies. Enthusiasm for Brazil had cooled in most of the Beuron congregation, and potential candidates had withdrawn. All these difficulties led the abbot of Olinda to think very seriously about an idea which, in his eyes, could take shape thanks to a gift from his mother. He wrote to her on this occasion:

La situation s’était donc quelque peu éclaircie en faveur de dom van Caloen, mais la situation d’Olinda et les nombreux retours en Europe ne favorisèrent guère les candidatures éventuelles. L’enthousiasme pour le Brésil s’était refroidi dans la plupart des communautés de la congrégation de Beuron, et des candidats potentiels s’étaient désistés. Toutes ces difficultés amenèrent l’abbé d’Olinda à songer très sérieusement à une idée qui, à ses yeux, pourrait prendre corps grâce à un don de sa mère. Il lui écrivit à cette occasion:

“Our work of Brazilian restoration, I am convinced, will only be able to flourish if it has a serious point of support in Europe: a procure, a priory, dependent on Olinda and responsible for recruiting us good and solid vocations and to experience them. Why shouldn’t we do it in Belgium, and even in Loppem, on the land that the excellent van Ockerhout family once so generously offered us? Your beautiful capital will be used to make the necessary modest constructions. It would be useful in Belgium, because a small church near Heidelberg (a hamlet near the current abbey) would be of great service to the population. (June 26, 1897)

«Notre oeuvre de restauration brésilienne, j’en suis persuadé, ne pourra fleurir que si elle a un point d’appui sérieux en Europe: une procure, un prieuré, dépendant d’Olinda et chargé de nous recruter de bonnes et solides vocations et de les éprouver. Pourquoi ne le ferions-nous pas en Belgique, et même à Loppem, sur le terrain que nous a si généreusement offert autrefois l’excellente famille van Ockerhout? Votre beau capital servira à faire les modestes constructions nécessaires. Elle serait utile en Belgique, car une petite église près de Heidelberg (un hameau près de l’abbaye actuelle) rendrait de grands services à la population.» (26 juin 1897)

It was the first time that Dom van Caloen spoke about this old project from the time of Louvain. He spoke about it a little later, after the decisions of the general chapter, to the father abbot primate:

C’était la première fois que dom van Caloen reparlait de ce vieux projet du temps de Louvain. Il en parla un peu plus tard, après les décisions du chapitre général, au père abbé primat:

“I have already said in my report that a small procura in Europe, directly dependent on Olinda, would seem to me to be very necessary for the normal development of this restoration. We cannot do without European vocations, especially for lay brothers. On the other hand, experience shows us how dangerous it is to bring novices here without having tested them. Finally, for purchases in Europe, we will always need a dedicated prosecutor, who, belonging to Brazil, could also collect alms more easily than a father from Maredsous. But here is what presents itself. Without me having asked for anything, my mother offers me 50,000 francs in memory of my deceased father, to be used for the good of our Brazilian work. On the other hand, for many years, the van Ockerhout family has offered me a small property with a farm, a league from Bruges... This foundation would never be anything other than a small priory.” (September 15, 1897)

«J’ai déjà dit dans mon rapport qu’une petite procure en Europe, dépendant directement d’Olinda, me paraîtrait chose fort nécessaire au développement normal de cette restauration. Nous ne pouvons nous passer de vocations européennes, surtout pour les frères convers. D’autre part, l’expérience nous prouve combien il est dangereux de faire venir ici des novices sans les avoir éprouvés. Enfin, pour les achats en Europe, nous aurons toujours besoin d’un procureur dévoué, lequel, appartenant au Brésil, pourrait aussi plus facilement recueillir des aumônes qu’un père de Maredsous. Or voici ce qui se présente. Sans que j’aie rien demandé, ma mère m’offre 5o 00o francs en souvenir de mon père défunt, à employer pour le bien de notre oeuvre brésilienne. D’autre part, depuis de longues années, la famille van Ockerhout m’offre une petite propriété avec ferme, à une lieue de Bruges... Cette fondation ne serait jamais autre chose qu’un petit prieuré.» (15 septembre 1897)

It was there! The new abbey of Saint-André appeared on the horizon! But here it is... Once again, Dom Gérard van Caloen launched an initiative which did not correspond to the directives of the abbots of Maredsous or Beuron. And yet, wasn’t he right? Depending on the congregation of Beuron for the recruitment of monks was not a solution: the facts had proven it.

Ça y était! La nouvelle abbaye de Saint-André surgissait à l’horizon! Mais voilà... Une fois de plus, dom Gérard van Caloen lançait une initiative qui ne correspondait pas aux directives des abbés de Ma-redsous ni de Beuron. Et pourtant, n’avait-il pas raison? Dépendre de la congrégation de Beuron pour le recrutement des moines n’était pas une solution: les faits l’avaient prouvé.

“Instead of giving me calm and courageous monks as helpers, we had designated for Brazil all the turbulent elements that our various monasteries wanted to get rid of,” he confided in September 1897 to the nuncio in Brazil. Pious exaggeration, of course! Because in many cases, the abbot of Olinda had requested or chosen this or that candidate himself. However, and it was true, gathering oblates and postulants in the different monasteries of Beuron with a view to Brazil was not preparing them for Brazil. The problem of the pension of these recruits had also become a source of conflict between Olinda and the abbeys of Beuron. This is how Dom van Caloen contracted debts to several abbeys that he could not honor. Europe clearly needed something more than a mailbox. The response from the abbot primate was clear and clear: “I absolutely do not understand your idea of ​​founding a procuracy in Europe. This project would hurt everyone and would greatly confirm the statements of the fathers, from Brazil, who affirm that you harbor separatist tendencies towards Beuron. Believe me, you have a lack of flexibility in your character which leads you to break the obstacles placed on your projects, either by your inferiors or by your superiors. (October 13, 1897)

«Au lieu de me donner comme aides des moines calmes et courageux, on avait désigné pour le Brésil tous les éléments turbulents dont nos divers monastères voulaient se débarrasser», confiait-il en septembre 1897 au nonce au Brésil. Pieuse exagération, bien sûr! Car dans bien des cas, l’abbé d’Olinda avait demandé ou choisi lui-même tel ou tel candidat. Toutefois, et c’était vrai, rassembler dans les différents monastères de Beuron des oblats et des postulants en vue du Brésil, ce n’était pas les préparer au Brésil. Le problème de la pension de ces recrues était aussi devenu une source de conflits entre Olinda et les abbayes de Beuron. C’est ainsi que dom van Caloen avait contracté envers plusieurs abbayes des dettes qu’il ne pouvait pas honorer. Il fallait en Europe, c’était évident, quelque chose de plus qu’une boîte aux lettres. La réponse de l’abbé primat fut claire et nette: «Je ne comprends absolument pas votre idée de fonder une procure en Europe. Ce projet blesserait tout le monde et confirmerait grandement les dires des pères, venus du Brésil, qui affirment que vous nourrissez des tendances séparatistes vis-à-vis de Beuron. Croyez-moi, vous avez dans le caractère un manque de souplesse qui vous porte à briser les entraves apportées à vos projets, soit par vos inférieurs, soit par vos supérieurs.» (13 octobre 1897)

These words were hard to admit. Yet the explanation for the Olinda crisis was there. The response from Dom van Caloen, touched in his self-esteem, was scathing:

Ces paroles étaient dures à admettre. Pourtant l’explication de la crise d’Olinda était là. La réponse de dom van Caloen, touché dans son amour-propre, fut cinglante:

“I have separatist tendencies! What does that mean? There is no need to waste words! Am I in a horribly difficult situation or not where I have to fight alone against all the oppositions and antipathies of both Europe and Brazil?... I am not a separatist in principle, but when everyone separates about myself, can I do otherwise than try to save my boat from sinking? (November 10, 1897)

«J’ai des tendances séparatistes! Qu’est-ce que cela veut dire? Il ne faut pas se payer de mots! Suis-je oui ou non dans une situation horriblement difficile où j’ai à lutter seul contre toutes les oppositions et les antipathies tant de l’Europe que du Brésil?... Je ne suis pas séparatiste en principe, mais quand tous se séparent de moi, puis-je faire autrement que de chercher à sauver ma barque du naufrage?» (10 novembre 1897)

Fatigue and disappointment meant that the abbot primate’s reproaches affected him deeply. Was he not currently superior, master of novices, cellarer and instructor of the brothers, while the numerous returns had strained his budget? Did he still have the confidence of Dom Hildebrand de Hemptinne? Could he still count on her help and assistance? Also, he wondered if the time had not come to be relieved of his mission: was he really the man to lead this restoration? The bitter tone of this letter of November 18, 1897 says it all:

La fatigue et les déceptions firent que les reproches de l’abbé primat le touchèrent profondément. N’était-il pas à l’heure actuelle supérieur, maître des novices, cellérier et instructeur des frères, tandis que les nombreux retours avaient grevé son budget? Avait-il encore la confiance de dom Hildebrand de Hemptinne? Pouvait-il encore compter sur son aide et son secours? Aussi, il se demandait si le moment n’était pas venu d’être déchargé de sa mission: était-il bien l’homme à mener cette restauration? Le ton amer de cette lettre du io novembre 1897 en dit long:

“For me, I would return with the greatest happiness to cell life in Maredsous, asking only for peace and oblivion... It is today 25 years since I received the holy monastic habit: God be praised! For 25 years, I have only been hindered, thwarted, broken by my Superiors: I have not held the slightest grudge... People have gotten used to believing that nothing is too much for me.. . then as a reward, they make fun of me, they give me reproaches after reproaches, while I feel like I’m failing.” (November 10, 1897)

«Pour moi, je reprendrais avec le plus grand bonheur la vie de cellule à Maredsous, ne demandant que la paix et l’oubli... Il y a aujourd’hui même 25 ans que j’ai reçu le saint habit monastique: Dieu en soit loué! Durant 25 ans, je n’ai été qu’entravé, contrarié, brisé par mes Supérieurs: je n’en ai pas gardé la moindre rancune... On s’est habitué à croire que rien n’est trop pour moi... puis comme récompense, on se moque de moi, on me fait reproches sur reproches, tandis que je me sens tomber de défaillance.» (10 novembre 1897)

Shortly before, the primate had already written to him: “Neither affection nor confidence can prevent me from making timely remarks to you with this clear and precise form that I like, especially when I deal with men. that I love and trust. You can trust a man without approving every action he takes. We must therefore not ask the question of trust at every moment, nor mix feelings with business.” (November 4, 1897)

Peu de temps auparavant, le primat lui avait déjà écrit: «Ni l’affection, ni la confiance ne peuvent m’empêcher de vous faire les remarques opportunes avec cette forme nette et précise que j’affectionne, surtout quand je traite avec les hommes que j’aime et dans lesquels j’ai confiance. On peut avoir confiance dans un homme sans approuver toutes les mesures qu’il prend. Il ne faut donc pas poser la question de confiance à chaque instant, ni mêler les sentiments aux affaires.» (4 novembre 1897)

A month later, he added: “If I delayed a little, it is because already in a previous missive, I told you what you wanted to hear me say. So I just have to repeat once again how devoted I am to you, how devoted I am to your foundation and how much I work to support you. Only reality does not always respond to my desires. (December 20, 1897)

Un mois plus tard, il ajouta: «Si j’ai tardé un peu, c’est que déjà dans une missive précédente, je vous disais ce que vous désiriez m’entendre dire. Je n’ai donc qu’à répéter une fois de plus combien je vous suis dévoué, combien je suis dévoué à votre fondation et combien je travaille à vous soutenir. Seulement la réalité ne répond pas toujours à mes désirs.» (2o décembre 1897)

Both the abbot primate and the abbot of Olinda could tell each other truths: one with great composure and realism, the other with emotion and feeling. Yet they remained very close to each other. There was no doubt that the Brazilian mission was a heavy burden for van Caloen. Little effective help and poor health had even completely exhausted him, physically and psychologically, and had prevented him from taking new initiatives.

Tant l’abbé primat que l’abbé d’Olinda pouvaient se dire des vérités: l’un avec beaucoup de sang-froid et de réalisme, l’autre avec émotion et sentiment. Pourtant ils restaient très proches l’un de l’autre. Il ne faisait pas de doute que la mission brésilienne était une lourde charge pour van Caloen. Peu d’aide efficace et une mauvaise santé l’avaient même complètement épuisé, physiquement et psychiquement, et l’avaient empêché de prendre de nouvelles initiatives.

Peace and calm had, however, returned to Olinda; the abbey had become a large novitiate, monastic life was regaining its rights. Dom van Caloen’s efforts had borne fruit. As a mark of confidence and as a sign of interest, Dom de Hemp-tinne sent two monks there: Father Maur Desrumeaux, from Mared-sous, and Brother Maïeul de Caigny, a Redemptorist from Izegem, who would do his novitiate on place. Thus ended the year 1897, an eventful year which had endangered the restoration of the Benedictine order. It ended with the strong desire, expressed by the Abbot Primate, to meet Dom van Caloen the following April in Europe.

La paix et le calme étaient toutefois revenus à Olinda; l’abbaye était devenue un grand noviciat, la vie monastique reprenait ses droits. Les efforts de dom van Caloen avaient porté leurs fruits. Comme marque de confiance et en signe d’intérêt, dom de Hemp-tinne y envoya deux moines: le père Maur Desrumeaux, de Mared-sous, et le frère Maïeul de Caigny, un rédemptoriste originaire d’Izegem, qui ferait son noviciat sur place. Ainsi s’achevait l’année 1897, une année mouvementée qui avait mis en danger la restauration de l’ordre bénédictin. Elle se terminait avec le vif désir, exprimé par l’abbé primat, de rencontrer en avril suivant, en Europe, dom van Caloen.

3.6. Peace returned

3.6. La paix revenue

The year 1898 started well. The arrival of the two fathers of Mared-sous and of Michel Kruse, a German priest trained in America, and the excellent spirit reigning at the novitiate - eleven novices in March - meant that monastic life developed harmoniously in Olinda. It was also proof that Father van Caloen, at the urging of his superiors, had taken their wishes into account. It also happened that the situation of European monks, thanks to an agreement made with other abbeys, was recognized and definitively regularized by the Brazilian state. This had required months of work and a lot of tact on the part of the nuncio in place, first to obtain the approval of all the abbots, then to have this agreement made between them legalized by the government. From now on, according to the law, the “reform monks”, as they were called, became the legitimate heirs of the rights and property of the ancient monks. “Let the old die, you will be able to benefit from their property for the consolidation and works of the Order and for the glory of the Church. Let us therefore look to the future with hearts full of hope.” (January 13, 1898)

L’année 1898 commençait bien. L’arrivée des deux pères de Mared-sous et de Michel Kruse, un prêtre allemand formé en Amérique, l’excellent esprit régnant au noviciat — onze novices en mars — firent que la vie monastique se développait harmonieusement à Olinda. C’était aussi la preuve que l’abbé van Caloen, sur les instances de ses supérieurs, avait tenu compte de leurs souhaits. Il se faisait, en outre, que la situation des moines européens, grâce à une convention passée avec les autres abbayes, était reconnue et définitivement régularisée par l’État brésilien. Cela avait valu des mois de travail et beaucoup de doigté de la part du nonce en place, d’abord pour obtenir l’approbation de tous les abbés, ensuite pour faire légaliser par le gouvernement cette convention passée entre eux. Dorénavant, d’après la loi, les «moines de la réforme», comme on les appelait, devenaient les héritiers légitimes des droits et des biens des moines anciens. «Que les vieux meurent, vous pourrez profiter de leurs biens pour la consolidation et les oeuvres de l’Ordre et pour la gloire de l’Église. Regardons donc l’avenir avec le cour rempli d’espérance.» (13 janvier 1898)

This favorable situation did not, however, prevent Dom van Caloen from complaining about his health and his always difficult situation, the difficulty of which he apparently exaggerated. He wrote to the abbot primate on January 26, 1898:

Cette situation favorable n’empêchait cependant pas dom van Caloen de se plaindre de sa santé et de sa situation toujours si âpre, dont il exagérait, semble-t-il, la difficulté. Il écrivit au père abbé primat, le 26 janvier 1898:

“The life I lead here is an immense sacrifice for me and if Providence, without my intervention, brought about a change in my existence, I would sincerely thank Him. What an immense weight for me who only aspires to cell life, prayer and study.”

«La vie que je mène ici est pour moi un immense sacrifice et si la Providence, sans mon intervention, amenait un changement dans mon existence, je L’en remercierais sincèrement. Quel poids immense pour moi qui n’aspire qu’à la vie de cellule, de prière et d’études.»

Was Dom van Caloen sincere in writing this, when we know that when he was in the monastery he longed to leave it? The practical and concise letters of Dom Hildebrand de Hemptinne contrasted sharply with the emotional letters of Dom Gérard van Caloen. The primate was a thoughtful man and a fine psychologist, who knew how to deal with people and conducted with great tact and delicacy the affairs of his abbey of Maredsous and those of the entire Benedictine order. The Abbot of Olinda, on the other hand, was an intuitive who moved forward and judged everything in the light of his sensitivity and his states of mind: hence his emotional reactions. He wasn’t like that with his family or with outsiders. If he spoke of his difficulties to the apostolic nuncio stationed in Brazil, he did not speak to him of his personal situation. He did talk about it with his mother but not in the tone he used with Dom de Hemptinne.

Dom van Caloen était-il sincère en écrivant cela, alors que nous savons que, lorsqu’il était au monastère, il aspirait à en sortir? Les lettres pratiques et concises de dom Hildebrand de Hemptinne tranchaient fortement avec les lettres émotionnelles de dom Gérard van Caloen. Le primat était un homme réfléchi et un fin psychologue, qui savait s’y prendre avec les hommes et menait avec beaucoup de tact et de délicatesse les affaires de son abbaye de Maredsous et celles de l’ordre bénédictin tout entier. L’abbé d’Olinda, par contre, était un intuitif qui allait de l’avant et jugeait tout à la lumière de sa sensibilité et de ses états d’âme: d’où ses réactions émotionnelles. Il n’était pas ainsi avec sa famille ni avec des personnes de l’extérieur. S’il parlait de ses difficultés au nonce apostolique en poste au Brésil, il ne lui parlait pas de sa situation personnelle. Il en parlait bien avec sa mère mais pas sur le ton qu’il employait avec dom de Hemptinne.

“I don’t know if the cross will be nailed to my back or if, perhaps, my Superiors will judge that the sacrifice is sufficient as it is, and will recall me to Europe and replace me here with someone more worthy than me.” (July 25, 1896)

«Je ne sais si la croix me sera clouée sur le dos ou si, peut-être, mes Supérieurs jugeront que le sacrifice est suffisant comme cela, et me rappelleront en Europe et me remplaceront ici par un plus digne que moi.» (25 juillet 1896)

“The good Lord was with me throughout the torment: in an admirable way, I felt his assistance at every moment. He made me triumph over the greatest and most extraordinary difficulties. I have not lost my calm and good humor.” (June 26, 1897)

«Le bon Dieu a été avec moi tout le temps de la tourmente: d’une manière admirable, je sentais son assistance à chaque moment. Il m’a fait triompher des difficultés les plus grandes et les plus extraordinaires. Je n’ai pas perdu mon calme et ma bonne humeur.» (26 juin 1897)

To his sister, a Carmelite in Brussels, he wrote:

À sa soeur, carmélite à Bruxelles, il écrivait:

“I am fought and vexed in every way and on every side: but I am absolutely not in pain: I am calm and more joyful than ever. I treat all these stories as if they were about the neighbor. It is my absolute calm which is my strength, strength given by God as a state grace. This is what disconcerts all my adversaries and has made me triumph over the greatest difficulties.” (July 20, 1897)

«Je suis combattu et contrarié de toutes les manières et de tous les côtés: mais je ne souffre absolument pas: je suis calme et plus joyeux que jamais. Je traite toutes ces histoires comme si elles concernaient le voisin. C’est mon calme absolu qui est ma force, force donnée par Dieu comme grâce d’état. C’est cela qui déconcerte tous mes adversaires et m’a fait triompher des difficultés les plus grandes.» (20 juillet 1897)

The tone was completely different: it was a man of faith, a strong man who expressed himself thus, a man of God completely devoted to his mission, a man obedient and submissive to his superiors and to God. In the eyes of his family and those close to him, Dom Gérard was indeed such a man, who drew his strength from his submission to divine Providence, who had placed all his trust in the Lord whose great goodness he experienced every day, and who was driven to act by zeal for the Church and for the Pope. His family and those close to him knew him like that. Dom Hildebrand de Hemptinne, on the other hand, was for him a colleague, a friend, a superior, a companion from the start. To him, he could show himself as he was, reveal his intimate thoughts: there too, he was himself: a very sensitive person who was shaken by events.

Le ton était tout différent: c’était un homme de foi, un homme fort qui s’exprimait ainsi, un homme de Dieu tout dévoué à sa mission, un homme obéissant et soumis à ses supérieurs et à Dieu. Aux yeux de sa famille et de ses proches, dom Gérard était bien un tel homme, qui puisait sa force dans sa soumission à la divine Providence, qui avait mis toute sa confiance dans le Seigneur dont il expérimentait tous les jours la grande bonté, et qui était poussé à agir par zèle pour l’Église et pour le pape. Sa famille et ses proches le connaissaient ainsi. Dom Hildebrand de Hemptinne, par contre, était pour lui un confrère, un ami, un supérieur, le compagnon de la première heure. À lui, il pouvait se montrer tel qu’il était, lui dévoiler ses pensées intimes: là aussi, il était alors lui-même: un grand sensible que bousculaient les événements.

“The formation of novices, which is the most important thing, leaves something to be desired, firstly because I am not a man capable of forming novices in the interior life... A crushed man like me cannot maintain the equality, nor the gentleness of mind necessary to form good novices.” ( February 7, 1898)

«La formation des novices, qui est la chose la plus importante, laisse à désirer, d’abord parce que je ne suis pas un homme capable de former des novices à la vie intérieure... Un homme écrasé comme moi ne peut conserver l’égalité, ni la douceur d’esprit nécessaires pour former de bons novices.» (7 février 1898)

Dom van Caloen was indeed a man of action, of deep faith and boundless attachment to the Church and the papacy, but by no means a contemplative or a man of prayer. For health reasons, he did not participate in choral prayer, either in Maredsous or in Brazil. Since his novitiate, he had continued to be charged with all kinds of missions, which had limited his spiritual life and marked his psychological life.

Dom van Caloen était bien un homme d’action, d’une foi profonde et d’un attachement sans bornes à l’Église et à la papauté, mais nullement un contemplatif ou un homme de prière. Pour des raisons de santé, il ne participait pas à la prière chorale, ni à Maredsous, ni au Brésil. Depuis son noviciat, il n’avait pas cessé d’être chargé de toutes sortes de missions, ce qui avait limité sa vie spirituelle et marqué sa vie psychologique.

What preoccupied him then, at the beginning of 1898, was his return to Europe. For many reasons, this trip was necessary. After three years in Brazil, a serious conversation with the Father Abbot Primate was necessary: ​​assessing the situation and future prospects should be the theme of the talks. Distance had been the cause of many misunderstandings and difficulties. But to whom should authority be delegated during his absence? Father Feuillen Lhermitte, the prior, entered the fray. But who would then take care of the novices, the future of the order? Two names were put forward several times by the abbot of Olinda: two monks from Maredsous, Fathers Hubert Casier and Colomba Marmion. The abbot of Maredsous did not want to hear about it. Hence this cry of despair:

Ce qui le préoccupait alors, au début de l’année 1898, c’était son retour en Europe. Pour bien des raisons, ce voyage s’avérait nécessaire. Après trois ans passés au Brésil, une conversation sérieuse avec le père abbé primat s’imposait: évaluer la situation et les perspectives d’avenir devait être le thème des entretiens. La distance avait été la cause de beaucoup de malentendus et de difficultés. Mais à qui déléguer l’autorité pendant son absence? Le père Feuillen Lhermitte, le prieur, entrait en lice. Mais qui s’occuperait alors des novices, l’avenir de l’ordre? Deux noms furent plusieurs fois avancés par l’abbé d’Olinda: deux moines de Maredsous, les pères Hubert Casier et Colomba Marmion. L’abbé de Maredsous ne voulut pas en entendre parler. D’où ce cri de désespoir:

“I am alone, alone, alone, to carry everything!!! Are you going to leave me like this? And when I have succumbed, what will you do with Olinda? It will be a sad and humiliating rout.” (April 2, 1898)

«Je suis seul, seul, seul, pour tout porter!!! Allez-vous me laisser ainsi? Et quand j’aurai succombé, que ferez-vous d’Olinda? Ce sera une triste et humiliante débandade.» (2 avril 1898)

His departure for Europe, however, became urgent. Frei Do-mingos da Transfiguraçâo, in fact, also asked that he urgently go to Rome with a view to resolving certain problems and thus ensuring the future of the Benedictines in Brazil. He wanted Rome to appoint him abbot president for life and Dom van Caloen its vicar general, given the situation of the congregation. He also expressed the wish that Dom van Caloen could begin regular monastic life in his abbey in Bahia, all to safeguard the future.

Son départ pour l’Europe, pourtant, devenait urgent. Frei Do-mingos da Transfiguraçâo, en effet, demandait lui aussi qu’il se rendît instamment à Rome en vue de résoudre certains problèmes et d’assurer ainsi l’avenir des bénédictins au Brésil. Il voulait que Rome le nommât abbé président à vie et dom van Caloen son vicaire général, étant donné la situation de la congrégation. Il formait de plus le souhait que dom van Caloen puisse commencer dans son abbaye de Bahia la vie monastique régulière, le tout pour sauvegarder l’avenir.

Alea jacta est! All he had to do was make arrangements with the men he had. Dom Maïeul de Caigny became master of novices with a monk from Emmaus, Dom Placid Friedrich, as his zealot. Dom Maur Van Emelen took charge of the well-developed commissary. To Father Feuillen Lhermitte, the interim prior, a monk who did marvelous pastoral work and who had always supported him through and through, he left clear and precise directives in an authoritarian tone:

Alea jacta est! Il ne lui restait plus qu’à prendre ses dispositions avec les hommes qu’il avait. Dom Maïeul de Caigny devint maître des novices avec comme zélateur un moine d’Emmaüs, dom Placide Friedrich. Dom Maur Van Emelen se chargea de l’économat en bonne évolution. Au père Feuillen Lhermitte, le prieur intérimaire, un moine qui faisait merveille dans la pastorale et qui l’avait toujours soutenu envers et contre tout, il laissa des directives claires et précises sur un ton autoritaire:

“One should not play with fire when it comes to aspirations, especially when one has a lively imagination; nor should we run after unrealizable desires, however good and holy they may seem to us. This would expose us to internal troubles from which the souls entrusted to us would have to suffer. Don’t let anything innovate. I desire that you be at home as much as possible, that you aim above all in government to maintain peace and charity, that you maintain zeal for the divine office, setting an example yourself by making efforts to recite in a clear and intelligible voice.

«Il ne faut pas jouer avec le feu en fait d’aspirations, surtout quand on a une imagination vive; il ne faut pas non plus courir après des désirs irréalisables, quelque bons et saints qu’ils nous paraissent. Ce serait là nous exposer à des troubles intérieurs dont les âmes qui nous sont confiées auraient à souffrir. Ne laissez rien innover. Je désire que vous soyez à la maison le plus possible, que vous visiez surtout dans le gouvernement à maintenir la paix et la charité, que vous mainteniez le zèle pour l’office divin, donnant vous-même l’exemple en faisant des efforts pour réciter d’une voix claire et intelligible.

PS: Please reread these instructions every week. ( June 8 , 1898)

P.S.: Veuillez relire ces instructions toutes les semaines.» (8 juin 1898)

On June 10 , 1898, Dom Gérard van Caloen embarked for Genoa and Rome. The first chapter in the restoration of the Benedictine order in Brazil was closed. What would the future hold?

Le 10 juin 1898, dom Gérard van Caloen s’embarquait pour Gênes et Rome. Le premier chapitre de la restauration de l’ordre bénédictin au Brésil était clos. Que réserverait l’avenir?

 

 

4. THE PROCURA OF SAINT - ANDRÉ _ _

4. LA PROCURE DE SAINT-ANDRÉ


 

 

 4.1. Its erection - January 15, 1899

 4.1. Son érection -15 janvier 1899

Dom Gérard van Caloen landed in Genoa on June 24, 1898. From there he immediately went to Rome for a first meeting with the Father Abbot Primate and to resolve pending problems with the Holy See. Above all, he wanted to present his vision of the future to the primate. The Abbey of Olinda, in northern Brazil, had become, in his opinion, an excellent monastic community and should remain so. It was now necessary to look towards the center of the country and restore the Saint-Sébastien abbey of Bahia. But for that, monks were needed. Later, it would be the turn of Sâo Paulo, in the south, its patrimony being essential to sustain the other abbeys. Above all, it was necessary to put an end to the scandalous attitude of the abbot of Sâo Paulo. From these three abbeys, in the north, center and south, the monastic ideal would extend to this gigantic country that was Brazil.

Dom Gérard van Caloen débarqua à Gênes le 24 juin 1898. De là, il se rendit immédiatement à Rome pour un premier entretien avec le père abbé primat et pour régler les problèmes pendants avec le Saint-Siège. Il voulait surtout exposer au primat sa vision d’avenir. L’abbaye d’Olinda, dans le nord du Brésil, était devenue, à son avis, une excellente communauté monastique et devait le rester. Il fallait maintenant porter ses regards vers le centre du pays et restaurer l’abbaye Saint-Sébastien de Bahia. Mais pour cela, il fallait des moines. Plus tard, ce serait au tour de Sâo Paulo, dans le sud, son patrimoine étant indispensable pour faire vivre les autres abbayes. Il fallait surtout mettre fin à l’attitude scandaleuse de l’abbé de Sâo Paulo. À partir de ces trois abbayes, du nord, du centre et du sud, l’idéal monastique s’étendrait à ce gigantesque pays qu’était le Brésil.

While awaiting Roman decisions, Dom van Caloen went to Naples with the aim of entrusting his mission to Our Lady of Pompeii33. This devotion to Our Lady of Pompeii played a very large role in his life; he later even wanted to introduce it to Saint-André. He would often claim to have been heard by the Virgin of Pompeii. From there his journey took him to Nicotera, in the far south of Italy, where a series of candidates had offered to go to Brazil. He was received royally there. This led him to wonder whether he should not open an Oblate school in Calabria. An estate was even offered to him: the sanctuary of Monte Poro, in the diocese of Tropea 34 .

En attendant les décisions romaines, dom van Caloen se rendit à Naples dans le but de confier sa mission à Notre-Dame de Pompéi33. Cette dévotion à Notre-Dame de Pompéi joua un très grand rôle dans sa vie; il voulut même plus tard l’introduire à Saint-André. Il prétendra souvent avoir été exaucé par la Vierge de Pompéi. De là, son voyage l’amena à Nicotera, dans l’extrême sud de l’Italie, où une série de candidats s’étaient offerts pour aller au Brésil. Il y fut reçu royalement. Ceci l’amena à se demander s’il ne fallait pas ouvrir une école d’oblats en Calabre. Un domaine lui fut même offert: le sanctuaire de Monte Poro, au diocèse de Tropea 34.

The return journey was via Bari and the sanctuary of Saint Nicholas, Gargano and the sanctuary of Saint Michael. The numerous sanctuaries and places of pilgrimage in Italy had always attracted Dom van Caloen. He visited them all, more inclined towards devotion than towards prayer. But his travels were also oriented towards things to see. The old demons of his youth, art, archeology and history, then came to the surface and he never returned from his travels empty-handed. He enriched the abbey of Saint-André with numerous works of art.

Le voyage de retour se fit par Bari et le sanctuaire de saint Nicolas, Gargano et le sanctuaire de saint Michel. Les sanctuaires et les lieux de pèlerinage, nombreux en Italie, avaient toujours attiré dom van Ca-loen. Il les visita tous, plus porté vers la dévotion que vers la prière. Mais ses voyages s’orientaient également vers les choses à voir. Les vieux démons de sa jeunesse, l’art, l’archéologie et l’histoire, remontaient alors à la surface et jamais il ne revint de ses voyages les mains vides. Il enrichit l’abbaye de Saint-André de nombreuses oeuvres d’art.

In the meantime, Rome had acceded to the Brazilian demands: the appointment of Frei Domingos da Transfiguraçao as abbot president for life and that of van Caloen as coadjutor abbot with right of succession. The opening of novitiates in Bahia and Sâo Paulo was also granted. A papal audience on August 21, 1898 concluded his stay in the Eternal City.

Entre-temps, Rome avait accédé aux demandes brésiliennes: la nomination de Frei Domingos da Transfiguraçâo comme abbé président à vie et celle de van Caloen comme abbé coadjuteur avec droit de succession. Était également accordée l’ouverture de noviciats à Bahia et à Sâo Paulo. Une audience papale, le 21 août 1898, clôtura son séjour dans la Ville éternelle.

The return journey to Belgium took long detours in order to make new contacts, to ask for help, to find monks or possible candidates. Arriving in Maredsous, the abbot primate, from the first conversation, approved the Monte Poro project and promised him Dom Wandrille Herpierre and Dom Denis Verdin. The good news from Olinda, where everything was going well, encouraged Dom van Caloen not to hurry and to take his time. He used this time to expand his relationships in the Belgian religious and political world and ask for money from his family and his connections, but also to carry out publicity for Brazil. For this purpose he sent to all diocesan priests, all rhetoricians of Catholic schools and young people attracted by the missions a pamphlet: Call for vocations for the order of Saint Benedict in Brazil, dated October 28, 1898. The monastic missionary apostolate was particularly exalted. Le Patriote 35 opened a subscription list which was initially very successful: it collected 28,914.45 francs in two months. This list was accompanied by an article from which we quote certain sentences:

Le voyage de retour vers la Belgique se fit par de grands détours afin de nouer de nouveaux contacts, de demander de l’aide, de trouver des moines ou des candidats éventuels. Arrivé à Maredsous, l’abbé primat, dès la première conversation, approuva le projet Monte Poro et lui promit dom Wandrille Herpierre et dom Denis Verdin. Les bonnes nouvelles venues d’Olinda, où tout tournait rond, encouragèrent dom van Caloen à ne pas se hâter et à prendre son temps. Ce temps, il le mit à profit pour étendre ses relations dans le monde religieux et politique belge et demander de l’argent à sa famille et à ses relations, mais également pour faire de la propagande en vue du Brésil. Il envoya à cette intention à tous les prêtres diocésains, à tous les rhétoriciens des écoles catholiques et aux jeunes attirés par les missions un opuscule: Appel aux vocations pour l’ordre de saint Benoît au Brésil, daté du 28 octobre 1898. L’apostolat monastique missionnaire était particulièrement exalté. Le Patriote35 ouvrit une liste de souscription qui connut au départ un gros succès: elle récolta 28 914,45 francs en deux mois. Cette liste était accompagnée d’un article dont nous citons certaines phrases:

“What were the monks used for? Since Montalembert wrote “The Monks of the West”, the question no longer arises. Leo XIII wants to show what the monks of today are for, what they will be for tomorrow... Three years ago, Leo XIII called a monk from Maredsous, bearing a name dear to the Belgians, Dom Gérard van Caloen, and charged him with reviving the order of Saint Benedict in Brazil and revitalizing this great and noble country, in the name of Saint Benedict, restorer of faith and teaching... Soon there will be erected alongside monasteries, colleges and seminaries, schools of arts and crafts, agricultural institutes, intended to revive the Christian spirit in Brazil at the same time. time as science and philanthropic works.” (in November 1898)

«À quoi ont servi les moines? Depuis que Montalembert a écrit "Les Moines d'Occident', la question ne se pose plus. Léon XIII veut montrer à quoi servent les moines d’aujourd’hui, à quoi ils serviront demain... Il y a trois ans, Léon XIII appela un moine de Maredsous, portant un nom cher aux Belges, dom Gérard van Caloen, et le chargea de relever au Brésil l’ordre de saint Benoît et de vivifier ce grand et noble pays, au nom de saint Benoît, restaurateur de la foi et de l’enseignement... Bientôt s’élèveront à côté des monastères, des collèges et des séminaires, des écoles d’art et de métiers, des instituts agricoles, destinés à faire revivre au Brésil l’esprit chrétien en même temps que la science et les oeuvres philanthropiques.» (a novembre 1898)

The style, the words, the ideas, everything was Dom Gérard van Caloen’s. His pride in being a Benedictine monk, his attachment to the Pope, his apostolic zeal following the example of the monk-apostles of the early Middle Ages, the ideals which animated him, everything he had owed, for so many years, keep all this for himself, he could now express it openly without fear of his superiors: his ideal became reality.

Le style, les mots, les idées, tout était de dom Gérard van Caloen. Sa fierté d’être moine bénédictin, son attachement au pape, son zèle apostolique à l’exemple des moines-apôtres du haut Moyen Âge, les idéaux qui l’animaient, tout ce qu’il avait dû, durant tant d’années, garder pour lui-même, tout cela, il pouvait maintenant l’exprimer ouvertement sans craindre ses supérieurs: son idéal devenait réalité.

Very quickly, however, Dom van Caloen had to abandon the Monte Poro project for many reasons. His mother’s offer then resurfaced: Saint Andrew! Wasn’t that the solution? His mother and brothers were even willing to temporarily provide him with a house for the training of candidates. Even the Bishop of Bruges, Monseigneur Waffelaert 36 , gave him written authorization, on November 14, 1898, to establish himself in his diocese. Who says dreams never come true? In a letter to Dom de Hemptinne, he wrote:

Très vite cependant, dom van Caloen dut abandonner pour bien des raisons le projet Monte Poro. L’offre de sa mère refit alors surface: Saint-André! N’était-ce pas la solution? Sa mère et ses frères étaient même disposés à mettre provisoirement à sa disposition une maison pour la formation des candidats. Même l’évêque de Bruges, Monseigneur Waffelaert36, lui donna par écrit, le 14 novembre 1898, l’autorisation de s’établir dans son diocèse. Qui dit que les rêves ne se réalisent jamais? Dans une lettre à dom de Hemptinne, il écrivit:

“The founders of the house would be my mother and the van Ocke-rhout family. This would respond to a twenty-year-old desire. We are provided with a very beautiful country house near Bruges which would currently be a postulate-alumnate for Brazil. Later, we would like to see the formation of an abbey, which, being no longer necessary in Brazil, could unite with Beuron or Maredsous. (November 16, 1898)

«Les fondateurs de la maison seraient ma mère et la famille van Ocke-rhout. Cela répondrait à un désir vieux d’une vingtaine d’années. On met à notre disposition une très belle maison de campagne près de Bruges qui serait actuellement un postulat-alumnat pour le Brésil. Plus tard, on désirerait voir se former une abbaye, qui, n’étant plus nécessaire au Brésil, pourrait s’unir à Beuron ou Maredsous.» (16 novembre 1898)

The last sentence was too much, both for Maredsous and for his abbot. Even though Van Caloen, [had convinced himself] that his abbot had encouraged the project, Dom de Hemptinne had not authorized anything. In a letter which he intended to send to Dom de Hemptinne but which he did not send, undoubtedly so as not to frighten the abbot, he revealed the depths of his thoughts:

La dernière phrase était de trop, tant pour Maredsous que pour son abbé. Pour van Caloen pourtant, la cause était entendue quoique son abbé, dom de Hemptinne, n’eût rien autorisé. Dans une lettre qu’il comptait envoyer à dom de Hemptinne mais qu’il garda par-devers lui, sans doute pour ne pas effaroucher le père abbé, il révélait le fond de sa pensée:

“To this project of establishing a procura for Brazil, is joined, for the future, a project of founding an abbey, desired by my family for twenty years. It would be a great consolation for me to be able to work for the good of my family and my homeland, while continuing to devote myself to the work that obedience has imposed on me. I will perhaps have the joy of seeing one day a beautiful abbey rise in the country of my childhood, the Benedictine spirit sanctifying my family, and several members of it consecrating themselves to God under the holy habit that I am honored to wear.’ (November 1898)

«À ce projet d’établissement d’une procure pour le Brésil, se joint, pour le futur, un projet de fondation d’abbaye, désiré par ma famille depuis vingt ans. Ce serait pour moi une très grande consolation de pouvoir travailler au bien de ma famille et de ma patrie, tout en continuant à me consacrer à l’oeuvre que l’obéissance m’a imposée. J’aurai peut-être la joie de voir un jour une belle abbaye s’élever dans le pays de mon enfance, l’esprit bénédictin sanctifier ma famille et plusieurs membres de celle-ci se consacrer à Dieu sous la livrée sainte que je m’honore de porter.» (novembre 1898)

At the end of November, Dom van Caloen went to Rome to meet Dom de Hemptinne and obtain the necessary authorization from him. The abbot primate categorically refused: he did not want competition with his abbey. The Father Abbot Primate knew Dom van Caloen well enough to guess the depths of his thoughts and understand that this procura was only a springboard to obtain the foundation of his abbey.

À la fin du mois de novembre, dom van Caloen se rendit à Rome pour y rencontrer dom de Hemptinne et obtenir de lui l’autorisation nécessaire. L’abbé primat refusa catégoriquement: il ne voulait pas de concurrence avec son abbaye. Le père abbé primat connaissait suffisamment dom van Caloen pour deviner le fond de sa pensée et comprendre que cette procure n’était qu’un tremplin pour obtenir la fondation de son abbaye.

After painful discussions, the abbot primate agreed to place the matter before the archabbot of Beuron, Dom Placid Wolter. Against all expectations, he accepted. This was not surprising! Dom Placid Wolter had always yielded to Dom van Caloen. How many times had Dom Maur Wolter, his brother, had to question the decisions he made under the influence of Dom Gérard? His charm and persuasive power had once again worked in his favor.

Après de pénibles discussions, l’abbé primat consentit à porter l’affaire devant l’archiabbé de Beu-ron, dom Placide Wolter. Contre toute attente, celui-ci accepta. Cela n’était pas étonnant! Dom Placide Wolter avait toujours cédé devant dom van Caloen. Combien de fois dom Maur Wolter, son frère, n’avait-il pas dû remettre en question les décisions qu’il prenait sous l’influence de dom Gérard? Son charme et sa force persuasive avaient donc de nouveau joué en sa faveur.

As always, Dom de Hemptinne, abbot of Maredsous and Abbot Primate of the Benedictine order, humbly submitted to the decision of the archabbot of Beuron and did not hesitate to hand over two of his monks to van Caloen. Without resentment, he could write these words: ”I hope that the procura continues to be healthy.” (February 8, 1899)

Comme toujours, dom de Hemptinne, abbé de Maredsous et abbé primat de l’ordre bénédictin, se soumit humblement à la décision de l’archiabbé de Beuron et n’hésita pas à céder à van Caloen deux de ses moines. Sans rancune, il pouvait écrire ces mots: «Je souhaite que la procure continue à aller bien.» (8 février 1899)

The affair, however, caused a stir in Maredsous. A few months earlier, Dom van Caloen had already informed Dom de Hemptinne of the negative dispositions of the community:

L’affaire toutefois fit du bruit à Maredsous. Quelques mois plus tôt, dom van Caloen avait déjà fait part à dom de Hemptinne des dispositions négatives de la communauté:

“Will the community of Maredsous always remain hostile to me, who have devoted myself entirely to it for twenty years and more?” (September 4, 1898)

«La communauté de Maredsous me restera-t-elle toujours hostile, à moi qui me suis dévoué entièrement à elle pendant vingt ans et plus?» (4 septembre 1898)

“I have known for a long time that they were hostile to me in Maredsous but I really don’t know why. (?) There are certain fathers who show me great sympathy, among others Dom Grégoire Fournier who devotes himself wholeheartedly to our work as procurator. The prior, Father Basile de Meester, is also very proper towards me, except for the weakness he showed in allowing himself to become the instrument of Dom Germain Morin. (November 5, 1898)

«Je savais depuis longtemps qu’on m’était hostile à Maredsous mais je ne sais réellement pas pourquoi. (?) Il y a certains pères qui me témoignent une grande sympathie, entre autres dom Grégoire Fournier qui se dévoue de tout coeur à notre oeuvre comme procureur. Le prieur, le père Basile de Meester, est lui aussi très correct à mon égard, sauf la faiblesse qu’il a eue de se faire l’instrument de dom Germain Morin.» (5 novembre 1898)

The latter was, together with Dom Ursmer Berlière, the great adversary of Dom van Caloen, reproaching their abbot for being too compliant towards the Abbot of Olinda.

Celui-ci était, avec dom Ursmer Berlière, le grand adversaire de dom van Caloen, reprochant à leur abbé sa trop grande complaisance vis-à-vis de l’abbé d’Olinda.

That said, it must be recognized that van Caloen had many good reasons for undertaking this procura. The abbeys of the congregation of Beuron were no longer very enthusiastic about sending people; too many candidates had left without having been tested or having a [monastic] vocation, and had returned at the first trial; It was more necessary than ever to make Dom van Caloen’s work known in Brazil and to raise funds. There were very many good reasons that militated in favor of this procura. But would van Caloen manage to keep this project on a small scale? It was not in his temperament, and Dom de Hemptinne knew this well, hence his refusal.

Cela dit, il faut bien reconnaître que van Caloen avait beaucoup de bonnes raisons pour entreprendre cette procure. Les abbayes de la congrégation de Beuron n’étaient plus très enthousiastes pour envoyer du monde; trop de candidats étaient partis sans avoir été éprouvés ni avoir la vocation, et étaient rentrés à la première difficulté; il était plus que jamais nécessaire de faire connaître l’oeuvre de dom van Caloen au Brésil et de rassembler des fonds. Autant de bonnes raisons qui militaient en faveur de cette procure. Mais van Caloen parviendrait-il à maintenir ce projet à petite échelle? Ce n’était pas dans son tempérament et dom d e Hemptinne le savait bien, d’où son refus.

As nothing urgent called him back to Brazil and his brothers took care of the arrangement of the house, located in Hogeweg in Saint-André, Dom Gérard van Caloen returned from Italy by the scholarly route: establishing contacts is always necessary and useful. Dom van Caloen always loved traveling, his poor health never stopped him. However, travel was more tiring than today and was only done by train. A monk must travel, he once wrote – he was not yet abbot at that time – it is part of his training. For him, a collector at heart, these trips were also an opportunity to buy rare books, collect relics, order altar cloths, choose works of art: he never returned empty-handed.

Comme rien d’urgent ne le rappelait au Brésil et que ses frères s’occupaient de l’aménagement de la maison, située Hogeweg à Saint-André, dom Gérard van Caloen revint d’Italie par le chemin des écoliers: nouer des contacts est toujours nécessaire et utile. Dom van Caloen a toujours beaucoup aimé les voyages, sa mauvaise santé ne l’a jamais arrêté. Les voyages étaient pourtant plus fatigants qu’aujourd’hui et ne se faisaient que par train. Un moine doit voyager, a-t-il un jour écrit — il n’était pas encore abbé à cette époque —, cela fait partie de sa formation. Pour lui, collectionneur dans l’âme, ces voyages étaient aussi l’occasion d’acheter des livres rares, de rassembler des reliques, de commander de la paramentique, de choisir des oeuvres d’art: il ne revint jamais les mains vides.

4.2. Life at the Saint-André Procura

4.2. La vie à la procure de Saint-André

On January 18, 1899, on his return from his trip, Dom van Caloen took possession of the house that his mother had made available to him, in Saint-André, on the outskirts of Bruges. His brothers had done what was necessary to make this large country house habitable for a religious community. Dom Maur Van Emeleni 37 had been recalled from Olinda to become the first superior of the house. Two brothers from Beuron and two monks from Maredsous, “gifts” from the abbots, formed the first community. A few days later, nine Italians from Calabria were added to the first brothers.

Le io janvier 1899, à son retour de voyage, dom van Caloen prit possession de la maison que sa mère mettait à sa disposition, à Saint-André, aux portes de Bruges. Ses frères avaient fait le nécessaire pour rendre cette grande maison de campagne habitable à une communauté religieuse. Dom Maur Van Emeleni37 avait été rappelé d’Olinda pour devenir le premier supérieur de la maison. Deux frères venus de Beuron et deux moines de Maredsous, «cadeaux» des abbés, formèrent la première communauté. Quelques jours plus tard, neuf Italiens de Calabre s’ajoutèrent aux premiers frères.

The solemn inauguration took place on January 15. Dom van Caloen celebrated the Eucharist in the small chapel of the house and the Blessed Sacrament was preserved there. Monastic life could begin. Very quickly, the house was full. At the end of January, twenty-six fathers and postulants resided there. The problem of the language of use then arose. What language would would they speak? In what language would elementary education be given to these Italians, these Germans and these Belgians coming from everywhere? They first thought of Latin. They stepped back from it very quickly, especially since the planned program exceeded the intellectual capacities of the candidates. They finally opted for Portuguese, the language of Brazil, the one that everyone should eventually know.

L’inauguration solennelle eut lieu le 15 janvier. Dom van Caloen célébra l’eucharistie dans la petite chapelle de la maison et le Saint-Sacrement y fut conservé. La vie monastique pouvait commencer. Très vite, la maison fut pleine. À la fin de janvier, vingt-six pères et postulants y résidaient. Le problème de la langue d’usage se posa alors. Quelle langue parlerait-on? Dans quelle langue donnerait-on un enseignement élémentaire à ces Italiens, à ces Allemands et à ces Belges venus de partout? On songea tout d’abord au latin. On en revint très vite, d’autant plus que le programme envisagé dépassait les capacités intellectuelles des candidats. On opta finalement pour le portugais, la langue du Brésil, celle que tout le monde un jour ou l’autre devrait connaître.

Very quickly the need for this procura was verified. Of the nine candidates from Italy, only one persevered; the others returned within two months. Four Portuguese took their place. Dom Pierre Roeser 38 , monk of Beuron, who had been given for two years by Dom Placide Wolter despite the opposition of the community, became master of novices, responsible for assessing the candidates. In a letter addressed to Father Abbot Primate on February 27, 1899, Dom van Caloen shared his first impressions. The sorting out continued inexorably: there was no point in sending people to Brazil who would not stay there. Life was organized as in a real monastery and continued as had been hoped: Dom van Caloen considered the beginnings to be very positive. It must be added that the generosity of his mother and brothers, who often came to inquire about the needs of the community, played a large part in the success of the project.

Très vite la nécessité de cette procure se trouva vérifiée. Des neuf candidats venus d’Italie, un seul persévéra; les autres prirent le chemin du retour dans les deux mois. Quatre Portugais prirent leur place. Dom Pierre Roeser38, moine de Beuron, qui avait été cédé pour deux ans par dom Placide Wolter malgré l’opposition de la communauté, devint maître des novices, chargé de tester les candidats. Dans une lettre adressée au père abbé primat, le 27 février 1899, dom van Caloen faisait part de ses premières impressions. Le tri continuait inexorablement: inutile d’envoyer au Brésil des gens qui n’y resteraient pas. La vie était organisée comme dans un vrai monastère et se déroulait à souhait: dom van Caloen estimait que le départ était même très bon. Il faut bien ajouter que la générosité de sa mère et de ses frères, qui venaient souvent s’enquérir des besoins de la communauté, fut pour beaucoup dans la réussite du projet.

February 19, 1899 was an important date for Dom Gérard van Caloen. Indeed, that day he was received, at his request, in a private audience by King Leopold II. Why? Dom van Caloen wanted to place the procura of Saint Andrew and its mission in Brazil under the high patronage of His Majesty the King: “A royal abbey for the dissemination of the Catholic faith”.

Le 19 février 1899 fut une date importante pour dom Gérard van Caloen. Ce jour-là en effet, il fut reçu, sur sa demande, en audience particulière par le roi Léopold II. Pour quelle raison? Dom van Ca-loen voulait placer la procure de Saint-André et sa mission au Brésil sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi: «Une abbaye royale pour la diffusion de la foi catholique».

“ I desire this center of action, the recently established Procura, to develop under the auspices of Your Majesty, in accordance with my ancient aspirations, in the Belgian Congo and the Orient.” (draft of the letter to the King)

«Ce centre d’action, la Procure, récemment établi, je désirerais le développer sous les auspices de Votre Majesté, conformément à mes anciennes aspirations, au Congo Belge et à l’Orient.» (brouillon de la lettre au Roi)

This was not the first time that van Caloen addressed Leopold II. His first contacts with the King’s cabinet dated from 1885, when the sovereign was thinking of an overall plan for missionary work in the Congo. Without speaking to his superiors, Dom van Caloen had then promised Baron Lambermont the collaboration of the Benedictines. He spoke about it again in 1889, at the time of Louvain and its apostolic abbey.

Ce n’était pas la première fois que van Caloen s’adressait à Léopold II. Ses premiers contacts avec le cabinet du Roi dataient de 1885, au moment où le souverain songeait à un plan d’ensemble pour l’oeuvre missionnaire au Congo. Sans en parler à ses supérieurs, dom van Caloen avait alors promis au baron Lambermont la collaboration des bénédictins. Il en reparla en 1889, au temps de Louvain et de son abbaye apostolique.

He then prepared for the press a dithyrambic declaration, accompanied by romantic descriptions, the title of which bore these words: ”Belgian Benedictine Missions”. He explained the role of the Benedictines in the conversion of Europe and his conviction that even today, a role in the conversion of the world was assigned to them. The abbots of Maredsous and Beuron then called him to account, so much so that his paper remained in his archives. But the King, having learned of his project for an apostolic monastery, had given him at that time the sum of 10,000 francs to get started.

Il avait alors préparé pour la presse une déclaration dithyrambique, accompagnée de descriptions romantiques, dont le titre portait ces mots: «Missions bénédictines belges». Il y expliquait le rôle des bénédictins dans la conversion de l’Europe et sa conviction qu’aujourd’hui encore, un rôle dans la conversion du monde leur était dévolu. Les abbés de Mared-sous et de Beuron l’avaient alors rappelé à l’ordre, si bien que son papier était resté dans ses archives. Mais le Roi, ayant appris son projet de monastère apostolique, lui avait remis à cette époque la somme de 10 000 francs pour commencer.

During the audience of February 19, 1899, the sovereign promised him his high patronage, on the condition that he also send Benedictines to China and Asia Minor. The royal proposal remained unanswered, Dom van Caloen lacking men for this enterprise; and, shortly afterwards, he left for Brazil with other concerns in mind. Someone, however, listened when he heard this, [namely,] Dom de Hemptinne, who asked him: ”There is a passage in your letter that I do not understand concerning China and Asia Minor. Why did the King speak to you about this and what did you answer him?” (March 13, 1899)

Au cours de l’audience du 19 février 1899, le souverain lui promit son haut patronage, à condition qu’il envoie aussi des bénédictins en Chine et en Asie Mineure. La proposition royale resta sans suite, dom van Caloen ne disposant pas d’hommes pour cette entreprise et, peu après, il partit pour le Brésil avec d’autres soucis en tête. Quelqu’un toutefois tendit l’oreille lorsqu’il l’apprit, dom de Hemptinne, qui lui demanda: «Il y a dans votre lettre un passage que je ne comprends pas touchant la Chine et l’Asie Mineure. Pourquoi le Roi vous a-t-il parlé de cela et que lui avez-vous répondu?» (13 mars 1899)

The primate wondered, not without reason, what he could be up to now. It was high time he returned to Brazil and he told him so, too.

Le primat se demandait, non sans raison, ce qu’il pouvait bien manigancer à présent. Il était grand temps qu’il retournât au Brésil et il le lui dit également.

Finally, in April 1899, the first issue of the Bulletin of Benedictine Works in Brazil appeared as a supplement to the Messenger of Saint Benedict of Maredsous. Thanks to Dom Grégoire Fournier and with the blessing of Dom de Hemptinne, a temporary collaboration with the abbey of Maredsous had become possible. It reads:

Enfin parut, en avril 1899, le premier numéro du Bulletin des oeuvres bénédictines au Brésil comme supplément du Messager de saint Benoît de Maredsous. Grâce à dom Grégoire Fournier et avec la bénédiction de dom de Hemptinne, une collaboration temporaire avec l’abbaye de Maredsous était devenue possible. On y lit:

“Our work is born: the apostolate is already carried out in Brazil; our procura is founded and many young people are preparing for it. But all this must continue; and for this the help of Catholics is essential to us... We need zealous people, everywhere, in the towns and the countryside. These dedicated people, willing to take an interest in our work, will not be assuming a very heavy burden: they would only be concerned with finding us subscribers at 1 franc twice a year, whose names they would communicate to us on sheets of paper. printed. We ourselves would recover the pledges by postal receipt.”

«Notre oeuvre est née: l’apostolat s’exerce déjà au Brésil; notre procure est fondée et une nombreuse jeunesse s’y prépare. Mais tout cela doit subsister, et pour cela l’aide des catholiques nous est indispensable... Il nous faut des zélateurs et des zélatrices, de tous côtés, dans les villes et les campagnes. Ces personnes dévouées, disposées à s’intéresser à notre oeuvre, n’assumeraient pas une tâche très lourde: elles ne s’occuperaient que de nous trouver des souscripteurs à i franc deux fois par an, dont elles nous communiqueraient les noms sur des feuilles imprimées. Nous-mêmes, nous ferions les recouvrements par quittance postale.»

It was quite simple! Dom van Caloen also knew the art of dropping money into his purse. Support committees were set up in different towns across the country , 39 chaired by friends of the new procura and responsible for gathering monetary donations, offerings and gifts. Personal relationships bore fruit.

C’était tout simple! Dom van Caloen connaissait aussi l’art de faire tomber de l’argent dans son escarcelle. Des comités de soutien s’installèrent dans différentes villes du pays39, présidés par des amis de la jeune procure et chargés de rassembler les dons en argent, les offrandes et les cadeaux. Les relations personnelles portaient leurs fruits.

In April 1899, van Caloen considered returning to Brazil. Ill and feverish, but delighted with the work accomplished during these months, he took the boat for Latin America, intending to take advantage of the sea voyage to rest. It was, in fact, during these long boat trips – he crossed the Atlantic twenty-three times – that he rested best and was able, at his ease, to devote time to his mail. . What did he not write during his lifetime! Letters, drafts of letters, reports, drafts of reports, drafts of official requests, very legible, in large and clear writing, leaning to the right. For Dom Gérard van Caloen kept everything, absolutely everything, down to the London Underground tickets.

En avril 1899, van Caloen songea à retourner au Brésil. Malade et fièvreux, mais enchanté du travail réalisé au cours de ces mois, il prit le bateau pour l’Amérique latine, comptant bien profiter du voyage en mer pour se reposer. C’était, en effet, au cours de ces longs voyages en bateau — il traversera vingt-trois fois l’Atlantique — qu’il se reposait le mieux et qu’il pouvait, tout à son aise, consacrer du temps à son courrier. Que n’a-t-il pas écrit, dans sa vie! Des lettres, des brouillons de lettres, des rapports, des brouillons de rapports, des brouillons de demandes officielles, fort lisibles, d’une écriture large et claire, penchée vers la droite. Car dom Gérard van Caloen gardait tout, absolument tout, jusqu’aux tickets du métro londonien.

When he arrived in Olinda, he found a community in good shape which had made good progress under the leadership of Father Feuillen L’hermitte.

En arrivant à Olinda, il trouva une communauté en bonne forme qui avait bien fait son chemin sous la houlette du père Feuillen L’hermitte.

4.3. The procurator without a dom Gérard van Caloen -1899-1900

4.3. La procure sans dom Gérard van Caloen -1899-1900

The superior of the house, Dom Maur Van Emelen, carried out his task with ruthless meticulousness and precision. Nothing was forgotten in the long letters that he sent very regularly to the Abbot of Olinda: requests and departures of postulants, difficulties and tensions between confreres, family visits, banking transactions, donations, economic situation... nothing was missing; everything was mentioned, everything was covered very scrupulously. For Dom van Caloen wanted to be informed of everything that was happening at Saint-André, and then to make decisions.

Le supérieur de la maison, dom Maur Van Emelen, accomplissait sa tâche avec une méticulosité et une précision impitoyables. Rien n’était oublié dans les longues lettres qu’il envoyait très régulièrement à l’abbé d’Olinda: demandes et départs de postulants, difficultés et tensions entre les confrères, visites de famille, opérations bancaires, donations, situation économique... rien ne manquait; tout était mentionné, tout était épluché très scrupuleusement. Car dom van Caloen tenait à être mis au courant de tout ce qui se faisait à Saint-André et à décider ensuite.

At the time there were three types of aspirants to the procura: oblates, young people of around sixteen years of age who were to receive additional intellectual training, brothers, and novices. Four fathers were responsible for their formation: Dom Maur Van Emelen, superior, Dom Wandrille Herpierre 40, responsible for the brothers, Dom Denis Verdin for the oblates, and Dom Pierre Roeser for the novices. It was not easy for these four fathers to live in isolation and to have the [necessary] discernment to distinguish true vocations from false ones.

Il y avait à l’époque trois sortes d’aspirants à la procure: des oblats, jeunes gens de seize ans environ qui devaient recevoir un complément de formation intellectuelle, des frères et des novices. Quatre pères étaient chargés de leur formation: dom Maur Van Emelen, supérieur, dom Wandrille Herpierre 4°, responsable des frères, dom Denis Verdin, des oblats, et dom Pierre Roeser, des novices. Il n’était pas facile à ces quatre pères de vivre ainsi en vase clos et d’avoir le discernement de distinguer les vraies vocations des fausses.

The desire to leave for Brazil was not enough to make a monk. The sensitivity of the various nationalities represented did not make life any easier at the procura, nor that of the superior. Hence there was murmuring and frequent tensions between fathers or among aspirants. Dom Maur was, however, esteemed: “the man for the job,” Dom Wandrille Herpierre said of him, who respected him while pestering him. Father Abbot Primate, visiting the procura on July 18, 1899, nevertheless rejoiced at the effective management of the house in a letter to Dom van Caloen: ”Father Maur Van Emelen made an excellent impression on me and the general spirit of the procura too. The house is too small for the number of its occupants but they do not seem more worried about that than about yellow fever. They all seem focused on their own business.” (July 28, 1899)

Le désir de partir pour le Brésil ne suffisait pas pour faire un moine. La sensibilité des diverses nationalités représentées ne facilitait pas non plus la vie à la procure, ni celle du supérieur. D’où murmures et tensions fréquentes entre les pères ou chez les aspirants. Dom Maur était toutefois estimé: «l’homme de la situation», disait de lui dom Wandrille Herpierre, qui le respectait tout en le tarabustant. Le père abbé primat, de passage à la procure le 18 juillet 1899, se réjouit toutefois de la bonne marche de la maison dans une lettre à dom van Caloen: «Le père Maur Van Emelen m’a fait une excellente impression et l’esprit général de la procure aussi. La maison est trop restreinte pour le nombre de ses occupants mais ceux-ci n’en paraissent pas plus préoccupés que de la fièvre jaune. Ils semblent tous à leur affaire.» (28 juillet 1899)

Dom de Hemptinne, “like a great lord”, had forgotten everything, and spoke only with sympathy of the work of Dom van Caloen. His encouraging words must have been accepted with gratitude. A month later, it was the turn of the Archabbot of Beuron, on his way to England, to pass through the procura. He confirmed the impressions of the Primate and praised the way in which Father Maur carried out his assignment. Clearly, everything was forgotten! The spell was therefore not broken!

Dom de Hemptinne, «en grand seigneur», avait tout oublié et ne parlait qu’avec sympathie du travail de dom van Caloen. Ses paroles encourageantes ont dû être acceptées avec reconnaissance. Un mois plus tard, ce fut au tour de l’archiabbé de Beuron, en route vers l’Angleterre, de passer par la procure. Il confirma les impressions du primat et loua la manière dont le père Maur s’acquittait de sa tâche. Décidément, tout était oublié! Le charme n’était donc pas rompu!

There was no shortage of candidates at the procura: six received orders there in March, five at Easter: two Belgians, five Germans and four Italians. Due to lack of space, the aspirants had to wait for the departure of the first contingent. In the meantime, the procura nevertheless fulfilled its role as a triage station very well: one entered as easily as one left.

Les candidats ne manquaient pas à la procure: il y eut six prises d’habit en mars, cinq à Pâques: soit deux Belges, cinq Allemands et quatre Italiens. Par manque de place, les aspirants devaient attendre le départ de la première caravane. En attendant, la procure en tout cas remplissait fort bien son rôle de gare de triage: on y entrait aussi facilement qu’on en sortait.

One of the major concerns of the superior was the preparation of trips to Brazil. Patiently but also stubbornly, Dom Maur tried to obtain the most favorable prices. They departed from Hamburg, Antwerp or Amsterdam depending on the offers received. Dom Maur himself went there, contacted the agencies, bargained down the prices, took a look at the ships, all in the hope of getting the lowest price: because money was scarce at the procura.

Une des grandes préoccupations du supérieur était la préparation des voyages pour le Brésil. Patiemment mais aussi avec entêtement, dom Maur essayait d’obtenir les prix les plus favorables. On partait de Hambourg, d’Anvers ou d’Amsterdam d’après les offres reçues. Dom Maur lui-même se rendait sur place, contactait les agences, faisait baisser les prix, jetait un coup d’oeil sur les bateaux, tout cela dans l’espoir d’avoir le prix le plus modique: car l’argent était rare à la procure.

A first departure of thirteen monks, novices and postulants had been planned from Antwerp for June 14, 1899. But alarming news from Brazil delayed this trip. Indeed, yellow fever which was raging in Bahia had spread to Olinda where two monks died, 41  while the others were able to be saved. It was a hard blow for the abbot of Olinda; there was consternation at Saint-André, because all life at the procura was oriented towards Brazil. What happened there reverberated here; the procura lived with the Brazilian communities.  They impatiently awaited letters from Dom van Caloen who regally distributed advice and recommendations: everyone aspired to leave for Brazil, the field of the monastic missionary apostolate.

Un premier départ de treize moines, novices et postulants avait été prévu à partir d’Anvers pour le 14 juin 1899. Mais des nouvelles alarmantes en provenance du Brésil retardèrent ce voyage. En effet, la fièvre jaune qui sévissait à Bahia avait gagné Olinda où deux moines étaient morts41, tandis que les autres avaient pu être sauvés. C’était un coup dur pour l’abbé d’Olinda; ce fut la consternation à Saint-André, car toute la vie à la procure était orientée vers le Brésil. Ce qui arrivait là-bas se répercutait ici; la procure vivait avec les communautés brésiliennes; elle attendait impatiemment les lettres de dom van Caloen qui distribuait royalement ses conseils et ses recommandations: tout le monde aspirait au départ pour le Brésil, le champ de l’apostolat monastique missionnaire.

It was only on August 17 that authorization to leave was given by the Abbot of Olinda. Shortly afterwards, however, news reached Saint-André of the death of Father Feuillen L’hermitte, 42  van Caloen’s confidant, a victim of yellow fever. A new outbreak of this endemic disease risked calling everything into question. As the preparations were well advanced, the places reserved and paid for and the luggage had already been shipped, after having obtained the advice of the primate, the always indispensable man, Father Maur nevertheless gave the order to depart.

Ce n’est que le 17 août que l’autorisation de départ fut donnée par l’abbé d’Olinda. Peu de temps après, cependant, parvint à Saint-André la nouvelle de la mort du père Feuillen Lhermitte42, l’homme de confiance de van Caloen, victime de la fièvre jaune. Une nouvelle poussée de cette maladie endémique risquait de tout remettre en question. Comme les préparatifs étaient fort avancés, que les places étaient réservées et payées et que les bagages étaient déjà expédiés, après avoir pris l’avis du primat, l’homme toujours indispensable, le père Maur donna quand même l’ordre de partir.

The contingent left from Hamburg on September 27, 1899, aboard the Itaparica. Dom Pierre Roeser led a group of seven choir postulants and three lay brothers. A second group of two choir postulants and four young Oblates, under the direction of Dom Denis Verdin, embarked from Antwerp on the Coblenz. Of the eighteen travelers, there were eleven Germans, three Italians, three Belgians, one Swiss and one Brazilian. Of the nine choir applicants, six persevered.

C’est de Hambourg que partit la caravane, le 27 septembre 1899, à bord du Itaparica. Dom Pierre Roeser conduisait un groupe de sept postulants de choeur et de trois frères convers. Un second groupe de deux postulants de choeur et de quatre jeunes oblats, sous la direction de dom Denis Verdin, s’embarqua à Anvers sur le Coblenz. Sur les dix-huit voyageurs, on comptait onze Allemands, trois Italiens, trois Belges, un Suisse et un Brésilien. Des neuf postulants de choeur, six persévérèrent.

The first contingent headed upon its arrival towards Ceara, in the north of Brazil, not far from Quixada in the equatorial zone, where Dom van Caloen had started a new foundation. It was quite an adventure. The first intention of the abbot of Olinda had been to find a dry and healthy place to settle and train the novices far from the yellow fever, always present in Olinda. His choice fell on Ceara, which he had visited during an earlier trip and had received an enthusiastic welcome from the population.

La première caravane se dirigea dès son arrivée vers le Ceara, dans le nord du Brésil, non loin de Quixada dans la zone équatoriale, où dom van Caloen avait commencé une nouvelle fondation. Ce fut toute une aventure. L’intention première de l’abbé d’Olinda avait été de trouver un endroit sec et sain où installer et former les novices loin de la fièvre jaune, toujours présente à Olinda. Son choix s’était porté sur le Ceara, où il s’était rendu au cours d’un voyage précédent et avait reçu un accueil enthousiaste de la population.

It did not take long to decide. Not only was Dom van Caloen already in charge of two monasteries, but now he had a third, with all the consequences that would ensue. The advice of Dom de Hemptinne did not hold him back: ”Don’t be in a hurry to start an abbey. Wait, because experience will be able to show you more than one disadvantage that escapes you today. This is why the seminary you occupy has remained empty.” (December 2, 1899). He did not take this seriously. The warning from the Archabbot of Beuron had no more effect: ”The Most Reverend Father has the peculiar notion of making new foundations without having the strength to occupy and hold the old monasteries... We don’t understand the peculiar situation here.” (secretary: October 22, 1899)

Il n’en fallut pas plus pour le décider. Non seulement dom van Caloen était déjà chargé de deux monastères, mais voilà qu’il en avait un troisième, avec toutes les conséquences qui s’ensuivraient. L’avis de dom de Hemptinne ne le retint pas: «Ne vous pressez pas pour commencer une abbaye. Attendez, car l’expérience pourra vous démontrer plus d’un inconvénient qui vous échappe aujourd’hui. C’est pourquoi le séminaire que vous occupez est demeuré vide.» (2 décembre 1899). Il ne croyait pas si bien dire. La mise en garde de l’archiabbé de Beuron n’eut pas plus d’effet: «Le Révérendissime Père trouve que c’est une idée étrange de faire de nouvelles fondations sans avoir les forces pour occuper et tenir les anciens monastères... On ne comprend pas ici la situation étrange.» (secrétaire: 22 octobre 1899)

Who could follow and understand the Abbot of Olinda? His way of approaching a situation was always unexpected. Besides, when van Caloen had an idea in mind, nothing could hold him back, not even his irrationality. It is certain that God writes the history of each man, but not necessarily as the man understands it, and everything that happens in life is not necessarily interpreted in his favor, as van Caloen tended to believe. when he made a decision. About Ceara he wrote to his mother:

Qui pouvait suivre et comprendre l’abbé d’Olinda? Sa manière d’aborder une situation était toujours inattendue. D’ailleurs, quand van Caloen avait une idée en tête, rien ne pouvait le retenir, même pas son irrationalité. Il est certain que Dieu écrit l’histoire de chaque homme, mais pas nécessairement comme celui-ci l’entend, et tout ce qui arrive dans la vie ne s’interprète pas forcément en sa faveur, comme van Caloen avait tendance à le croire quand il prenait une décision. À propos du Ceara, il écrivit à sa mère:

“This rapid foundation, after such great adversities, was surrounded by all the characteristics of divine intervention. Without my fall from my horse, there would be no foundation in Ceara! It seems that the devil is pursuing me and the work with which God has entrusted me, and that there is a great battle going on around me between him and the holy souls who protect me. (October 22, 1899)

«Cette fondation si rapide, après de si grandes adversités, fut entourée de tous les caractères d’une intervention divine. Sans ma chute de cheval, pas de fondation au Ceara! Il semble que le démon me poursuit, moi et l’oeu-vre dont Dieu m’a chargé, et qu’il se livre autour de moi un grand combat entre lui et les saintes âmes qui me protègent.» (22 octobre 1899)

We can quickly agree that the abbot of Olinda was unfortunately mistaken about this foundation which had no future, due to the continual drought and the poverty of the region. It would have cost a great deal of men, money and human lives.

Très vite, on conviendrait que l’abbé d’Olinda s’était malencontreusement trompé sur cette fondation qui n’avait pas d’avenir, par suite de la sécheresse continuelle et de la pauvreté de la région. Elle aurait coûté très cher en hommes, en argent, et en vies humaines.

The second contingent, that of November, headed for Bahia, where Dom van Caloen, at the urging of the presiding abbot, Frei Domingos da Transfigurçâo, was to open a novitiate and begin monastic life there. The recovery [of the abbey] was a necessity if they did not wish to see the State take over an empty monastery. With Olinda and Quixada, Bahia became the third Brazilian abbey populated by young professed, novices and oblates from Europe. But what was particularly lacking in this work of restoration was a team of experienced monks. Hence a new cry of distress.

La seconde caravane, celle du mois de novembre, prit la direction de Bahia, où dom van Caloen, sur les instances de l’abbé président, Frei Domingos da Transfigurçâo, devait ouvrir un noviciat et y commencer la vie monastique. La reprise était une nécessité si on ne voulait pas voir l’État s’emparer d’un monastère vide. Avec Olinda et Quixada, Bahia devenait la troisième abbaye brésilienne, peuplée de jeunes profès, de novices et d’oblats venus d’Europe. Mais ce qui manquait particulièrement dans celte oeuvre de restauration, c’était une équipe de moines chevronnés. D’où un nouveau cri de détresse.

4.4. Saint-André, with or without novitiate?

4.4. Saint-André, avec ou sans noviciat?

Once again, Dom van Caloen begged the Abbot Primate to send him worthy monks who would provide serious help and support for him. How many had returned to Europe, after a brief stay in Brazil ! What was this due to? He wondered, is it the climate, the work, difficulties in adapting? Weren’t there any mistakes on van Caloen’s side either? Dom de Hemptinne’s response was direct: ”The mission in Brazil initially frightened more than one of our people and this fear had not yet dissipated when you sought to isolate yourself (by creating Saint-André). It is true that contact (with Beuron) still exists but you have done much to make its application more difficult. (October 19, 1899)

Une fois de plus, dom van Caloen supplia l’abbé primat de lui envoyer des moines valables qui fussent pour lui des aides et un soutien sérieux. Combien n’étaient-ils pas retournés en Europe, après un bref séjour au Brésil? À quoi cela était-il dû? Au climat, au travail, à une difficile adaptation?, se demandait-il. N’y avait-il pas non plus des fautes du côté de van Caloen? La réponse de dom de Hemptinne fut directe: «La mission au Brésil effrayait au début plus d’un des nôtres et cette crainte n’était pas encore dissipée que vous avez cherché à vous isoler (en créant Saint-André). Il est vrai que le contact (avec Beuron) subsiste toujours mais vous avez beaucoup fait pour rendre son application plus difficile.» (19 octobre 1899)

In a circular sent to all the abbots of the congregation of Beuron with a view to obtaining a few monks for Brazil, van Caloen saw fit to outline the situation and the difficulties he faced. He ended on this note:

Dans une circulaire envoyée à tous les abbés de la congrégation de Beuron en vue d’obtenir quelques moines pour le Brésil, van Ca-loen crut bon de brosser la situation et les difficultés qui étaient les siennes. Il terminait ainsi:

“Two or three good monk-priests would save the situation and allow me to look to the future with serenity. There is absolutely no need for men of courage; but rather men of virtue, judgment, perseverance, good monks in a word who do not allow themselves to be led by the imagination; humble and obedient monks, monks ready to simply sacrifice their lives if the Good Lord asks them to do so.” (November 1, 1899 )

«Deux ou trois bons moines-prêtres sauveraient la situation et me permettraient d’envisager l’avenir avec sérénité. Il ne faut absolument pas des hommes de valeur; mais des hommes de vertu, de jugement, de persévérance, de bons moines en un mot qui ne se laissent pas conduire par l’imagination; des moines humbles et obéissants, des moines prêts à sacrifier leur vie, simplement, si le Bon Dieu le leur demande.» (1eT novembre 1899)

In other words, monks who would serve him faithfully without fighting back. Dom de Hemptinne’s response, dated December 2, 1899, deserves to be quoted in full, although it would be too long. Here is at least one passage:

En d’autres mots, des moines qui le serviraient fidèlement sans répliquer. La réponse de dom de Hemptinne, du 2 décembre 1899, mériterait d’être citée intégralement, ce serait cependant trop long. En voici du moins un passage:

”The impression it (the circular) made on me is that you are very busy, even overwhelmed (!), but that you were wrong in your conduct towards the congregation as you did. The circular contains reproaches against the superiors and monks sent to Brazil. These criticisms are not always expressed in a very explicit way, but they are there in substance. And then you remember very well that you promised me in Rome that you would no longer ask for any help. I knew very well that you could not keep your word. I know well that you have no feeling of antipathy ; but you believe that you alone must be in charge in order to be able to make progress, and this personal excess of energy alienates you from the people and institutions that would like to support your efforts.”

 «L’impression qu’elle (la circulaire) m’a faite est que vous êtes très occupé, surchargé même (!), mais que vous avez eu tort de vous conduire vis-à-vis de la congrégation comme vous l’avez fait. La circulaire contient des reproches contre les supérieurs et les moines envoyés au Brésil. Ces reproches ne sont pas exprimés d’une manière toujours très formelle, mais ils y sont au fond. Et puis vous vous souvenez fort bien que vous m’avez promis à Rome que vous ne demanderiez plus aucun secours. Je savais fort bien que vous ne pourriez tenir parole. Je sais bien que vous n’y mettez aucun sentiment d’antipathie mais vous croyez devoir commander tout seul pour pouvoir marcher et cet excès personnel d’énergie éloigne de vous les personnes et les institutions qui voudraient seconder vos efforts.»

Further on, he also added this:

Plus tard, il ajouta encore ceci:

”I am convinced that you are too fond of blaming others for the difficulties of the situation. This feeling makes you too sure of yourself and too hard on others. And then you still want to achieve your goals against the desire and even the will of those who are in command by right. Do you not again bring up the question of the novitiate of Saint-André, so expressly dismissed by me? You cannot demand that everyone resign themselves to following you in everything. Besides, I am convinced that if you were more willing to conform to the ideas of others, there would be no shortage of men. It was necessary to encourage the congregation of Beuron to make it their work instead of emphasizing the personal side of the enterprise.” (January 17, 1900)

 «J’ai la conviction que vous aimez trop à imputer aux autres les difficultés de la situation. Ce sentiment vous rend trop sûr de vous-même et trop dur pour les autres. Et puis vous voulez malgré tout en arriver à vos fins contre le désir et même la volonté de ceux qui commandent de droit. Ne ramenez-vous pas encore la question du noviciat de Saint-André, si expressément écartée par moi? Vous ne pouvez exiger que tout le monde se résigne à vous suivre en toutes choses. D’ailleurs je suis convaincu que si vous vouliez vous conformer davantage aux idées d’autrui, les hommes ne manqueraient pas. Il fallait encourager la congrégation de Beuron à en faire son oeuvre au lieu d’accentuer le côté personnel de l’entreprise.» (17 janvier 1900)

The abbot primate knew his man well, he was also the only one who could address van Caloen in this fashion. Everything in this letter is accurate: Dom van Caloen walked alone, convinced that God was on his his side, even against everyone else. Was he not sent by Rome and the Pope? This is how he transformed a joint enterprise into a personal affair. Hence his harshness and authoritarianism. The abbot of Olinda defended himself as best he could:

L’abbé primat connaissait bien son homme, il était aussi le seul à pouvoir s’adresser ainsi à van Caloen. Tout est exact dans cette lettre: dom van Caloen marchait seul, convaincu que Dieu avait choisi son camp, même contre tous. N’était-il pas envoyé par Rome et le pape? C’est ainsi qu’il avait fait d’une entreprise commune une affaire personnelle. D’où sa dureté et son autoritarisme. L’abbé d’Olinda se défendit comme il put:

“It is hard to receive such reproaches when one does what I have done for four years... The situation here is absolutely different and we cannot judge as we judge in Europe. Above all, it is about living and not allowing the Brazilian congregation to die. Could I let the abbot president die alone in Bahia? If the abbot of Rio dies, can I allow this rich and influential monastery to be plundered? If I don’t have more monks to help me somewhat, I can’t accomplish such a heavy task alone.” (December 15, 1899)

«Il est dur de recevoir de tels reproches quand on fait ce que j’ai fait depuis quatre années... La situation est ici absolument différente et l’on ne peut juger comme on juge en Europe. Il s’agit avant tout de vivre et de ne pas laisser mourir la congrégation brésilienne. Pouvais-je laisser mourir tout seul à Bahia l’abbé président? Si l’abbé de Rio vient à mourir, puis-je laisser piller ce monastère si riche et influent? Si je n’ai pas plus de moines qui m’aident un peu, je ne puis accomplir seul une tâche aussi lourde.» (15 décembre 1899)

After that, there could be no expectation of a positive response from Beuron: confidence [in him] had vanished. . That being the case, the only option remaining to Dom Gérard was to stake everything on Saint-André: the future was there.

Après cela, il ne fallait pas s’attendre à une réponse positive de la part de Beuron: la confiance n’y était p1us. 42 Si c’était ainsi, il ne restait plus à dom Gérard qu’à tout miser sur Saint-André: là était l’avenir.

In the letter he wrote on December 27, 1899 to Dom de Hemptinne, he let it be understood without stating it openly that all he had to do was contact Rome in order to establish a canonical novitiate at Saint-André. We know what the abbot primate thought of this; indeed, he knew very well what this meant: after the procura, the novitiate; after the novitiate, the abbey. Dom van Caloen had positioned his pieces [on the chessboard].

Dans la lettre qu’il écrivit le 27 décembre 1899 à dom de Hemptinne, il laissait entendre sans y toucher qu’il ne lui restait plus qu’à s’adresser à Rome pour ériger un noviciat canonique à Saint-André. On sait ce qu’en pensait l’abbé primat; il savait fort bien en effet ce que cela signifiait: après la procure, le noviciat; après le noviciat, l’abbaye. Dom van Caloen plaçait ses pions.

However, the primate was not alone in thinking this. The superior of the procura, Father Maur Van Emelen, was hardly in favor of a change of status for the procura and made this known to the abbot of Olinda:

Le primat n’était toutefois pas seul à le penser. Le supérieur de la procure, le père Maur Van Emelen, n’était guère partisan d’un changement de statut pour la procure et le fit savoir à l’abbé d’Olinda:

”I agree with you regarding the development of the material installations of the procura, which have little value in monastic terms. But I believe that it is not useful to make a change other than that... The procura should never acquire the slightest autonomy under penalty of losing its main quality, the aim of its establishment, which is zeal for Brazilian interests... By maintaining the status quo, you will indefinitely keep the entire staff at your complete disposal without ever harboring the slightest concern about offending sensitivities.” (July 27, 1900)

 «J’abonde dans votre sens quant au développement des installations matérielles de la procure, qui n’ont guère de valeur sous le rapport monastique. Mais je crois qu’il n’est pas utile de faire un changement autre que celui-là... La procure ne devrait jamais acquérir la moindre autonomie sous peine de perdre sa qualité principale, but de son établissement, qui est le zèle pour les intérêts brésiliens... En gardant le statu quo, vous garderez indéfiniment le personnel complet à votre plus entière disposition sans jamais nourrir le moindre souci de froisser des susceptibilités.» (27 juillet 1900)

These remarks were made politely and deferentially. Dom Van Emelen was undoubtedly himself surprised by his audacity. Regardless, his reasoning was correct. A procura made it possible to move men as one wished an abbey has its own monks who promised stability and who depend on it. What did Dom van Caloen think?

Ces remarques étaient formulées avec politesse et déférence. Dom Van Emelen fut sans doute lui-même étonné de son audace. Quoi qu’il en soit, son raisonnement était juste. Une procure permettait de déplacer les hommes comme on l’entendait, une abbaye a ses propres moines qui ont promis stabilité et qui en dépendent. Qu’en pensait dom van Caloen?

After the departure of Father Denis Verdin for Brazil in November 1899, only eight monks remained at the Hogeweg procura. But the house filled up again very rapidly. From Brazil came Brother Pierre Eggerath 43 ; a Dutchman and a German received the habit in December, and shortly thereafter, three applicants were added to the previous ones, so that a new group was able to embark from Southampton bound for Bahia, on February 17, 1900, under the direction of Father Wandrille Herpierre.

Après le départ du père Denis Verdin pour le Brésil, en novembre 1899, il ne restait que huit moines à la procure du Hogeweg. Mais la maison se remplit à nouveau bien vite. Du Brésil vint le frère Pierre Eggerath43; un Hollandais et un Allemand prirent l’habit en décembre, et peu après, trois postulants s’ajoutèrent aux précédents, si bien qu’un nouveau groupe put s’embarquer à Southampton à destination de Bahia, le 17 février 1900, sous la direction du père Wan-drille Herpierre.

Meanwhile, Dom Maur Van Emelen tried as best he could to maintain the church in the middle of the village. For all these candidates, of different nationalities and of little maturity, were more attracted by adventure than by monastic life. The presence of Brother Pierre Eggerath allowed things to unfold as they ought to: the Oblates studied, the postulants received conferences, the brothers worked, everyone looked towards Brazil.

Pendant ce temps, dom Maur Van Emelen essayait tant bien que mal de maintenir l’église au milieu du village. Car tous ces candidats, de nationalités différentes et de peu de maturité, étaient plus attirés par l’aventure que par la vie monastique. La présence du frère Pierre Eggerath permit de faire marcher les choses comme il le fallait: les oblats étudiaient, les postulants recevaient des conférences, les frères travaillaient, chacun regardait vers le Brésil.

But Dom Van Emelen had many other concerns: above all the financial situation of the procura preoccupied him. Mr. Jonckheere, a Bruges banker, brother of Father Jules Jonckheere of Maredsous, took care of the financial activities of the procura; but very often he had to advance money when Dom van Caloen was in arrears with payment. The Brazilian abbeys were indeed involved in the maintenance of the procura. But she also had to pay, despite her limited means, for orders from Brazil and wait to be reimbursed. ”I am floundering,” Dom Maur often wrote. Fortunately for him, the ladies’ committees, especially that of Bruges, regularly filled the empty fund. Other activities also rewarded it. This is how Dom Grégoire Fournier came to gave a conference on the missions of Brazil, in the large hall of the Saint-Louis college in Bruges  - a talk which brought in the sum of 93.0.75 francs .

Mais dom Van Emelen avait bien d’autres soucis: la situation financière de la procure le préoccupait surtout. Monsieur Jonckhee-re, banquier brugeois, frère du père Jules Jonckheere de Maredsous, s’occupait des activités financières de la procure mais devait bien souvent avancer de l’argent quand dom van Caloen était en retard de payement. Les abbayes brésiliennes intervenaient en effet dans l’entretien de la procure. Mais elle devait aussi payer, malgré ses moyens limités, les commandes du Brésil et attendre d’être remboursée. «Je patauge», écrivait souvent dom Maur. Heureusement pour lui, les comités de dames, celui de Bruges surtout, remplissaient régulièrement la caisse vide. D’autres activités la comblaient également. C’est ainsi que dom Grégoire Fournier donna, dans la grande salle du collège Saint-Louis à Bruges, une conférence sur les missions du Brésil, causerie qui rapporta la somme de 930,75 francs.

The greatest benefactress, however, was still the mother of Dom Gérard van Caloen. She looked after her son’s foundation materially and financially with love and concern. She often came to the procura, accompanied by her sons Albert and Ernest, to make sure everything was going well.

La grande bienfaitrice toutefois restait la mère de dom Gérard van Caloen. Elle veillait matériellement et financièrement avec amour et sollicitude sur la fondation de son fils. Elle venait bien souvent à la procure, accompagnée de ses fils Albert et Ernest, pour s’assurer que tout allait bien.

In the meantime, two important events took place in Brazil. On March 21, 1900, in the abbey church of San Sebastián in Bahia, the local archbishop carried out the abbatial blessing of Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, Abbot President of the Brazilian congregation, and of Dom Gérard van Caloen, Abbot of Olinda and his vicar general for the congregation, both appointed abbots for life by Rome. This was an important event for monastic Brazil since it broke with the tradition of temporary abbacy, but it was also an important event for Abbot van Caloen, who thus saw himself confirmed in his charge, not only in the eyes of Brazilian monks, but also in the eyes of the country’s ecclesiastical authorities.

Entre-temps, deux événements importants eurent lieu au Brésil. Le 21 mars 1900, dans l’église abbatiale de Saint-Sébastien de Bahia, l’archevêque du lieu procéda à la bénédiction abbatiale de Frei Domingos da Transfiguraçâo Machado, abbé président de la congrégation brésilienne, et de dom Gérard van Caloen, abbé d’Olinda et son vicaire général pour la congrégation, tous deux nommés abbés à vie par Rome. Événement important pour le Brésil monastique puisqu’il rompait avec la tradition de l’abbatiat temporaire, mais événement important aussi pour l’abbé van Ca-loen, qui se voyait ainsi confirmé dans sa charge, non seulement aux yeux des moines brésiliens, mais aussi aux yeux des autorités ecclésiastiques du pays.

On July 17, 1900, the abbot of Sâo Paulo, Frei Pedro da Asunçâo Morera, died. His monastery, the fourth to be liberated, had to be occupied immediately if it was not to fall into the hands of the State. Dom van Caloen then took out his chessboard and for the umpteenth time moved his pieces. The novices moved to Bahia and the brothers from Bahia went to Sâo Paulo with the prior of Olinda, installed as prior in Sâo Paulo. This new situation forced van Caloen to once again address the abbots of Beuron and Maredsous. Fortunately for him, he could count on the procura to populate his monasteries. Seven candidates presented themselves in September 1900 44 to the procura of Saint-André, either as oblates or as choir monks, who were thus added to the five candidates who completed an initial formation. The latter, on the orders of Father d’Olinda, embarked on November 22, 1900 for Brazil, under the leadership of Brother Pierre Eggerath.

Le 17 juillet 1900 mourut l’abbé de Sâo Paulo, Frei Pedro da Asun-çâo Morera. Son monastère, le quatrième qui se libérait, devait immédiatement être occupé, si on ne voulait pas qu’il tombe entre les mains de l’État. Dom van Caloen sortit alors son échiquier et pour la énième fois déplaça ses pions. Les novices déménagèrent à Bahia et les frères de Bahia se rendirent à Sâo Paulo avec le prieur d’Olin-da, installé comme prieur à Sâo Paulo. Cette situation nouvelle força van Caloen à s’adresser une nouvelle fois aux abbés de Beuron et de Maredsous. Heureusement pour lui, il pouvait compter sur la procure pour peupler ses monastères. Sept candidats s’étaient présentés en septembre 190044 à la procure de Saint-André, soit comme oblats, soit comme moines de choeur, qui s’ajoutaient ainsi aux cinq candidats qui achevaient une première formation. Ces derniers, sur ordre de l’abbé d’Olinda, s’embarquèrent le 22 novembre 1900 pour le Brésil, sous la conduite du frère Pierre Eggerath.

Soon, the reduced community of Saint-André heard the news of the imminent return of Dom van Caloen, who had embarked on October 31 for Genoa and Rome. The few lines that follow show to what extent Father van Caloen could inflame his colleagues: ”Your letter filled us all with joy. It has brought us the certainty that in a short time we, your beloved children, will have the pleasure of seeing our revered father again and that he will remain among us for some time.” (Maur Van Emelen, November 20, 1900)

Bientôt, la communauté réduite de Saint-André apprit la nouvelle du retour prochain de dom van Caloen, qui s’était embarqué le 31 octobre pour Gênes et Rome. Les quelques lignes qui suivent montrent à quel point l’abbé van Caloen pouvait enflammer ses collaborateurs: «Votre lettre nous a tous comblés de joie. Elle nous a apporté la certitude que d’ici peu de temps nous, vos enfants bien-aimés, aurons le bonheur de revoir notre père vénéré et qu’il restera quelque temps parmi nous.» (Maur Van Emelen, 20 novembre 1900)

If these lines did not reflect the mentality of all his collaborators, they undoubtedly reflected that of the fathers and brothers who, in Saint-André, lived in the dream of Brazil.

Si ces lignes ne reflétaient pas la mentalité de tous ses collaborateurs, elles reflétaient sans aucun doute celle des pères et des frères qui, à Saint-André, vivaient à l’heure du Brésil.

4.5. The fight for the abbey -1901

4.5. La lutte pour l’abbaye -1901

Before embarking for Europe, the abbot of Olinda had a long discussion on the subject of the procura with the apostolic nuncio, Monsignor Macchi, who, according to him, supported his project for the abbey. But there was also another project which impelled him to go to Rome, a new purpose entirely to which he was committed. He wanted to propose to the competent Roman authorities the division of the interior of Brazil into apostolic vicariates, entrusted to religious congregations, including the Benedictines, in order to promote missionary work within the country.

Avant de s’embarquer pour l’Europe, l’abbé d’Olinda avait eu un long entretien au sujet de la procure avec le nonce apostolique, Monseigneur Macchi, qui, d’après lui, soutenait son projet d’abbaye. Mais il y avait aussi un autre projet qui le poussait à se rendre à Rome, un dessein nouveau où on le retrouvait tout entier. Il voulait proposer aux instances romaines compétentes la division de l’intérieur du Brésil en vicariats apostoliques, confiés aux congrégations religieuses, dont les bénédictins, afin de favoriser l’oeuvre missionnaire à l’intérieur du pays.

On this occasion, in the Eternal City, the doors opened wide before van Caloen. Cardinal Rampolla, Secretary of State, and Cardinal Gotti, prefect of the Congregation of Bishops and Regulars, approved his missionary ideas and his project. It was quite different with the Abbot Primate and the abbots of the Congregation of Beuron. The interviews were difficult and painful, especially with the Primate. Neither spared the other. Finally, on November 30, 1900, the feast of Saint Andrew, was it a sign of Providence? —, the primate gave in. He granted authorization to build, on the land offered by Senator van Ockerhout, a procura; but van Caloen, for his part, renounced the idea of opening of a novitiate and making a monastic foundation. Dom van Caloen attributed this victory to the Madonna of Pompeii and the apostle Saint Andrew.

À cette époque, dans la Ville éternelle, les portes s’ouvraient toutes grandes devant van Caloen. Le cardinal Rampolla, secrétaire d’État, et le cardinal Gotti, préfet de la congrégation des Évêques et des Réguliers, approuvèrent ses idées missionnaires et son projet. Il en alla tout autrement avec l’abbé primat et les abbés de la congrégation de Beuron. Les entretiens furent difficiles et pénibles, avec le primat surtout. Ni l’un ni l’autre ne s’épargnèrent. Enfin, le 3o novembre 1900, jour de la fête de Saint-André était-ce un signe de la Providence? —, le primat céda. Il accordait l’autorisation de construire, sur les terrains offerts par le sénateur van Ockerhout, une procure; mais van Caloen, de son côté, renonçait à l’ouverture d’un noviciat et à une fondation monastique. Dom van Caloen attribua cette victoire à la Madonne de Pompéi et à l’apôtre saint André.

On December 11, 1900, he was received in a private audience in the working office of Pope Leo XIII. Dom van Caloen must have been in the good graces of the Pope and Vatican circles, because he had requested an audience on December 10 at 10 a.m., and had obtained it for the next morning at 10 a.m. The interview lasted 35 minutes; the pope was full of kindness and congratulated him for the work he had accomplished:

Le 11 décembre 1900, il fut reçu en audience particulière dans le bureau de travail du pape Léon XIII. Dom van Caloen devait être dans les bonnes grâces du pape et des milieux du Vatican, car il avait demandé audience le 10 décembre à 10 heures du matin, et l’avait obtenue pour le lendemain matin à 10 heures. L’entretien dura 35 minutes; le pape fut plein de bonté et le félicita pour le travail accompli:

“The Holy Father was cheerful and in good spirits, in excellent health, better than two years ago, and with remarkable lucidity of mind,” he noted in his notebooks. But it was not limited to a cordial pontifical audience, ”the longest, the sweetest, the most important, the most comforting of those I have ever had,” he wrote in the Bulletin of Benedictine Works in Brazil.

«Le Saint Père était gai et de bonne humeur, d’une santé excellente, meilleure qu’il y a deux ans, et d’une remarquable lucidité d’esprit», note-t-il dans ses carnets. Mais cela ne se borna pas à une cordiale audience pontificale, «la plus longue, la plus douce, la plus importante, la plus réconfortante de celles que j’ai jamais eues», écrivit-il dans le Bulletin des OEuvres bénédictines au Brésil.

The pope also rewarded him with a new personal letter in which, once again, he praised, encouraged and supported the work of van Caloen in Brazil: three abbeys had been revived, an abbey created and a house of formation developed in Belgium. Was this not impressive? All this was due to the energy and dedication of Dom van Caloen and the many monks who had crossed the ocean. This letter ended with an appeal to the abbots of Beuron that they continue to give their assistance to this work. With this letter from the pope, the Abbot of Olinda, vicar general of the Brazilian congregation - this is how he now signed all his letters - felt strong.

Le pape le gratifia aussi d’une nouvelle lettre personnelle dans laquelle, une fois de plus, il louait, encourageait et soutenait l’oeuvre de van Caloen au Brésil: trois abbayes revivaient, une abbaye se créait et une maison de formation se développait en Belgique. N’était-ce pas impressionnant? ‘fout cela était dû à l’énergie et au dévouement de dom van Caloen et des nombreux moines qui avaient traversé l’océan. Cette lettre se terminait par un appel aux abbés de Beuron afin qu’ils continuassent à accorder leur aide à cette oeuvre. Avec ce bref du pape, l’abbé d’Olinda, vicaire général de la congrégation brésilienne — c’est ainsi qu’il signait maintenant toutes ses lettres — se sentait fort.

He sent a copy of this papal encouragement, accompanied by a circular, to all the abbots and monks of the congregation of Beuron. In his broad and majestic style, he outlined the future of the Benedictine order in Brazil:

Il envoya une copie de cet encouragement papal, accompagnée d’une circulaire, à tous les abbés et tous les moines de la congrégation de Beuron. Dans le style large et majestueux qui était le sien, il brossait l’avenir qui était dévolu à l’ordre bénédictin au Brésil:

“Let us imagine each of these abbeys, in about twenty years from now, having a large, fervent and well-trained monastic family, which has become in each diocese a center of Christian renewal, acting through its colleges, its publications , even by the Catholic university that we are asked to establish in Bahia and by its missions inside the country, working in common agreement between them and under the impetus of the Holy See, and we will easily have an idea of the good that they can achieve for the glory of God. (December 26, 1900)

«Que l’on se figure chacune de ces abbayes, dans une vingtaine d’années d’ici, comptant une famille monastique nombreuse, fervente et bien formée, devenue dans chaque diocèse un centre de rénovation chrétienne, agissant par ses collèges, ses publications, voire même par l’université catholique que l’on nous demande d’établir à Bahia et par ses missions à l’intérieur du pays, travaillant en commun accord entre elles et sous l’impulsion du Saint-Siège, et l’on se fera sans peine une idée du bien qu’elles pourront réaliser pour la gloire de Dieu.» (26 décembre 1900)

It was through such prospects for the future that the Abbot of Olinda excited the monks and young people and won them over to his cause. This was also how he spoke to people and convinced Vatican circles. Who could remain indifferent to these beautiful sentences and these beautiful images? Wasn’t all this encouraging? Therein lay all his persuasive force. During this audience, the Abbot of Olinda did not fail to draw the attention of the Holy Father to his missionary project in Brazil. A few days later Cardinal Rampolla reported to him that the Pope had approved his plan for evangelizing the Indians of the interior of Brazil.

C’était par de telles perspectives d’avenir que l’abbé d’Olinda enthousiasmait les moines et les jeunes et les gagnait à sa cause. C’était ainsi aussi qu’il parlait aux gens et convainquait les milieux du Vatican. Qui restait insensible à ces belles phrases et à ces belles images? Tout cela n’était-il pas encourageant? Là résidait toute sa force persuasive. Au cours de cette audience, l’abbé d’Olinda ne manqua pas d’attirer l’attention du Saint-Père sur son projet de missions au Brésil. Quelques jours plus tard, le cardinal Rampolla lui rapporta que le pape avait approuvé son plan d’évangélisation des Indiens de l’intérieur du Brésil.

But Dom van Caloen did not stop there. He contacted the editor-in-chief of the newspaper Le Patriote, who published the pontifical brief and a second appeal from the Abbot of Olinda:

Mais dom van Caloen n’en resta pas là. Il prit contact avec le rédacteur en chef du journal Le Patriote, qui publia le bref pontifical et un second appel de l’abbé d’Olinda:

“We especially need priests. Oh yes! May some of the young members of our excellent Belgian clergy, so numerous, generously make the sacrifice of their dear homeland; let them come and work in the part of the world that most needs good priests. But let them come there as monks, as men of prayer and sacrifice, and they will reap a most important harvest of souls.”

«Nous avons surtout besoin de prêtres. Oh oui! Que quelques-uns des jeunes membres de notre excellent clergé belge, si nombreux, fassent généreusement le sacrifice de leur chère patrie; qu’ils viennent travailler dans la partie du monde qui a le plus besoin de bons prêtres. Mais qu’il y viennent comme moines, comme hommes de prière et de sacrifice, et ils y feront une moisson d’âmes des plus importantes.»

Not a word was said about the Congregation of Beuron and its monks, as if the small procura of Saint-André had until now achieved everything by its own means and its own resources. It goes without saying that this text was coupled with a call for the generosity of readers.

Pas un mot sur la congrégation de Beuron et ses moines, comme si la petite procure de Saint-André avait jusqu’ici tout réalisé par ses propres moyens et ses propres ressources. Il va sans dire que ce texte se doublait d’un appel à la générosité des lecteurs.

By leaving Rome on January 14, 1901, Dom van Caloen could consider himself lucky. The pope had written him a letter of praise, the congregation of Bishops and Religious had elevated the Santa Cruz monastery in Quixada to the rank of an abbey, his proposal to divide Brazil into apostolic vicariates entrusted to religious had been favorably received and the Abbot Primate had granted him the construction of a new procura. Everything smiled on him.

En quittant Rome, le 14 janvier 1901, dom van Caloen pouvait s’estimer heureux. Le pape lui avait écrit une lettre de louanges, la congrégation des Évêques et des Religieux avait élevé au rang d’abbaye le monastère Santa Cruz à Quixada, sa proposition de partager le Brésil en vicariats apostoliques confiés aux religieux avait été fa-vorablment accueillie et l’abbé primat lui avait concédé la construction d’une nouvelle procure. Tout lui souriait.

The journey back to Belgium began with a long journey through Germany. Indeed, Dom van Caloen passed through all the abbeys of the congregation of Beuron. It as not fruitless. Because following the pope’s appeal, four fathers and eleven lay brothers placed themselves at his disposal. When he finally arrived in Saint-André on February 12, 1901, it had been two years since he left the procura. The faces around the superior, Dom Maur Van Emelen, had changed greatly.

Le voyage de retour vers la Belgique commença par un long voyage à travers l’Allemagne. Dom van Caloen passa en effet par toutes les abbayes de la congrégation de Beuron. Ce ne fut pas inutile. Car à la suite de l’appel du pape, quatre pères et onze frères convers se mirent à sa disposition. Quand il arriva enfin, le 12 février 1901, à Saint-André, il y avait deux ans qu’il avait quitté la procure. Les visages avaient bien changé autour du supérieur, dom Maur Van Emelen.

For the Abbot Primate, however, the question of Saint-André was not resolved. He knew too well where the Abbot of Olinda was heading with this and could not accept it. This is why he asked Dom van Caloen to come to Ghent, where he himself was at the bedside of his dying father, to discuss the problem, which was no longer a problem for van Caloen. Dom de Hemptinne then suggested that van Caloen move his procura to the brand new buildings Maredsous had just constructed for his School of Arts and Crafts. A few days later, van Caloen wrote to de Hemptinne:

Pour l’abbé primat cependant, la question de Saint-André n’était pas résolue. Il savait trop bien où l’abbé d’Olinda voulait en venir et ne pouvait pas l’accepter. C’est pourquoi il pria dom van Caloen de venir à Gand, où lui-même se trouvait au chevet de son père mourant, pour discuter du problème, qui n’en était plus un pour van Caloen. Dom de Hemptinne lui proposa alors de déménager sa procure dans les tout nouveaux bâtiments que venait de construire Maredsous pour son École d’Art et Métiers. Quelques jours plus tard, van Caloen écrivit à de Hemptinne:

“I cannot abandon my acquired position which promises serious and lasting support for the thorny enterprise with which Divine Providence has entrusted me to run the risks of a change which offers me, it is true, advantages in the present but which could expose our work to complications in the future.” (February 26, 1901)

«Je ne puis abandonner ma position acquise qui promet un appui sérieux et durable à l’entreprise épineuse dont la Divine Providence m’a chargé pour courir les risques d’un changement qui m’offre, il est vrai, des avantages dans le présent mais qui pourrait exposer notre oeuvre à des complications dans l’avenir.» (26 février 1901)

This response did not satisfy the Abbot Primate who, moreover, could not accept that his proposal was rejected out of hand. He did not fail to add that the financial difficulties in which van Caloen was struggling did not allow him to construct new buildings. In his opinion a new interview  was necessary. It took place in Maredsous on March 10, 1901, but was without result: Dom van Caloen did not budge.

Cette réponse ne satisfit pas l’abbé primat qui, de surcroît, ne pouvait accepter que sa proposition fût rejetée d’un revers de main. Il ne manqua pas d’ajouter que les difficultés financières dans lesquelles il se débattait ne lui permettaient pas de constructions nouvelles. Un nouvel entretien, à son avis, s’imposait. Il eut lieu à Ma-redsous, le 10 mars 1901, mais fut sans résultat: dom van Caloen n’en démordait pas.

Moreover, during this time, the abbot of Olinda had not remained inactive. He acted as if nothing had happened. He had already contacted, during his visit to the abbey of Maria-Laach at the beginning of the year, Dom Ludgerus Rincklake, monk-architect 45 , to draw up plans for his new monastery. He had recognized the land, with an area of 7 ha, which was given to him along the Bruges-Torhout road, 7 km from the city, and had informed the tenant of the farm that he would have to move as soon as Mr. van Ockerhout had found him a new farm (March 5, 1901).

D’ailleurs, pendant ce temps, l’abbé d’Olinda n’était pas resté inactif. Il avait agi comme si de rien n’était. Il avait déjà contacté, lors de son passage à l’abbaye de Maria-Laach au début de l’année, dom Ludgerus Rincklake, moine-architecte45, pour l’élaboration des plans de son nouveau monastère. Il avait reconnu le terrain, d’une superficie de 7 ha, qui lui était donné en bordure de la chaussée Bruges-Torhout, à 7 km de la ville, et avait fait savoir au locataire de la ferme qu’il aurait à déménager dès que Monsieur van Ocker-hout lui aurait trouvé une nouvelle ferme (5 mars 1901).

This land, apart from this modest farm made up of two buildings, included only a few sandy fields and beech and fir woods. The official charter of the donation, on beautiful parchment and in beautiful handwriting, was signed on March 21, 1901 by Mr. and Mrs. van Ockerhout on the one hand, and Dom Gérard van Caloen, abbot of Olinda and vicar general of the Brazilian congregation, on the other, as well as by two witnesses, Baron Albert van Caloen, son-in-law of Mr. van Ockerhout and brother of Dom Gérard, and Canon Rommel, canon of the diocese of Bruges. New support committees, but this time of men, were considered.

Ce terrain, sauf cette modeste ferme formée de deux bâtiments, ne comprenait que quelques champs sablonneux et des bois de hêtres et de sapins. La charte officielle de la donation, sur beau parchemin et en belle écriture, fut signée le 21 mars 1901 par Monsieur et Madame van Ockerhout d’une part, et dom Gérard van Caloen, abbé d’Olinda et vicaire général de la congrégation brésilienne, de l’autre, ainsi que par deux témoins, le baron Albert van Caloen, gendre de Monsieur van Ockerhout et frère de dom Gérard, et le chanoine Rommel, chanoine du diocèse de Bruges. De nouveaux comités de soutien, mais d’hommes cette fois-ci, furent envisagés.

“It is a real pain for me,” Dom de Hemptinne wrote to him a little later, ”not to have found more flexibility on your part to combine our plans. I had hoped for better after the recommendations of Cardinal Rampolla and the desires so often expressed by the Sovereign Pontiff in relation to the primate. (March 28, 1901)

«C’est pour moi une véritable peine, lui écrivit un peu plus tard dom de Hemptinne, de n’avoir pas rencontré plus de flexibilité de votre part pour combiner nos plans. J’avais espéré mieux après les recommandations du cardinal Rampolla et les désirs si souvent manifestés par le Souverain Pontife par rapport au primat.» (28 mars 1901)

For van Caloen, the game was over. Did he not have the support of the Pope? His enterprise, however, was reckless at the time. After six years of effort, he had only five priests and around twenty novices in Brazil. With this he wanted to repopulate three abbeys and erect two more. Was that not presumptuous? For Dom de Hemptinne, without a doubt, but not for Dom van Caloen: his mission was a mission of the Church, a divine mission:

Pour van Caloen, les jeux étaient faits. N’avait-il pas l’appui du pape? Son entreprise pourtant était alors téméraire. Après six ans d’efforts, il n’avait que cinq prêtres et une vingtaine de novices au Brésil. Avec cela, il voulait repeupler trois abbayes et en ériger deux autres. N’était-ce pas présomptueux? Pour dom de Hemptinne, sans aucun doute, mais pas pour dom van Caloen: sa mission était une mission d’Église, une mission divine:

“God is my support and my help; He shows his help after having greatly tested me. I humbly pray to you, Most Reverend and dear Abbot Primate, cease your opposition to this work of God. You are making a mistake with the best intentions.” (April 28, 1901)

«Dieu est mon soutien et mon secours; Il manifeste son aide après m’avoir fortement éprouvé. Je vous prie humblement, Révérendissime et cher abbé primat, cessez votre opposition à cette ouvre de Dieu. Vous vous trompez avec les meilleures intentions.» (28 avril 1901)

This conviction has always guided the Abbot of Olinda and helped him move mountains. All his confidence was in God, not in men, however estimable they might be. In this same letter to the Abbot Primate, he did not fail to emphasize, once again, the importance of this foundation for the Brazilian congregation, the only means of success in its enterprise. He added that significant donations, among others from King Leopold II, had been promised to him with a view to building his Saint-André: clear signs of divine aid. He concluded:

Cette conviction a toujours guidé l’abbé d’Olinda et l’a aidé à déplacer des montagnes. Toute sa confiance était en Dieu, non dans les hommes, si estimables fussent-ils. Dans cette même lettre à l’abbé primat, il ne manquait pas de souligner, une fois de plus, l’importance de cette fondation pour la congrégation brésilienne, seul moyen de réussite dans son entreprise. Il ajoutait que d’importantes donations, entre autres du roi Léopold II, lui avait été promises en vue de construire son Saint-André: signes manifestes de l’aide divine. Il concluait:

“This monastery of Saint Andrew can become a great force in the order of Saint Benedict, being established both on truly monastic principles and with a tendency to the apostolate which is the great work of this age, and render to the Benedictine order the place it formerly occupied in the Church. Do not smother this child in its cradle.” (April 28, 1901)

«Ce monastère de Saint-André peut devenir une grande force dans l’ordre de saint Benoît, étant établi à la fois sur des principes vraiment monastiques et avec une tendance à l’apostolat qui est la grande oeuvre de cette époque, et rendre à l’ordre bénédictin la place qu’il occupait jadis dans l’Église. N’étouffez pas cet enfant dans son berceau.» (28 avril 1901)

It was through such visions of the future that Dom van Caloen excited and fascinated his readers. He had an intuition of what was going to happen. But these prospects left Dom de Hemptinne cold; he made this clear to him in one of the most severe letters he wrote to him:

C’était par de telles visions d’avenir que dom van Caloen enthousiasmait et passionnait ses lecteurs. Il avait l’intuition de ce qui allait se passer. Mais ces perspectives laissaient froid dom de Hemptinne; il le lui fit clairement savoir dans une des lettres les plus sévères qu’il lui écrivit

”I am content to remind you of the promise made in Rome to abandon the idea of  founding a monastery in Saint Andrew. . You have ignored your promises or my wishes, you have rejected my advances and now you are reversing the roles by saying that God enlightens you while I am wrong while having the best intentions. My dear and most Reverend Father, is this way of acting monastic? Is it obedience or success that is the guarantee of heavenly blessing? The abbey that you want to found, you know very well having admitted it to me, is in your mind something completely different from a procura for Brazil. You want it to be a mother abbey for the whole earth, and you thus give yourself a mission that no one has entrusted to you and which is opposed to the good of Brazil and the normal development of our Order. You are increasingly alienating the congregation of Beuron by your less than frank and less than delicate way of acting... I have told you very clearly in many meetings what my wishes and desires were and I generally found you reluctant to conform your conduct to it.” (May 6, 1901)

: «Je me contente de vous rappeler la promesse faite à Rome d’abandonner l’idée de la fondation d’un monastère à Saint-André.. . Vous n’avez tenu compte ni de vos promesses ni de mes volontés, vous avez rejeté mes avances et maintenant, vous intervertissez les rôles en disant que Dieu vous éclaire tandis que je me trompe tout en ayant les meilleures intentions. Cette façon d’agir, mon cher et Révérendissime Père, est-elle monastique? Est-ce l’obéissance ou le succès qui est le gage de la bénédiction céleste? L’abbaye que vous voulez fonder, vous le savez fort bien pour me l’avoir avoué, est dans votre esprit tout autre chose qu’une procure pour le Brésil. Vous voulez qu’elle soit une abbaye mère pour la terre entière, et vous vous donnez ainsi une mission que personne ne vous a confiée et qui est opposée au bien du Brésil et au développement normal de notre Ordre. Vous vous aliénez de plus en plus la congrégation de Beuron par votre manière d’agir peu franche et peu délicate... Je vous ai dit bien clairement en bien des rencontres quels étaient mes volontés et mes désirs et je vous ai généralement trouvé peu disposé à y conformer votre conduite.» (6 mai 1901)

In his response, Dom van Caloen clarified that it was in no way his intention to erect  “a mother abbey”, but rather ”an independent abbey” to help the Brazilian congregation: because without Saint André, it could not arise. This abbey would train candidates who, after their studies and ordination, would leave for Brazil (May 17, 1901).

Dans sa réponse, dom van Caloen précisa qu’il n’entrait nullement dans son intention d’ériger «une abbaye mère», mais bien «une abbaye indépendante» pour aider la congrégation brésilienne: car sans Saint-André, elle ne pouvait pas se relever. Cette abbaye formerait des candidats qui, après leurs études et leur ordination, partiraient pour le Brésil (17 mai 1901).

Dom de Hemptinne then asked him what the Santa Cruz monastery was still used for. And what should we think of his initial opinion, according to which one should leave for Brazil at a young age and receive Brazilian training there? He ended thus:

Dom de Hemptinne lui demanda alors à quoi servait encore le monastère de Santa Cruz. Et que fallait-il penser de son opinion première, selon laquelle c’est jeune qu’il faut partir pour le Brésil et recevoir sur place une formation brésilienne? Il terminait ainsi:

”Who gave you permission to found a monastery independent of any existing congregation? As abbot of Olinda and vicar general of the Brazilian congregation, you do not have the right, and as a former member of the congregation of Beuron, even less. It is to the Congregation of Beuron that the Holy See has entrusted the mission of forming and protecting the Congregation of Brazil, and you are suppressing all this without taking notice of anyone. This, my Most Reverend and dear Father, is an unprecedented process and a way of acting which would quickly destroy all authority and all charity in our Holy Order. (May 20, 1901)

 «Qui vous a donné la permission de fonder un monastère indépendant de toute congrégation existante? Comme abbé d’Olinda et vicaire général de la congrégation brésilienne, vous n’en avez pas le droit, et comme ancien membre de la congrégation de Beuron, encore moins. C’est à la congrégation de Beuron que le Saint-Siège a confié la mission de former et de protéger la congrégation du Brésil, et vous supprimez tout cela sans prendre avis de personne. C’est là, mon Révérendissime et cher Père, un procédé inouï et une manière d’agir qui aurait tôt fait de détruire toute autorité et toute charité dans notre Saint Ordre.» (20 mai 1901)

The abbot primate’s opposition actually came too late. Unbeknownst to him, Father van Caloen was already negotiating with the congregation of Bishops and Regulars. It was the only way in his eyes to break the primate’s resistance. He knew very well Dom de Hemptinne’s great respect for Roman authority and that he would then submit.

L’opposition de l’abbé primat venait en fait trop tard. À son insu, l’abbé van Caloen était en train de négocier avec la congrégation des Évêques et des Réguliers. C’était le seul moyen à ses yeux de briser la résistance du primat. Il connaissait trop bien le grand respect de dom de Hemptinne pour l’autorité romaine pour savoir qu’il se soumettrait alors.

 

 

5. THE NEW ABBEY of SAINT-ANDRÉ

5. LA NOUVELLE ABBAYE DE SAINT-ANDRÉ

5.1. Alea jacta est! June 17, 1901

5.1. Alea jacta est! 17 juin 1901

This epistolary war in no way prevented life at the Saint-André procura from following its course. On April 2, 1901, a new group of seven monks set off for Brazil, and another on May 8, also of seven monks; of the initial fourteen, nine were Germans, all monks or brothers from the congregation of Beuron, the same ones who had presented themselves and been promised to Dom Gérard at the beginning of the year.

Cette guerre épistolaire n’empêchait nullement que la vie, à la procure de Saint-André, suivît son cours. Le ii avril 1901, une nouvelle caravane de sept moines prit le chemin du Brésil, et une autre le 8 mai, de sept moines également; sur les quatorze partants, neuf étaient Allemands, tous moines ou frères de la congrégation de Beuron, ceux-là mêmes qui s’étaient présentés et avaient été promis à dom Gérard au début de l’année.

On April 28, 1901, an article signed by Dom van Caloen appeared in La Patrie, a Catholic and conservative Bruges newspaper, which announced the imminent foundation of the abbey of Saint-André, while an appeal was made to the generosity of respectable Bruges families. Of course, nothing was said about Maredsous or Beuron in this article, as if the restoration of monastic life in Brazil was his work and that of the procura.

Le 28 avril 1901 parut dans La Patrie, journal brugeois catholique et conservateur, un article signé de dom van Caloen, qui annonçait la fondation prochaine de l’abbaye de Saint-André tandis qu’un appel était fait à la générosité des respectables familles brugeoises. Bien sûr, rien sur Maredsous ni Beuron dans cet article, comme si la restauration de la vie monastique au Brésil était son oeuvre et celle de la procure.

“Cut down, arising! The Abbey of Saint-André will be reborn! A century has passed since its death. But what is a century in the history of the Church? What is a century in world history?

«Succisa virescit! L’abbaye de Saint-André va renaître! Un siècle a passé depuis sa mort. Mais qu’est-ce qu’un siècle dans l’histoire de l’Église? Qu’est-ce qu’un siècle dans l’histoire du monde?

Life came from the East.

La vie lui est venue de l’Orient.

The resurrection will come from the West.

La résurrection lui viendra de l’Occident.

Jerusalem gave birth to it. Brazil will bring it back to life.

Jérusalem l’a fait naître. Le Brésil la fera renaître.

Yes, Brazil, the order of Saint Benedict and our great and ancient families of Bruges who are keen to propagate our holy faith, while glorifying their hometown.

Oui, le Brésil, l’ordre de saint Benoît et nos grandes et anciennes familles de Bruges qui ont à coeur de propager notre sainte foi, tout en glorifiant leur ville natale.»

The article ended like this:

L’article se terminait ainsi:

“It was the great Bruges families, as we have said, who resolved to take up the work of the Count of Flanders, Robert of Jerusalem. Would it be indiscreet to add that a very high person is interested in it in a special way? Indeed his heart is as vast as the world, and nothing that concerns the civilizations of the globe and the expansion of the Belgian people leaves him indifferent. The noble van Ockerhout family donates the land. Other families, among the first in the city, have already intervened with generous donations. It remains to invite others to participate, too, in this work which will add to the glory of their city while serving the interests of the Holy Church, their mother.

«Ce sont les grandes familles brugeoises, nous l’avons dit, qui ont résolu de relever l’ceuvre du comte de Flandre, Robert de Jérusalem. Serait-il indiscret d’ajouter qu’un très haut personnage s’y intéresse d’une manière spéciale? En effet son coeur est aussi vaste que le monde, et rien de ce qui concerne les civilisations du globe et l’expansion du peuple belge ne le laisse insensible. La noble famille van Ockerhout donne le terrain. D’autres familles, parmi les premières de la ville, sont intervenues déjà par des dons généreux. Il reste à offrir aux autres de participer, elles aussi, à cette œuvre qui ajoutera à la gloire de leur cité tout en servant les intérêts de la Sainte Église, leur mère.»

Dom de Hemptinne, upon reading this article, was furious and said so. At that moment he still hoped to make Dom van Caloen reconsider his decision. But he had continued as if nothing had happened. He did not even wait for advice or authorization from Rome to talk about his new abbey. Wasn't it obvious that he was getting everything he wanted from Rome? One last time, Dom de Hemptinne returned to the charge:

Dom de Hemptinne, à la lecture de cet article, fut furieux et le dit. Il espérait encore à ce moment faire revenir dom van Caloen sur sa décision. Mais celui-ci continua comme si de rien n’était. Il n’attendit même pas l’avis ni l’autorisation de Rome pour parler de sa nouvelle abbaye. N’était-il pas évident qu’il obtenait de Rome tout ce qu’il voulait? Une dernière fois, dom de Hemptinne revint à la charge:

 “These reasons oblige me to insist, as primate of the Benedictine order, on the decision taken by me and which was communicated to you, which consists of not allowing anything else at Saint-André that the establishment of a procura for the use of the Brazilian congregation and part of the same congregation.” (zo May 1901)

 «Ces raisons m’obligent à insister, comme primat de l’ordre bénédictin, sur la décision prise par moi et qui vous a été communiquée, qui consiste à ne pas permettre autre chose à Saint-André que l’établissement d’une procure à l’usage de la congrégation brésilienne et faisant partie de la même congrégation.» (zo mai 1901)

It was too late: van Caloen had not listened to him for a long time. A committee of gentlemen 46 had been established with the kind authorization of the Bishop of Bruges, Monseigneur Waffelaert, and a list of subscribers had been opened in the columns of La Patrie, with the aim of gathering money for financing buildings.

C’était trop tard: van Caloen ne l’écoutait plus depuis longtemps. Un comité de messieurs46 avait été installé avec l’autorisation bienveillante de l’évêque de Bruges, Monseigneur Waffelaert, et une liste de souscripteurs avait été ouverte dans les colonnes de La Patrie, dans le but de rassembler de l’argent pour le financement des bâtiments.

King Leopold II was also contacted. He still remembered very well the interview he had with van Caloen two years previously. Saint-André was then presented as a recruiting center, not only for Brazil but possibly for China and Anatolia, where the King supported significant Belgian investments. There was now talk of a project by Colonel Thys, one of the sovereign's trusted men, which involved the construction of a railway line in the State of Para, in Brazil. Dom van Caloen saw in this project the possibility for his monks to penetrate into the heart of Brazil under the protection and in the train of the Belgians. The project, however, never began and the 150,000 francs promised for the construction of the abbey went up in smoke. It was a disappointment.

Le roi Léopold II fut contacté, lui aussi. Il se rappelait d’ailleurs encore très bien l’entretien qu’il avait eu avec van Caloen deux ans auparavant. Saint-André était alors présentée comme un centre de recrutement, non seulement pour le Brésil mais éventuellement pour la Chine et l’Anatolie, où le Roi soutenait d’importants investissements belges. On parlait maintenant d’un projet du colonel Thys, un des hommes de confiance du souverain, qui comportait la construction d’une ligne de chemin de fer dans l’État du Para, au Brésil. Dom van Caloen voyait dans ce projet la possibilité pour ses moines de s’enfoncer au coeur du Brésil sous la protection et à la suite des Belges. Le projet pourtant ne débuta jamais et les 150 000 francs promis pour la construction de l’abbaye s’envolèrent en fumée. Ce fut une déception.

But during this time Rome still did not speak out. She had authorized the opening of a novitiate, but not the founding of an abbey. The Abbot of Olinda once again addressed Cardinal Gotti, prefect of the Congregation of Bishops and Regulars, and sent him a long memorandum, dated May 17, 1901. He asked him for the canonical erection of the abbey of Saint-André - he no longer spoke of a procura - and the opening of a novitiate. The opposition of the Abbot Primate was then the major argument which forced him to speak urgently, a fait accompli being the only way to break this opposition. No allusion was made in this memorandum to the reasons for the primate's opposition. Only [van Caloen’s] arguments were put forward and nothing else. He also claimed that a subscription would ensure the financing of the buildings. As always, the letter was clever and very well written.

Mais Rome, pendant ce temps, ne se prononçait toujours pas. Elle avait bien autorisé l’ouverture d’un noviciat, mais pas la fondation d’une abbaye. L’abbé d’Olinda s’adressa une fois de plus au cardinal Gotti, préfet de la congrégation des Évêques et des Réguliers, et lui envoya un long mémorandum, daté du 17 mai 1901. Il lui demandait l’érection canonique de l’abbaye de Saint-André — i1 ne parlait plus de procure — et l’ouverture d’un noviciat. L’opposition de l’abbé primat était alors l’argument majeur qui l’obligeait à parler d’urgence, le fait accompli étant la seule façon de briser cette opposition. Aucune allusion, dans ce mémoire, aux raisons de l’opposition du primat. Seuls ses arguments étaient avancés et rien d’autre. Il prétendait de même qu’une souscription veillerait au financement des bâtiments. Comme toujours, la lettre était habile et fort bien tournée.

What van Caloen asked for, however, was unusual: the canonical erection of a monastery without any link with any congregation and solely dependent on Rome and the abbot primate, with its own novitiate, as well as all the rights and privileges of the former abbey of Saint-André. He wanted it to be free from the Brazilian congregation in order to remain open to other fields of apostolate in mission countries; also free from the congregation of Beuron, which did not want a missionary apostolate. His memoir was accompanied by a personal letter from the Bishop of Bruges, giving a favorable opinion on the erection of the abbey.

Ce que van Caloen demandait était cependant inhabituel: l’érection canonique d’un monastère, sans lien aucun avec une quelconque congrégation et uniquement dépendante de Rome et du père abbé primat, avec noviciat propre, ainsi que tous les droits et privilèges de l’ancienne abbaye de Saint-André. Il la voulait libre vis-à-vis de la congrégation brésilienne afin de rester ouverte à d’autres champs d’apostolat en pays de mission; libre aussi vis-à-vis de la congrégation de Beuron, qui ne voulait pas d’apostolat missionnaire. Son mémoire était accompagné d’une lettre personnelle de l’évêque de Bruges, donnant un avis favorable à l’érection de l’abbaye.

Dom van Caloen still did not wait for a response from Rome. On June 6, 1901, Corpus Christi Thursday, in the presence of the abbot of Steenbrugge Abbey, Dom Amandus Mertens, the van Ockerhout and van Caloen families and members of the committee, he laid the foundation stone of the future abbey. The parchment, sealed in the wall, cited for the first time the location of the abbey under the name “ZEVENKERKEN”, “in loco qui dicitur Zevenkerken”.

Dom van Caloen n’attendit toujours pas la réponse de Rome. Le 6 juin 1901, le jeudi de la Fête-Dieu, en présence de l’abbé de l’abbaye de Steenbrugge, dom Amandus Mertens, des familles van Oc-kerhout et van Caloen et des membres du comité, il posa la première pierre de la future abbaye. Le parchemin, scellé dans le mur, citait pour la première fois l’emplacement de l’abbaye sous le nom de «ZEVENKERKEN», «in loco qui dicitur Zevenkerken».

Indeed, the seven chapels forming the church, which in van Caloen's idea were to recall the seven Roman basilicas, signs of his attachment to Rome and the papacy, already appeared in the plans of Dom Ludgerus Rincklate 47 . The name was given, the only name by which the abbey would henceforth be called and known in the region. Among the benefactors, the founding act noted King Leopold II, for his “regia munificentia”: the abbot of Olinda still believed in the Brazilian project of Colonel Thys and in the promise of the sovereign. Even Robert of Jerusalem, Count of Flanders, founder of the first abbey, was not forgotten.

En effet, les sept chapelles formant l’église, qui dans l’idée de van Caloen devaient rappeler les sept basiliques romaines, signes de son attachement à Rome et à la papauté, figuraient déjà sur les plans de dom Ludgerus Rincklate47. Le nom était donné, seule appellation sous laquelle l’abbaye serait dorénavant appelée et connue dans la région. Parmi les bienfaiteurs, l’acte de fondation signalait le roi Léopold II, pour sa «regia munificentia»: l’abbé d’Olinda croyait encore dans le projet brésilien du colonel Thys et dans la promesse du souverain. Même Robert de Jérusalem, comte de Flandre, fondateur de la première abbaye, n’était pas oublié.

While these events were taking place at Saint Andrew, the Abbot Primate tried in vain to make himself heard in Rome: “You have used your right by appealing to the Holy See and certainly I have no desire to oppose it. I regret it on the other hand... I was unaware of your appeal to Rome until now, but I hope that I will be given the opportunity to express my views on this point.” (June 14, 19m)

Pendant que ces événements se déroulaient à Saint-André, l’abbé primat essayait en vain de se faire entendre à Rome: «Vous avez usé de votre droit en prenant recours au Saint-Siège et certes je n’ai aucune envie de m’y opposer. Je le regrette d’autre part... J’ignorais jusqu’ici votre appel à Rome mais j’espère qu’on me donnera l’occasion d’exprimer sur ce point ma manière de voir.» (14 juin 19m)

When Dom van Caloen was informed by Monseigneur Biasiotti 48 of the attempts of the Abbot Primate to further oppose the erection of the Abbey of Saint-André, he wrote a new letter to Cardinal Gotti, in which he said to him:

Quand dom van Caloen fut informé par Monseigneur Biasiotti48 des tentatives de l’abbé primat pour s’opposer encore à l’érection de l’abbaye de Saint-André, il écrivit une nouvelle lettre au cardinal Gotti, dans laquelle il lui disait:

“If my request were rejected... all that would remain for me to do was to resign my functions and retire to a monastery in Europe, leaving my successor to continue my difficult mission. If, on the contrary, my request is received favorably, it will be the end of a false and intolerable situation, which has lasted for six years, on the part of the congregation of Beuron and especially of the Most Reverend Father Abbot Primate..."

«Si ma demande était rejetée... il ne me resterait plus qu’à résigner mes fonctions et à me retirer dans un monastère d’Europe, laissant à mon successeur le soin de continuer ma difficile mission. Si, au contraire, ma demande est accueillie favorablement, ce sera la fin d’une situation fausse et intolérable, qui dure depuis six ans, de la part de la congrégation de Beuron et surtout du Révérendissime père abbé primat...»

For van Caloen, the matter was clear and clear: the abbey of Saint-André in Europe was an indispensable and essential point of support for realizing his monastic-missionary ideal. He added, still in the same letter:

Pour van Caloen, l’affaire était claire et nette: l’abbaye de Saint-André était en Europe un point d’appui indispensable et incontournable pour réaliser son idéal monastico-missionnaire. Il ajoutait, toujours dans la même lettre:

“My opinion is that the Most Reverend Father Abbot Primate is exceeding his powers in fighting me like this. As primate, he only has the rights entrusted to him by the recent decree of the sacred congregation of Bishops and Religious. However, it is not said that he can prevent the founding of a monastery in a congregation of the order.” ( June ii, 1901)

«Mon opinion est que le Révérendissime père abbé primat dépasse ses pouvoirs en me combattant ainsi. Comme primat, il n’a que les droits que lui confie le récent décret de la sacrée congrégation des Evêques et des Religieux. Or il n’y est pas dit qu’il puisse empêcher la fondation d’un monastère dans une congrégation de l’ordre.» (ii juin 1901)

He also shared this letter and this last argument with the Father Abbot Primate, while he assured him of his respect and esteem. Dom de Hemptinne's response was realistic, tinged with a feeling of painful helplessness:

Il fit aussi part de cette lettre et de ce dernier argument au père abbé primat, tandis qu’il l’assurait de son respect et de son estime. La réponse de dom de Hemptinne fut réaliste, teintée d’un sentiment d’une pénible impuissance:

"You identified the congregation of Beuron with your person and then your person with the congregation of Brazil." (June 21, 1901)

«Vous avez identifié la congrégation de Beuron avec votre personne et puis votre personne avec la congrégation du Brésil.» (21 juin 1901)

In other words: you made this mission a personal matter to give concrete form to your dreams and your ideals. It was, however, a rearguard action. On June 17, 1901, the rescript appeared in Rome promulgating the erection of the new abbey of Saint-André and charging the Bishop of Bruges with the official promulgation on the site. The new abbey of Saint-André was born.

 En d’autres mots: vous avez fait de cette mission une affaire personnelle pour donner une forme concrète à vos rêves et à vos idéaux. C’était toutefois un combat d’arrière-garde. Le 17 juin 1901 paraissait à Rome le rescrit promulgant l’érection de la nouvelle abbaye de Saint-André et chargeant l’évêque de Bruges de la promulgation officielle sur place. La nouvelle abbaye de Saint-André était née.

The primate was deeply hurt and sad. Dom van Caloen had from the beginning refused and rejected his vision of things; his most faithful friend and colleague had neglected his advice and now claimed that he had exceeded his powers. Above all, he felt weak, knowing that, despite the facts and the intransigence of Dom van Caloen, he would continue out of honesty to help and support him as the Holy See wanted. But the primate was especially disappointed by Vatican circles who seemed not to want to recognize his authority, against all the principles of Roman authoritarianism. Neither Cardinal Rampolla, nor Cardinal Gotti, nor Cardinal Ledochowsky had listened to his arguments or reacted to the memorandum sent to the pope.

Le primat était profondément blessé et triste. Dom van Caloen avait dès le début refusé et rejeté sa vision des choses, son plus fidèle ami et confrère avait négligé ses conseils et prétendait maintenant qu’il avait dépassé ses pouvoirs. Il se sentait surtout faible, sachant que, malgré les faits et l’intransigeance de dom van Caloen, il continuerait par honnêteté à l’aider et à le soutenir comme le voulait le Saint-Siège. Mais le primat était surtout déçu par les milieux du Vatican qui semblaient ne pas vouloir reconnaître son autorité, contre tous les principes de l’autoritarisme romain. Ni le cardinal Rampolla, ni le cardinal Gotti, ni le cardinal Ledochowsky n’avaient prêté l’oreille à ses arguments ni réagi au mémorandum envoyé au pape.

The reason would be given later by the Pope himself, if we are to believe Dom van Caloen. During the audience of August 22, 1901, the sovereign pontiff reportedly told van Caloen that he had approved the foundation of Saint-André, against the advice of the primate, because this foundation was, in his eyes, a good thing for Brazil 49 .

La raison en sera donnée plus tard par le pape lui-même, si l’on en croit dom van Caloen. Lors de l’audience du 22 août 1901, le souverain pontife aurait dit à van Caloen qu’il avait approuvé la fondation de Saint-André, contre l’avis du primat, parce que cette fondation était, à ses yeux, une bonne chose pour le Brésil49.

As foreseen in the rescript, the Bishop of Bruges, Monsignor Waffelaert, solemnly promulgated, on July 25, 1901, the erection of the Abbey of Saint-André, heir to the ancient Abbey of Saint-André, as an independent abbey, directly dependent on the abbot primate, with a view to supporting the Brazilian congregation and training monks for the evangelization of the wild peoples of this immense country.

Comme le prévoyait le rescrit, l’évêque de Bruges, Monseigneur Waffelaert, promulgua solennellement, le 25 juillet 1901, l’érection de l’abbaye de Saint-André, héritière de l’ancienne abbaye de Saint-André, comme abbaye indépendante, dépendant directement de l’abbé primat, en vue de soutenir la congrégation brésilienne et de former des moines pour l’évangélisation des peuplades sauvages de cet immense pays.

Dom van Caloen, for his part, named Dom Maur Van Emelen prior of the new abbey. The missionary apostolate, so dear to the heart of Dom Gérard van Caloen, was thus officially recognized. For the umpteenth time, van Caloen had obtained from Rome what he wanted.

Dom van Caloen, de son côté, nommait dom Maur Van Emelen prieur de la nouvelle abbaye. L’apostolat missionnaire, si cher au coeur de dom Gérard van Caloen, était ainsi officiellement reconnu. Pour la énième fois, van Caloen avait obtenu de Rome ce qu’il voulait.

5.2. The after-effects of erection

5.2. Les séquelles de l’érection

On July 25, 1901, Dom van Caloen took ship in Antwerp bound for Italy. He first landed in Naples to thank the Virgin of Pompeii, his great protector, and to promise her a chapel, dedicated under her name, at the newly founded abbey of Saint-André. From there he reached Rome. For what purpose? Above all, he wanted to reach an agreement with the Roman authorities regarding his apostolate among the Indians in order to prove to Brazilian politicians that the goods of the order were used for the good of the country. He then wanted, through the Holy See, to settle the dispute with the congregation of Beuron.

Le 25 juillet 1901, dom van Caloen prit le bateau à Anvers à destination de l’Italie. Il débarqua d’abord à Naples pour remercier la Vierge de Pompéi, son insigne protectrice, et lui promettre une chapelle, dédiée sous son vocable, à l’abbaye nouvellement fondée de Saint-André. De là, il gagna Rome. Dans quel but? Il voulait avant tout s’entendre avec les instances romaines au sujet de son apostolat auprès des Indiens afin de prouver aux politiciens brésiliens que les biens de l’ordre servaient au bien du pays. Il voulait ensuite, par l’entremise du Saint-Siège, régler le contentieux avec la congrégation de Beuron.

His talks with Cardinal Secretary of State Rampolla took place without difficulty. The papal audience of August 22, 1901 was likewise. A personal letter from Cardinal Rampolla, written in the name of the pope, once again praised his apostolic mission and his enterprise of evangelization in Brazil: in his eyes it should put an end to his dispute with Beuron (August 25, 1901). Dom van Caloen felt stronger than ever and again, Beuron, without being mentioned, was encouraged to continue her effort. Nothing was mentioned concerning the title of “apostolic abbey” that he dreamed of giving to Saint-André; nothing on Brazil-Beuron relations either. Knowing the influence of the media and knowing how to exploit them, he had the cardinal's letter printed and made it known.

Ses entretiens avec le cardinal secrétaire d’État Rampolla se déroulèrent sans problème. L’audience pontificale du 22 août 1901 le fut également. Une lettre personnelle du cardinal Rampolla, écrite au nom du pape, louait une fois de plus sa mission apostolique et son entreprise d’évangélisation au Brésil: elle devait à ses yeux mettre fin à son litige avec Beuron (25 août 1901). Dom van Caloen se sentait plus fort que jamais et à nouveau, Beuron, sans être citée, était encouragée à continuer son effort. Rien sur le titre d’«abbaye apostolique» qu’il rêvait de donner à Saint-André; rien non plus sur les relations Brésil-Beuron. Connaissant l’influence des médias et sachant les exploiter, il fit imprimer la lettre du cardinal et la fit connaître.

But the Abbot of Olinda was seriously mistaken if he thought everything between him and Beuron would be settled by this Roman letter. The Archabbot of Beuron made this clear to him in his hesitant French:

Mais l’abbé d’Olinda se trompait lourdement s’il croyait tout régler entre Beuron et lui par cette lettre romaine. L’archiabbé de Beuron le lui fit comprendre dans son français hésitant:

 “My dear Father Abbot, believe me that it is really difficult for the abbots, your colleagues, to retain your esteem and affection when they see that one is never sure of tomorrow... One of my abbots wrote to me some time ago that the Most Reverend Dom Gérard uses everyone and everything for his own purposes without much feeling. If you desire confidence, you must offer it... You didn't talk to me here (during his visit in February) about this plan to found an abbey in Bruges and certainly this idea had already been planned... We do not understand this to an abbey (!) with only a ground floor and churches, not even chapels... monastic traditions are not kept. And above all how can we understand laying the first stone of a new abbey without having not a dozen, but at least half a dozen monks to populate it..." (July 31, 1901)

 «Mon bien cher père Abbé, croyez-moi qu’il est vraiment difficile aux abbés, vos confrères, de vous conserver l’estime et l’affection quand ils voient qu’on n’est jamais sûr du lendemain... Un de mes abbés m’écrivait il y a quelque temps que le Révérendissime dom Gérard se sert de tous et de tout pour ses désirs à lui sans trop de sentiments. Quand on veut de la confiance, il faut la donner... Vous ne me parliez pas ici (lors de sa visite en février) de ce plan de fonder une abbaye à Bruges et certes cette idée était toute faite déjà... Nous ne comprenons pas une abbaye (!) d’un rez-de-chaussée seulement et del églises, pas même de chapelles... les traditions monastiques ne sont pas gardées. Et puis surtout comment comprendre de poser la première pierre d’une nouvelle abbaye sans avoir non pas une douzaine, mais au moins une demi-douzaine de moines pour la peupler...» (31 juillet 1901)

An abbey without monks content with only a ground floor was indeed a strange thing, and went against tradition: bringing together seven churches in one seemed even more bizarre: Dom Wolter would lose his Latin. That Dom van Caloen, however, never warned him, while Dom Placid Wolter was President of the Congregation of Beuron, certainly revealed a lack of fair play. His hostility was understandable. His confreres in the abbey, for the same reason, were in no way favorable to him. Shortly afterwards the Archabbot informed him that his presence at the general chapter of the congregation was not desired: “It is rather the different ways of thinking and proceeding that cause the surprises to you and to us.” (August 24, 1901)

Une abbaye sans moines était en effet chose bizarre, se contenter d’un rez-de-chaussée allait à l’encontre des traditions, réunir sept églises en une seule semblait plus curieux encore: dom Wolter y perdait son latin. Que dom van Caloen cependant ne l’eût jamais prévenu, alors que dom Placide Wolter était le président de la congrégation de Beuron, fut certainement un manque de fair-play. L’hostilité de celui-ci se comprenait. Ses confrères en abbatiat, pour la même raison, ne lui étaient aucunement favorables. Peu après, l’archiabbé lui fit savoir que sa présence au chapitre général de la congrégation n’était pas souhaitée: «Ce sont plutôt les différentes manières de penser et de procéder qui causent les surprises à vous et à nous.» (24 août 1901)

“Your way of acting scandalizes us.” We couldn't be clearer! And yet, neither the Abbot of Maredsous nor the Archabbot of Beuron will stop helping Dom van Caloen when tensions decrease, although their communities took a dim view of the departure of so many active forces. In both, respect and obedience to Rome and the papacy came first: Dom van Caloen knew this very well.

«Votre manière d’agir nous scandalise.» On ne pouvait être plus clair! Et pourtant, pas plus l’abbé de Maredsous que l’archiabbé de Beuron ne cesseront d’aider dom van Caloen, lorsque les tensions diminueront, quoique leurs communautés aient vu d’un mauvais oeil le départ de tant de forces vives. Chez l’un comme chez l’autre, le respect et l’obéissance à Rome et à la papauté passaient avant tout: dom van Caloen le savait fort bien.

Despite this hostility, Dom van Caloen wrote a long letter to the Primate, begging him to be reconciled with him and to listen only to his good intentions for the glory of God and that of the Order. He also sent the General Chapter a long memorandum in which, very diplomatically, he expressed his recognition and gratitude to the members of the Chapter, all of whom were to him a father, some a brother. He urged them to cease all opposition and to rejoice in the first results of the restoration of order in Brazil, which was to the credit of the Beuronese congregation.

Malgré cette hostilité, dom van Caloen écrivit une longue lettre au primat, le suppliant de se réconcilier avec lui et de n’écouter que son bon coeur pour la gloire de Dieu et celle de l’ordre. Il envoya aussi au chapitre général un long mémorandum dans lequel, très diplomatiquement, il témoignait sa reconnaissance et sa gratitude aux membres du chapitre, qui tous étaient pour lui qui un père, qui un frère. Il leur demandait instamment de cesser toute opposition et de se réjouir des premiers résultats de la restauration de l’ordre au Brésil, ce qui était tout à l’honneur de la congrégation de Beuron.

“My cause is good and beautiful but my person is full of faults and, consequently, I am exposed to many errors of detail likely to offend the people I respect and love the most.”

«Ma cause est bonne et belle mais ma personne est pleine de défauts et, par conséquent, je suis exposé à bien des erreurs de détail de nature à offenser les personnes que je respecte et que j’aime le plus.»

This long memorandum was obviously only an introduction to the request which followed: to give the monks of the congregation of Beuron who so desired the possibility of transferring to the Brazilian congregation, to place at its disposal some valuable monks who could possibly become abbots or professors. To the abbot of Maredsous, he asked to cede Dom Chrysostome De Saegher. His request remained unanswered. “These provisions led the Fathers of the chapter not to respond collectively to your letter. They thank you through me, considering silence preferable to reproaches.” (from Hemptinne, September 21, 1901)

Ce long mémorandum n’était évidemment qu’une introduction à la demande qui suivait: donner aux moines de la congrégation de Beuron qui le désiraient la possibilité de passer dans la congrégation brésilienne, de mettre à sa disposition quelques moines de valeur qui pourraient éventuellement devenir abbés ou professeurs. Au père abbé de Maredsous, il demandait de céder dom Chrysostome De Saegher. Sa demande resta sans réponse. «Ces dispositions ont porté les Pères du chapitre à ne pas répondre collectivement à votre lettre. Ils vous en remercient par mon entremise, estimant préférable le silence aux reproches.» (de Hemptinne, 21 septembre 1901)

There was therefore no help to be expected. But why had Dom van Caloen still addressed Beuron after everything that had happened? It was obvious that the answer would be negative. So why this approach? Because without Beuron, he could do nothing: the men came from there and he needed them.

Il n’y avait donc aucun secours à attendre. Mais pourquoi dom van Caloen s’était-il encore adressé à Beuron après tout ce qui s’était passé? Il était évident que la réponse serait négative. Alors pourquoi cette démarche? Parce que sans Beuron, il ne pouvait rien: les hommes venaient de là et il avait besoin d’eux.

Leaving Rome on September 8, 1901, Dom van Caloen went to France, hoping to win the French abbeys for Brazil on the eve of their expulsion. They showed little enthusiasm for an adventure in that country. At Saint-André, the Abbot of Olinda had another problem to solve. For a long time, the superior of the house, Dom Maur Van Emelen, had suffered from a nervous illness which prevented him from properly running the abbey. In the meantime, Dom van Caloen had appointed Dom Maïeul de Caigny prior and master of novices. It was clear, however, that this temporary situation could not last.

En quittant Rome, le 8 septembre 1901, dom van Caloen se rendit en France, espérant gagner pour le Brésil, à la veille de leur expulsion, les abbayes françaises. Elles ne se montrèrent guère enthousiastes pour une aventure dans ce pays. À Saint-André, l’abbé d’Olinda eut un autre problème à résoudre. Depuis longtemps, le supérieur de la maison, dom Maur Van Emelen, souffrait d’une maladie nerveuse qui l’empêchait de diriger convenablement l’abbaye. En attendant, dom van Caloen avait nommé dom Maïeul de Caigny prieur et maître des novices. Il était clair cependant que cette situation provisoire ne pouvait pas durer.

Finding a replacement became an obsession, so much so that van Caloen stayed longer than expected in Belgium while Brazil clamored for his return. This is how he got it into his head that Dom Chrysostome De Saegher 50 would be the ideal man to direct his abbey. Dom de Hemptinne wanted to hear nothing about it.

Trouver un remplaçant devint une obsession, à telle enseigne que van Caloen resta plus longtemps que prévu en Belgique alors que le Brésil réclamait son retour. C’est ainsi qu’il se mit en tête que dom Chrysostome De Sae-gher50 serait l’homme tout indiqué pour diriger son abbaye. Dom de Hemptinne ne voulut pas en entendre parler.

 “I have no obligation towards you on this point, since you have voluntarily renounced all assistance from me in monks and money. You know, I was forgetful for a moment of this stipulation, but I had no reason to be proud of it.” (November 2, 1901) “Yesterday you asked us for three or four monks capable of becoming abbots; today you demand a master of novices under threat of recourse to Rome; tomorrow it will be something else and thus we will be constantly harassed, never having any right to intervene, even with our own sons and having no other right than that of always giving.” (November 13, 1901)

 «Je n’ai aucune obligation envers vous sur ce point, puisque vous avez renoncé volontairement à tout secours de ma part en moines et en argent. Vous le savez, j’ai été oublieux un moment de cette stipulation, mais je n’ai pas eu à m’en louer.» (2 novembre 1901) «Hier vous nous demandiez trois ou quatre moines, capables de devenir abbés; aujourd’hui vous exigez un maître des novices sous menace de recourir à Rome; demain ce sera autre chose et ainsi nous serons constamment harcelés, n’ayant jamais aucun droit d’intervenir, même auprès de nos propres fils et n’en possédant d’autre que celui de toujours donner.» (13 novembre 1901)

Very ironically, Dom de Hemptinne also recommended to him, as the only solution, to move with his entire community to Brazil, leaving only a father and two brothers at the abbey.

Très ironiquement, dom de Hemptinne lui proposait d’ailleurs, comme seule solution, de déménager avec toute sa communauté au Brésil, ne laissant qu’un père et deux frères à l’abbaye.

Dom de Hemptinne's attitude was very understandable: always giving without any control [over those given], always ratifying the most diverse projects, always being faced with a fait accompli and, moreover, being begged to send monks to unblock inextricable situations: This was more than enough to make relationships impossible over time.

L’attitude de dom de Hemptinne était fort compréhensible: toujours donner sans contrôle, toujours entériner les projets les plus divers, toujours être placé devant le fait accompli et, de plus, être supplié d’envoyer des moines pour débloquer des situations inextricables: c’était plus qu’il n’en fallait pour rendre avec le temps les rapports impossibles.

The grand words, “for the glory of God and of the Benedictine Order, in the name of Rome and Beuron, for the well-being of the people and the poor Indians, a work of God willed by the Holy See” and many other somewhat bombastic expressions, which Dom van Caloen liked to use in his letters, no longer impressed the Abbot Primate nor the abbots of the Congregation of Beuron.

Les grands mots, «pour la gloire de Dieu et de l’Ordre bénédictin, au nom de Rome et de Beuron, pour le bien-être du peuple et des pauvres Indiens, une oeuvre de Dieu voulue par le Saint-Siège» et bien d’autres expressions quelque peu ampoulées, que dom van Caloen aimait employer dans ses lettres, n’impressionnaient plus guère l’abbé primat ni les abbés de la congrégation de Beuron.

Despite the silence of the general chapter of Beuron and despite the attitude of Dom Hildebrand de Hemptinne, Dom Gérard van Caloen did not consider himself beaten. He tried, once again through Rome, to achieve his ends. He sent his faithful friend, Cardinal Gotti, a long letter in which he complained above all about the Abbot Primate who did not want to yield to him Dom Chrysostome De Saegher and who had aroused the abbots of the congregation of Beuron against him. . He was ready, if necessary, to resign if that would help the primate change his attitude. The current difficulty, he wrote, lay in the appointment of a prior at Saint-André. Dom Chrysostome De Saegher was the ideal man for this task. The tone of the letter was harsh, even insulting to the Primate and very unequivocal. A similar letter was sent to Cardinal Rampolla.

Malgré le silence du chapitre général de Beuron et malgré l’attitude de dom Hildebrand de Hemptinne, dom Gérard van Caloen ne se tint pas pour battu. Il essaya, une fois de plus par le biais de Rome, d’arriver à ses fins. Il envoya à son fidèle ami, le cardinal Gotti, une longue lettre dans laquelle il se plaignait surtout de l’abbé primat qui ne voulait pas lui céder dom Chrysostome De Sae-gher et qui avait excité contre lui les abbés de la congrégation de Beuron. Il était prêt, au besoin, à donner sa démission si cela pouvait aider le primat à changer d’attitude. La difficulté actuelle, écrivait-il, résidait dans la nomination d’un prieur à Saint-André. Dom Chrysostome De Saegher était l’homme tout indiqué pour cette tâche. Le ton de la lettre était dur, injurieux même à l’adresse du primat et très univoque.

As always, van Caloen had described the situation with that clear, methodical and synthetic mind which was his and in which he excelled, but of course to his advantage. His actions, the root of the problem, were not mentioned. Dom Hildebrand de Hemptinne, to whom he had sent a copy of the letter, reacted violently against the accusation against him: on the contrary, “if you received real support, you received it from me” (December 21 19o1; he in turn wrote [van Caloen] a very severe letter which recounted all the facts of the last months. It was clear that the affair of Saint-André had not been digested, Dom van Caloen had not kept his word:

Une lettre semblable fut envoyée au cardinal Rampolla. Comme toujours, van Caloen avait brossé la situation avec cet esprit clair, méthodique et synthétique qui était le sien et dans lequel d’ailleurs il excellait, mais bien entendu à son avantage. Ses agissements, le fond du problème, étaient passés sous silence. Dom Hildebrand de Hemptinne, à qui il avait envoyé une copie de la lettre, réagit violemment contre l’accusation portée contre lui: bien au contraire, «si vous avez reçu un vrai soutien, vous l’avez eu de moi» (21 décembre 19o1; il lui écrivit à son tour une lettre fort sévère où étaient repris tous les faits des derniers mois. Il était clair que l’affaire de Saint-André n’était pas digérée, dom van Caloen n’avait pas tenu parole:

" you had promised me to abandon the novitiate and abbey project... but the way in which you launched the foundation of Saint-André, without respecting my wishes or your promises, aroused not only in me but also in our abbots a lively astonishment and a real discontent... The Holy Father allowed you to act against my will and I gave official knowledge of the decision in chapter at Maredsous, expressing at the same time the respect with which we had to receive this pontifical act... My dear and Most Reverend Father, you do not appreciate the way you have treated the congregation of Beuron." (December 2, 1901)

 «vous m’aviez promis d’abandonner le projet de noviciat et d’abbaye... mais la manière dont vous avez lancé la fondation de Saint-André, sans respecter mes volontés ni vos promesses, a suscité non seulement chez moi mais encore chez nos abbés une vive surprise et un véritable mécontentement... Le Saint-Père vous a permis d’agir contre ma volonté et j’ai donné connaissance officielle de la décision en chapitre à Maredsous, exprimant en même temps le respect avec lequel nous devions recevoir cet acte pontifical... Mon cher et Révérendissime Père, vous ne vous rendez pas compte de la manière dont vous avez traité la congrégation de Beuron.» (ii décembre 1901)

This clear and precise reasoning contrasted sharply with Dom van Caloen's emotional letters. However, everyone suffered from this situation. One articulated it with restraint and dignity, the other with passion and pain. What had they not achieved together for the congregation of Beuron and the abbey of Maredsous? Dom van Caloen, however, could not remain silent and described his situation as follows:

Ce raisonnement clair et précis contrastait fort avec les lettres émotionnelles de dom van Caloen. Chacun pourtant souffrait de cette situation. L’un le disait avec retenue et dignité, l’autre avec passion et douleur. Que n’avaient-ils pas réalisé ensemble pour la congrégation de Beuron et l’abbaye de Maredsous? Dom van Caloen pourtant ne pouvait pas se taire et décrivit sa situation comme suit:

“You look, Most Reverend Father, like a man who, seated in a good armchair, on the edge of a rushing river, throws another man into it and calmly watches to see whether he will drown or if he will succeed in reaching the other shore.” (December 17, 1901)

«Vous avez l’air, Révérendissime Père, d’un homme qui, assis dans un bon fauteuil, au bord d’un fleuve impétueux, y jette un autre homme et regarde tranquillement pour voir s’il se noiera ou s’il parviendra à gagner l’autre rive.» (17 décembre 1901)

It was unkind, not to mention rude, and unfair to someone who had done so much for him. In the memorandum that he wrote shortly after at the request of the pope, Dom van Caloen multiplied his accusations against Beuron and the Abbot Primate, and went so far as to write:

C’était peu aimable, pour ne pas dire grossier et injuste vis-à-vis de quelqu’un qui avait tant fait pour lui. Dans le mémorandum qu’il rédigea peu après à la demande du pape, dom van Caloen multipliait ses accusations contre Beuron et l’abbé primat, et allait jusqu’à écrire:

“The congregation of Beuron is disgusted by this enterprise which requires human sacrifices without providing it with any direct benefit; however, it appears not to want to explicitly break with a work in which it saw itself involved at the request of the Holy See. ; it procrastinates, turns a deaf ear or finally sends a few random elements who, generally, do not bring together the qualities necessary to cooperate in such a difficult enterprise..."

«La congrégation de Beuron est dégoûtée de cette entreprise qui lui demande des sacrifices en hommes sans lui procurer aucun avantage direct, elle paraît cependant ne pas vouloir rompre explicitement avec une oeuvre à laquelle elle s’est vue mêlée sur le désir du Saint-Siège; elle temporise, fait la sourde oreille ou envoie finalement quelques rares éléments qui, généralement, ne réunissent pas les qualités nécessaires pour coopérer à une entreprise si difficile...»

It was Rome that fought back. In a letter dated December 26, 1901, Cardinal Gotti informed van Caloen of the pope's response to his letters. The latter wanted the abbot of Olinda to return immediately to Brazil where his presence was highly necessary, the Holy Father refused to put pressure on the abbot primate and wanted van Caloen himself to find a provisional solution for Saint-André . Rome therefore did not accede to the requests of the Abbot of Olinda and the tone of the letter further demonstrated Rome’s disapproval of the accusations he had made.

Ce fut Rome qui se rebiffa. Dans une lettre datée du 26 décembre 1901, le cardinal Gotti fit part à van Caloen de la réponse du pape à ses lettres. Ce dernier souhaitait que l’abbé d’Olinda retournât immédiatement au Brésil où sa présence était hautement nécessaire, le Saint-Père refusait de faire pression sur l’abbé primat et désirait que van Caloen trouvât lui-même une solution provisoire pour Saint-André. Rome n’accédait donc pas aux demandes de l’abbé d’Olinda et le ton de la lettre manifestait de plus la désapprobation de Rome vis-à-vis des accusations proférées.

Dom van Caloen recognized that he had gone too far and that Leo XIII could no longer defend him. He apologized to the Pope and the cardinal. Without hesitation or discussion, he accepted the papal decision and prepared his departure. Roma locuta, causa finita: we do not debate.

Dom van Caloen comprit qu’il était allé trop loin et que Léon XIII ne pouvait plus le défendre. Il s’excusa auprès du pape et du cardinal. Sans hésiter ni discuter, il accepta la décision pontificale et prépara son départ. Roma locuta, causa finita: on ne discute pas.

“I am happy to obey without understanding,” he wrote to Cardinal Gotti on December 28, 1901. He also apologized to the Abbot Primate and informed him of his decision to maintain Dom Maur Van Emelen, whose health had improved somewhat, as Prior of Saint-André. Fifteen months had passed since van Caloen left Brazil: it was high time he returned there.

«Je suis heureux d’obéir sans comprendre», écrivit-il au cardinal Gotti, le 28 décembre 1901. Il s’excusa également auprès de l’abbé primat et lui fit part de sa décision de maintenir dom Maur Van Emelen, dont la santé s’était quelque peu améliorée, comme prieur de Saint-André. Quinze mois s’étaient passés depuis que van Ca-loen avait quitté le Brésil: il était grand temps qu’il y retournât.

1901 ended, a year “of graces and blessings... It was for me punctuated with trials and tribulations which are the sign of divine blessing. It was also marked with the most obvious signs of Heaven's blessing. The definitive foundation of Saint-André, in the midst of the greatest obstacles, made our Brazilian work take the greatest step it has taken since the beginning,” he noted in his notebooks. On January 21, 1902, Dom van Caloen left his community of Saint-André and his family for Brazil.

1901 se terminait, une année «de grâces et de bénédictions... Elle fut pour moi émaillée d’épreuves et de tribulations qui sont le signe de la bénédiction divine. Elle fut aussi marquée des signes les plus manifestes de la bénédiction du Ciel. La fondation définitive de Saint-André, au milieu des plus grands obstacles, a fait faire à notre oeuvre brésilienne le plus grand pas qu’elle ait fait depuis le début», notait-il dans ses carnets. Le 21 janvier 1902, dom van Caloen quittait sa communauté de Saint-André et sa famille pour le Brésil.

How to judge these events? There is no doubt that the founding of Saint Andrew and Santa Cruz, in the context of the moment, was a reckless action. Dom van Caloen did not have [the necessary] men for such undertakings. Most of the candidates were unreliable, the political and religious situation in Brazil was uncertain and his way of doing things upset both the monks of Brazil and the abbots of Beuron. Was it necessary to undertake so many things at once?

Comment juger ces événements? Il ne fait pas de doute que la fondation de Saint-André et de Santa Cruz, dans le contexte du moment, était une action téméraire. Dom van Caloen ne disposait pas d’hommes pour de telles entreprises. La plupart des candidats n’étaient pas fiables, la situation politique et religieuse du Brésil était incertaine et sa manière de faire indisposait tant les moines du Brésil que les abbés de Beuron. Fallait-il entreprendre tant de choses à la fois?

Dom van Caloen could not limit himself, he wanted to achieve everything immediately: for him it was the Will of God. This is how he would get himself into inextricable situations and then demand that the Primate resolve the problems. Dom Hildebrand de Hemptinne, for his part, looked at things with the common sense of those who undertake projects by taking into account the means available. Perhaps he was too cautious and too reasonable, while van Caloen was too enterprising and too daring, with all the consequences that could ensue. His trust in Providence knew no bounds.

Dom van Caloen ne pouvait pas se limiter, il voulait tout réaliser tout de suite: c’était pour lui la volonté de Dieu. C’est ainsi qu’il s’enferrait dans des situations inextricables et exigeait ensuite que le primat résolve les problèmes. Dom Hildebrand de Hemptinne, quant à lui, regardait les choses avec le bon sens de qui entreprend en tenant compte des moyens disponibles. Peut-être était-il trop prudent et trop raisonnable, tandis que van Caloen était trop entreprenant et trop audacieux, avec toutes les conséquences qui pouvaient s’ensuivre. Sa confiance dans la Providence ne connaissait pas de bornes.

Was there not, however, sometimes confusion between Providence and himself? Although van Caloen or his successors subsequently had to give way frequently, some of his intuitions nevertheless bore excellent fruit. The fight waged in favor of Saint André and the monastic missionary apostolate was one of these providential intuitions.

N’y avait-il cependant pas parfois confusion entre la Providence et lui? Si van Caloen ou ses successeurs durent beaucoup céder ensuite, certaines de ses intuitions pourtant portèrent d’excellents fruits. Le combat mené en faveur de Saint-André et de l’apostolat monastique missionnaire fut l’une de ces intuitions providentielles.

5.3. The first buildings

5.3. Les premiers bâtiments

The land on which the abbey was to be built, as we have seen, was a gift from Senator van Ockerhout; it covered an area of 7 ha and included a farm. As chance would have it, Mr. van Ockerhout bought this land in 1879 from a descendant of the knight van Outryve d'Ydewalle, the purchaser of the abbey estates in 1798, with the aim of extending his hunting grounds. This property, located between “de Beke” and the municipalities of Loppem and Zedelgem, was called “Hooge Veld” and was part of the “Beysbrcek”51 estate. It formed the southern limit of this domain, formerly belonging to the ancient abbey of Saint-André. The new monks therefore had returned to their [ancestral] lands (see Appendix).

Le terrain sur lequel l’abbaye allait s’élever, nous l’avons vu, était un cadeau du sénateur van Ockerhout; il couvrait une superficie de 7 ha et comportait une ferme. Le hasard veut que Monsieur van Oc-kerhout avait acheté cette terre en 1879 à un descendant du chevalier van Outryve d’Ydewalle, l’acquéreur des domaines de l’abbaye en 1798, dans le but d’étendre son terrain de chasse. Cette propriété, située entre «de Beke» et les communes de Loppem et de Zedelgem, s’appelait «Hooge Veld» et faisait partie du domaine de «Beys-brcek»5’. Elle formait la limite sud de ce domaine, appartenant jadis à l’ancienne abbaye de Saint-André. Les nouveaux moines revenaient donc sur leurs terres (cfr Annexe).

Dom Ludgerus Rinklacke, monk-architect of the abbey of Maria-Laach, chosen by Dom van Caloen to draw up the plans of the new abbey, opted for the traditional monastic plan, inherited from the Middle Ages: a square formed by the cloister around an interior courtyard, with the abbey church to the north, facing east, the chapter room to the east, the refectory to the west and the common room to the south. As the abbey originally, was not to have any [upper] floors, contrary to all monastic traditions, six wings, housing the monks' cells, stretched perpendicularly to the cloister, leaving the courtyard in full light. The intention was to build a neo-Romanesque abbey in local red brick. The whole complex was estimated at 250,00o francs. A contractor from Loppem, Louis Verhaeghe, was responsible for the construction. Albert van Caloen, Dom Gérard's brother, supervised the work, and Ernest, his other brother, took care of the financing.

Dom Ludgerus Rinklacke, moine-architecte de l’abbaye de Ma-ria-Laach, choisi par dom van Caloen pour dresser les plans de la nouvelle abbaye, opta pour le plan monastique traditionnel, hérité du Moyen Âge: un carré formé par le cloître autour d’un préau intérieur, avec au nord l’église abbatiale, tournée vers l’est, à l’est la salle du chapitre, à l’ouest le réfectoire et au sud la salle de séjour. Comme l’abbaye, à l’origine, ne devait pas comporter d’étages, à l’encontre de toutes les traditions monastiques, six ailes, abritant les cellules des moines, s’étiraient perpendiculairement au cloître, laissant le préau dans la pleine lumière. L’intention était de construire une abbaye de style néo-roman en brique rouge du pays. Le tout était estimé à 25o 00o francs. Un entrepreneur de Loppem, Louis Verhaeghe, fut chargé de la construction. Albert van Caloen, le frère de dom Gérard, surveillait les travaux, et Ernest, son autre frère, veillait au financement.

To what extent were these plans influenced by van Caloen? We don't know. The whole, however, corresponded well to his ideas and his love of the Middle Ages; he never hid the fact that he considered his abbey a success. The design of the church is certainly by van Caloen, who sought his inspiration in Italy, in Bologna, in the church of Saint-Étienne-du-Rond. On the original plan, the church had two distinct parts: the church itself, dedicated to Saints Peter and Andrew, including the monks' choir and the chapels of Saints Paul and John, a large open space with colonnades separating it from the Chapel of the Virgin with the chapels of Saints Lawrence and Sebastian and the Holy Cross of Jerusalem. Seven chapels, thus recalling the seven Roman basilicas, witnesses of Dom van Caloen's attachment to Rome and the papacy. Hence, since then, the name “Zevenkerken” to designate the abbey of Saint-André.

Dans quelle mesure ces plans ont-ils été influencés par van Ca-loen? Nous l’ignorons. L’ensemble cependant correspondait bien à ses idées et à son amour du Moyen Âge; il n’a jamais caché d’ailleurs qu’il considérait son abbaye comme une réussite. La conception de l’église est certainement de van Caloen, qui alla chercher son inspiration en Italie, à Bologne, en l’église Saint-Étienne-du-Rond. Sur le plan originel, l’église comportait deux parties distinctes: l’église proprement dite, dédiée aux saints Pierre et André, comprenant le choeur des moines et les chapelles des saints Paul et Jean, un grand espace ouvert avec colonnades la séparant de la chapelle de la Vierge avec les chapelles des saints Laurent et Sébastien et de la Sainte Croix de Jérusalem. Sept chapelles, rappelant ainsi les sept basiliques romaines, témoins de l’attachement de dom van Caloen à Rome et à la papauté. D’où, depuis lors, le nom de «Zevenkerken» pour désigner l’abbaye de Saint-André.

A committee of gentlemen was tasked with gathering the funds. The van Caloen family donated 25,000 francs for the construction of the church. A chapel was estimated at 5,000 francs. Anyone who paid 1,000 francs for a cell was entitled to a commemorative plaque, sealed in the wall of a cell. They still remind monks today of the donor of their cell. At the end of 1901, the funds collected amounted to 48,120 francs, 1/5th of the total sum. During the audience that King Leopold II granted to Dom van Caloen on December 14, 1901, another 5,000 francs fell into the purse; but the 150,000 francs from the Thys project were gone. The difficulties then began.

Un comité de messieurs fut chargé de rassembler les fonds. La famille van Caloen donna 25 000 francs pour la construction de l’église. Une chapelle était estimée à 5 000 francs. Qui versait 1 000 francs pour une cellule avait droit à une plaque commémorative, scellée dans le mur d’une cellule. Elles rappellent encore aux moines d’aujourd’hui le donateur ou la donatrice de leur cellule. Fin 1901, les fonds rassemblés s’élevaient à 48 120 francs, 1/5e de la somme totale. Au cours de l’audience que le roi Léopold II accorda, le 14 décembre 1901, à dom van Caloen, 5 000 francs tombèrent encore dans l’escarcelle; mais les 150 000 francs du projet Thys s’étaient envolés. Les difficultés commencèrent alors.

Dom van Caloen nevertheless hoped that a few buildings would be ready for the community by the end of July 1902: the chapter house, a wing and the large hall on the south side.

Dom van Caloen espérait malgré tout que quelques bâtiments seraient prêts pour la communauté dès la fin de juillet 1902: la salle du chapitre, une aile et la grande salle côté sud.

5.4. The inauguration of the abbey - September 8, 1902

5.4. L’inauguration de l’abbaye - 8 septembre 1902

The stay of the Abbot of Olinda in Brazil was not long. Six months later, he was back in Europe: he absolutely wanted to preside over the inauguration of his new abbey, initially planned for August 15, then postponed to September 8.

Le séjour de l’abbé d’Olinda au Brésil ne fut pas long. Six mois plus tard, il était de retour en Europe: il voulait absolument présider à l’inauguration de sa nouvelle abbaye, prévue d’abord pour le 15 août, puis reportée au 8 septembre.

During his absence, Dom Maur Van Emelen had directed, as best he could, the procura of Saint-André, although he was still emotionally very weak. The house then had three fathers, six novices and five lay brothers. Candidates were still entering and leaving. In order to improve recruitment, the prior now required monk candidates to have a secondary school diploma.

Durant son absence, dom Maur Van Emelen avait dirigé, comme il le pouvait, la procure de Saint-André, quoiqu’il fût encore très faible nerveusement. La maison comptait alors trois pères, six novices et cinq frères convers. Les candidats entraient et sortaient toujours. En vue d’améliorer le recrutement, le prieur exigeait maintenant des candidats moines un diplôme de fin d’études secondaires.

Fortunately for the community, the work on the site, which had continued daily in recent months, monopolized everyone's attention, so much so that they did not suffer too much from a lack of instruction. On July 7, 1902, the fathers and brothers abandoned the house on the Hogeweg to transfer their home to their new abbey: an abbey without doors or windows, without kitchen, refectory or chapel. Enthusiasm compensated for all these shortcomings: the time of the pioneers is always a time of joyfully borne sacrifices. The chapter room, which was to serve as a temporary chapel, was ready on August 1st; in the meantime, the community went to the van Ockerhout house every morning to hear mass in their private chapel. But from August 10, the liturgy could be celebrated daily in the temporary chapel.

Heureusement pour la communauté, les travaux du chantier, où elle se rendit quotidiennement les derniers mois, accaparaient l’attention de chacun, si bien qu’elle ne souffrit pas trop d’un manque de directives. Le 7 juillet 1902, pères et frères abandonnèrent la maison du Hogeweg pour transporter leurs pénates dans leur nouvelle abbaye: une abbaye sans portes ni fenêtres, sans cuisine, ni réfectoire, ni chapelle. L’enthousiasme compensait tous ces manques: le temps des pionniers est toujours un temps de sacrifices joyeusement supportés. La salle du chapitre, qui devait servir de chapelle provisoire, fut prête le io août; en attendant, la communauté était allée chaque matin chez les van Ockerhout pour entendre la messe dans leur chapelle privée. Mais à partir du 10 août, la liturgie put être célébrée quotidiennement dans la chapelle provisoire.

At the end of July, Dom Gérard van Caloen was again at Saint-André.  Dom Hildebrand de Hemptinne refused the invitation to attend the inauguration of the abbey, the wounds not being closed or [to avoid requests] for aid. Because the Abbot of Olinda was returning with his requests for help. The Primate sent him to Dom Robert de Kerchove, abbot of Mont-César in Louvain, who accepted the invitation and promised monks to help with the preparations.

Fin juillet, dom Gérard van Caloen se trouvait à nouveau à Saint-André. Dom Hildebrand de Hemptinne refusa l’invitation d’assister à l’inauguration de l’abbaye, les blessures n’étant pas fermées, ou de l’aider. Car l’abbé d’Olinda revenait avec ses demandes d’aide. Le primat l’envoya chez dom Robert de Kerchove, abbé du Mont-César à Louvain, qui accepta l’invitation et lui promit des moines pour aider aux préparatifs.

The weather was superb on September 8, 1902, after the rain of the previous weeks. At 8 a.m., the Abbots of Olinda, Louvain and Steenbrugge, accompanied by the community, went to greet Monseigneur Gustave-Joseph Waffelaert the Bishop of Bruges, at the entrance to the abbey drive, at the Torhout roadway, topped by a beautiful triumphal arch. From there, the procession went in procession towards the abbey, lost in the middle of its vast open space. The village band led the way, the community followed, then the abbots and the bishop, all with miters and croziers. A second triumphal arch, at the entrance to the abbey, welcomed the bishop and the guests with the following chronogram: “sVCCIsa DIVI BeneDICtI soboLes VIVaX resUrgere VIDetUr.” “After centuries of death, this abbey, daughter of the Great Patriarch, is rising again full of life.”

Il faisait superbe, ce 8 septembre 1902, après la pluie des semaines précédentes. À 8 heures du matin, les abbés d’Olinda, de Louvain et de Steenbrugge, accompagnés de la communauté, allèrent saluer Monseigneur l’évêque de Bruges, Gustave-Joseph Waffelaert, à l’entrée de la drève de l’abbaye, à la chaussée de Torhout, que surmontait un bel arc de triomphe. De là, le cortège se rendit en procession vers l’abbaye, perdue au milieu de son vaste espace ouvert. La fanfare du village ouvrait la marche, la communauté suivait, ensuite les abbés e l’évêque, tous avec mitre et crosse. Un second arc de triomphe, à l’entrée de l’abbaye, accueillait l’évêque et les invités par le chronogramme suivant: «sVCCIsa DIVI BeneDICtI soboLes VIVaX resUrgere VIDetUr.» «Après des siècles de mort, cette abbaye, fille du Grand Patriarche, se relève pleine de vie.»

Although the space was limited, the pontifical ceremonies took place with solemnity and grandeur, as befits Benedictines. The first monk of the new abbey, Dom Gérard Moyaert, made his profession during the ceremony. Dom Laurent Janssens, monk of Maredsous and rector of the Saint-Anselmo college in Rome, 52  with the authorization of the primate, gave the homily on the theme: “Putasne vive ossa ista?” (Ez. 37,3) “Do you believe that these bones can live again?” “The spirit of God breathed on these ruins and the abbey of Saint-André rose again.”

Quoique l’espace fût restreint, les cérémonies pontificales se déroulèrent avec solennité et grandeur, comme il sied chez des bénédictins. Le premier moine de la nouvelle abbaye, dom Gérard Moyaert, fit profession au cours de la cérémonie. Dom Laurent Janssens, moine de Maredsous et recteur du collège Saint-Anselme à Rome52, avec l’autorisation du primat, fit l’homélie sur le thème: «Putasne vivent ossa ista?» (Ez. 37,3) «Crois-tu que ces ossements puissent revivre?» «L’esprit de Dieu souffla sur ces ruines et l’abbaye de Saint-André se releva.»

The speaker spoke in Dutch in a romantic, bombastic, grandiloquent but powerful style. Praise abounded for Dom Gérard van Caloen, the bishop, the Pope and the noble families who had participated in the recovery of the abbey. “Glory to you in the Lord, illustrious abbot! This moaning voice (the Indians of Brazil), rising from the limitless desert and uttering cries of distress, this suppliant voice has struck your ears and your noble heart has given it a welcome full of emotion.

L’orateur s’exprima en néerlandais dans un style romantique, ampoulé, grandiloquent, mais puissant. Les éloges abondèrent à l’adresse de dom Gérard van Caloen, de l’évêque, du pape et des nobles familles qui avaient participé au relèvement de l’abbaye. «Gloire à vous dans le Seigneur, illustre abbé! Cette voix gémissante (les Indiens du Brésil), montant du désert sans limites et poussant des cris de détresse, cette voix suppliante a frappé vos oreilles et votre noble coeur lui a fait un accueil plein d’émotion.»

Seventy guests gathered around the bishop and the abbot for the meal. Both Pope Leo XIII and King Leopold II sent congratulatory telegrams. During the feast, the abbot of Olinda spoke in these terms:

Soixante-dix invités se rassemblèrent autour de l’évêque et de l’abbé pour le repas. Tant le pape Léon XIII que le roi Léopold II envoyèrent des télégrammes de félicitations. Au cours des agapes, l’abbé d’Olinda prit la parole en ces termes:

“After seven centuries of existence and a century of death, the abbey of Saint-André has just been reborn. Bishop Baldric leaned over her cradle to bless her, Bishop Gustave called her back to life!”

«Après sept siècles d’existence et un siècle de mort, l’abbaye de Saint-André vient de renaître. L’évêque Baldric s’était penché sur son berceau pour la bénir, l’évêque Gustave l’a rappelée à la vie!»

It was only after vespers that the bishop, the abbots and the guests left the abbey. The abbey was coming back to life. An unforgettable day was coming to an end. That same evening, Dom van Caloen wrote to the primate:

Ce n’est qu’après les vêpres que l’évêque, les abbés et les invités quittèrent l’abbaye. L’abbaye revivait. Une journée inoubliable se terminait. Le soir même, dom van Caloen écrivit au primat:

“It is with a heart full of gratitude to God and to you, Most Reverend Father, that I end this beautiful day. It marks the beautiful and memorable days of the Order of Saint Benedict in modern times. Without your cooperation, it would not have been possible. I would like to express my sincere gratitude to you this evening. Peace is in all hearts! We all aspire to it. May it be complete and lasting! (...) I express to you again all the pain I feel at having caused you pain. This has been an evil nightmare of my life! But it was necessary to save the future of Brazil. Beneath a somewhat rough exterior, I am a true Benedictine. Why ostracize me? If you let me live and help me a little, you will have few sons more faithful than me! Pax nobiscum!”

«C’est le coeur plein de reconnaissance envers Dieu et envers vous, Révérendissime Père, que je termine cette belle journée. Elle marque dans les belles et mémorables journées de l’Ordre de saint Benoît dans les temps modernes. Sans votre coopération, elle n’eût pas été possible. Je tiens à vous en exprimer, dès ce soir, ma sincère gratitude. La paix est dans tous les coeurs! Tous nous y aspirons. Puisse-t-elle se faire complète et durable! (...) Je vous exprime de nouveau toute la douleur que j’éprouve de vous avoir fait de la peine. Cela a été un vilain cauchemar de ma vie! Mais il le fallait pour sauver l’avenir du Brésil. Sous une écorce un peu rude, je suis un vrai bénédictin. Pourquoi me mettre au ban? Si vous me laissez vivre et m’aidez un peu, vous aurez peu de fils plus fidèles que moi! Pax nobiscum!»

How did Dom de Hemptinne react to reading such a letter? We do not know it. Perhaps, like us, he was confused? In the meantime, one thing was certain, Dom van Caloen had his abbey, for the moment the only essential thing for him.

Comment dom de Hemptinne a-t-il réagi à la lecture d’une telle lettre? Nous ne le savons pas. Peut-être, comme nous, fut-il dérouté? En attendant, une chose était certaine, dom van Caloen avait son abbaye, momentanément la seule chose essentielle pour lui.

5.5. Reconciliation with Dom Hildebrand de Hemptinne

5.5. La réconciliation avec dom Hildebrand de Hemptinne

It was now up to the Abbot of Olinda to take the necessary steps towards reconciliation with Beuron, especially since he needed her more than ever. Neither the Abbot Primate nor the Archabbot of Beuron were at the moment ready to listen to him. Dom van Caloen then proposed to the abbots and the General Chapter of the congregation, meeting in Beuron, to accept the abbey of Saint-André, with its character as an apostolic abbey, into the congregation.

C’était maintenant à l’abbé d’Olinda de faire les démarches nécessaires en vue d’une réconciliation avec Beuron, d’autant plus qu’il avait plus que jamais besoin d’elle. Ni l’abbé primat, ni l’archiabbé de Beuron n’étaient momentanément prêts à l’écouter. Dom van Caloen proposa alors aux abbés et au chapitre général de la congrégation, réunis à Beuron, d’accepter l’abbaye de Saint-André, avec son caractère d’abbaye apostolique, dans la congrégation.

This meant, roughly: Beuron endorses the ideas of Dom van Caloen and watches over the spiritual and material future of the young abbey. According to him, it would not be a heavy burden, since Saint-André had its own recruitment and had money. Thus Beuron would resume its role in the restoration of the Order in Brazil. Needless to say, the proposal was rejected. How could it be otherwise after what had happened? Had he not cut his ties? And yet, it was from there and there only that the help he needed could come.

Cela voulait dire, en gros: Beuron entérine les idées de dom van Caloen et veille à l’avenir spirituel et matériel de la jeune abbaye. D’après lui, ce ne serait pas un lourd fardeau, puisque Saint-André avait son recrutement propre et disposait d’argent. Ainsi Beuron reprendrait-il son rôle dans la restauration de l’ordre au Brésil. Il va sans dire que la proposition fut rejetée. Comment pouvait-il en être autrement après ce qui s’était passé? N’avait-il pas coupé les ponts? Et pourtant, c’était de là et de là seulement que pouvait venir l’aide dont il avait besoin.

“The future of Saint-André is very uncertain for me and I do not want to be responsible for it,” wrote the Abbot of Hemptinne on August 25, 1902. All that remained for the Abbot of Olinda was to address to Rome and present the Congregation of Beuron with a fait accompli. What could he do without her? Appropriately, a letter from Monsignor Guidi, former nuncio to Brazil, asked him to come to Rome to deal with Brazilian affairs .

«L’avenir de Saint-André est bien incertain pour moi et je ne veux pas en être responsable», écrivait l’abbé de Hemptinne, le 25 août 1902. Il ne restait plus à l’abbé d’Olinda qu’à s’adresser à Rome et à mettre la congrégation de Beuron devant un fait accompli. Que pouvait-il faire sans elle? Bien à propos, une lettre de Monseigneur Guidi, ancien nonce au Brésil, le pria de venir à Rome pour traiter des affaires du Brésil.

But in Rome, the situation had changed. His difficulties with Beuron and the abbot primate had displeased the pope and the Roman congregations. There were also complaints about him from Brazil: he was accused, among other things, of too personal a government and a lack of respect for the autonomy of the abbeys. Beuron complained that he was going over the heads of the abbots to attract monks for Brazil.

Mais à Rome, la situation avait bien changé. Ses difficultés avec Beuron et l’abbé primat avaient mécontenté le pape et les congrégations romaines. Il y avait aussi des plaintes à son propos en provenance du Brésil: on lui reprochait, entre autres, un gouvernement trop personnel et son peu de respect de l’autonomie des abbayes. Beuron se plaignait de ce qu’il passait par-dessus la tête des abbés pour attirer des moines pour le Brésil.

Rome even thought of relieving him of his mission. Cardinal Rampolla was harsh. Before any discussion, there was a precondition: an end to disputes with the Primate. Monsignor Gasparri was charged with an investigation into Dom van Caloen, abbot of Olinda and vicar general of the Brazilian congregation.

Rome pensa même le décharger de sa mission. Le cardinal Rampolla fut dur. Avant toute discussion, il y avait une condition préalable: la fin des démêlés avec le primat. Monseigneur Gasparri fut chargé d’une enquête sur dom van Caloen, abbé d’Olinda et vicaire général de la congrégation brésilienne.

“For two months, leaving aside all other matters, I allowed myself to be examined and judged, retaining all confidence in Providence... It was a new attack from the devil, who was confounded, because I placed all my hope in God. » (Journal)

«Pendant deux mois, laissant de côté toute autre affaire, je me laissai examiner et juger, conservant toute confiance dans la Providence... Ce fut un nouvel assaut du démon, qui fut confondu, parce que je mis toute mon espérance en Dieu.» (Journal)

Reconciliation, however, had to take place, Rome expressly wanted it. It was a good thing for the Abbot of Olinda that Monsignor Macchi and Monsignor Guidi, former apostolic nuncios to Brazil, were in Rome at that time to defend him. This was providential for van Caloen, and he saw it as further proof of the direct intervention of Providence in his existence. Dom van Caloen made several proposals to iron out the difficulties, he even offered his resignation.

La réconciliation cependant devait se faire, Rome le voulait expressément. Ce fut une bonne chose pour l’abbé d’Olinda que Monseigneur Macchi et Monseigneur Guidi, anciens nonces apostoliques au Brésil, fussent à Rome à ce moment pour le défendre. Ce fut providentiel pour van Caloen, et il y vit d’ailleurs une nouvelle preuve de l’intervention directe de la Providence dans son existence. Dom van Caloen fit plusieurs propositions pour aplanir les difficultés, il y alla même de sa démission.

It was then that the Abbot Primate intervened. With his characteristic honesty, he wrote to Cardinal Rampolla that, notwithstanding past difficulties, he would continue to help the work of Dom van Caloen in Brazil; and to this one: “We must not even consideer your resignation. You must continue your mission, but walk in agreement with me, as Cardinal Rampolla recommended to you and as the good government of the Order requires.”

Ce fut alors qu’intervint l’abbé primat. Avec cette honnêteté qui lui était propre, il écrivit au cardinal Rampolla que, nonobstant les difficultés passées, il continuerait à aider l’oeuvre de dom van Caloen au Brésil; et à celui-ci: «Il ne faut pas songer à votre démission. Vous devez continuer votre mission, mais marchez d’accord avec moi, comme le cardinal Rampolla vous l’a recommandé et comme le demande d’ailleurs le bon gouvernement de l’Ordre.»

The Primate's letter made an impression. Furthermore, Rome, after investigation, found that the accusations against Dom Gérard, coming from both Europe and Brazil, were invalid, and he was  confirmed in his continued leadership of the Brazilian congregation. His colleague and lifelong friend had saved him, once again, from an evil fate. It was October 23, 1902.

La lettre du primat fit impression. De plus, Rome, après enquête, constata que les préventions contre dom Gérard, provenant tant de l’Europe que du Brésil, étaient non avenues et confirma son maintien à la tête de la congrégation brésilienne. Son confrère et ami de toujours l’avait tiré, une fois de plus, d’un mauvais pas. C’était le 23 octobre 1902.

Dom van Caloen felt strong enough for a new demand: the transfer of the seat of the Abbot President of Bahia to Rio de Janeiro in order to force the departure of Abbot Frei Joao das Mercis Ramos, the greatest obstacle to the restoration , and thus more easily resolve the takeover of the abbey by Brazilian monks.

Dom van Caloen se sentit de nouveau fort pour une nouvelle demande: le transfert du siège de l’abbé président de Bahia à Rio de Janeiro afin d’obliger à partir l’abbé Frei Joao das Mercis Ramos, le plus grand obstacle à la restauration, et de résoudre ainsi plus facilement la reprise de l’abbaye par des moines brésiliens.

He himself wrote the Latin text of the decree of November 28, 1902 which approved his request. There remained the problem of Saint-André. As Beuron did not want to incorporate it into the congregation, unless van Caloen placed the abbey in the hands of Maredsous, which would have meant its death sentence, he requested its incorporation into the congregation of Brazil. This was granted to him without difficulty on December 2, 1902. His stay in Rome ended with a papal audience on December 17, 1902. Pope Leo XIII then made it clear to him that he wanted no more arguments with the Abbot Primate.

Il rédigea lui-même le texte latin du décret du 28 novembre 1902 qui approuvait sa demande. Restait le problème de Saint-André. Comme Beu-ron ne voulait pas l’incorporer à la congrégation, à moins que van Caloen ne remît l’abbaye entre les mains de Maredsous, ce qui aurait signifié son arrêt de mort, il demanda son incorporation à la congrégation du Brésil. Cela lui fut accordé sans problème, le 2 décembre 1902. Son séjour à Rome se termina par une audience papale, le 17 décembre 1902. Le pape Léon XIII lui fit alors comprendre qu’il ne voulait plus de disputes avec l’abbé primat.

A draft contract between the two congregations, which Archabbot Dom Wolter had laboriously drawn up and which in his mind was to seal the reconciliation, was refused by the other abbots of the Congregation of Beuron. A final meeting, proposed by van Caloen in the hope of being able to defend his cause before the abbots, was not granted. The archabbot's response was short and dry:

Un projet de contrat entre les deux congrégations, que l’archiabbé dom Wolter avait laborieusement rédigé et qui dans sa pensée devait sceller la réconciliation, fut refusé par les autres abbés de la congrégation de Beuron. Une dernière réunion, proposée par van Ca-loen dans l’espoir de pouvoir défendre sa cause devant les abbés, ne fut pas accordée. La réponse de l’archiabbé fut courte et sèche:

1. There will be no meeting of our abbots to discuss your affairs;

«1 Il n’y aura pas de réunion de nos abbés pour discuter vos affaires;

2. Father Abbot Fidelis will not come to Bruges: he came to Beuron to see me;

2 Le père abbé Fidèle ne viendra pas à Bruges: il est venu à Beuron pour me voir;

3. Father Abbot Primate will not go to Seckau, but he will return to Maredsous around March 12;

3 Le père abbé primat n’ira pas à Seckau, mais il retournera à Mared-sous vers le 12 mars;

4. Everything is therefore clear: the congregation of Beuron as such does not enter into negotiations with you, but each abbot is free to do what he wants;

4 Tout est donc clair: la congrégation de Beuron comme telle n’entre pas en négociation avec vous, mais il est libre à chaque abbé de faire ce qu’il veut;

5. There is no contract to be made.” (February 26, 1903)

5 Il n’y a pas de contrat à faire.» (26 février 1903)

Confidence therefore no longer reigned: the missionary ideal of Dom van Caloen did not correspond to the monastic ideal of Beuron. However, a door remained ajar, each abbot being free to help the Brazilian congregation or not. The Archabbot of Beuron himself set an example by promising two fathers and two lay brothers for three years for the community of Sâo Paulo. Dom van Caloen promised to respect this commitment. Dom Placid Wolter, however, recommended that he reach Brazil as quickly as possible with this recommendation:

La confiance ne régnait donc plus: l’idéal missionnaire de dom van Caloen ne correspondait pas à l’idéal monastique de Beuron. Pourtant une porte restait entrouverte, chaque abbé étant libre d’aider ou non la congrégation brésilienne. L’archiabbé de Beuron donna lui-même l’exemple en promettant deux pères et deux frères convers pour trois ans pour la communauté de Sâo Paulo. Dom van Caloen promit de respecter cet engagement. Dom Placide Wolter lui recommanda toutefois de gagner le plus vite possible le Brésil avec cette recommandation:

“Moreover, the foundation of Saint-André is a second cause which makes you lose authority in Brazil and which keeps you in Europe and which creates financial difficulties for you. I advise you to leave Saint Andrew as a simple procura and hasten to return to Brazil.” (February 26, 1903)

«De plus, la fondation de Saint-André est une seconde cause qui vous fait perdre l’autorité dans le Brésil et qui vous retient en Europe et qui vous crée des difficultés financières. Je vous conseille de laisser Saint-André comme une simple procure et de vous hâter de retourner au Brésil.» (26 février 1903)

Indeed, the situation at Saint-André was a headache for Father van Caloen. It was clear that Dom Maur Van Emelen, whose emotional illness continued, was no longer capable of assuming the direction of the Abbey. Dom Peter Roeser could have taken charge of the abbey, but he was all alone. So what was to be done? Turn to the Primate and beg him for help.

En effet, la situation à Saint-André était un casse-tête pour l’abbé van Caloen. Il était clair que dom Maur Van Emelen, dont perdurait la maladie nerveuse, n’était plus capable d’assumer la direction de l’abbaye. Dom Peter Roeser aurait pu prendre la direction de l’abbaye, mais il se trouvait tout seul. Dès lors, que fallait-il faire?

The letters from the abbot of Olinda betrayed his dismay and anxiety at not resolving this problem before his departure. In desperation, he still entrusted the abbey and the novitiate to Dom Peter Roeser, while Dom Léon Cools, monk of Maredsous, seconded to the abbey of Mont-César, would help him temporarily as cellarer. On April 8, 1903, he returned to Brazil.

Se tourner vers le primat et le supplier de lui venir en aide. Les lettres de l’abbé d’Olinda trahissaient son désarroi et son anxiété de ne pas résoudre ce problème avant son départ. En désespoir de cause, il confia quand même l’abbaye et le noviciat à dom Peter Roeser, tandis que dom Léon Cools, moine de Maredsous, détaché à l’abbaye du Mont-César, l’aiderait momentanément comme cellérier. Le 8 avril 1903, il reprit le chemin du Brésil.

His personal relations with Beuron and the Primate had improved, although the official reconciliation was not signed. Dom van Caloen could consider himself lucky, but he had remembered that his relations with the Primate must remain positive.

Ses relations personnelles avec Beuron et le primat s’étaient améliorées, quoique la réconciliation officielle ne fût pas signée. Dom van Caloen pouvait s’estimer heureux, il avait retenu toutefois que ses rapports avec le primat devaient rester au beau fixe.

 

 

 

 CONTENTS on THIS PAGE

Preface

Prologue                                                                                           11

1. Dom Gérard van Caloen

1.1. Sa jeunesse - 1853-1872                                                    13

1.2. Moine à Maredsous - 1872                                                15

1.3. Les obédiences à Maredsous - 1876-1886                         18

1.4. Séjour à Rome -1886-1888                                                24

1.5. Séjours à Louvain et à Maredsous - 1888-1893                 27

1.6. Gérard van Caloen: l’homme et le moine                          35

2. Le voyage d’information au Brésil - 1894                                   38

2.1. La congrégation bénédictine brésilienne en 1893              38

2.2. Les abbayes brésiliennes et leur patrimoine                       41

2.3. Les conclusions du mémorandum van Caloen                   43

2.4. Le premier séjour au Brésil - 1894                                     44

2.5. Nouvelles tractations - 1894-1895                                     46

3. Olinda - 1895-1898                                                                      51

3.1. Les premiers mois à Olinda                                                51

3.2. Les moines d’Olinda                                                          55

3.3. D’autres soucis pour dom van Caloen                               56

3.4. Crise à Olinda                                                                    58

3.5. Le chapitre général de Beuron - juillet 1897                      62

3.6. La paix revenue                                                                  67

4. La procure de Saint-André                                                             72

4.1. Son érection - 15 janvier 1899                                           72

4.2. La vie à la procure de Saint-André                                    77

4.3. La procure sans dom Gérard van Caloen -1899-1900          8o

4.4. Saint-André, avec ou sans noviciat?                                 84

4.5. La lutte pour l’abbaye -1901                                            89

5. La nouvelle abbaye de Saint-André

5.1. Alea jacta est! 17 juin 1901                                              96

5.2. Les séquelles de l’érection                                              101

5.3. Les premiers bâtiments                                                   108

5.4. L’inauguration de l’abbaye - 8 septembre 1902             109

5.5. La réconciliation avec dom Hildebrand de Hemptinne 112

6. Les premières années de l’abbaye -1902-1906

6.1. Dom Peter Roeser et dom Paul Damman, prieurs          116

6.2. Dom Benoît D’Hondt, prieur -1905-1908                      122

7. Les années décisives -1907-1910

7.1. L’arrivée de dom Théodore Nève - 1906                       127

7.2. Dom Théodore Nève, prieur -1908-1912                       141

8. 1910: Une année mouvementée...                                             147

8.1. La fondation de la mission du Katanga -13 avril 1910  147

8.2. La fondation de l’école abbatiale - 8 septembre 1910    164

8.3. La construction de l’école abbatiale -1911                     172

9. Dom Théodore Nève, abbé - 1912                                            178

9.1. La nomination abbatiale                                                 178

9.2. La bénédiction abbatiale - 8 septembre 1912                 185

Conclusion                                                                                    189

Annexe  La première abbaye de Saint-André 1100-1796             191

Notes                                                                                             201

Quelques chiffres                                                                           215

Bibliographie                                                                                219

 

 

 


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