RISKS and ABERRATIONS of RELIGIOUS LIFE
CHAPTER NINE:
  Spiritual Abuse
 

 


9. SPIRITUAL ABUSE

9. L'abus spirituel  p. 285

Field analysis

Analyse de terrain  p. 286

1st theme: Taking power over the conscience

1e` axe : Prise de pouvoir sur la conscience  p. 288

No one has authority over the conscience

Personne n'a autorité sur la conscience  p. 289

Collusion by the directed

Collaboration du dirigé  p. 294

2nd theme: The demand for total self-surrender

2e axe : L'exigence d'une remise totale de soi  p. 295

3rd theme: The spiritual doctrine

3e axe : La doctrine spirituelle  p. 298

Name the Evil More Accurately

Nommer le mal de façon plus exacte  p. 299

The Disfigured Image of God

L'image de Dieu défigurée  p. 301

Precautions to be taken

Les précautions à prendre  p. 304

Ensuring Freedom: Canon 630 of the 1983 Code

Assurer la liberté : le canon 630 du Code de 1983  p. 305

Accompaniment in a just way

Accompagner de façon juste  p. 307

The Temptations of the Spiritual Director

Les tentations du directeur d'âme  p. 309

Efficiency

L'efficacité  p. 310

The director-prophet

Le directeur-prophète  p. 310

The special case of the Master of Novices

Le cas particulier du Maître des Novices  p. 313

God, source of our freedom

Dieu, source de notre liberté  p. 316


CH_9_SPIRITUAL_ABUSE  

 

 

 

 

 

 

CHAPTER 9
S
PIRITUAL ABUSE

9  L'ABUS SPIRITUEL

 

 

 

 

 

 

   

EXTREMELY multifaceted, skilled at hiding behind the noblest pretexts, spiritual abuse deserves separate treatment. *

Extrêmement multiforme, habile à se cacher sous les meilleurs prétextes, l'abus spirituel mérite un traitement à part'.

[*This chapter partly takes up a study published in the collection: Vie Religieuse et liberté, approche canonique, pastorale, spirituelle et psychologique, published by CORREF (Conference of Religious of France), Paris, 2018. The question of the internal forum is more extensively developed there. Dom Dysmas de Lassus, “The fatherhood of the Abbot and the accompaniment of the brothers”, p. 51-149.]

[Ce chapitre reprend pour une part une étude publiée dans le recueil : Vie Religieuse et liberté, approche canonique, pastorale, spirituelle et psychologique, publié par la CORREF (Conférence des religieux et religieuses de France), Paris, 2018. La question du for interne y est plus longuement développée. Dom DYSMA5 DE LASSUS, « La paternité de l'Abbé et l'accompagnement des frères », p. 51-149.]

It’s been 20 years since I left X. but I’m still scarred. I don’t believe (with some exceptions) that those in charge wanted to annihilate and break us on purpose.

Il y a 20 ans que je suis partie de X. mais je reste marquée au fer rouge. Je ne crois pas (sauf exception) que les responsables voulaient nous anéantir et briser exprès.

But even if they didn’t intend to, that’s what they did, at least for the author of this testimony who can only approach his past with great difficultly just talking about it arouses very painful reactions.  This reality of harm done in the spiritual realm is usually the most difficult for leaders to accept. Moreover, this evil is almost always reduced to a single concept: separation of the external forum and the internal forum, which, in the case of abuse, is unfortunately insufficient. Although useful in its proper s, [this rationale] misses whole swathes of reality.

Mais si elles ne le voulaient pas, c’est pourtant bien ce qu’elles ont fait, du moins pour l’auteur de ce témoignage qui ne peut que très difficilement aborder son passé : rien que d’en parler soulève des réactions très douloureuses. Cette réalité du mal fait dans le domaine spirituel est d’ordinaire la plus difficile à accepter par les responsables. De plus, ce mal est presque toujours ramené à un unique concept : la séparation du for externe et du for interne qui, est dans le cas de l’abus, malheureusement insuffisante. Précieux dans son domaine, il laisse échapper des pans entiers de la réalité.

In its origin, this separation of these forums responds to a specific problem within a specific framework: “The forum is the context where judgment is pronounced on the vocation of a person to the priestly ministry”.*

Dans son origine cette séparation des fors répond à un problème précis, dans un cadre précis : « Le for est l’instance où se trouve prononcé le jugement sur la vocation d’une personne au ministère presbytéral’. »

[*B. Pitaud, “The French school of spirituality and the protection of the subject: for internal and for external in the seminaries”, Review of ethics and moral theology “Le Supplément”, n° 222, September 2002, p. 117-130. Quote p. 118. Online. See ID., “The relationship between the internal forum and the external forum in the tradition of the French School of spirituality”, Bulletin de Saint-Sulpice, 2004, n° 30. This text has been reproduced in the appendix in the collection quoted at the previous note, p. 112-123.]

[B. PITAUD, « L’école française de spiritualité et la protection du sujet : for interne et for externe dans les séminaires », Revue d’éthique et de théologie morale « Le Supplément », n° 222, septembre 2002, p. 117-130. Citation p. 118. En ligne. Voir ID., « Les rapports du for interne et du for externe dans la tradition de l’École Française de spiritualité », Bulletin de Saint-Sulpice, 2004, n° 30. Ce texte a été reproduit en annexe dans le recueil cité à la note précédente, p. 112-123.]

The purpose of the separation of forums is to allow a judgment that is both informed and respectful of the privacy of the person. It provides protection against the abuse of power by an authority which would like to exercise itself on consciences. It cannot offer protection against spiritual abuse when it takes place in the internal forum. A broader look is therefore necessary.

La séparation des fors a pour but de permettre un jugement à la fois éclairé et respectueux de l’intimité de la personne. Elle assure une protection contre les abus de pouvoir d’une autorité qui voudrait s’exercer sur les consciences. Elle ne peut pas offrir une protection contre l’abus spirituel quand il a lieu dans le cadre du for interne. Un regard plus large est donc nécessaire.

 

 

 

 

 FIELD ANALYSIS

ANALYSE DE TERRAIN

 

 

   

Research into exchanges between victims of spiritual abuse highlights their use of the term “internal forum” and others associated with it’. *

Une recherche dans des échanges entre des victimes d’abus spirituel fait ressortir leur utilisation de l’expression « for interne » et d’autres qui lui sont associées’.

[*Over 150 pages in total. The authors have permitted these exchanges to be quoted, provided this is done anonymously.]

[Plus de 150 pages au total. Les auteurs ont permis que ces échanges soient cités, à condition que ce soit de façon anonyme.]

What emerges most clearly is the notion of forced intrusion into: [1] the internal forum, [2]conscience or [3] intimacy; these three expressions being generally synonymous: Forcing my internal forum. This forcing is experienced not only as violence, but as genuine contempt: My internal forum trampled. More descriptively: Demanding to enter directly into my conscious or subconscious. And the witness adds a sentence which describes how it is experienced: it was intended to annihilate my person[hood]. The word rape is regularly used: Raped in my intimacy, or even Violation of the “chastity of the heart”.

Ce qui ressort le plus évidemment est la notion d’entrée en force dans le for interne, la conscience ou l’intimité, ces trois expressions étant généralement synonymes : Forcing de mon for interne. Ce forcing est ressenti non seulement comme une violence, mais comme un véritable mépris : Mon for interne piétiné. De manière plus descriptive : Vouloir s’introduire directement dans mon conscient ou subconscient. Et le témoin ajoute une phrase qui dit comment cela est vécu : c’était l’anéantissement de ma personne qui était visée. Le mot de viol est régulièrement employé : Violée dans mon intimité, ou encore Violation de la « chasteté du coeur ».

This forcible intrusion is accomplished through the obligation to open up from one’s internal forum.

Cette entrée en force se fait par l’obligation de s’ouvrir de son for interne.

The consequences of such a violation are described as a disappearance of the ‘I’. I do not know who I am anymore. We must be so annihilated that there is like a disappearance of the “I” which offers itself. I do not exist anymore. We exist so little.

Les conséquences d’une telle violation sont décrites comme une disparition du « je ». Je ne sais plus qui je suis. On doit être tellement annihilées qu’il y a comme une disparition du « je » qui se donne. Je n’existe plus. On existe si peu.

Breaches of confidentiality are mentioned and condemned as outrageous, but not ranked among the most serious abuses. The central point is the forcible intrusion, in the name of authority, into the sanctuary of the inner life. The term “spiritual abuse” may seem strong because of its parallel with sexual abuse, but it is the victims themselves who use analogous terms, speaking for example of “rape of conscience.” This is a breach of trust that takes advantage of the availability of the person to force entry into his deepest interiority and, eventually, to take power over his conscience, using the facilities of spiritual life. In the most serious case, this results in effective paralysis [of the victim].

Les violations de secret sont mentionnées et réprouvées comme scandaleuses, mais ne sont pas mises au rang des abus les plus graves. Le point central est l’entrée de force, au nom de l’autorité, dans le sanctuaire de la vie intérieure. L’expression « abus spirituel » peut sembler forte en raison de son parallèle avec l’abus sexuel, mais ce sont les victimes elles-mêmes qui utilisent des termes semblables, en parlant par exemple de viol de la conscience. Il s’agit d’un abus de confiance qui profite de la disponibilité de la personne pour forcer l’entrée dans son intériorité la plus profonde et, éventuellement, prendre pouvoir sur sa conscience, en utilisant les ressorts de la vie spirituelle. Dans les situations les plus lourdes, on arrive à une véritable emprise.

From this analysis, three main themes emerge.

De cette analyse, trois grands axes se dégagent.

   

 

 

 First Theme : Claiming authority over conscience

1er axe : Prise de pouvoir sur la conscience

 

 

   

In the context of religious life, abuse occurs when a relationship of accompaniment is based on a relationship of authority. The case of Saint Jeanne de Chantal, discussed [in the previous chapter], may seem a caricature; yet certain recent situations do not differ so much from this caricature.

Dans le cadre de la vie religieuse, l’abus intervient quand on fonde une relation d’accompagnement sur une relation d’autorité. Le cas de sainte Jeanne de Chantal, exposé plus haut, peut sembler caricatural, pourtant certaines situations récentes ne diffèrent pas tellement de cette caricature.

   

Jeanne’s Director
demands four vows

Community drifting towards becoming a sect

the first,
that she would obey him

The director is imposed.
Obedience is used in the internal forum. Pressure for the opening of the heart.

the second: that she would never change him;

Pressure to prevent leaving the community.

the third: that she would faithfully keep secret whatever he would say to her;

Secrecy vis-à-vis the outside concerning the internal doctrine of the community.

the fourth,
to confide her interior life only to him.

It is forbidden to speak with external confessors.

Le directeur de Jeanne
demande 4 voeux

Communauté
en dérive sectaire

le premier,
qu’elle lui obéirait ;

Le guide est imposé.
L’obéissance est utilisée dans le for interne. Pression pour l’ouverture  du coeur.

le second

qu’elle ne le changerait jamais ;

Pressions pour empêcher de quitter la communauté.

le troisième,
de lui garder la fidélité du secret  sur ce qu’il lui dirait ;

Secret vis-à-vis  de l’extérieur
sur la doctrine interne de la  communauté.

le quatrième,
de ne conférer de son intérieur qu’avec lui.

Interdiction de parler avec  les confesseurs extérieurs.

   

The community or the institute has taken the place of the director, but nothing else has changed. It can also be someone in the community—founder, superior, or some kind of pseudo-spiritual master who sets up a relationship comparable to the one imposed on Jeanne. The biography maintains that Jeanne’s first director was a “good religious”.  We can believe this: he acted out of stupidity and not out of malice, but the result remains the same and Jeanne de Chantal felt this relationship as overwhelming, describing it as “a mountain on her heart”.

La communauté ou l’institut a pris la place du directeur, mais rien d’autre n’a changé. Ce peut être aussi quelqu’un dans la communauté — fondateur, supérieur ou pseudo-maître spirituel quelconque qui met en place une relation comparable à celle qui a été imposée à Jeanne. L’histoire dit que le premier directeur de Jeanne était un « bon religieux ». Il est permis de le croire, il aura agi par sottise et non par malice, mais le résultat reste le même et Jeanne de Chantal a ressenti cette relation comme écrasante, parlant d’« une montagne sur son coeur ».

 

 

 

 

 No one has authority over conscience.

Personne n’a autorité sur la conscience.

 

 

   

The vow of obedience, by nature, cannot concern the spiritual life because it concerns actions and not the intimacy of the person. This makes it possible to pose a fundamental principle that allows no exceptions: no person has authority over the conscience of another, because if one claimed it, he would enter into rivalry with God. A text from the Second Vatican Council, taken up by the Catechism of the Catholic Church, offers us the reason:

Le voeu d’obéissance, par nature, ne peut pas concerner la vie spirituelle parce qu’il porte sur des actions et non sur l’intimité de la personne. Ceci permet de poser un principe fondamental qui ne supporte pas d’exceptions : aucune personne n’a autorité sur la conscience d’un autre, car s’il le prétendait il entrerait en rivalité avec Dieu. Un texte du concile Vatican II, repris par le Catéchisme de l’Église catholique, nous en donne la raison :

In the depths of his conscience, man discovers the presence of a law which he has not given himself, but which he is bound to obey. This voice that never ceases to urge him to love and to accomplish good and to avoid evil, resounds at the opportune moment in the intimacy of his heart [...]. It is a law inscribed by God in the heart of man.  Conscience is man’s innermost and most secret center, the sanctuary where he is alone with God and where his voice is heard.

Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son coeur [...]. C’est une loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre’.

[ Gaudium et Spes, no. 16, quoted in CCC, no. 1776.]

[Gaudium et Spes, n° 16, repris par CEC, n° 1776.]

That this law is inscribed in us comes from our creation in the image of God. Man is incapable of wanting evil for evil, because when he wants an objective evil, he wants it insofar as it appears to him to be good. Another incapacity, that of carrying out a conscious act 1 without reason, shows the fundamental orientation of conscience towards the truth.

Que cette loi soit inscrite en nous, cela vient de notre création à l’image de Dieu. L’homme est incapable de vouloir le mal pour le mal, car quand il veut un mal objectif, il le veut en tant qu’il lui apparaît comme un bien. Une autre incapacité, celle de poser un acte conscient1 sans raison, montre l’orientation fondamentale de la conscience vers le vrai.

[1 As opposed to automatic acts.]

[1Par opposition aux actes automatiques.]

 This represents the conscious outcropping of this mysterious law, the “spark of the soul” at the heart of this conscience where the image that we are is found in the presence of its model. Hence it comes that God alone has authority over the conscience, not as an external authority dictating his law, but as the source of being and very particularly of the free being that is man. Conscience therefore presents itself as the site of a fundamental relationship with God, which explains its inviolability.

 Ceci représente l’affleurement conscient de cette loi mystérieuse, « étincelle de l’âme » au coeur de cette conscience où l’image que nous sommes se trouve en présence de son modèle. De là vient que Dieu seul a autorité sur la conscience, non en tant qu’autorité extérieure dictant sa loi, mais en tant que source de l’être et très particulièrement de l’être libre qu’est l’homme. La conscience se présente donc comme le lieu d’une relation fondamentale avec Dieu, ce qui explique son inviolabilité.

No human authority has the right to interfere in anyone’s conscience. Conscience is the witness of the transcendence of the person, even in the face of society, and as such it is inviolable. [...] To deny a person full freedom of conscience, and in particular the freedom to seek the truth, or to attempt to impose on him a particular way of understanding the truth, this goes against his most intimate right.

[John Paul II, “Message for the Day of Peace”, La Documentation catholique, n° 2020, January 20, 1991, p. 54]

Aucune autorité humaine n’a le droit d’intervenir dans la conscience de quiconque. La conscience est le témoin de la transcendance de la personne, même en face de la société, et, comme telle, elle est inviolable. [...] Nier à une personne la pleine liberté de conscience, et notamment la liberté de chercher la vérité, ou tenter de lui imposer une façon particulière de comprendre la vérité, cela va contre son droit le plus intimez. [JEAN-PAUL II, « Message pour la Journée de la Paix », La Documentation catholique, n° 2020, 20 janvier 1991, p. 54]

It does not follow from this that conscience is an infallible oracle. The pervert also has a conscience which does not reproach him for anything because he has deformed or stifled it. We must therefore follow our conscience, but also ask ourselves: what is it? That of a saint, or that of a convicted sinner?

Il ne s’ensuit pas de là que la conscience soit un oracle infaillible. Le pervers aussi a une conscience qui ne lui reproche rien parce qu’il l’a déformée ou étouffée. Il faut donc suivre sa conscience, mais aussi se demander : quelle est-elle ? Celle d’un saint, ou celle d’un pécheur convaincu ?

It is therefore not enough to say to man: always obey your conscience. It is necessary to add immediately: ask yourself if your conscience is telling the truth or the false, and seek, without tiring, to know the truth.

 [John Paul II, General Audience of August 17, 1983, La Documentation catholique, no. 1860, October 16, 1983, p. 937]

Il ne suffit donc pas de dire à l’homme : obéis toujours à ta conscience. Il est nécessaire d’ajouter immédiatement : demande-toi si ta conscience dit le vrai ou le faux, et cherche, sans te lasser, à connaître la vérités. [JEAN-PAUL II, Audience générale du 17 août 1983, La Documentation catholique, n° 1860, 16 octobre 1983, p. 937]

In a short article, Father Servais Pinckaers explains the little-known distinction between conscience and that light of conscience which has been given the names of synderesis, the spark of conscience, and the spark of the soul.

Dans un court article, le père Servais Pinckaers explique la distinction mal connue entre la conscience et cette lumière de la conscience, qui a reçu les noms de syndérèse, étincelle de la conscience, étincelle de l’âme.

Synderesis is a direct participation in the light of God, radiating in us who are created in his image. The conscience it illuminates will therefore be the reflection of the light of God in our judgments of action. [...]. Synderesis is the light of first principles about good and evil; conscience puts these principles into application with the help of reasoning, by reflection, research and deliberation on our acts according to their matter, their end and their circumstances; it leads to a judgment on the quality of acts, to be done or already done, which is expressed in the form of obligation, prohibition or remorse. [...] As a result of ignorance, for which one can be responsible at least through negligence, it will happen that one considers good in conscience what is not good or bad what is good or indifferent, as, for Christians to eat meat offered to idols.

[S. Pincikaers, “Conscience and error”, Communio, n° 109-5 — September-October 1993, p. 31-32. In line. See also CCC, n. 1778: “Moral conscience is a judgment of reason by which the human person recognizes the moral quality of a concrete act that he is about to perform. “]

La syndérèse est une participation directe à la lumière de Dieu, rayonnant en nous qui sommes créés à son image. La conscience qu’elle éclaire sera donc le reflet de la lumière de Dieu dans nos jugements d’action. [...]. La syndérèse est la lumière des premiers principes sur le bien et sur le mal ; la conscience met ces principes en application à l’aide du raisonnement, par la réflexion, la recherche et la délibération sur nos actes selon leur matière, leur fin et leurs circonstances ; elle aboutit à un jugement sur la qualité des actes, à faire ou déjà faits, qui s’exprime sous la forme de l’obligation, de l’interdit ou dans le remords. [...] Par suite d’une ignorance, dont on peut être responsable au moins par négligence, il arrivera qu’on estime bon en conscience ce qui ne l’est pas, ou mauvais ce qui est bon ou indifférent, comme, pour des chrétiens, de manger de la viande offerte aux idoles’. [S. Pincikaers, « La conscience et l’erreur », Communio, n° 109-5 — septembre-octobre 1993, p. 31-32. En ligne. Voir aussi CEC, n° 1778 : « La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret qu’elle va poser. »]

The light that illumines conscience is unalterable, and “[Saint Thomas] believes that synderesis, understood as the original light on good and evil in the heart of man, cannot be wrong, nor sin, and that it cannot be extinguished”. [ibid. Pincikaers, p. 31] The judgment made by conscience is not infallible, because our limits, our ignorance, our laziness and our sins form a more or less opaque veil over the light. According to the beautiful expression of Father Pinckaers, conscience is therefore “a seeker of truth” and we could specify the truth of the good, a tireless seeker of true good. Investigator, not oracle.

La lumière qui éclaire la conscience est inaltérable, et « [saint Thomas] estime que la syndérèse, entendue comme la lumière originelle sur le bien et sur le mal dans le coeur de l’homme, ne peut pas se tromper, ni pécher, et qu’on ne peut l’éteindrez ». [Ibid. Pincikaers, p. 31 Le jugement que porte la conscience n’est pas infaillible, car nos limites, nos ignorances, nos paresses et nos péchés forment un voile plus ou moins opaque devant la lumière. Selon la belle expression du père Pinckaers, la conscience est donc « une chercheuse de la vérité » et on pourrait préciser de la vérité sur le bien, chercheuse inlassable du bien véritable. Chercheuse, non oracle.

But then why must one always obey one’s conscience, even if it is wrong? Enlightened by this mysterious law/light which connects it to the God who is all good, conscience cannot deliberately err when it says what it believes to be good. To deviate from it would therefore be to deliberately choose what one believes to be wrong’. [ Thomas Aquinas, Summa Theol., IaIIae, q. 19, a. 5]  Hence the importance of forming and refining one’s conscience, like unrefined gold that must be purified.

Mais alors pourquoi faut-il toujours obéir à sa conscience, même si elle se trompe ? Éclairée par cette mystérieuse loi/lumière qui la relie au Dieu qui est tout bien, la conscience ne peut pas se tromper délibérément, elle dit ce qu’elle croit bien. S’écarter d’elle, ce serait donc choisir délibérément ce que l’on croit mauvais’. [Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Iallœ, q. 19, a. 5] D’où l’importance de former et d’affiner sa conscience, comme le minerai d’or qui doit être purifié.

These considerations were necessary in order to better understand why no one can have authority over conscience. If a human authority wishes, even in the name of the good, to impose itself on the conscience of others, it then puts its own light above synderesis, which is impossible. The person under such pressure will find himself in conflict between two “divine” voices. Which should he follow? If he follows the outer voice that claims to speak to him in the name of God, he must quench that spark of the soul, that place of a mysterious but very intimate relationship with God. He [thus] actually ceases to act in a human way because he is no longer free and in control of his actions. But it is insofar as he is free and master of his actions that man is in the image of God. He who imposes himself on the conscience of another does not therefore treat him as a human being, whatever his good intentions.

Ces considérations étaient nécessaires pour mieux comprendre pourquoi personne ne peut avoir autorité sur la conscience. Si une autorité humaine veut, fût-ce au nom du bien, s’imposer à la conscience d’autrui, elle met alors sa propre lumière au-dessus de la syndérèse, ce qui est impossible. La personne qui subit une telle pression va se trouver en conflit entre deux voix « divines ». Laquelle doit-elle suivre ? Si elle suit la voix extérieure qui affirme lui parler au nom de Dieu, elle doit étouffer cette étincelle de l’âme, lieu d’un rapport mystérieux mais très intime avec Dieu. Elle cesse en fait d’agir humainement parce qu’elle n’est plus libre et maîtresse de ses actes. Or c’est en tant qu’il est libre et maître de ses actes que l’homme est à l’image de Dieu. Celui qui s’impose à la conscience d’autrui ne le traite donc pas comme un être humain, quelles que soient ses bonnes intentions.

No one can therefore impose himself — or be imposed — as spiritual director; and the freely-chosen spiritual guide cannot act with authority by issuing commands.

Personne ne peut donc s’imposer — ou être imposé —comme directeur spirituel, et l’accompagnateur spirituel librement choisi ne peut pas agir avec autorité en donnant des ordres.

There are two situations, similar to each other, that must however be distinguished. In the first, a Superior is imposed as a spiritual guide, either by rule or by himself. Legitimate authority, at the level of community life, is thus employed to deprive the person of the freedom of choice in spiritual accompaniment. In this case, it is a violation of the limits of obedience due to the Superior. It is not only necessary to consider an act of direct authority because the pressure can also be indirect - invitation, encouragement, reproach of lack of confidence, etc., which transmits the already known message: you are free, but if you do not, you are not a good monk. This case typically arises from confusion of the internal forum and the external forum; and respecting the separation of the forums, should normally avoid it.

Ces deux situations, proches l’une de l’autre, doivent cependant être distinguées. Dans la première, un Supérieur est imposé comme accompagnateur spirituel, soit par la règle, soit par lui-même. L’autorité, légitime au niveau de la vie de la communauté, est utilisée pour priver la personne de la liberté du choix de l’accompagnement spirituel. Dans ce cas, il s’agit d’une violation des limites de l’obéissance due au Supérieur. Il ne faut pas seulement considérer un acte d’autorité directe car la pression peut aussi être indirecte — invitation, encouragement, reproche de manque de confiance, etc., qui transmet le message déjà connu : tu es libre, mais si tu ne le fais pas, tu n’es pas un bon moine. Ce cas relève typiquement de la confusion du for interne et du for externe, et la séparation des fors, si elle est respectée, doit normalement l’éviter.

However, another situation exists, where the spiritual father acts within the relationship of spiritual accompaniment as if he had authority over conscience. In this case it is spiritual abuse, properly so-called; and whether or not he has authority in the external forum does not change anything.

Cependant, une autre situation existe, lorsque le père spirituel agit à l’intérieur de la relation d’accompagnement spirituel comme ayant autorité sur la conscience. Dans ce cas, il s’agit de l’abus spirituel proprement dit et qu’il ait ou non une autorité au for externe ne change rien.

What must be respected is therefore not primarily a difference of persons but a difference of relationships. The relationship of spiritual accompaniment differs completely from that of government, and the danger arises from the transposition in the relationship of spiritual accompaniment to a functioning relationship of authority. We used to speak of a director of conscience, which title was not without ambiguities and involved many abuses.

Ce qui doit être respecté n’est donc pas d’abord une différence de personne mais une différence de relation. La relation d’accompagnement spirituel diffère entièrement de celle de gouvernement et le danger vient de la transposition dans la relation d’accompagnement spirituel du fonctionnement d’une relation d’autorité. On parlait autrefois de directeur de conscience, ce qui n’allait pas sans ambiguïtés et comportait bien des abus.

 

 

 

 

 Collusion by the directee

Collaboration du dirigé

 

 

   

It can also happen that the directee colludes (collaborates) [with this abuse], Father Adrien Candiard writes clearly about this:

Il arrive aussi que le dirigé collabore, le père Adrien Candiard le dit de façon limpide :

“I am thinking in particular of young people, who may be wondering about their vocation, or in any case about the means of taking their Christian life seriously. Because very often, with the exception of the most mature among them, they request the abuse of conscience.. Struggling with confusing, often disturbing, questions they would apparently be very happy if an authoritative word fell to them from the sky, not to assist them in laboriously enlightening their conscience, but to replace it. But helping them does not mean acquiescing in this, but on the contrary helping them to set limits on it”.

Je pense en particulier aux jeunes, qui s’interrogent peut-être sur leur vocation, ou en tout cas sur le moyen de prendre au sérieux leur vie chrétienne. Parce que bien souvent, à l’exception des plus mûrs d’entre eux, l’abus de conscience, ils le demandent. Aux prises avec des questionnements vertigineux, souvent inquiétants, ils seraient apparemment très heureux qu’une parole d’autorité leur tombe du ciel non pour les aider à éclairer laborieusement leur conscience, mais pour la remplacer. Or les aider, ce n’est pas se couler dans cette demande, mais au contraire les aider à y poser des limites’.

[Conference by Father Adrien Candiard, at the General Assembly of CORREF, in Lourdes, November 13, 2018, on the theme: “We must not mix power and spiritual accompaniment. “]

[Conférence du père Adrien Candiard, à l’Assemblée générale de la CORREF, à Lourdes, le 13 novembre 2018, sur le thème : « Il ne faut pas mélanger pouvoir et accompagnement spirituel. »]

This important observation explains how abusive accompaniment can take place. Initially, it can be very well received and even bear fruit. Only later will the negative consequences appear.

Cette remarque importante explique comment un accompagnement abusif peut se mettre en place. Au départ, il peut être très bien reçu et même porter des fruits. Ce n’est que plus tard que les conséquences négatives apparaîtront.

 

 

 

 

 

 

 Second Theme: The requirement of total self-surrender

axe: L’exigence d’une remise totale de soi

 

 

   

When a relationship of authority has been established in [spiritual] accompaniment, it can be used to obtain total self-surrender.

Quand une relation d’autorité a été établie dans l’accompagnement, elle peut être utilisée pour obtenir une remise totale de soi.

Father X asked me to “submit” entirely to his person. I wrote down the following quote only minutes after hearing it from him: “I expect complete loyalty from a novice. Otherwise I cannot collaborate with a novice. What I tell you, you must accept without any inner contradiction. Recognize that I am for you, as master of novices, the representative of Christ. “I sense that you are loyal in your head, but not in your heart. There is still a resistance that you absolutely must overcome. “I ask that you totally change your heart and your mind. “Open to me without reservation. I don’t know you at all. Show yourself definitively to me as you are. “

Père X me demandait de me « soumettre » entièrement à sa personne. J’ai consigné par écrit la citation qui suit quelques minutes seulement après l’avoir entendue de lui : « J’attends d’un novice une loyauté totale. Sinon je ne peux pas collaborer avec un novice. Ce que je vous dis, vous devez l’accepter sans aucune contradiction intérieure. Reconnaissez que je suis pour vous, en tant que maître des novices, le représentant du Christ. » « Je sens que vous êtes loyal dans votre tête, mais pas dans votre coeur. Il y a encore une résistance que vous devez vaincre absolument. » « Je demande que vous changiez totalement votre coeur et votre esprit. » « Ouvrez-vous à moi sans réserve. Je ne vous connais pas du tout. Montrez-vous à moi enfin tel que vous êtes. »

What makes this abuse is its totality. It is normal to expect from a novice a certain openness of heart, as far as is possible for him, otherwise it is difficult to help him; but it is unacceptable to demand that it be total. The unreserved openness demanded by Father X is already an abuse in itself. Moreover, it is at the service of an unreserved submission, as if the master of novices were Christ in person. We are in the same realm as blind obedience, without conditions, without reflection - but this time at the level of the interior life. In the name of an alleged spiritual dispossession, nothing remains of what comprises the dignity of the human being, which the victims of such approaches expressed in the quotes reported above: I do not exist anymore. We exist so little. Everything that makes me myself before God is in someone else’s hands. Pushed far enough, we end up with what is called “control” which completes the ruin of freedom.

Ce qui crée l’abus est la totalité. Il est normal qu’on attende d’un novice une certaine ouverture du coeur, dans la mesure possible pour lui, sinon il est difficile de l’aider, mais il est inacceptable d’exiger qu’elle soit totale. L’ouverture sans réserve demandée par le père X est déjà un abus en soi. De plus, elle est au service d’une soumission sans réserve, comme si le maître des novices était le Christ en personne. Nous sommes sur le même registre que l’obéissance aveugle, sans conditions, sans réflexion, mais cette fois au niveau de la vie intérieure. Au nom d’un prétendu dépouillement spirituel, plus rien ne reste de ce qui fait la dignité de l’être humain, ce que les victimes de telles approches exprimaient dans les citations rapportées plus haut : Je n’existe plus. On existe si peu. Tout ce qui fait que je suis moi, devant Dieu, est entre les mains d’un autre. Poussé suffisamment loin, on aboutit à ce qu’on appelle l’« emprise » qui achève de ruiner la liberté.

But this does not appear immediately because in the beginning real fruits can arise from it:

Mais ceci n’apparaît pas tout de suite car au commencement de vrais fruits peuvent en sortir :

In the beginning the transparency of thoughts really helped me. But what I didn’t like was this “obligation” of transparency, that we weren’t free, that we were made to feel guilty and made ourselves feel guilty if we didn’t say everything. There was too much pressure for the sister to “change”, for her to be “transformed”; the opening of the heart was sometimes instrumentalized to achieve this “efficient”, “rapid” result... By exerting this kind of pressure, we achieve the opposite result. It was in these moments that I felt violated in my intimacy — when the knowledge of my intimate life was used to “shape” me, to change, to transform...

Au début la transparence des pensées m’aidait vraiment. Mais ce que je n’aimais pas, c’était cette « obligation » de transparence, qu’on n’était pas libre, qu’on était culpabilisée et on se culpabilisait si on ne disait pas tout. Il y avait trop de pression pour que la soeur « change », qu’elle soit « transformée », l’ouverture du coeur était parfois instrumentalisée pour parvenir à ce résultat « efficace », « rapide »... En faisant ce genre de pression, on arrive au résultat contraire. C’est en ces moments que je me sentais violée dans mon intimité — quand on utilisait la connaissance de ma vie intime pour me « modeler », changer, transformer...

This text highlights how the opening can be used for something else. The beautiful experience of the beginning, that of a certain discovery of the inner world, little known until then, gradually turns into the control of life. The tipping point is manifested by a shift in the center of gravity. Healthy openness is only the opportunity for those who open up to discover the riches and the folds of their inner world.

Ce texte souligne comment l’ouverture peut être utilisée pour autre chose. La belle expérience du commencement, celle d’une certaine découverte du monde intérieur mal connu jusqu’alors, tourne progressivement au contrôle de la vie. Le point de basculement est manifesté par un déplacement du centre de gravité. L’ouverture saine n’est que l’occasion pour celui qui s’ouvre de découvrir les richesses et les replis de son monde intérieur.

Everything remains at his service, for his own use, not for that of the listener. But when the latter begins to use what he has heard to undertake to act on the other, everything changes, because the center of gravity has shifted: the openness is now put at the service of the action of an outside person.

Tout reste à son service, pour sa propre utilité, non pour celle de celui ou celle qui écoute. Mais lorsque ce dernier commence à utiliser ce qu’il a entendu pour entreprendre d’agir sur l’autre, tout change, car le centre de gravité s’est décalé : l’ouverture est maintenant mise au service de l’action d’une personne extérieure.

Even though she may have the best intention in the world, she is using the other's inner world, which can be compared in this case to rape. And if the intention of the action is to fit the person who is opening up into the mold of official thought or spirituality, the feeling of violation of conscience worsens because the center of gravity has completely shifted.  The listener is no longer at the service of the person who opens up to him; he has put her if not at his service, at least at the service of what he represents. The inversion is complete.

Même si elle a la meilleure volonté du monde, elle est en train d’utiliser le monde intérieur de l’autre, ce qui peut être comparé ici à un viol. Et si l’intention de l’action est de faire entrer la personne qui s’ouvre dans le moule de la pensée ou de la spiritualité officielle, le sentiment de violation de la conscience s’aggrave, car le centre de gravité a totalement basculé. L’écoutant n’est plus au service de la personne qui s’ouvre à lui, il l’a mise sinon à son service, du moins au service de ce qu’il représente. L’inversion est complète.

 

 

 

 

 Third Theme: Spiritual doctrine

3e axe : La doctrine spirituelle

 

 

   

Father Adrien Candiard noted above, “abuse of conscience - they demand it”. It can also be the spirituality of the house or of the institute that requires it.

Le père Adrien Candiard notait plus haut, « l’abus de conscience, ils le demandent ». Cela peut aussi être la spiritualité de la maison ou de l’institut qui le demande.

If the prevailing spirituality insists too much on the will of God about everything, the confusion between the will of the Superior and the will of God is almost certain. If I ask God whether I should wear a sweater today or not, He will certainly not answer me. Also, if the prevailing thought is that the will of God must be sought in everything, this will inevitably be said by the voice of the Superiors -  what other conclusion can there be? The italics mean that this so -called will of God is not one, because God is not an over-protective mother who tells me at every step what to do; and He has absolutely no will regarding whether I put on a sweater or not: [rather,] he gave me intelligence in order to find the answer to these kinds of questions myself. This pointillist approach to the will of God is very infantilizing, since it never leaves space for the exercise of freedom and responsibility. The heart of the abuse is there: God’s will for you comes to you from outside and you have to submit to everything that is asked of you, like a child.

Si la spiritualité ambiante insiste trop sur la volonté de Dieu à propos de tout, la confusion entre la volonté du Supérieur et la volonté de Dieu est presque certaine. Si je demande à Dieu si je dois mettre un pull ou non aujourd’hui, il ne va certainement pas me répondre. Aussi, si la pensée ambiante est qu’il faut chercher en tout la volonté de Dieu, celle-ci sera fatalement dite par la voix des Supérieurs, quelle autre solution ? Les italiques signifient que cette prétendue volonté de Dieu n’en est pas une, parce que Dieu n’est pas une mère sur-protectrice qui me dit à chaque pas ce que je dois faire et qu’il n’a strictement aucune volonté sur le fait que je mette un pull ou non, il m’a donné une intelligence pour trouver moi-même la réponse à ce genre de questions. Cette approche pointilliste de la volonté de Dieu est très infantilisante, puisqu’elle ne laisse jamais d’espace pour exercer la liberté et la responsabilité. Le coeur de l’abus se situe là : la volonté de Dieu sur toi te vient de l’extérieur et tu dois te soumettre à tout ce qui t’est demandé, comme un enfant.

From there, anything and everything can be requested and the degree of abuse will depend on the content. The common point is that the accompanied person has been dispossessed of the responsibility for his life, both human and spiritual.

À partir de là, tout et n’importe quoi peut être demandé et le degré de l’abus dépendra du contenu. Le point commun est que la personne accompagnée a été dépossédée de la responsabilité de sa vie, aussi bien humaine que spirituelle.

As long as the danger comes from a person — a reckless or dangerous spiritual father — we can speak of spiritual abuse but not of sectarian aberration [i.e. the community degenerating into a “sect”]. The superior should be able to realize the danger, and all the people around are likely to enlighten the victim, if only he manages to speak, despite the secrecy that the director will seek to impose on him under various pretexts.

Tant que le danger vient d’une personne — un père spirituel imprudent ou dangereux —, on peut parler d’abus spirituel mais non de dérive sectaire. Le supérieur devrait pouvoir se rendre compte du danger, et toutes les personnes autour sont susceptibles d’éclairer la victime, si seulement elle arrive à parler, malgré le secret que le directeur cherchera à lui imposer sous divers prétextes.

If, on the other hand, the dangerous approach is no longer just one person’s act but has become the culture that permeates the community, or at least its superiors, all questioning will be nipped in the bud because it is very difficult to be right in opposition to everyone. The internal immune system no longer works and only external intervention can have an influence.

Si, en revanche, l’approche dangereuse n’est plus seulement le fait d’une personne mais est devenue la culture qui imprègne la communauté, ou du moins ses supérieurs, tout questionnement sera étouffé dans l’oeuf parce qu’il est très difficile d’avoir raison contre tout le monde. Le système immunitaire interne ne fonctionne plus et seule une intervention extérieure pourra avoir une influence.

 

 

 

 

 Name the evil more accurately

Nommer le mal de façon plus exacte

 

 

   

Spiritual abuse is a terrible evil and an absolute contradiction to the ideal of religious life. It is essential to be aware of this danger in order to better avoid it. To this end a more precise vocabulary, more in keeping with the importance of what is at stake, seems necessary. The expression “spiritual abuse” designates the evil itself and therefore helps to better understand what is happening than the expression “confusion of the internal forum and the external forum” which only designates a possible cause.

L’abus spirituel est un mal redoutable et une contradiction absolue avec l’idéal de la vie religieuse. H est indispensable de prendre conscience du danger pour pouvoir mieux l’éviter. Dans ce but, un vocabulaire plus exact et plus en rapport avec l’importance de ce qui se joue semble nécessaire. L’expression « abus spirituel » désigne le mal lui-même et aide donc à mieux comprendre ce qui se passe que l’expression « confusion du for interne et du for externe » qui désigne seulement une cause possible’.

[Far from our intention to diminish the importance of the separation of the internal forum and the external forum, this precaution is essential to avoid abuses, but it is in itself a method and we need a an expression which designates the evil itself.]

[Loin de nous l’intention de diminuer l’importance de la séparation du for interne et du for externe, cette précaution est indispensable pour éviter les abus, mais il s’agit en soi d’une méthode et nous avons besoin d’une expression qui désigne le mal lui-même.]

Jacques Poujol gives several definitions which provide a helpful synthesis.

Jacques Poujol donne plusieurs définitions qui forment une bonne synthèse.

Behind these words [spiritual abuse] looms a reality of suffering, misunderstanding and deep wounds for those who have suffered it. [...] Spiritual abuse can be defined as a spiritual and psychological mistreatment inflicted on a person, which has the effect of weakening or even destroying him and making him psychologically and spiritually dependent. [...] There is spiritual abuse when someone (pastor, priest, shepherd or any other Christian leader in a prayer group, a community, a parish) uses his position of authority to control or dominate one or more people. [...] There is also spiritual abuse when a Christian leader uses others to satisfy some of his own psychological or emotional needs or the needs of the institution he leads. [...] Spiritual abuse is an abuse of authority which is further aggravated by the use of divine authority to dominate a person or persons’.

[J. Poujol, Spiritual abuse, Freeing oneself from the influence, Paris, Current copyright, 2015, p. 9-12.]

Derrière ces mots [abus spirituel] se profile une réalité de souffrance, d’incompréhension et de blessures profondes pour ceux qui l’ont subi. [...] L’abus spirituel peut se définir comme un mauvais traitement spirituel et psychologique infligé à une personne, qui a pour conséquence de l’affaiblir voire de la détruire et de la rendre dépendante tant psychologiquement que spirituellement. [...] Il y a abus spirituel lorsque quelqu’un (pasteur, prêtre, berger ou tout autre dirigeant chrétien dans un groupe de prière, une communauté, une paroisse) met à profit sa position d’autorité pour contrôler ou dominer une ou plusieurs personnes. [...] Il y a aussi abus spirituel lorsqu’un responsable chrétien se sert d’autrui pour satisfaire certains de ses propres besoins psychologiques ou émotionnels ou les besoins de l’institution qu’il dirige. [...] L’abus spirituel est un abus d’autorité qui est encore aggravé par l’utilisation de l’autorité divine en vue de dominer une ou des personnes’. [J. Poujol, Abus spirituel, S’affranchir de l’emprise, Paris, Empreinte temps présent, 2015, p. 9-12.]

 

 

 

 

 THE DISFIGURED IMAGE OF GOD

L’IMAGE DE DIEU DÉFIGURÉE

 

 

   

This misuse of divine authority has a dramatic consequence. All the consecrated had embarked on this life with a great love at the bottom of their hearts; and very fortunately, in normal cases, this love will find all the space necessary to blossom. But for those who have come across an Institute where they have found themselves oppressed, it is quite different. In the letters of those who managed to leave, we regularly find a painful expression: I don’t know how to pray anymore, I can’t pray anymore. The relationship with God is broken. Sometimes totally, in those who go so far as to lose faith, more often in a painful way: the desire for God is still there, but his image has been so disfigured that the relationship is no longer possible.

Cette utilisation abusive de l’autorité divine a une conséquence dramatique. Tous les consacrés s’étaient lancés dans cette vie avec un grand amour au fond du coeur et bien heureusement, dans les cas normaux, cet amour trouvera tout l’espace nécessaire pour s’épanouir. Mais pour ceux et celles qui sont tombés sur un Institut où ils se sont trouvés oppressés, il en va tout autrement. Dans les lettres de ceux qui ont réussi à sortir, on trouve régulièrement une expression qui fait mal : Je ne sais plus prier, je ne peux plus prier. La relation avec Dieu est rompue. Parfois totalement, chez ceux qui vont jusqu’à perdre la foi, plus souvent d’une façon douloureuse : le désir de Dieu est toujours là, mais son image a été si défigurée que la relation n’est plus possible.

Jacques Poujol describes this erroneous and twisted image of God:

Jacques Poujol décrit cette image de Dieu erronée et tordue :

The victim perceives Him as demanding, unpredictable, never satisfied, severe, ready to punish or humiliate, a tyrant-God who sets unattainable goals and operates on a give-and-take basis. She imagines that God’s Spirit withdraws at the slightest of her sins, like a spiritual alarm signal that can go off as soon as she has a bad thought. She doubts that God is her advocate and sees him instead as her accuser. [ Ibid., Poujol p. 72]

La victime le perçoit comme un être exigeant, imprévisible, jamais satisfait, sévère, prêt à la punir ou à l’humilier, un Dieu-tyran qui fixe des objectifs inaccessibles et fonctionne sur le mode donnant-donnant. Elle s’imagine que son Esprit se retire au moindre de ses péchés, comme un signal d’alarme spirituel pouvant se déclencher dès qu’elle a une mauvaise pensée. Elle doute que Dieu soit son avocat et le voit plutôt comme son accusateur’. [Ibid., Poujol p. 72.

This last remark is confirmed by the painful remark of a witness: For me, God had become: “The eye was in the tomb and stared at Cain”. [You have to read V. Hugo’s terrible poem “ La conscience” to understand the dramatic force of this remark.]

Cette dernière remarque est confirmée par la douloureuse remarque d’un témoin : Pour moi, Dieu était devenu : « L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn’. » [Il faut lire le terrible poème de V. Hugo « La conscience » pour comprendre la force dramatique de cette remarque.]

The drama comes from the sacralization of the word and even the action of authority, presented as representing God in the strict sense. If any word of superiors is allegedly the word of God, if any will of superiors is allegedly the will of God, in a general context of abuse, God himself is perceived as the abuser. The image may vary, from the overprotective mother who does not want to let the child grow up but keeps him dependent because she wants him for herself, to the perverse God who takes pleasure in humiliating and annihilating his creature, or again the irresponsible despot who plays with men according to his whims. The culture of lies is often the ultimate scandal. If these people who speak in the name of God lie like this, what credit can we give to the God they represent?

Le drame vient de la sacralisation de la parole et même de l’agir de l’autorité, présentées comme représentant Dieu au sens strict. Si toute parole des supérieurs est prétendue parole de Dieu, si toute volonté des supérieurs est prétendue volonté de Dieu, dans un contexte général d’abus, Dieu lui-même est perçu comme l’abuseur. L’image pourra varier, depuis la mère surprotectrice qui ne veut pas laisser l’enfant grandir mais le maintient dans la dépendance parce qu’elle le veut pour elle, jusqu’au Dieu pervers qui prend plaisir à humilier et anéantir sa créature, ou encore le despote irresponsable qui joue avec les hommes au gré de ses fantaisies. La culture du mensonge représente souvent l’ultime scandale. Si ces personnes qui parlent au nom de Dieu mentent ainsi, quel crédit accorder au Dieu qu’elles représentent ?

This distortion of the image of God is further supported by the fact that in all these situations, from the lightest to the most serious, the argument continues to be based on Scripture, the Gospel, Saint Paul, the great mysteries, the image of God. Even sexual abuse exploits the greatest mysteries of faith to justify itself. The harm done to people is then no longer just psychological but spiritual. Some will retain a genuine aversion towards certain realities of the faith, even towards God, at least the God who was presented to them.

Cette déformation de l’image de Dieu est encore appuyée par le fait que, dans toutes ces situations, de la plus légère à la plus grave, l’argumentation continue à s’appuyer sur l’Écriture, l’Évangile, saint Paul, les grands mystères, l’image de Dieu. Même les abus sexuels exploitent les plus grands mystères de la foi pour se justifier. Le mal fait aux personnes n’est alors plus seulement psychologique mais spirituel. Certaines garderont une aversion véritable envers certaines réalités de la foi, voire envers Dieu, du moins le Dieu qu’on leur a présenté.

And they will be right, because to believe in a perverse God would be to offend God.

Et elles auront raison, car croire en un Dieu pervers serait offenser Dieu.

Believing in Jesus Christ is inherently good and necessary for salvation; but the will moves there only on the proposition of reason. Therefore, if this faith is presented as evil by reason, in such a case to adhere to such a faith would be to adhere to evil*.

Croire en Jésus Christ est bon par soi et nécessaire au salut ; mais la volonté ne s’y porte que sur la proposition de la raison. Donc, si cette foi est présentée comme un mal par la raison, dans un tel cas adhérer à une telle foi serait adhérer au mal’.

[*The quote is from Thomas Aquinas. The text, somewhat difficult for the modern reader, has been paraphrased. Literally it reads. “Believing in Jesus Christ is inherently good and necessary for salvation; but the will moves there only on the proposition of reason. Therefore, if this faith is presented as an evil by reason, the will will move towards it as an evil, not that it is bad in itself, but only by accident, according to the idea that reason is made of it”, Sum.Theol.IaIIae q. 19, a. 5]

[La citation est de THOMAS D’AQUIN. Le texte, un peu difficile pour le lecteur moderne, a été paraphrasé. Le voici littéralement. « Croire en Jésus Christ est bon par soi et nécessaire au salut ; mais la volonté ne s’y porte que sur la proposition de la raison. Donc, si cette foi est présentée comme un mal par la raison, la volonté s’y portera comme vers un mal, non qu’elle soit mauvaise par soi, mais seulement par accident, d’après l’idée que la raison s’en est faite », Somme de théologie, IaIIae q. 19, a. 5]

This is the case when the image of God has been so disfigured that it no longer has anything to do with Him.

C’est bien le cas lorsque l’image de Dieu a été à ce point défigurée qu’elle n’a plus rien avoir avec lui.

Victims must therefore be reassured. What they reject is only an idol, and the rejection of idols is part of the honor due to God. The wounds are so deep, however, that it is uncertain whether they will ever be able to overcome their aversion on which reason itself has no hold. But God knows and understands, and He knows that it is ultimately Him they desire when they aspire to good, to truth, to respect.

Les victimes devront donc être rassurées. Ce qu’elles rejettent n’est qu’une idole, et le rejet des idoles fait partie de l’honneur dû à Dieu. Les marques sont toutefois si profondes qu’il n’est pas certain qu’elles puissent jamais surmonter leur aversion sur laquelle la raison elle-même n’a pas de prise. Mais Dieu sait et comprend, et il sait que c’est finalement lui qu’elles désirent quand elles aspirent au bien, au vrai, au respect.

 

 

 

 

 PRECAUTIONS TO BE TAKEN

LES PRÉCAUTIONS À PRENDRE

 

 

   

The witness quoted above about forced transparency continues:

Le témoin cité plus haut à propos de la transparence forcée continue :

After my release I also experienced transparency in an accompaniment, but I experienced it as very positive for three reasons:

Après ma sortie j’ai fait aussi l’expérience de transparence dans un accompagnement, mais je l’ai vécu très bien pour trois raisons :

1. my freedom was total all the time. If I wanted to I could say nothing. I just said what I wanted without ever hurting myself. And with regard to what I didn’t want to say, even though it might be important, I didn’t force myself.

1. ma liberté était totale tout le temps. Je pouvais ne rien dire si je le voulais ainsi. Je disais juste ce que je voulais sans jamais me faire violence. Et pour ce que je ne voulais pas dire, même si cela pouvait être important, je ne me forçais pas.

2. the person receiving my confidences had no other authority over me;

2.la personne recevant mes confidences n’avait aucune autre autorité sur moi ;

3. the person receiving my confidences was very discreet and delicate, wise and prudent, detached from any desire to seize power and control.

3.la personne recevant mes confidences était d’une très grande discrétion et délicatesse, sagesse et prudence, détachée de tout désir de prise de pouvoir et contrôle.

These few lines, the fruit of an experience and above all of a meeting with a guide who gave a true testimony of divine goodness, offer us most of the major essential themes. Regarding the last sentence, does not one of the most surprising aspects of the spiritual life consist in discovering more and more how our God, while being our creator, is, vis-à-vis us, detached from any desire for power and control?

Ces quelques lignes, fruit d’une expérience et surtout d’une rencontre avec un accompagnateur qui donnait un véritable témoignage de la bonté divine, nous donnent la plupart des grands axes indispensables. À propos de la dernière phrase, un des aspects les plus surprenants de la vie spirituelle ne consiste-t-il pas à découvrir toujours davantage à quel point notre Dieu, tout en étant notre créateur, est, vis-à-vis de nous, détaché de tout désir de prise de pouvoir et de contrôle ?

 

 

 

 

 Ensuring Liberty: Canon 630 of the 1983 Code

Assurer la liberté : le canon 630 du Code de 1983

 

 

   

The wisdom of the Church has already been exercised on the subject of spiritual abuse. In the nineteenth century, the inopportune imitation of the “manifestation of conscience” by the Jesuits in new congregations had led to abuses. Rome reacted strongly with the Quemadmodum decree of December 17, 1890. The Code of Canon Law of 1917 took up the question again in its canon 530. The Code of Canon Law of 1983 further refined the question in its canon 630.

La sagesse de l’Église s’est déjà exercée sur le sujet de l’abus spirituel. Au xixe siècle, l’imitation inopportune du « compte de conscience » des jésuites dans des congrégations nouvelles avait conduit à des abus. Rome réagit fortement par le décret Quemad-modum du 17 décembre 1890. Le Code de Droit Canonique de 1917 reprit la question dans son canon 530. Le Code de Droit Canonique de 1983 affina encore la question dans son canon 630.

This canon firmly assures the freedom to which the accompanied person is entitled:

[1] freedom to choose the confessor and the spiritual father,

[2] freedom of openness to Superiors.

This canon achieves a balanced position on a difficult question.

Ce canon assure fermement la liberté à laquelle a droit la personne accompagnée : liberté de choisir le confesseur et le père spirituel, liberté de l’ouverture aux Supérieurs. Ce canon trouve la position d’équilibre sur une question difficile.

§1. The Superiors will recognize in the members the freedom which is due to them with regard to the sacrament of penance and the direction of conscience, without prejudice to the discipline of the institute.

§1. Les Supérieurs reconnaîtront aux membres la liberté qui leur est due pour ce qui concerne le sacrement de pénitence et la direction de conscience, restant sauve la discipline de l’institut.

§2. The Superiors will take care, according to proper law, to place at the disposal of the members suitable confessors to whom they can confess frequently.

§2. Les Supérieurs veilleront, selon le droit propre, à mettre à la disposition des membres des confesseurs idoines auxquels ils puissent se confesser fréquemment.

§3. In monasteries of nuns, in houses of formation, and in the large lay communities, there will be ordinary confessors approved by the local Ordinary, the community having given its opinion, without there being any obligation to address them.

§3. Dans les monastères de moniales, dans les maisons de formation et dans les communautés laïques nombreuses, il y aura des confesseurs ordinaires approuvés par l’Ordinaire du lieu, la communauté ayant donné son avis, sans qu’il y ait pour autant obligation de s’adresser à eux.

§4. The Superiors will not hear their subjects’ confession, unless the latter ask them to do so spontaneously.

§4.  Les Supérieurs n’entendront pas leurs sujets en confession, à moins que ces derniers ne le leur demandent spontanément.

§5. The members will go with confidence to their Superiors to whom they will be able to open up freely and spontaneously. However, it is forbidden for Superiors to induce them in any way whatsoever to manifest their consciences to them.

§5. Les membres iront avec confiance à leurs Supérieurs auxquels ils pourront s’ouvrir librement et spontanément. Cependant il est interdit aux Supérieurs de les induire de quelque manière que ce soit à leur faire l’ouverture de leur conscience.

This canon is opposed to two excesses: that of obliging the members to take a superior as director of conscience, and that of reducing the superior to a purely external role. Freedom is affirmed in § 1. § 5 forbids Superiors “to induce in any way the opening of conscience”. The expression is strong and includes any form of pressure, however discreet. Confidence is recommended, openness to the superior is possible, provided that it is really free and spontaneous.

Ce canon s’oppose à deux excès : celui d’obliger les membres à prendre un Supérieur comme directeur de conscience, et celui de réduire le supérieur à un rôle purement extérieur. La liberté est affirmée au § 1. Le § 5 interdit aux Supérieurs « d’induire de quelque manière que ce soit à l’ouverture de la conscience ». L’expression est forte et inclut toute forme de pression, si discrète soit-elle. La confiance est recommandée, l’ouverture au supérieur est possible, à la condition qu’elle soit réellement libre et spontanée.

If the religious feels, however slightly, obligated to address a superior in order to manifest his conscience, the freedom demanded by the Church is no longer respected. It should be emphasized that this canon excludes that a rule can impose the superior as director of all. A very detailed article by Father Gonçalves, explains the genesis of this canon, since the decree of 18901 .

Si le religieux se sent, si peu que ce soit, obligé de s’adresser à un supérieur pour l’ouverture de conscience, la liberté demandée par l’Église n’est plus respectée. Il faut souligner que ce canon exclut qu’une règle puisse imposer le supérieur comme directeur de tous. Un article très fouillé du père Gonçalves, explique la genèse de ce canon, depuis le décret de 18901.

[ B. Gonçalves, Internal forum and authority. This lecture given at the Catholic Institute of Toulouse on April 27, 2015, is published in L.-M. le Bot (ed.), Authority and government in consecrated life. From religious orders to new forms of consecrated life, Langres, Les Presses Universitaires/Institut Catholique de Toulouse, 2017, p. 95-121. An abridged version can be found in Religious Life and Freedom, Appendix 2, p. 124 sec.]

[B. GONÇALVES, For interne et autorité. Cette conférence donnée à l’Institut catholique de Toulouse le 27 avril 2015, est publiée dans L.-M. LE BOT (éd.), Autorité et gouvernement dans la vie consacrée. Des ordres religieux aux nouvelles formes de vie consacrée, Langres, Les Presses Univer-sitaires/Institut catholique de Toulouse, 2017, p. 95-121. Une version abrégée se trouve dans Vie religieuse et liberté, Annexe 2, p. 124 s.]

The exception represented by the “Jesuit manifestation of conscience” is also explained there.

L’exception que représente le « compte de conscience des jésuites » y est également expliquée.

Freedom to choose also means freedom to leave. The direction of conscience is like the sacrament of penance. No one can force someone to stay with a spiritual director who does not suit him. As for the freedom of openness, it relates both to the person and to what one will choose to say or keep silent.

Liberté de choisir signifie aussi liberté de quitter. Il en va de la direction de conscience comme du sacrement de pénitence. Personne ne peut obliger quelqu’un à rester avec un directeur spirituel qui ne lui convient pas. Quant à la liberté de l’ouverture, elle porte à la fois sur la personne et sur ce que l’on choisira de dire ou de taire.

 

Accompagner de façon juste

 

 

 Accompaniment in a just way

 

 

 

   

The freedom of choice and the fair separation of forums offer a first level of protection against abuse. They are obviously not enough to ensure the quality of support. Some will have more talent than others; there is nothing abnormal in that. However, we must remain attentive to the concept of the accompanying relationship, which can be conceived in two ways. In the first, the director communicates with God and receives his word, which he transmits to the directee. The scheme is linear:

La liberté du choix et la juste séparation des fors offrent un premier niveau de protection contre les abus. Elles ne suffisent évidemment pas pour assurer la qualité de l’accompagnement. Les uns auront plus de talent que les autres, rien d’anormal à cela. Il faut cependant rester attentif à la conception de la relation d’accompagnement qui peut être conçue de deux manières. Dans la première le directeur communique avec Dieu et reçoit sa parole qu’il transmet au dirigé. Le schéma est linéaire :

God ↔ Director ↔ directee

Dieu ↔ Directeur ↔ dirigé

The director therefore serves as an intermediary in the relationship and in the decisions to be made. By his positioning he screens. It is as if the person being directed, not knowing how to hear the will of God, had recourse to the director who would be responsible for transmitting the requests and the answers. In reality, the director, not being transparent, also conveys a lot of himself. It’s not bad in itself, what’s problematic is that everything is declared divine, while much that is human is mixed in. This pattern does not favor the relationship between the led directee God, it provides fertile ground for deep abuse. In serious cases the director makes a complete screen and while using witty formulas, drawing everything back to himself, sometimes resulting even in sexual abuse.

Le directeur sert donc d’intermédiaire dans la relation et dans les décisions à prendre. Par son positionnement il fait écran. Tout se passe comme si le dirigé ne sachant pas entendre la volonté de Dieu recourait au directeur qui va se charger de transmettre les demandes et les réponses. En réalité, le directeur n’étant pas transparent, transmet aussi beaucoup de lui-même. Ce n’est pas un mal en soi, ce qui est mauvais est que tout soit déclaré divin, alors que beaucoup d’humain s’y mêle. Ce schéma ne favorise pas la relation entre le dirigé et Dieu, il présente un terrain favorable pour l’abus profond. Dans les cas graves, le directeur fait totalement écran et tout en employant des formules spirituelles, ramène tout à lui-même, parfois jusqu’à l’abus sexuel.

   God    ←−−−−−−−−−−−−−−↑

     ↕                               ↓

accompanied [person] ↔ companion

  Dieu   ←−−−−−−−−↑

     ↕                           ↓

accompagné  ↔ accompagnateur

In the second conception, the relation is triangular, and this triangle is not symmetrical. The privileged relationship is that between God and the person accompanied. The guide, who is no longer the director, stands by, like the friend of the bridegroom, according to the words of Saint John the Baptist: “He to whom the bride belongs is the bridegroom; as for the best man, he stands there, he hears the voice of the bridegroom, and he is very happy. Such is my joy: it is perfect. Him -  He must increase and I must decrease” (Jn 3, 29-30).

Dans la deuxième conception, la relation est triangulaire, et ce triangle n’est pas symétrique. La relation privilégiée est celle entre Dieu et l’accompagné. L’accompagnateur, qui n’est plus directeur, se tient à côté, comme l’ami de l’époux, selon la parole de saint Jean-Baptiste : « Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3, 29-30).

The companion finds himself in relationship with God, through his spiritual life, which gives him an experience that will allow him to help the accompanied, who is still hesitant on this path. He also has a relationship with the one he accompanies, but it does not screen. His mission is not to give orders but to encourage when the path seems dark or arid, to confirm the intuitions of the accompanied when he does not dare to truly believe them, to reassure when he is a little lost. .

L’accompagnateur se trouve en relation avec Dieu, par sa vie spirituelle, ce qui lui donne une expérience qui va lui permettre d’aider l’accompagné, encore hésitant sur ce chemin. Il a aussi une relation avec celui/ celle qu’il accompagne, mais il ne fait pas écran. Sa mission n’est pas de donner des ordres mais d’encourager quand le chemin semble obscur ou aride, de confirmer les intuitions de l’accompagné, quand il n’ose pas trop y croire, de rassurer lorsqu’il est un peu perdu.

All the difference lies in a very small parenthesis:

Toute la différence tient dans une toute petite parenthèse :

It is possible, even if you are a good person with the best intentions in the world, to do much, much harm. This is always the case when we confuse priorities. The priority, the only one, is that the person who confides in me in one way or another, grows in freedom. May she love God more freely, may she listen to the voice of the Holy Spirit who speaks to her (and not to me) 1 .

[Conference by Father A. Candiard at CORREF.]

Il est possible, quand on est quelqu’un de bien, avec les meilleures intentions du monde, de faire beaucoup, beaucoup de mal. C’est toujours le cas quand on confond les priorités. La priorité, la seule, c’est que la personne qui se confie à moi d’une façon ou d’une autre, grandisse en liberté. Qu’elle aime Dieu plus librement, qu’elle écoute la voix de l’Esprit saint qui s’adresse à elle (et pas à moi)1.[Conférence du père A. CANDIARD à la CORREF.]

And not to me, such is the key to this second approach in which the guide truly believes that the Holy Spirit, the Spirit of Jesus, speaks primarily to the accompanied person, and also to the guide who ‘he will enlighten with his gifts, but without transforming him into an intermediary who would act as a screen.

Et pas à moi, telle est la clef de cette deuxième approche dans laquelle l’accompagnateur croit vraiment que l’Esprit-Saint, l’Esprit de Jésus, s’adresse en priorité à la personne accompagnée, et aussi à l’accompagnateur qu’il va éclairer par ses dons, mais sans le transformer en intermédiaire qui ferait écran.

 

 

 

 

 The Temptations of the Director of Souls

Les tentations du directeur d’âme

 

 

   

It goes without saying that these two approaches are not clear-cut and that all the intermediaries between the two exist. Knowing them can help everyone to examine if his way of proceeding makes souls grow in the freedom of their relationship with God, if it comes to support the action of the Holy Spirit by leaving him all the room and all the initiative. Several temptations, more or less serious, threaten the one who considers himself a director.

Il va de soi que ces deux approches ne sont pas tranchées et que tous les intermédiaires entre les deux existent. Les connaître peut aider chacun à examiner si sa manière de procéder fait grandir les âmes dans la liberté de leur relation à Dieu, si elle vient seconder l’action de l’Esprit-Saint en lui laissant toute la place et toute l’initiative. Plusieurs tentations, plus ou moins graves, menacent celui qui se considère comme directeur.

 

 

 

 

 Efficiency

L’efficacité

 

 

   

The trouble is that when I receive [the person who confides in me], I want to be efficient. I want to solve his problem, because I am a problem solver. With me, it does not go slowly. We know, however, that the Holy Spirit often takes his time, and that an authentic spiritual life, precisely, drags on — or at least, it never follows the rhythms of growth planned in advance. I don’t always have the patience it takes. I’m afraid that people will judge me negatively, since I don’t solve the problem. The temptation is then strong to jump with my big boots into the conscience that opens to me, to straighten out the problem myself, especially when I see clearly what ought to be done. It would be so easy to force his hand, for his own good! I believe that the diabolical mechanism par excellence is that of the shortcut: you can reach your goal faster if you tinker a bit a little with the meansi ...

 [ibid., Lecture by Father A. Candiard at CORREF.]

L’ennui, c’est que moi, quand je reçois [la personne qui se confie à moi], je veux être efficace. Je veux régler son problème, parce que je suis quelqu’un qui règle les problèmes. Avec moi, ça ne traîne pas. On sait pourtant que l’Esprit Saint prend souvent son temps, et qu’une vie spirituelle authentique, précisément, ça traîne — ou du moins, ça ne suit jamais les rythmes de croissance planifiés à l’avance. Je n’ai pas toujours la patience qu’il faut. J’ai peur qu’on me juge mauvais, puisque je ne règle pas le problème. Grande est alors la tentation de pénétrer avec mes gros sabots dans la conscience qui s’ouvre à moi, pour régler le problème moi-même, surtout quand je vois bien ce qu’il faudrait faire. Il serait si facile de lui forcer la main, pour son bien ! Je crois que le mécanisme diabolique par excellence, c’est celui du raccourci : tu peux atteindre ton objectif plus vite, si tu t’arranges un peu sur les moyensi... .

[ibid., Conférence du père A. CANDIARD à la CORREF.]

 

 

 

 

 The prophet - director

Le directeur-prophète

 

 

   

The prophet-director behaves like an oracle transmitting the divine word and to whom nothing can therefore be objected. A Dominican father rightly wrote:

Le directeur prophète se comporte comme un oracle transmettant la parole divine et à qui on ne peut donc rien objecter. Un père dominicain écrivait justement’ :

  [ This quote has been slightly edited for reasons of discretion.]

  [La citation a été légèrement retouchée pour des raisons de discrétion.]

I cannot help remembering what was often said at the beginning of the Renewal: “The Holy Spirit tells me that” or “tells you that”. One day, one of my Dominican brothers said to me: “Say ‘I’ instead of ‘the Holy Spirit’”, and I suddenly realized how much a personal desire for power could be hidden under such apostrophes, somewhat terrorizing for still untrained minds... To be clear, I do not believe in a great plan of God for anyone, and I believe that its evocation is a sleight of hand that allows one or the other to substitute their desires for those of God, thus giving them more weight.

Je ne peux m’empêcher de me rappeler ce qui se disait souvent au début du Renouveau : « L’Esprit-Saint me dit que » ou « te dit que ». Un jour, l’un de mes frères dominicains m’a dit : « Dis “je” au lieu de “l’Esprit-Saint” », et j’ai subitement réalisé combien une volonté de puissance personnelle pouvait se cacher sous de telles apostrophes, quelque peu terrorisantes pour des esprits encore peu formés... Pour être clair, je ne crois aucunement à « un grand projet de Dieu » sur quiconque, et je crois que son évocation est un tour de passe-passe qui permet à l’un(e) ou l’autre de faire passer ses désirs pour ceux de Dieu, en leur donnant de la sorte plus de poids.

This is not to deny the fact that the Holy Spirit can assist the spiritual adviser. But this assistance is not done in direct contact, the adviser does not receive messages of which he would only be the loudspeaker. The [Spirit’s] assistance takes place within the adviser’s reflection process without the latter being able to have an immediate perception of it.

Il ne s’agit pas de nier le fait que l’Esprit Saint puisse assister le conseiller spirituel. Mais cette assistance ne se fait pas en prise directe, le conseiller ne reçoit pas des messages dont il ne serait que le haut-parleur. L’assistance se déroule à l’intérieur du processus de réflexion du conseiller sans que celui-ci puisse en avoir une perception immédiate.

More subtle than “the Lord tells you that...”, the formula: “I have received in the prayer that the Lord says to you or asks you...”, is hardly less dictatorial. There was a person who participated from time to time in the public prayer meetings of a new community. One day, one of the members of the community approached her during the evening and said to her: We have received in prayer that the Lord is calling you to become involved in the community. She fled, but others might have been dazzled to be the subject of such an election.

Plus subtile que « le Seigneur te dit que... », la formule : « j’ai reçu dans la prière que le Seigneur te dit ou te demande... », n’est guère moins dictatoriale. Une personne participait de temps en temps aux assemblées de prière publique d’une communauté nouvelle. Un jour, l’un des membres de la communauté s’est approché d’elle pendant la soirée et lui a dit : Nous avons reçu dans la prière que le Seigneur t’appelle à t’engager dans la communauté. Elle a pris la fuite, mais d’autres auraient pu être éblouies de faire l’objet d’une telle élection.

It would be wrong to fear that a respectful approach to the intimacy of the other will lead to mediocre spirituality. In the letter that follows, written by a layman who was a great spiritual director, even with Carmelites, complete respect for freedom in no way prevents us from presenting a very high path.

On aurait tort de craindre qu’une approche respectueuse de l’intimité de l’autre conduise à une spiritualité médiocre. Dans la lettre qui suit, écrite par un laïc qui fut un grand directeur spirituel, même avec des carmélites, l’entier respect de la liberté n’empêche nullement de présenter une voie très haute.

My style has always been, and still is, to propose to souls nothing they have rejected, and I wait for grace to give them a contrary inclination. Until then I leave them in freedom, and do not want to constrain them. If you continue to have no opening of the heart to N., don’t beat yourself up. It is true that it had occurred to me that he might have served to perfect you, and I believed that he had the talents, the grace, and the affection. For I can assure you that if you want to be unknown to creatures, or to live in death and estrangement from all things, never was man more fit for it, his method being to lead souls without letting them know what they are, or what they do, in order to deprive them of any support they could attribute to themselves. He wrote to me that not having found with you complete openness of heart, he also did not commit himself to serve you, waiting for God to give you both the necessary disposition for this. .

Mon style a toujours été, et est encore, de ne rien proposer aux âmes où elles aient rebut, et j’attends que la grâce leur donne une inclination contraire. Jusqu’à ce temps-là je les laisse dans la liberté, et ne les veux pas contraindre. Si vous continuez à n’avoir point d’ouverture de coeur à N., ne vous violentez pas. Il est vrai qu’il m’était venu en pensée qu’il aurait pu servir à vous perfectionner, et je croyais qu’il en avait et les talents, et la grâce, et l’affection. Car je puis assurer que si vous voulez être inconnue aux créatures, ou vivre dans la mort et l’éloignement de toutes choses, jamais homme n’y fut plus propre, son procédé étant de conduire les âmes sans leur faire connaître ce qu’elles sont, ou ce qu’elles font, afin de leur ôter tout appui qu’elles pourraient prendre sur elles-mêmes. Il m’a écrit que n’ayant point trouvé avec vous ouverture de coeur entière, il ne s’est pas aussi engagé à vous servir, attendant que Dieu vous donne à l’un et à l’autre la disposition nécessaire pour cela’.

[ The Spiritual Works of Monsieur de Bernières Louvigny, or Assured Conduct for Those Who Strive for Perfection. Second part containing the letters which show the practice of the maxims. Third edition in Paris at Charles Robustel, rue Saint-Jacques au Palmier, 1690, Letter 45 of September 4, 1653 concerning the conduct of directors, p. 122-123]

[Les OEuvres spirituelles de Monsieur de Bernières Louvigny, ou conduite asseurée pour ceux qui tendent à la perfection. Seconde partie contenant les lettres qui font voir la pratique des maximes. Troisième édition à Paris chez Charles Robustel, rue Saint-Jacques au Palmier, 1690, Lettre 45 du 4 septembre 1653 touchant la conduite des directeurs, p. 122-123]

Monsieur de Bernières Louvigny felt in the person who confided in him a soul called to a high, hidden and bare path. He offers her a demanding accompaniment, but neither he nor Father N. wants to force her, both are waiting for the grace of God to show the way. A voluntary dispossession would be the opposite extreme of their behavior since it would push the soul to rely on its will, therefore on itself, and on the method of the director. Even the initial impulse does not come from them but from the soul: If you want... Is there in this desire a word of God? It seems possible to them, but they wait for the soul to be able to hear it and thereby point the way.

Monsieur de Bernières Louvigny a senti dans la personne qui se confiait à lui une âme appelée à une voie haute, cachée et dépouillée. Il lui propose un accompagnement exigeant, mais ni lui ni le père N. ne veulent la forcer, l’un et l’autre attendent que la grâce de Dieu indique le chemin. Un dépouillement volontariste serait à l’extrême opposé de leur conduite puisqu’elle pousserait l’âme à prendre appui sur sa volonté, donc sur elle-même, et sur la méthode du directeur. Même l’impulsion initiale ne vient pas d’eux mais de l’âme : Si vous voulez... Y a-t-il dans ce désir une parole de Dieu ? Cela leur semble possible, mais ils attendent que l’âme puisse l’entendre et par là indique la route.

 

 

 

 

 The special case of the Novice Master

Le cas particulier du Maître des Novices

 

 

   

The particular case of the novice master appears a little embarrassing, isn’t he an exception to canon 630? The novice does not choose his master of novices, whereas the latter will have a great influence on his religious life and will expect a certain openness from him. Of course, the novice can freely choose his confessor, at least when there is a choice, because in communities of nuns, for example, this choice is often restricted.

Le cas particulier du maître des novices laisse un peu embarrassé, n’est-il pas une exception au canon 630 ? Le novice ne choisit pas son maître des novices, alors que celui-ci aura une grosse influence sur sa vie religieuse et attendra de lui une certaine ouverture. Bien sûr, le novice peut choisir librement son confesseur, du moins quand il y a le choix, car dans les communautés de moniales par exemple, ce choix est souvent restreint.

The master of novices cannot be reduced to the role of master of ceremonies, he is not only entrusted with exterior [behavior]. The need for in-depth formation is obvious in the face of the growing fragility of vocations. To become a religious is not simply to strictly fulfill the rule, it will also and above all be necessary to learn to know oneself, to recognize the weaknesses and wounds that will emerge in common life as well as in personal life, to learn how to enter into a relationship with others, with God and with oneself.

Le maître des novices ne peut pas être réduit au rôle de maître des cérémonies, il n’est pas seulement chargé de l’extérieur. La nécessité d’une formation en profondeur est une évidence face à la fragilité croissante des vocations. Devenir religieux, ce n’est pas simplement accomplir strictement la règle, il faudra aussi et surtout apprendre à se connaître, à reconnaître les fragilités et blessures qui vont ressortir dans la vie commune comme dans la vie personnelle, apprendre à entrer en relation avec les autres, avec Dieu et avec soi-même.

Learn the dispossession which is not primarily external, learn how to discern in the meandering of thoughts, etc. No serious training can be done without it. Where are the internal forum and the external forum? The limit is difficult to decide, especially when it is a question of learning to pray, that is to say, to enter into a relationship with God.

Apprendre le dépouillement qui n’est pas d’abord extérieur, apprendre à discerner dans les méandres des pensées, etc. Nulle formation sérieuse ne peut se faire sans cela. Où sont le for interne et le for externe ? La limite est difficile à trancher, surtout lorsqu’il s’agit d’apprendre à prier, c’est-à-dire à entrer en relation avec Dieu.

The father-master is both a trainer, with the authority that implies, and a guide. It is particularly important for him to understand the difference in relationship implied by these two aspects of his role, aspects that are moreover asymmetrical. The first cannot be circumvented, he exercises it towards all the members of the novitiate, there can be no exceptions. The second could suffer from exceptions. To a novice who is really struggling with him, a master father could, and sometimes should, offer to find someone else for spiritual accompaniment. The training will suffer a little, but in any case it will limp just as much if the novice remains blocked in the spiritual exchanges.

Le père maître est à la fois un formateur, avec l’autorité que cela implique, et un accompagnateur. Il est particulièrement important pour lui de comprendre la différence de relation qu’impliquent ces deux aspects de son rôle, aspects d’ailleurs asymétriques. Le premier n’est pas contournable, il l’exerce envers tous les membres du noviciat, il ne peut pas y avoir d’exception. Le deuxième pourrait souffrir des exceptions. À un novice qui aurait vraiment du mal avec lui, un père maître pourrait, et parfois devrait, proposer de trouver quelqu’un d’autre pour l’accompagnement spirituel. La formation s’en ressentira un peu, mais de toute façon elle boitera tout autant si le novice reste bloqué dans les échanges spirituels.

Several reasons justify this exceptional status. The novice arriving at the monastery would be hard pressed to choose a spiritual father. He does not yet know the monks, often he hardly knows himself. He can only trust that the novice master has been chosen for his qualities. He knows he won’t be perfect, that’s human. The master of novices is appointed, he does not impose himself, and he remains subject to the authority of the superior. Finally, the novitiate has a limited duration, and this aspect is essential, because an exceptional status cannot be prolonged indefinitely.

Plusieurs raisons justifient ce statut d’exception. Le novice arrivant au monastère serait bien en peine de choisir un père spirituel. Il ne connaît pas encore les moines, souvent il ne se connaît guère lui-même. Il peut seulement avoir confiance dans le fait que le maître des novices a été choisi pour ses qualités. Il sait qu’il ne sera pas parfait, c’est humain. Le maître des novices est nommé, il ne s’impose pas lui-même, et il reste soumis à l’autorité du supérieur. Enfin le noviciat a une durée limitée, et cet aspect est capital, car un statut d’exception ne peut pas se prolonger indéfiniment.

The abbot must remain cautious. Abuses have existed and certainly still exist. The first concerns the discernment of vocations, either by seeking to attract and then to retain, or by rejecting on dubious grounds because so and so pleases me and so and so does not please me*.

L’abbé doit rester prudent. Des abus ont existé et existent certainement encore. Le premier concerne le discernement des vocations, soit en cherchant à attirer et ensuite à retenir, soit en rejetant sur des motifs douteux parce qu’un tel me plaît et un tel ne me plaît pas’.

[*This last case is obviously more rare today, but it remains serious, because here again it is about the life of a human person perhaps called by God]

[Ce dernier cas est évidemment plus rare aujourd’hui, mais il reste sérieux, car là encore il s’agit de la vie d’une personne humaine peut-être appelée par Dieu]

Prudence demands that this discernment be supervised, for it is neither reasonable nor even honest to leave the orientation of the life of candidates to one person alone. The second possible abuse comes from the extent of the influence of the father-master. If he diverts it from its purpose, it can end up in cases of spiritual or even sexual abuse. The best protection will consist in the knowledge, within the community, of the mechanisms of abuse, which will make it easier to spot the signs of a possible slippage.

La prudence demande que ce discernement soit supervisé, car il n’est ni raisonnable, ni même honnête de laisser à une personne seule l’orientation de la vie des candidat(e)s. Le deuxième abus possible vient de l’ampleur de l’influence du père maître. S’il la détourne de son but, on peut aboutir à des cas d’abus spirituel ou même sexuel. La meilleure protection consistera dans la connaissance, dans la communauté, des mécanismes de l’abus, ce qui permettra de repérer plus facilement les signes d’un éventuel dérapage.

That being said, the role of the father master is crucial in the life of the young monk and his responsibility is great. To him could apply the frequent warnings of the Rule against the Abbot. He too will have to give an account before God for the way in which he has guided the novices entrusted to him.

Cela étant dit, le rôle du père maître est capital dans la vie du jeune moine et sa responsabilité est grande. À lui pourraient s’appliquer les fréquentes mises en garde de la Règle envers l’Abbé. Lui aussi aura à rendre compte devant Dieu de la façon dont il aura mené les novices qui lui ont été confiés.

He should be a religious man, a friend of silence and contemplation, judicious, prudent, animated by a sincere charity, deeply in love with our vocation; he should have a sense of the diversity of characters, and will be open to the needs of young people’.

Il sera un homme religieux, ami du silence et de la contemplation, judicieux, prudent, animé d’une charité sincère, profondément épris de notre vocation ; il aura le sens de la diversité des caractères, et sera ouvert aux besoins des jeunes’

[ Statutes of the Carthusian Order, 20.1.]

. [Statuts de l’Ordre des Chartreux, 20.1.]

Suffice to say, he is hard to find.

Autant dire qu’il est difficile à trouver.

 

 

 

 

 God, source of our freedom

Dieu, source de notre liberté

 

 

   

God created us free. When we see what we do with this freedom, we might think that He took an insane risk, but since He did everything wisely, we must conclude that He has a tremendous esteem for this freedom because “that which is foolishness in God is wiser than men” (1 Cor 1:25). The guidance of His Providence, which so rarely intervenes directly in our lives and in history, shows this vividly, the apparitions on the road to Damascus will always remain the exception.

Dieu nous a créés libres. Lorsque nous voyons ce que nous faisons de cette liberté, nous pourrions penser qu’il a pris un risque insensé, mais puisqu’il a fait tout avec sagesse, nous devons conclure à la prodigieuse estime qu’il a de cette liberté car « ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes » (1 Co 1, 25). La conduite de sa Providence qui intervient si rarement de façon directe dans nos vies et dans l’histoire, le montre de manière éclatante, les apparitions sur le chemin de Damas resteront toujours l’exception.

And yet, a strange conception of His conduct in our lives is widely present well beyond [the borders of] religious life. In this conception, God is thought to have written a roadmap for our life that we should follow. Certainly, this road map was written by a Father Who loves us and Who does everything for the good, but finally it is imagined to have been written, and our principal task could be summed up in two aspects: to discover it and not to deviate too much from it.

Et pourtant, une étrange conception de sa conduite sur nos vies est largement présente bien au-delà de la vie religieuse. Dans cette conception, Dieu aurait écrit pour notre vie une feuille de route que nous devrions suivre. Certes, cette feuille de route a été écrite par un Père qui nous aime et qui fait tout pour le bien, mais enfin elle aurait été écrite et notre tâche principale se résumerait en deux aspects : la découvrir et ne pas trop nous en écarter.

Everything would supposedly be written in advance, without the key having been given to us, which would make human life look like a treasure hunt. In this game played by the boy scouts, the leaders have deposited in advance on a route a certain number of somewhat cabalistic messages that must first be found and then decrypted in order to discover the location of the next message. It is therefore a work of intelligence, but the players have no possible choice with regard to the route.

Tout serait écrit d’avance, sans que la clef nous soit donnée, ce qui donnerait à la vie humaine une allure de jeu de piste. Dans ce jeu pratiqué par les scouts, les chefs ont déposé d’avance sur un itinéraire un certain nombre de messages un peu cabalistiques qu’il faut d’abord trouver puis décrypter pour avoir la position du message suivant. C’est donc une oeuvre d’intelligence, mais les joueurs n’ont aucun choix possible en ce qui concerne l’itinéraire.

In such an approach, the will of God takes on a controlling turn that is justified by divine goodness and wisdom. He knows better than us. It can’t be disputed, but it doesn’t change the fact that this vision only focuses on the doing and not on the relationship, the main thing is to follow the plan. This conception is present in vocational discernment, but not only there. But does God really do this to us?

Dans une telle approche, la volonté de Dieu prend un tour dirigiste que l’on justifie par la bonté et la sagesse divines. Il sait mieux que nous. Cela ne peut être contesté, mais cela ne change rien au fait que cette vision se concentre seulement sur le faire et non sur la relation, l’essentiel est de suivre le plan. Cette conception est présente dans le discernement vocationnel, mais pas uniquement. Mais Dieu agit-il vraiment ainsi envers nous ?

This conception of human destiny conveys the image of a God orchestra-conductor. The score is already written and the musicians—the men—must follow it. If they deviate from it, it creates a false note and therefore a dissonance. Others may prefer the image of a play, but the result is the same. The part of interpretation is a little larger, but the part is already written.

Cette conception de la destinée humaine véhicule l’image d’un Dieu chef d’orchestre. La partition est déjà écrite et les musiciens — les hommes — doivent la suivre. S’ils s’en écartent, cela crée une fausse note et donc une dissonance. D’autres préféreront l’image de la pièce de théâtre, mais le résultat est le même. La part d’interprétation est un peu plus large, mais la pièce est déjà écrite.

But the history of the people of God does not give us this vision at all. We see God who accompanies His people tirelessly and maintains His fidelity to them despite their innumerable infidelities. God, for example, did not directly will the exile since he sent Jeremiah to warn the people and show them how to avoid it. But the book of Jeremiah is crossed through and through by a complaint: “I spoke and you did not listen. The people will therefore go into exile and God will accompany them there to make this exile a new opportunity that will completely renew Israel’s relationship with its God.

Or l’histoire du peuple de Dieu ne nous donne pas du tout cette vision. Nous y voyons Dieu qui accompagne son peuple inlassablement et lui garde sa fidélité malgré ses innombrables infidélités. Dieu, par exemple, n’a pas directement voulu l’exil puisqu’il a envoyé Jérémie pour prévenir le peuple et lui montrer comment l’éviter. Mais le livre de Jérémie est traversé de part en part par une plainte : « J’ai parlé et vous n’avez pas écouté. » Le peuple partira donc en exil et Dieu l’y accompagnera pour faire de cet exil une nouvelle opportunité qui renouvellera complètement la relation d’Israël avec son Dieu.

After the exile, there is so to speak no longer any question of idols. The history of Israel is our history and God accompanies us, we too, on the path of our life, traversed by choices which one could say are not often His. He tells us his preference, in Scripture, through the Magisterium, through our conscience, but the choices are ours, nothing is written in advance..

Après l’exil, il n’est pour ainsi dire plus question des idoles. L’histoire d’Israël est notre histoire et Dieu nous accompagne, nous aussi, sur le chemin de notre vie, traversée par des choix dont on pourrait dire qu’ils ne sont pas souvent les siens. Il nous dit sa préférence, dans l’Écriture, par le Magistère, par notre conscience, mais les choix sont nôtres, rien n’est écrit d’avance.

We must therefore reject the treasure-hunt model if we are to understand God’s action in our lives in a way that is worthy of Him — and of us. Our respect and esteem for our freedom must be commensurate with the respect and esteem that God himself has for it. “Man is reasonable, and therefore similar to God, created free and master of his acts,” wrote Saint Irenaeus* . We would not be like God if he decided our life for us.

[Ireneus, Against Heresies, IV, rv, 3. Quoted in Catechism of the Catholic Church, no. 1730.]

Nous devons donc sortir de la vision du jeu de piste si nous voulons comprendre l’action de Dieu dans nos vies d’une façon qui soit digne de lui — et de nous. Notre respect et l’estime de notre liberté doivent être à la mesure du respect et de l’estime que Dieu lui-même a pour elle. « L’homme est raisonnable, et par là semblable à Dieu, créé libre et maître de ses actes », écrit saint Irénéel. [IRÉNÉE, Contre les hérésies, IV, rv, 3. Cité dans de Catéchisme de l’Église catholique, n° 1730.] Nous ne serions pas semblables à Dieu s’il décidait de notre vie pour nous.

God’s call invites us on a path of light, but the answer is ours, for a free answer is too precious in the sight of God to be forced in any way. Throughout our lives, He accompanies us, He advises us; and if we take the wrong path, He will accompany us there too until the end.

L’appel de Dieu nous invite sur un chemin de lumière, mais la réponse nous appartient, car une réponse libre est trop précieuse aux yeux de Dieu pour qu’il puisse la forcer en quelque manière que ce soit. Tout au long de notre vie, il nous accompagne, il nous conseille et si nous prenons un mauvais chemin, il nous accompagnera là aussi jusqu’au bout.

Far from the model of the treasure hunt, we are enlightened by that of Jesus walking without their knowing it with the pilgrims to Emmaus, opening their minds and warming their hearts (see Lk 24, 32.45).

Loin de l’image du jeu de piste, nous sommes éclairés par celle de Jésus cheminant sans qu’ils le sachent avec les pèlerins d’Emmaüs, ouvrant leur intelligence et réchauffant leur coeur (voir Lc 24, 32.45).