RISKS and ABERRATIONS of RELIGIOUS LIFE
CHAPTER SIX:
  Obedience and Especially its Third Step
 

 


6. OBEDIENCE, AND ESPECIALLY ITS THIRD DEGREE

6. L'obéissance et spécialement son troisième degré  p. 147

Obedience, the foundation stone of religious life

L'obéissance, pierre fondamentale de la vie religieuse  p. 147

Saint Benedict

Saint Benoît  p. 147

God, the Rule and the Abbot

Dieu, la Règle et l'Abbé  p. 148

The role of example

Le rôle de l'exemple  p. 152

Seek Counsel

Prendre conseil  p. 153

Mutual obedience

L'obéissance mutuelle  p. 154

St Bruno

Saint Bruno  p. 155

The Limits of Obedience

Les limites de l'obéissance  p. 156

Can we speak of blind obedience?

Peut-on parler d'obéissance aveugle ?  p. 159

Man's act and human act

Acte de l'homme et acte humain  p. 163

The will of the superior is not the will of God

La volonté du supérieur n'est pas la volonté de Dieu  p. 164

The Third degree of obedience - Submission of Judgment

Troisième degré de l'obéissance la soumission du jugement  p. 171

Reflection on Providence

Réflexion sur la Providence  p. 176

When We Step Out of the Limits of Obedience

Quand on sort des limites de l'obéissance  p. 181

When the evil is clear

Lorsque le mal est clair  p. 181

When evil is not certain

Lorsque le mal n'est pas certain  p. 183

When the very principle of discernment is reached

Lorsque le principe même du discernement est atteint  p. 184

Can we renounce our intelligence?

Peut-on renoncer à son intelligence ?  p. 187

A formula of St John Climacus

Une formule de saint Jean Climaque  p. 189

Obedience to the Church

L'obéissance à l'Église  p. 191

The royal path of obedience

La voie royale de l'obéissance  p. 195


CH_7_ASCETICISM_and_RENUNCIATION  

 

 

 

 

 

 

CHAPTER 6
OBEDIENCE AND ESPECIALLY ITS THIRD STEP

6. L'OBÉISSANCE ET SPÉCIALEMENT SON TROISIÈME DEGRÉ

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 OBEDIENCE, FOUNDATION STONE OF RELIGIOUS LIFE

L'OBÉISSANCE, PIERRE FONDAMENTALE DE LA VIE RELIGIEUSE

 

 

   
   
   

 

 

 Saint Benedict

Saint Benoît

 

 

 

 

Listen, my son, to the precepts of the Master and give ear to your heart. Willingly receive the teaching of such a good father and put it into practice, in order to return by the exercise of obedience to the one from whom the cowardice of disobedience had removed you. To you therefore now my word is addressed, to you, whoever you are, who renounce your own wills and take up the strong and noble weapons of obedience, in order to fight for the Lord Christ, our true King’. (RB Prol. 1-3)

Écoute, mon fils, les préceptes du Maître et prête l'oreille de ton coeur. Reçois volontiers l'enseignement d'un si bon père et mets-le en pratique, afin de retourner par l'exercice de l'obéissance à celui dont t'avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. C'est à toi donc maintenant que s'adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l'obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi'.

Thus begins the Rule of Saint Benedict. Countless texts would confirm that obedience is a foundation stone of religious life. The Church, in her wisdom, has established the religious vows of chastity, poverty and obedience, (Code of Canon Law, 573 § 2.) but the ancient formulas of profession, until the Middle Ages, do not mention either poverty or chastity. The Rule of Saint Benedict not giving the text of the profession, here, for example, is the one that was in use at Cluny:

Ainsi s'ouvre la Règle de saint Benoît. D'innombrables textes confirmeraient que l'obéissance est une pierre de fondation de la vie religieuse. L'Église, dans sa sagesse, a établi les voeux religieux de chasteté, pauvreté et obéissance', mais les formules de profession anciennes, jusqu'au Moyen Âge, ne mentionnent ni la pauvreté ni la chasteté. La Règle de saint Benoît ne donnant pas le texte de la profession, voici, par exemple, celui qui était en usage à Cluny :

I, brother N., promise monastic stability, conversion of my morals and obedience according to the Rule of Saint Benedict before God and his saints in this monastery which is built in honor of the blessed apostles Peter and Paul in the presence of Dom N.. . Abbot’.(Cons. Clun. Lib. II, cap. 27, PL 149. 713 B.)

Moi frère N. je promets stabilité monastique, conversion de mes moeurs et obéissance selon la Règle de saint Benoît devant Dieu et ses saints dans ce monastère qui est construit en l'honneur des bienheureux apôtres Pierre et Paul en présence de Dom N... Abbé'.

 

God, the Rule and the Abbot

 

 God, the Rule and the Abbot

Dieu, la Règle et l'Abbé

 

 

We notice first that the brother does not promise to obey the Abbot, because the vow extends beyond persons: the Abbot can change, obedience remains. Moreover, he does not owe obedience to the Abbot alone but also to others, to the Prior, the superiors[s], etc. All this is specified by the Rule, hence the words:

On remarque d'abord que le frère ne promet pas d'obéir à l'Abbé, car le voeu dépasse les personnes : l'Abbé peut changer, l'obéissance demeure. De plus, il ne doit pas obéissance au seul Abbé mais aussi à d'autres, Prieur, chef d'obédience, etc. Tout ceci est précisé par la Règle, d'où la mention :

obedience according to the Rule, which removes the danger of an idealized Master who would concentrate all obedience in his person.

obéissance selon la Règle, qui écarte le danger du Maître idéalisé qui concentrerait toute l'obéissance sur sa personne.

The Abbot is cited as a witness who, in the name of the Church, ratifies the act.

 L'Abbé est cité comme un témoin qui, au nom de l'Église, va ratifier l'acte.

 As for the obedience the brother owes him, it is fixed by the Rule and therefore has limits. This crucial point stems from the profession itself.

 Quant à l'obéissance que le frère lui doit, elle est fixée par la Règle et a donc des limites. Ce point capital découle de la profession elle-même.

Nor does the brother promise to obey God. Some profession formulas will say so, but the absence of this mention in the old formulas makes sense. Obeying God ─ every Christian must do this ─  it arises simply from faith, religious life having nothing special in this. Its particularity comes from the wish to manifest this will to obey God through obedience to a human intermediary.

Le frère ne promet pas non plus d'obéir à Dieu. Certaines formules de profession le diront, mais l'absence de cette mention dans les formules anciennes a un sens. Obéir à Dieu, tout chrétien doit le faire, cela découle simplement de la foi, la vie religieuse n'ayant en cela rien de spécial. Sa particularité vient du voeu de manifester cette volonté d'obéir à Dieu à travers l'obéissance à un intermédiaire humain.

In its essence, the obedience of the religious is addressed to God Himself, but it takes flesh, as it were, in a concrete reality which gives it a particular depth, a strong anchoring in real life which allows it to go further in its identification with Christ. Dans son essence, l'obéissance du religieux s'adresse à Dieu lui-même, mais elle prend chair en quelque sorte dans une réalité concrète qui lui donne une épaisseur particulière, un ancrage fort dans la vie réelle qui lui permet d'aller plus loin dans son identification au Christ.

The balance of monastic obedience therefore results from the interconnection of three dimensions, as the diversity of prepositions in the text of the profession suggests. According to the Rule, before God, in the presence of the Abbot. This balance immediately invites us to avoid a misinterpretation of obedience. The religious who gives himself to God wants to attain the goal of obedience, out of conformity to Christ; but he is clearly told that he must not do so by submitting himself without reserve and without condition to a man, which a young person could easily tend to do. This false absolute would divert him from the depth of Christ’s obedience. The absolute is not found in the concrete form, that would be to make an idol of it, but in the total availability of the heart which is always ready to renounce itself if it is asked of it in the normal framework of religious life.

L'équilibre de l'obéissance monastique résulte donc de l'articulation de trois dimensions, comme le laisse entendre la diversité des prépositions dans le texte de la profession. Selon la Règle, devant Dieu, en présence de l'Abbé. Cet équilibre invite d'emblée à éviter une mauvaise interprétation de l'obéissance. Le religieux qui se donne à Dieu veut aller au bout de l'obéissance, par conformité au Christ, mais il lui est clairement signifié qu'il ne doit pas le faire en se soumettant sans réserve et sans condition à un homme, ce qu'un jeune aurait facilement tendance à faire. Ce faux absolu le détournerait de la profondeur de l'obéissance du Christ. L'absolu ne se trouve pas dans la forme concrète, ce serait en faire une idole, mais dans la disponibilité totale du coeur qui est toujours prêt à se renoncer si cela lui est demandé dans le cadre normal de la vie religieuse.

In reality, these three dimensions intertwine.  We were able to underline the ambiguity present in the passages of the prologue which are not drawn from the Rule of the Master, that is to say the first and the last verses.Which master is this? God ? the Rule ? The abbot? It is not certain that we can decide. By obeying his abbot, the monk manifests his obedience to God:

Dans la réalité, ces trois dimensions s'entremêlent. On a pu souligner l'ambiguïté présente dans les passages du prologue qui ne sont pas tirés de la Règle du Maître, c'est-à-dire les premiers et les derniers versets. De quel maître s'agit-il ? Dieu ? La règle ? L'abbé ? Il n'est pas sûr que l'on puisse trancher. En obéissant à son abbé, le moine manifeste son obéissance à Dieu :

As soon as the superior has ordered something, they cannot bear to postpone its execution, just as if God himself had given the order.
     For the obedience rendered to the superior - it is to God that we render it, since he said: “Whoever listens to you, listens to me “
(RB 5.15).

Dès que le supérieur a commandé quelque chose, ils ne peuvent souffrir d'en différer l'exécution, tout comme si Dieu lui-même en avait donné l'ordre'. Car l'obéissance rendue au supérieur, c'est à Dieu qu'on la rend, puisqu'il a dit : « Qui vous écoute, m'écoute »

Obedience to God goes through two mediations, the rule and the abbot, which maintain a complex relationship, because the abbot is also subject to the rule: he cannot command outside of it, but he also has a mission. to interpret it. The rule defines the task of the abbot, and the abbot is the primary interpreter of the rule. Neither a man nor the law has absolute power. The Rule of Saint Benedict leaves a wide margin of maneuver to the abbot, but reminds that he must act in respect of it.

L'obéissance à Dieu passe par deux médiations, la règle et l'abbé, lesquels entretiennent un rapport complexe, car l'abbé est lui aussi soumis à la règle : il ne peut commander en dehors d'elle, mais il a aussi mission de l'interpréter. La règle définit la tâche de l'abbé, et l'abbé est le principal interprète de la règle. Ni un homme, ni la loi n'ont de pouvoir absolu. La Règle de saint Benoît laisse une large marge de manoeuvre à l'abbé, mais rappelle que celui-ci doit agir dans le respect de celle-ci.

However, as it behooves disciples to obey the master, so it is up to the master to arrange everything with foresight and fairness. In all things, therefore, all will follow this mistress which is the Rule, and no one will allow himself to deviate from it lightly. Let no one in the monastery follow the will of his own heart; let no one have the temerity to dispute with his abbot insolently, or out of the monastery. If anyone had this boldness he would be subject to regular correction. The abbot, however, must do all things in the fear of God and according to the Rule, persuaded that, without any doubt, he will have to render an account of all his decisions to God, this supremely equitable judge. (RB 3.6-11).

Cependant, comme il convient aux disciples d'obéir au maître, ainsi revient-il au maître de tout organiser avec prévoyance et équité. En toutes choses, donc, tous suivront cette maîtresse qu'est la Règle, et personne ne se permettra de s'en écarter à la légère. Que nul dans le monastère ne suive la volonté de son propre coeur ; que nul n'ait la hardiesse de contester avec son abbéi nsolemment, ou hors du monastère. Si quelqu'un avait cette hardiesse il serait soumis à la correction régulière. L'abbé, toutefois, doit faire toutes choses dans la crainte de Dieu et selon la Règle, persuadé que, sans doute aucun, il aura à rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, ce juge souverainement équitable'.

The Rule frequently insists on the responsibility of the abbot who will have to “give an account”. Here are a few passages among others.

La Règle insiste beaucoup sur la responsabilité de l'abbé qui devra « rendre compte ». Voici quelques passages parmi d'autres.

The abbot must constantly remember that at the dreadful judgment of God, he will have to render an exact account of two things: of his teaching and of the obedience of his disciples.

L'abbé doit se souvenir sans cesse qu'au redoutable jugement de Dieu, il devra rendre un compte exact de deux choses : de son enseignement et de l'obéissance de ses disciples'.

Whatever the number of brothers placed under his care, let him know with certainty that on the day of judgment he is lying he will have to render an account to the Lord of all these souls, and moreover, without any doubt, of his own. Living thus in constant fear of this examination which awaits the pastor on the subject of his sheep, it is the very concern for the accounts due for others which will make him attentive to himself, and, by correcting others by his opinions, he will correct itself from its own faults.(RB 2.38-40).

Quel que soit le nombre des frères placés sous sa garde, qu'il sache avec certitude qu'au jour du jugement il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes, et de plus, sans nul doute, de la sienne propre. Vivant ainsi dans la crainte constante de cet examen qui attend le pasteur au sujet de ses brebis, c'est le souci même des comptes dus pour autrui qui le rendra attentif sur lui-même, et, en corrigeant les autres par ses avis, il se corrigera de ses propres défauts'.

For its part, the Rule is not an absolute that the abbot needs only to apply. Thus a balance is created that will make it possible to preserve the principles of monastic life while adapting to reality. The Rule is a critical instance of the abbot’s authority, and the abbot interprets the Rule. He is subject to the Rule, like any monk - and especially as an abbot -, but he is not subject to it like a slave, it since he has to interpret according to the many varying circumstances.

De son côté, la Règle n'est pas un absolu que l'abbé n'aurait qu'à appliquer. Ainsi se crée un équilibre qui va permettre de conserver les principes de la vie monastique tout en s'adaptant au réel. La Règle est une instance critique du pouvoir de l'abbé, et l'abbé interprète la Règle. Il est soumis à la Règle, comme n'importe quel moine — et tout particulièrement en tant qu'abbé —, mais il n'y est pas soumis comme un esclave, puisqu'il a de nombreuses latitudes pour l'interpréter en fonction des circonstances.

This admirable balance makes it possible to avoid two symmetrical pitfalls which amount to giving an absolute value to a human element: the despotic power of an all-powerful superior because he is overly sacralized, [and] the strict and literal fidelity to a law which does not know persons. There is no “trick” to finding the will of God, it must always be the subject of a listening of the heart and a discernment in which all must participate.

 Cet équilibre admirable permet d'éviter deux écueils symétriques qui reviennent à donner une valeur absolue à un élément humain : le pouvoir despotique d'un supérieur tout-puissant car indûment sacralisé, la fidélité étroite et littérale à une loi qui ne connaît pas les personnes. Il n'existe pas de « truc » pour trouver la volonté de Dieu, elle doit toujours faire l'objet d'une écoute du coeur et d'un discernement auxquels tous doivent participer.

 

 

 

 

 The role of example

Le rôle de l'exemple

 

 

Everything goes back to God. If the Rule makes the Abbot the vicar of Christ, like any representative he will have to prove that, in his words and in his actions, in what he asked of his monks, he behaved like a credible image of his master. Hence the capital importance of example.

Tout remonte donc à Dieu. Si la Règle fait de l'Abbé le vicaire du Christ, comme tout représentant il devra prouver que, dans ses paroles et dans ses actes, dans ce qu'il a demandé à ses moines, il s'est comporté comme une image crédible de son Maître. D'où l'importance capitale de l'exemple.

He who accepts the name of abbot must therefore govern his disciples by a double teaching, that is to say, showing them all that is good and holy by deeds even more than by words. To receptive disciples he will teach the commandments of the Lord by his words; to the hard hearted and the simple, he will demonstrate them by his example. It is also through his actions that he will teach his disciples to avoid what he will have condemned as contrary to the divine law, lest after having preached to others, he himself should be reproved (cf 1 Cor 9, 27) and that God should say to him one day because of his sins: “Why do you proclaim my laws and declare my covenant with your mouth, when you hate discipline and have rejected my words? (Ps 44.16-17; RB 2.11-14)

Celui qui accepte le nom d'abbé doit donc gouverner ses disciples par un double enseignement, c'est-àdire leur montrer tout ce qui est bon et saint par des actes plus encore que par des paroles. Aux disciples réceptifs, il enseignera par ses paroles les commandements du Seigneur ; aux coeurs durs et aux simples, il les fera voir par son exemple. C'est aussi par ses actes qu'il apprendra à ses disciples à éviter ce qu'il leur aura dénoncé comme contraire à la loi divine, de peur qu'après avoir prêché aux autres, il ne soit lui-même réprouvé [voir 1 Co 9, 27] et que Dieu ne lui dise un jour à cause de ses péchés : « Pourquoi proclames-tu mes lois et déclares-tu mon alliance par ta bouche, alors que tu hais la discipline et que tu as rejeté mes paroles ? »l .

 

 

 

 

 Seek counsel

Prendre conseil

 

 

Nor is the Abbot the only repository of wisdom, the Rule says so simply:

L'Abbé n'est pas non plus le seul dépositaire de la sagesse, la Règle le dit avec simplicité :

Whenever there is some important matter to be decided in the monastery, the abbot will summon the whole community and himself will explain what is at stake. After having collected the opinion of the brothers, he will deliberate on his own and then do what he will have judged most useful. What makes us say that it is necessary to consult all the brothers, is that often God reveals to a younger one what is better’.(RB 3.1-3)

Toutes les fois qu'il y aura dans le monastère quelque affaire importante à décider, l'abbé convoquera toute la communauté et exposera luimême ce dont il s'agit. Après avoir recueilli l'avis des frères, il délibérera à part soi et fera ensuite ce qu'il aura jugé le plus utile. Ce qui nous fait dire qu'il faut consulter tous les frères, c'est que souvent Dieu révèle à un plus jeune ce qui est meilleur

Once again, the last line forbids any identification of the word of God with that of the Abbot. God speaks to whom he wants, the role of the Abbot, in this passage, is to discern in what has been said, what must be retained. And then all will have to submit to it willingly.

Une fois de plus, la dernière ligne interdit toute identification de la parole de Dieu avec celle de l'Abbé. Dieu parle à qui il veut, le rôle de l'Abbé, dans ce passage, est de discerner dans ce qui a été dit, ce qui doit être retenu. Et ensuite tous devront s'y soumettre de bon coeur.

 

 

 

 

 Mutual obedience

L'obéissance mutuelle

 

 

Finally, obedience is not limited to a hierarchical relationship. His spiritual intention - conformity to Christ invites us to live it also in fraternal relationships.

Enfin, l'obéissance ne se limite pas à un rapport hiérarchique. Son intention spirituelle — la conformité au Christ —, invite à la vivre aussi dans les rapports fraternels.

It is not only to the abbot that all the brothers must render the good of obedience; they must still obey one another. They will know that it is by this way of obedience that they will come to God’. (RB 71.1-2. cf. 72.6)

Ce n'est pas seulement à l'abbé que tous les frères doivent rendre le bien de l'obéissance ; il faut encore qu'ils s'obéissent les uns aux autres. Ils sauront que c'est par cette voie de l'obéissance qu'ils iront à Dieu'.

The few texts which have just been quoted suffice to break down all the dysfunctions of authority which have been pointed out in chapter iir. It would be necessary to quote everything that is said about the abbot. Meditation on these texts is strongly recommended to superiors who have lived in a context of abuse. Rules other than that of Saint Benedict could be cited, each with its own nuances, but the balance between God, the rule and the superior remains similar because he is the founder of religious life. This does not prevent there from being, for example, a fundamental difference between the Benedictine and Augustinian community models. For Benedict, common life is a school of the Lord’s service, where one puts oneself under the guidance of a master; for Augustine, it is above all the communion of brothers that constitutes the community. But here one still needs a superior.

Les quelques textes qui viennent d'être cités suffisent pour briser tous les dysfonctionnements de l'autorité qui ont été signalés au chapitre iir. Il faudrait citer tout ce qui est dit sur l'abbé. La méditation de ces textes est vivement recommandée aux supérieurs qui auraient vécu dans un contexte d'abus'. D'autres Règles que celle de saint Benoît pourraient être citées, chacune a ses nuances propres, mais l'équilibre entre Dieu, la règle et le supérieur demeure semblable parce qu'il est fondateur de la vie religieuse. Ce qui n'empêche pas qu'il y ait, par exemple, une différence fondamentale entre les modèles communautaires bénédictin et augustinien. Pour Benoît, la vie commune est une école du service du Seigneur, où l'on se met sous la conduite d'un maître ; pour Augustin, c'est avant tout la communion des frères qui constitue la communauté. Celle-ci ayant tout de même besoin d'un supérieur.

 

 

 

 

 St. Bruno

Saint Bruno

 

 

In his letter to his brothers in Chartreuse, Saint Bruno, writes for the lay-brothers:

Dans sa lettre à ses frères de Chartreuse, saint Bruno, écrit à l'intention des frères convers :

I rejoice because, although you do not have the knowledge of letters, the Almighty God engraves with his finger in your hearts not only love, but the knowledge of his holy law. You show indeed by your works what you like and what you know. For you practice with all possible care and zeal true obedience, which is the accomplishment of the will of God, the key and the seal of all spiritual obedience. It never exists without great humility and remarkable patience, and it is always accompanied by a chaste love of the Lord and authentic charity. It is thus evident that you are wisely reaping the sweet and life-giving fruit of the divine Scriptures. Remain then, my brothers, in the state in which you have arrived.
(Bruno, “Letter to the community of Chartreuse”, 3, in Letters of the first Carthusians, Paris, Ed. du Cerf, coll. “Sources” Chret. , 1962, p. 85.)

Je me réjouis car, bien que vous n'ayez pas la science des lettres, le Dieu tout-puissant grave de son doigt en vos coeurs non seulement l'amour, mais la connaissance de sa loi sainte. Vous montrez en effet par vos oeuvres ce que vous aimez et ce que vous connaissez. Car vous pratiquez avec tout le soin et le zèle possibles la véritable obéissance, qui est l'accomplissement des vouloirs de Dieu, la clef et le sceau de toute l'observance spirituelle. Jamais elle n'existe sans une grande humilité et une patience insigne, et toujours elle s'accompagne d'un chaste amour du Seigneur et d'une authentique charité. Il est par là évident que vous recueillez avec sagesse le fruit tout suave et vivifiant des divines Écritures. Demeurez donc, mes frères, dans l'état où vous êtes arrivés'.

It is remarkable that this passage does not cite the superior who remains implied. Its presence is necessary and goes without saying, but it is in no way the center.

Il est remarquable que ce passage ne cite pas le supérieur qui reste sous-entendu. Sa présence est nécessaire et va de soi, mais elle n'est aucunement le centre.

 

 

 

 

 THE LIMITS OF OBEDIENCE

LES LIMITES DE L'OBÉISSANCE

 

 

The classic formula according to which the superior holds the place of God for us needs to be well understood because it has led to many excesses, partly supported by expressions like blind obedience, perinde ac cadaver, “ like a corpse “.

La formule classique selon laquelle le supérieur tient pour nous la place de Dieu demande à être bien comprise car elle a conduit à de nombreux excès, en partie soutenus par des expressions comme obéissance aveugle, perinde ac cadaver, « comme un cadavres ».

About the interpretation of these formulas, see the enlightening article by H. Donneaud, “ The theological issues of obedience in consecrated life”, Consecrated lives, 88 (2016-4), p.33-42. In line. In summary: To obey like a corpse is not to stop thinking and wanting, but much more profoundly, not to oppose resistance to the precept and to submit to it entirely by will and intelligence, despite the lucid perception of its possible faults.

 
Experience proves that these expressions, misinterpreted, can lead to deviations, it is preferable to avoid them in the current context. L'expérience prouve que ces expressions, mal interprétées, pouvant donner lieu à des dérives, il est préférable de les éviter dans le contexte actuel.

It is only to God that we owe total and unconditional obedience, both of our will and of our intelligence, because he is absolute Goodness and Truth.

Il n'y a qu'à Dieu que nous devions une obéissance totale et inconditionnelle, tant de notre volonté que de notre intelligence, parce qu'il est la Bonté et la Vérité absolues.

All obedience to a man, in any setting, is limited by this primary truth. As Peter and the Apostles said before the Sanhedrin: “We must obey God rather than men” (Acts 5:29)

Toute obéissance à un homme, dans quelque cadre que ce soit, est limitée par cette vérité première. Comme le dirent Pierre et les Apôtres devant le Sanhédrin : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » (Ac 5, 29)2.

In Acts 4:19, Peter and John had said: “Is it right before God to listen to you rather than to listen to God?

 
There may therefore be a duty of disobedience. Whatever the thing asked, the one who obeys has a judgment to make on what is asked of him: is it or not in conformity with the divine law? Il peut donc y avoir un devoir de désobéissance. Quelle que soit la chose demandée, celui qui obéit a un jugement à porter sur ce qui lui est demandé : est-ce ou non conforme à la loi divine ?

Obedience is not automatic and involves the participation of the intelligence of the one who obeys. It is a characteristic of every human act.

L'obéissance n'est pas automatique et implique la participation de l'intelligence de celui qui obéit. C'est une caractéristique de tout acte humain.

The Code of Canon Law concisely expresses the other two limits of religious obedience

Le Code de Droit Canonique exprime de façon concise les deux autres limites de l'obéissance religieuse

[1] The evangelical counsel of obedience, assumed in a spirit of faith and love in the following of Christ obedient until death, obliges the submission of the will to the legitimate superiors who hold the place of God, when they command according to their own constitutions .(Code of Canon Law, 601.)

Le conseil évangélique d'obéissance, assumé en esprit de foi et d'amour à la suite du Christ obéissant jusqu'à la mort, oblige à la soumission de la volonté aux supérieurs légitimes qui tiennent la place de Dieu, lorsqu'ils commandent suivant leurs propres constitutionsl .

[2] On the one hand, obedience requires the submission of the will and always concerns an action, which means that the superior can ask a subject to do something, but he cannot ask him to think something. . The abbot can ask a monk to bring in the chairs because he thinks tomorrow it will rain, he cannot ask him to think that tomorrow it will rain. By the vow of obedience we promise the submission of our will, but not that of our intelligence. The latter must collaborate, this will be discussed later, but this collaboration has limits. In any case, the submission of intelligence can never be the proper object of an order from the superior.

D'une part, l'obéissance demande la soumission de la volonté et concerne toujours une action, ce qui veut dire que le supérieur peut demander à un sujet de faire quelque chose, mais qu'il ne peut pas lui demander de penser quelque chose. L'abbé peut demander à un moine de rentrer les chaises parce qu'il pense que demain il pleuvra, il ne peut pas lui demander de penser que demain il pleuvra. Par le voeu d'obéissance nous promettons la soumission de notre volonté, mais pas celle de notre intelligence. Celle-ci doit collaborer, il en sera question plus loin, mais cette collaboration a des limites. En tous les cas, la soumission de l'intelligence ne peut jamais être l'objet propre d'un ordre du supérieur.

On the other hand, the superior must himself obey the authorities above him and to the Constitutions of his Order, he can only command according to his rule: a Dominican prior cannot order one of his monks to become a hermit. Finally, there is another limit mentioned in the apostolic exhortation of Paul VI Evangelica testificatio: a serious and certain evil annuls the obligation to obey. However, the exhortation goes on to warn against making it too easy to believe oneself in this case:

D'autre part, le supérieur doit lui-même obéissance aux autorités qui sont au-dessus de lui et aux constitutions de son Ordre, il ne peut commander que selon sa règle : un prieur dominicain ne peut pas ordonner à un de ses religieux de se faire ermite. Il existe enfin une autre limite mentionnée dans l'exhortation apostolique de Paul VI Evangelica testificatio : un mal grave et certain annule l'obligation d'obéir. Toutefois, l'exhortation poursuit en mettant en garde contre une trop grande facilité à se croire dans ce cas :

Except for an order which would be

[1] manifestly contrary to the laws of God or

[2] the constitutions of the institute,

[3] or which would cause a serious and certain evil,

in which case the obligation to obey does not exist

À l'exception d'un ordre qui serait manifestement contraire aux lois de Dieu ou aux constitutions de l'institut, ou qui entraînerait un mal grave et certain, auquel cas l'obligation d'obéir n'existe pas,

the decisions of the superior concern a field where the appreciation of the best good can vary according to the points of view. To conclude, as soon as a given order appears objectively less good, that it is therefore illegitimate and contrary to conscience, would be to misunderstand in an unrealistic way the obscurity and ambivalence of many human realities. Moreover, the refusal of obedience entails an often serious attack on the common good. A religious cannot easily accept that there is a contradiction between the judgment of his conscience and that of his superior. This exceptional situation will sometimes lead to genuine interior suffering, in imitation of Christ himself, “who learned by suffering what it is to obey” (Heb 5:8)
    (Paul VI, Apostolic Exhortation Evangelica testificatio, June 29, 1971, n° 28. Taken up by n° 27 of the instruction of the CIVCSVA: Faciem tuam,
Domine, requiram, on the service of authority and obedience (May 11, 2008).

les décisions du supérieur concernent un domaine où l'appréciation du meilleur bien peut varier selon les points de vue. Conclure, dès qu'un ordre donné apparaît objectivement moins bon, qu'il est de ce fait illégitime et contraire à la conscience, serait méconnaître d'une manière peu réaliste l'obscurité et l'ambivalence de nombre de réalités humaines. De plus, le refus d'obéissance entraîne une atteinte souvent grave au bien commun. Un religieux ne saurait facilement accepter qu'il y ait contradiction entre le jugement de sa conscience et celui de son supérieur. Cette situation exceptionnelle entraînera parfois une authentique souffrance intérieure, à l'imitation du Christ lui-même, « qui apprit par la souffrance ce que c'est qu'obéir » (He 5, 8)1 .

 

When, therefore, we say that the superior holds the place of God for us, it must be understood within a precise framework of which both superiors and religious must be aware. The religious must see in the superior’s request an invitation from God to practice his vow of obedience, which in no way means that he must execute without thinking. In the film Control and spiritual abuse, Fr. Berceville O.P. states it very clearly.

Lors donc qu'on dit que le supérieur tient pour nous la place de Dieu, il faut le comprendre à l'intérieur d'un cadre précis dont les supérieurs comme les religieux doivent être conscients. Le religieux doit voir dans la demande du supérieur une invitation de Dieu à pratiquer son voeu d'obéissance, ce qui ne signifie aucunement qu'il doit exécuter sans réfléchir. Dans le film Emprise et abus spirituel, le P. Berceville o.p. le dit de façon très claire.

It is obvious that what the superior tells me day by day is not the Word of God. God can speak to me through what the superior tells me, but that means that I will have to interpret, that I will have to judge, I am never deprived of my responsibility to discern what God is telling me through the word of the superior’. 1. J.-C. and A. Durst, Control and spiritual abuse, 2019.

Il est évident que ce que me dit au jour le jour le supérieur, n'est pas Parole de Dieu. Dieu peut me parler à travers ce que me dit le supérieur, mais cela veut dire que je vais devoir interpréter, que je vais devoir juger, je ne suis jamais privé de ma responsabilité pour discerner ce que Dieu me dit à travers la parole du supérieur'.

“Through.” This is the expression that puts things in their place. Now God can speak to us through the errors of men, which are not for all that sacred and remain errors for which the author bears the responsibility.

« À travers. » Telle est l'expression qui remet les choses à leur place. Or Dieu peut nous parler à travers les erreurs des hommes, qui ne sont pas sacralisées pour autant et restent des erreurs dont l'auteur porte la responsabilité.

 

 

 

 

 Can we speak of blind obedience?

Peut-on parler d'obéissance aveugle ?

 

 

The expression must be absolutely avoided because it is often understood as obedience without reflection or responsibility, which is contrary to the thought of the Church. However, you have to answer the objection which emphasizes that Saint Francis de Sales speaks of it in his twelfth conference with the Visitandines. That’s right, but the meaning is quite different.

L'expression doit être absolument évitée car elle est souvent comprise comme une obéissance sans réflexion ni responsabilité, ce qui est contraire à la pensée de l'Église. Il faut cependant répondre à l'objection qui souligne que saint François de Sales en parle dans son douzième entretien aux Visitandines. C'est exact, mais la signification est tout autre.

Blind obedience has three conditions: the first is that it never looks in the face of Superiors, but only at their authority; the second, that she does not inquire into the reasons or the motives that Superiors have for ordering such and such a thing, it is enough for her to know that she is being ordered; the third is that she does not inquire about the means she must have to do what is commanded, assuring herself that God, by whose inspiration the commandment has been given to her, will give her good the power to accomplish it, and thus sets to work; instead of inquiring as she will do, if, she begins to do’.

L'obéissance aveugle a trois conditions : la première est qu'elle ne regarde jamais au visage des Supérieurs, mais seulement à leur autorité ; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Supérieurs ont de commander telle ou telle chose, il lui suffit de savoir qu'on lui commande ; la troisième est qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'assurant que Dieu, par l'inspiration duquel on lui a fait le commandement, lui baillera bien le pouvoir de l'accomplir, et se met ainsi en besogne ; au lieu de s'enquérir comme elle fera, si, elle se met à faire'.

Francis de Sales, The Spiritual Conferences (The Art of Loving God), 11th conference: “On the virtue of obedience” [Modernized spelling]. Original text in Œuvres de Saint François de Sales, Annecy edition, t. VI, 1895, p. 170.

 

This certainly seems to justify the usual meaning given to the expression “blind obedience”.But the following paragraph brings an essential clarification:

Voilà qui semble justifier le sens habituel qu'on donne à l'expression « obéissance aveugle ». Certes. Mais le paragraphe qui suit apporte une précision essentielle :

Let us therefore return to the first condition of this loving obedience which is grafted onto religious obedience. It is a blind obedience that lovingly begins to do everything that is commanded to it, quite simply, without ever looking to see if the command is well or badly done, provided that the one who commands has the power to command, and that the command serves the conjunction of our spirit with God ; because beyond that, the truly obedient never does anything.

Revenons donc à la première condition de cette obéissance amoureuse qui est entée sur l'obéissance religieuse. C'est une obéissance aveugle qui se met amoureusement à faire tout ce qui lui est commandé, tout simplement, sans regarder jamais si le commandement est bien ou mal fait, pourvu que celui qui commande ait le pouvoir de commander, et que le commandement serve à la conjonction de notre esprit avec Dieu ; car hors de là, jamais le vrai obéissant ne fait aucune chose.

 Many have been greatly mistaken about this condition of obedience, who have believed that it consisted in doing wrongly and through everything that could be commanded, even were it against the commandments of God and of the Holy Church; in which they have erred greatly [...]; for everything that is against the commandments of God, as the superiors have no power to ever make any commandment on this, the inferiors likewise never have any obligation to obey, and on the contrary, if they obeyed , they would sin mortally.

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obéissance, lesquels ont cru qu'elle consistait à faire à tort et à travers tout ce qui pouvait être commandé, fût-il même contre les commandements de Dieu et de la sainte Église ; en quoi ils ont grandement erré [...1; car tout ce qui est contre les commandements de Dieu, comme les Supérieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement sur cela, les inférieurs n'ont de même jamais aucune obligation d'obéir, et au contraire, s'ils obéissaient, ils pécheraient mortellement.

Concerning the first condition, he will repeat later: “It is said that this obedience is blind, because it obeys all the Superiors equally, without looking at their face, I mean at the person. The religious owes obedience to the superior, whether the latter is good or bad, gentle or cantankerous. Anyone who obeys only because he considers his superior to be a good religious but would believe himself dispensed otherwise would not have understood the meaning of the vow of obedience. He remained with a purely natural obedience. Even if the superior gives a bad example, when he commands according to the rule, the religious owes him obedience, not because of him, but as an offering to God.

Sur la première condition, il répétera plus loin : « L'on dit que cette obéissance est aveugle, parce qu'elle obéit également à tous les Supérieurs, sans regarder à leur visage, je veux dire à la personne. » Le religieux doit obéissance au supérieur, que celui-ci soit bon ou mauvais, doux ou acariâtre. Celui qui obéirait seulement parce qu'il considère que son supérieur est un bon religieux mais se croirait dispensé en cas contraire, n'aurait pas compris le sens du voeu d'obéissance. Il en est resté à une obéissance purement naturelle. Même si le supérieur donne un mauvais exemple, lorsqu'il commande selon la règle, le religieux lui doit obéissance, non en raison de lui, mais en offrande à Dieu

The second and third condition require that no one ask about motives, reasons and means.

La deuxième et la troisième condition demandent qu'on ne s'enquière pas des motifs, des raisons et des moyens.

But about the contents of what is ordered, Francis de Sales uses in his text [the phrase] provided that its  meaning is clear: he who obeys has a judgment to make on what is asked of him, he cannot do anything just because he has been ordered to do so. He may, at times, have a duty to disobey. Such situations should be rather exceptional, but the authority of the superior does not transform his word into the word of God and the subject retains all his conscience. An example will speak louder than a long speech.

Mais à propos du contenu de ce qui est commandé, François de Sales use dans son texte d'un pourvu que dont la signification est claire : celui qui obéit a un jugement à porter sur ce qui lui est demandé, il ne peut pas faire n'importe quoi simplement parce qu'il en a reçu l'ordre. Il peut, parfois, avoir le devoir de désobéir. De telles situations devraient être plutôt exceptionnelles, mais l'autorité du supérieur ne transforme pas sa parole en parole de Dieu et le sujet garde toute sa conscience. Un exemple sera plus parlant qu'un long discours.

Suppose a superior asks a monk, in a delicate situation, to give an answer which is a lie. The monk is not allowed to obey because his superior has no right to ask him to lie. It is the conscience of the monk that will allow him to judge the situation since, in this precise case, he cannot trust the discernment of his superior.

Supposons qu'un supérieur demande à un moine, dans une situation délicate, de faire une réponse qui soit un mensonge. Il n'est pas permis au moine d'obéir parce que son supérieur n'a aucun droit de lui demander de mentir. C'est la conscience du moine qui lui permettra de juger de la situation puisque, dans ce cas précis, il ne peut pas se fier au discernement de son supérieur

If he agrees to answer with the lie that has been asked of him, knowing that it is a lie, the fault is twofold: the monk is responsible for the lie he told but his responsibility is clearly reduced by the fact that he is not entirely free due to the order of his superior. The superior, who does not have this excuse, bears the entire responsibility for the lie which has been told, plus that of having forced the conscience of the monk and of having led him by his request into the path of sin. This is much more serious than if he had lied himself, especially if it is the cause of a scandal in the soul of the monk who risks losing confidence in him.

S'il accepte de répondre par le mensonge qui lui a été demandé, en sachant que c'est un mensonge, la faute est double : le moine est responsable du mensonge qu'il a dit mais sa responsabilité est nettement atténuée par le fait qu'il n'est pas entièrement libre en raison de l'ordre de son supérieur. Le supérieur, qui n'a pas cette excuse, porte la responsabilité entière du mensonge qui a été dit, plus celle d'avoir forcé la conscience du moine et de l'avoir conduit par sa demande dans la voie du péché. C'est là beaucoup plus grave que s'il avait menti lui-même, surtout s'il est cause d'un scandale dans l'âme du moine qui risque de perdre confiance en lui.

This is only common teaching and we would be wrong to believe that it will revolutionize the practice of obedience, because in the religious world the superior knows the law of God and of the Church and the situation just described is (or should be) rare. However, it is important to know that it can exist and that it can lead to painful situations.

Ce n'est là que doctrine commune et on aurait tort de croire que cela va révolutionner la pratique de l'obéissance parce que, dans le monde religieux, le supérieur connaît la loi de Dieu et de l'Église et la situation qu'on vient de décrire est (ou devrait être) rare. Il importe cependant de savoir qu'elle peut exister et qu'elle peut engendrer des situations douloureuses.

Even under obedience, the religious remains a free human being and responsible for his acts because for God, only a free and enlightened “yes” has meaning. He had the Angel explain at length to the Virgin Mary what He expected of her. Any interpretation of obedience that makes it an automatic, indiscriminate process is neither humane nor religious.

Même sous l'obéissance, le religieux reste un être humain libre et responsable de ses actes car pour Dieu, seul un « oui » libre et éclairé a un sens. À la Vierge Marie, il fit longuement expliquer par l'Ange ce qu'il attendait d'elle. Toute interprétation de l'obéissance qui en fait un processus automatique, sans discernement, n'est ni humaine ni religieuse.

 

 

 

 

 The act of a man and the human act

Acte de l'homme et acte humain

 

 

Saint Thomas Aquinas helps us to understand this, distinguishing between the act of a man and the human act.

Saint Thomas d'Aquin nous aide à le comprendre en distinguant l'acte de l'homme et l'acte humain.

Among the actions performed by man, those alone are called properly “human” which belong properly to man according to whether he is man. And man differs from creatures deprived of reason in that he is master of his actions. Whence it follows that the only actions of which man is the master must be called properly human.

Parmi les actions accomplies par l'homme, celleslà seules sont appelées proprement « humaines » qui appartiennent en propre à l'homme selon qu'il est homme. Et l'homme diffère des créatures privées de raison en ce qu'il est maître de ses actes. D'où il suit qu'il faut appeler proprement humaines les seules actions dont l'homme est le maître.

But it is by his reason and his will that man is the master of his actions, which makes free will called “a faculty of will and reason”. The only truly human actions are those which proceed from a deliberate will. If there are other actions which are suitable for man, they may be called human actions, but not properly human actions, since they do not proceed from man qua man. (Thomas Aquinas, Summa Theol IaIIœ, q.1, a.1)

Mais c'est par sa raison et sa volonté que l'homme est le maître de ses actes, ce qui fait que le libre arbitre est appelé « une faculté de la volonté et de la raison ». Il n'y a donc de proprement humaines que les actions qui procèdent d'une volonté délibérée. S'il est d'autres actions qui conviennent à l'homme, on pourra les appeler des actions de l'homme, mais non pas des actions proprement humaines, puisqu'elles ne procèdent pas de l'homme en tant qu'homme'

An act of man, which lacks will and/or freedom, can be objectively good, but it is not a human act, that is not what God expects from man. An obedience without reflection is therefore not religious because it is not really human, it is only the obedience of an automaton. Advocating this type of obedience clearly reflects deterioration into a sect (“sectarian drift”).

Un acte de l'homme, à qui manque volonté et/ou liberté peut être objectivement bon, mais ce n'est pas un acte humain, ce n'est pas cela que Dieu attend de l'homme. Une obéissance sans réflexion n'est donc pas religieuse parce qu'elle n'est pas réellement humaine, elle n'est que l'obéissance d'un automate. Prôner ce type d'obéissance relève clairement de la dérive sectaire.

 

 

 

 

 The will of the superior is not the will of God

La volonté du supérieur n'est pas la volonté de Dieu

 

 

If we can hope that it rarely happens to a religious superior to command something that is opposed to divine law, another situation, much more frequent, earned Saint Francis de Sales a luminous response. A sister objects to him:

Si on peut espérer qu'il arrive rarement à un supérieur religieux de commander quelque chose qui s'oppose à la loi divine, une autre situation, beaucoup plus fréquente, a valu à saint François de Sales une réponse lumineuse. Une soeur lui objecte :

I see clearly that what I am wanted to do comes from a human will and an inclination, and therefore God did not inspire my Mother or my Sister to make me do such a thing, since it is by the movement of her natural or habitual inclination, or even by passion.

Je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procède d'une volonté humaine et d'une inclination, et partant Dieu n'a pas inspiré ma Mère ou ma Sœur de me faire faire une telle chose, puisque c'est par le mouvement de son inclination naturelle ou habituelle, ou même par passion.

Saint Francis de Sales replies:

Réponse de saint François de Sales :

No, no doubt, God did not inspire that in her; but yes, it’s up to you to do it.. (Conferences With the Visitandines, 16th conference, “On the subject of condescension”)

Non, sans doute, Dieu ne lui a pas inspiré cela, mais oui bien à vous de le fairer .

Note the No, no doubt. Saint Francis de Sales does not dispute that the request of the superior does not come from God when she spoke out of passion; she is therefore responsible for this word which can be a sin for her (anger, envy, etc.). And yet, in obeying it, it is indeed God that the nun obeys because He asks her not to think that He inspired the Superior with this word, he asks her to obey it for his love because of the vow of obedience and the accomplishment of the vow can thus transfigure any task which respects the divine law.

Il faut noter le Non, sans doute. Saint François de Sales ne conteste pas que la demande de la supérieure ne vienne pas de Dieu quand elle a parlé par passion ; elle est donc responsable de cette parole qui peut être pour elle un péché (colère, envie, etc.). Et pourtant, en y obéissant, c'est bien à Dieu que la religieuse obéit car Il lui demande non pas de penser qu'Il a inspiré à la supérieure cette parole, il lui demande d'y obéir pour son amour en raison du voeu d'obéissance et l'accomplissement du voeu peut ainsi transfigurer toute tâche qui respecte la loi divine.

The vow of obedience is ordained to the perfection of the nun and not to that of the superior. What God asks of her is not what the superior asked, but to obey what the superior asked. This precision is so capital that it would have to be engraved with a chisel on the pediment of the novitiates. The value of the act of obedience is submission to God through the concrete mediation of the superior, but this mediation does not transform all desires of the superior into God’s will. Saint Francis de Sales concludes:

Le voeu d'obéissance est ordonné à la perfection de la religieuse et non à celle de la supérieure. Ce que Dieu lui demande n'est pas ce que la supérieure a demandé, mais d'obéir à ce que la supérieure a demandé. Cette précision est si capitale qu'il faudrait la graver au burin au fronton des noviciats. La valeur de l'acte d'obéissance est la soumission à Dieu à travers la médiation concrète de la supérieure, mais cette médiation ne transforme pas en volonté de Dieu tout désir de la supérieure. Saint François de Sales complète :

No, perhaps God didn’t inspire him with that: but yes, it’s up to you to do it; and you failing to do it would contravene the determination to do the will of God in all things and therefore the care you must have for your perfection. We must therefore always submit to do whatever is wanted of us, to do the will of God, provided that it is not contrary to His will which is signified to us in the aforesaid manner. This includes: the Commandments [of God], His counsels, the commandments of the Church and the inspirations. As for advice, he specifies further on: “The advice that we must practice are our Rules; I mean, they are all included in them.

Non, peut-être que Dieu ne lui aura pas inspiré cela, mais oui bien à vous de le faire, et y manquant vouscontreviendriez à la détermination de faire la volonté de Dieu en toutes choses et par conséquent au soin que vous devez avoir de votre perfection. Il faut donc se soumettre toujours à faire tout ce que l'on veut de nous, pour faire la volonté de Dieu, pourvu que ce ne soit pas contraire à sa volonté qui nous est signifiée en la manière susdite'.

1. Francis de Sales, The Spiritual Conferences (The Art of Loving God), Conference XV, “Of the will of God”. Works of Saint Francis de Sales, t. VI, p. 270.

 

The will of God is not the material content of what is asked for but submission, which to be truly human is subject to discernment. Thus obedience can take on its full extent because its value does not come from the importance of the act but from the love that inspires it. A very small thing done with great love unites us as much to God as a great work, making each passing hour an opportunity for holiness.

contreviendriez à la détermination de faire la volonté de Dieu en toutes choses et par conséquent au soin que vous devez avoir de votre perfection. Il faut donc se soumettre toujours à faire tout ce que l'on veut de nous, pour faire la volonté de Dieu, pourvu que ce ne soit pas contraire à sa volonté qui nous est signifiée en la manière susdite'.

If this question is not clear, great perplexity or great foolishness will ensue. If the superior asks a nun to sweep the cloister when the community has to do in the afternoon, in this same cloister, a job that will dirty everything, the nun has the right to think that there is no good meaning, and she must remind the superior of what she may have forgotten. If the superior maintains her order, discernment is easy since sweeping the cloister can’t hurt anyone.

Si cette question n'est pas claire, de grandes perplexités ou de grandes sottises vont en découler. Si la supérieure demande à une religieuse de balayer le cloître alors que la communauté doit faire l'après-midi, dans ce même cloître, un travail qui va tout salir, la religieuse est en droit de penser que cela n'a pas de bon sens, et elle doit rappeler à la supérieure ce que celle-ci a peut-être oublié. Si la supérieure maintient son ordre, le discernement est facile puisque balayer le cloître ne peut faire de mal à personne.

 The nun therefore sees herself offered a beautiful opportunity to tell the Lord of her love in the concrete reality of an everyday act. If she sweeps the cloister, it is neither because of common sense, which is conspicuous by her absence, nor to please the superior (watch out for this shift which transforms religious obedience into a purely human act), it is because that one day she told the Lord that she would obey, out of love for him.

 La religieuse se voit donc offrir une belle occasion de dire au Seigneur son amour dans la réalité concrète d'un acte de tous les jours. Si elle balaye le cloître, ce n'est ni à cause du bon sens qui brille par son absence, ni pour faire plaisir à la supérieure (attention à ce glissement qui transforme une obéissance religieuse en acte purement humain), c'est parce que, un jour elle a dit au Seigneur qu'elle obéirait, par amour pour lui.

And this is enough to give full, perfectly human meaning to an act thought out and willed in all conscience, not for its usefulness but for its meaning. When we do useful or interesting things, a lot of humans can get involved in our obedience. In the example chosen, the nun can sweep joyfully by saying to the Lord: it is for you and for you alone that I am doing this. Only intelligent obedience can get there, automatic or blind obedience does not get there because accomplishment is enough for it, nothing more. Et ceci suffit à donner un sens plein, parfaitement humain, à un acte réfléchi et voulu en toute conscience, non pour son utilité mais pour sa signification. Lorsque nous faisons des choses utiles ou intéressantes, beaucoup d'humain peut se mêler à notre obéissance. Dans l'exemple choisi, la religieuse peut balayer joyeusement en disant au Seigneur : c'est pour toi et pour toi seul que je le fais. Seule une obéissance intelligente peut en arriver là, l'obéissance automatique ou aveugle n'y parvient pas parce que l'accomplissement lui suffit, sans plus.

But if the nun, not having understood the true object of obedience, asks herself if it is really the will of God that the cloister be swept in the morning to be soiled in the evening, there will be no answer because God’s will is not about sweeping but about itself. Now this type of questioning, unknown to the ancients, has become common, not only in religious life, but also in a certain conception of spiritual direction, favored by a prophetic gaze, according to which the director is inspired by God.

Mais si la religieuse, n'ayant pas compris le véritable objet de l'obéissance, se demande si c'est bien la volonté de Dieu que le cloître soit balayé le matin pour être sali le soir, il n'y aura pas de réponse parce que la volonté de Dieu ne porte pas sur le balayage mais bien sur elle-même. Or ce type de questionnement, inconnu des anciens, est devenu courant, non seulement dans la vie religieuse, mais aussi dans une certaine conception de la direction spirituelle, favorisée par un regard prophétique, selon lequel le directeur est inspiré par Dieu.

But the question has shifted, moving from the personal and relational level to the objective level of the thing to be done. “Lord, what do you want me to do? becomes “Lord what do you want done?” The “I” has disappeared, the referential is no longer the relationship of love with God, the primary end of religious obedience, but concrete reality, the cloister and the broom. From there will arise all sorts of complications. How to explain that God wants me to clean in the morning what will be dirty in the evening? Is he stupid or is he making fun of me? The answer is fortunately very simple, it is still necessary to know it. God never asked for this, it was the Superior who asked for it and it is appropriate to leave her the responsibility for her decision and her words. God expects the nun to obey, not to sweep.

Or la question a glissé, passant du plan personnel et relationnel sur celui objectif de la chose à faire. « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » devient « Seigneur que veux-tu qui soit fait ? » Le « je » a disparu, le référentiel n'est plus la relation d'amour avec Dieu, fin première de l'obéissance religieuse, mais la réalité concrète, le cloître et le balai. De là vont sortir toutes sortes de complications. Comment expliquer que Dieu veuille que je nettoie le matin ce qui va être sali le soir ? Est-il stupide ou se moque-t-il de moi ? La réponse est heureusement très simple, encore faut-il la connaître. Dieu n'a jamais demandé cela, c'est la supérieure qui l'a demandé et il convient de lui laisser la responsabilité de sa décision et de ses paroles. Dieu attend de la religieuse qu'elle obéisse, non qu'elle balaye.

Understanding this considerably simplifies the life of the nun who will no longer worry about wondering if God wants her to use a broom or a mop. My dear sister, God has given you intelligence, it is to use it for yourself. Saint Teresa of Avila humorously remarked (perhaps a bit exasperated)

Bien comprendre ceci simplifie considérablement la vie de la religieuse qui ne va plus se casser la tête à se demander si Dieu veut qu'elle utilise un balai ou une serpillière. Ma chère soeur, Dieu vous a donné une intelligence, c'est pour vous en servir. Sainte Thérèse d'Avila disait avec humour (et peut-être un peu d'humeur aussi,..)

“My God, how have we come to this? As if we weren’t stupid enough by nature, now we want to become so by grace !”(The fioretti of Saint Thérèsa of Avila, sayings translated and presented by J. Gicquel, ocd, Paris, Ed. du Cerf, 1977, p. 90.)

« Mon dieu, où sommes-nous arrivées ? Comme si nous n'étions pas assez stupides par nature, voici que nous voulons le devenir par grâces ! »

On the superior’s side, if he gets into the habit of imagining that any word or decision coming from him is inspired by the Holy Spirit, his leadership will become more and more arbitrary. A humorous example will help clarify this.

Du côté du supérieur, s'il prend l'habitude de considérer que toute parole ou décision venant de lui est inspirée par l'Esprit Saint, son gouvernement deviendra de plus en plus arbitraire. Un exemple qui fait plutôt sourire le fera comprendre

The founder of a community claimed to receive everything directly from the Holy Spirit, even in the melodies of the songs that he imposed on his community. As it is difficult to say that the Holy Spirit is not a high-flying composer, everyone submitted to his ditties. Nothing too serious, but the drama comes from the fact that the reflex will work exactly the same way whatever the seriousness of the question. The Holy Spirit has spoken, the case is judged. And one can thus justify the most total arbitrariness.

Le fondateur d'une communauté prétendait tout recevoir directement du Saint Esprit, jusque dans les mélodies des chants qu'il imposait à sa communauté. Comme il est difficile de dire que le Saint Esprit n'est pas un compositeur de haut vol, tout le monde se soumettait à ses chansonnettes. Rien de bien grave, mais le drame vient de ce que le réflexe fonctionnera exactement de la même façon quelle que soit la gravité de la question. L'Esprit Saint a parlé, la cause est jugée. Et on peut justifier ainsi le plus total arbitraire.

Moreover, whoever has been in charge knows well, if he has a little bit of lucidity, that the superior does not know the will of God, and that he seeks it even more than the others. How many unsolvable problems must he face. If it were enough for him to speak for God to have spoken, how practical that would be! Most often, he gropes his way, he hesitates, he consults and, because one has to decide one day, he decides but without any certainty about his own docility to the Holy Spirit and without any guarantee of conformity of his decision. with the will of God. It is not an easy task to be superior.

D'ailleurs, quiconque a été en responsabilité sait bien, s'il a un tout petit peu de lucidité, que le supérieur ne connaît pas la volonté de Dieu, et qu'il la cherche plus encore que les autres. Combien de problèmes insolubles doit-il affronter. S'il suffisait qu'il parle pour que Dieu ait parlé, comme ce serait pratique ! Le plus souvent, il marche à tâtons, il hésite, il consulte et, parce qu'il faut bien trancher un jour, il décide mais sans aucune certitude sur sa propre docilité à l'Esprit Saint et sans aucune garantie de conformité de sa décision avec la volonté de Dieu. Ce n'est pas une tâche aisée que d'être supérieur

It should also be noted that in Catholic theology, we never take the word of a man for that of the Holy Spirit speaking directly through his mouth, even when it comes to Holy Scripture. The spirit of the prophets is subject to the prophets; it is indeed they who speak according to what they have understood, received and interpreted from the inspiration received from God, it is not the Holy Spirit who dictates what they would be satisfied to describe. It is enough to see on this subject a good treatise on fundamental theology or an introduction to Sacred Scripture on the question of inspiration. If this is true for inspired authors, how much more so for the superior who does not benefit from the charism of inspiration.

Il faut aussi noter qu'en théologie catholique, on ne prendra jamais la parole d'un homme pour celle de l'Esprit Saint s'exprimant directement par sa bouche, même lorsqu'il s'agit de l'Écriture Sainte. L'esprit des prophètes est soumis aux prophètes ; ce sont bien eux qui parlent en fonction de ce qu'ils ont compris, reçu et interprété de l'inspiration reçue de Dieu, ce n'est pas l'Esprit Saint qui dicte ce qu'ils se contenteraient d'écrire. Il suffit de voir à ce propos un bon traité de théologie fondamentale ou une introduction à l'Écriture Sainte sur la question de l'inspiration'. Si cela est vrai pour les auteurs inspirés, combien plus pour le supérieur qui ne bénéficie pas du charisme de l'inspiration.

See for example: W. Harrington, New Introduction to the Bible, Paris, Ed. du Seuil, 1971, has a good chapter on the subject.

 

Thus, one must be careful when one says or hears that the superior holds, in a certain sense, the place of God. A small anecdote can illustrate to what extent this shift has become pregnant in Christian culture. The author of these lines, for being so aware of what has just been said, had written in a first version of the text that the religious sees in the word of the superior a word that God addresses to him. A reviewer rightly pointed out to him that the formula is open to criticism.

Ainsi, il faut être prudent lorsque l'on dit ou entend que le supérieur tient, en un certain sens, la place de Dieu. Une petite anecdote peut illustrer à quel point ce glissement est devenu prégnant dans la culture chrétienne. L'auteur de ces lignes, pourtant sensibilisé sur ce qui vient d'être dit, avait écrit dans une première version du texte que le religieux voit dans la parole du supérieur une parole que Dieu lui adresse. Un relecteur lui a fait justement remarquer que la formule prêtait le flanc à la critique

Such an expression draws attention to the content of this word, with all the excesses that this can cause, or cases of conscience when one thinks that the abbot is mistaken. But in Benedictine obedience, what is at stake is not the content of obedience, obedience to an order supposed to express the will of God. It is the inner attitude that is essential. Monks obey the abbot as they do God, that is, obedience is an experience of the embodiment of their relationship to Christ. They must have with regard to the abbot the feelings which they have for Christ, the essential thing is that they obey with joy’. (RB 5)

Une telle expression porte l'attention sur le contenu de cette parole, avec toutes les dérives que cela peut susciter, ou les cas de conscience lorsqu'on pense que l'abbé se trompe. Mais dans l'obéissance bénédictine, ce qui est en jeu n'est pas le contenu de l'obéissance, obéissance à un ordre censé exprimer la volonté de Dieu. C'est l'attitude intérieure qui est essentielle. Les moines obéissent à l'abbé comme à Dieu, c'est-à-dire que l'obéissance est une expérience d'incarnation de leur relation au Christ. Il leur faut avoir à l'égard de l'abbé les sentiments qu'ils portent au Christ, l'essentiel est qu'ils obéissent avec joie'

   

The abbot bears this name, “not that he is taking it upon himself, but it will be attributed to him for the honor and love of Christ”. (RB 63

L'abbé porte ce nom, « non point qu'il l'usurpe luimême, mais on le lui attribuera pour l'honneur et l'amour du Christ »'.

The remark was perfectly correct. This little slip-up from the first draft shows how easy the slip-up is, without us even thinking about it. Moreover, however precious it may be, the famous letter of Saint Ignatius on obedience sometimes leaves something to be desired on this point. There is no lack of phrases which, taken in isolation, would identify the will of the superior and the will of God. It is therefore important to read it in its entirety, not forgetting the restrictions it contains, especially with regard to the third degree of obedience that we must now address.

La remarque était parfaitement exacte. Ce petit dérapage de la première rédaction montre à quel point le glissement est facile, sans même que nous y pensions. D'ailleurs, pour précieuse qu'elle soit, la fameuse lettre de saint Ignace sur l'obéissance' laisse parfois à désirer sur ce point. Il n'y manque pas de phrases qui, prises isolément, identifieraient la volonté du supérieur et la volonté de Dieu. Il importe donc de la lire dans sa globalité en n'oubliant pas les restrictions qu'elle contient surtout à propos du troisième degré de l'obéissance qu'il nous faut maintenant aborder.

 

 

 

 

 THE THIRD STEP OF OBEDIENCE: SUBMISSION OF JUDGMENT

TROISIÈME DEGRÉ DE L'OBÉISSA NCE LA SOUMISSION DU JUGEMENT

 

 

If by our vow of obedience we submit our will, the fact remains that our intelligence cannot simply stand aside. Ignatius of Loyola, in his letter on obedience, clearly distinguishes the different degrees of obedience.

Si par notre voeu d'obéissance nous soumettons notre volonté, il reste que notre intelligence ne peut pas rester simplement de côté. Ignace de Loyola, dans sa lettre sur l'obéissance, distingue d'une façon limpide les différents degrés de l'obéissance.

Ignatius of Loyola, “Letter to the fathers and brothers of Portugal of March 26, 1553”, in S. Ignatius, Lettres, G. Dumeige (ed.), Paris, DDB., “Christus”, 1959, p. 296-306.

 

He has only four lines for the first, the material execution of the order received, and immediately passes on to the second, the submission of the will, which he treats a little more extensively. But all his insistence is on the third degree, the submission of judgment, (Or understanding, that is, intelligence).the necessity of which must first be understood.

Il n'a que quatre lignes pour le premier, l'exécution matérielle de l'ordre reçu, et passe immédiatement au second, la soumission de la volonté, dont il traite un peu plus longuement. Mais toute son insistance va sur le troisième degré, la soumission du jugement', dont il faut d'abord comprendre la nécessité.

If a superior asks a religious to repaint the whole house and do it with pure white when the religious thinks it would be better to do it with an off-white, the latter can very well clearly submit to what he asks his superior while keeping his idea, but this situation presents a drawback underlined by Saint Ignatius: “ Without great violence, it is not possible for the will to submit constantly in things that judgment disapproves of”.

Si un supérieur demande à un religieux de repeindre toute la maison et de le faire avec un blanc pur alors que le religieux pense qu'il serait mieux de le faire avec un blanc cassé, ce dernier peut très bien se soumettre clairement à ce que lui demande son supérieur tout en gardant son idée, mais cette situation présente un inconvénient souligné par saint Ignace : « Sans une grande violence, il n'est pas possible que la volonté se soumette constamment dans les choses que le jugement désapprouve'. »

Giving yourself totally, over time, when you are divided in this way, is difficult, if not impossible. Obviously, each spontaneously considers that his personal idea is better than that of the other and that there are objective reasons (he thinks!) to affirm this. The third degree of obedience requires accepting that it is possible that the idea of the superior is as good, or even better, than mine and to really adhere to it by relativizing my own point of view. This degree is essentially a matter of humility. Se donner totalement, dans la durée, quand on est ainsi divisé est difficile, sinon impossible. Évidemment, chacun considère spontanément que son idée personnelle est meilleure que celle de l'autre et qu'il y a des raisons objectives (pense-t-il !) pour l'affirmer. Le troisième degré de l'obéissance demande d'accepter qu'il soit possible que l'idée du supérieur soit aussi bonne, voire meilleure, que la mienne et d'y adhérer réellement en relativisant mon propre point de vue. Ce degré relève essentiellement de l'humilité.

But it is necessary to add here some essential refinements.

Mais il faut ici ajouter quelques précisions essentielles.

The intelligence does not have the flexibility of the will, it is determined by the truth. It is never permissible to seek to bend one’s intelligence against the truth.

L'intelligence n'a pas la souplesse de la volonté, elle est déterminée par la vérité. Il n'est jamais permis de chercher à plier son intelligence contre la vérité.

Submission of intelligence is desirable in concrete situations where diverse opinions may exist. Painting pure white or off-white is purely a matter of preference and not literal truth. The monk’s excessive attachment to his own preference in this area is therefore an obvious imperfection.

La soumission de l'intelligence est souhaitable dans des situations concrètes où des avis divers peuvent exister. Peindre en blanc pur ou en blanc cassé est une pure question de préférence et ne relève pas de la vérité au sens propre. L'attachement excessif du moine à sa propre préférence dans ce domaine est donc une évidente imperfection.

It is impossible to transfer what has just been said to all areas. If the superior asks to put cooking oil in the engine of the tractor, the monk who knows a little about mechanics can no longer bend his intelligence. He knows perfectly well that by doing this he will seriously damage the engine. But it is not possible for him to suppose that this is the intention of the superior. It is therefore necessary that he informs the superior. If he persists in thinking that this is a very good solution and that the engine will not suffer, the monk will find himself in difficulty. It will be up to him to judge whether the evil is serious or not. (See Paul VI, Apostolic Exhortation Evangelica testificatio, quoted earlier in this chapter)

Il est impossible de transférer ce que l'on vient de dire dans tous les domaines. Si le supérieur demande de mettre de l'huile de cuisine dans le moteur du tracteur, le moine qui connaît un peu la mécanique ne peut plus faire plier son intelligence. Il sait parfaitement qu'en faisant cela, il va endommager gravement le moteur. Or il ne lui est pas possible de supposer que ce soit l'intention du supérieur. Il est donc nécessaire qu'il en informe le supérieur. Si celui-ci s'entête à penser que c'est une très bonne solution et que le moteur n'en souffrira pas, le moine va se trouver en difficulté. Il lui reviendra de juger si le mal est grave ou non'.

 

 

Saint Ignatius is very clear about the domain to which can apply the submission of intelligence:

Saint Ignace est très clair sur le domaine auquel peut s'appliquer la soumission de l'intelligence :

Although this faculty of the mind is not free in its operations as the will is, and naturally gives its assent to what seems to it true, nevertheless in many situations, where the evidence of the known truth does not necessarily prevail, it may follow one course or the other, according to the movement which the will gives it. And it is in these situations, which are not obvious, that any man who professes to be obedient must submit to the advice of his superior. (Ignatius Loyola, “ Letter to the fathers and brothers of Portugal of March 26, 1553”, p. 296-306)

Quoique cette faculté de l'esprit ne soit pas libre dans ses opérations comme l'est la volonté, et qu'elle donne naturellement son assentiment à ce qui lui paraît véritable, néanmoins en de nombreuses situations, où l'évidence de la vérité connue ne l'emporte pas nécessairement, elle peut suivre un parti ou l'autre, selon le mouvement que la volonté lui donne. Et c'est dans ces situations qui ne sont pas évidentes, que tout homme qui fait profession d'être obéissant doit se soumettre à l'avis de son supérieur'.

The domain within which it is possible to submit one’s intelligence is clearly defined: these are situations where the evidence of the known truth does not necessarily prevail. This is the liberating principle: only situations where there is no major reason to prefer one opinion rather than the other invite the religious to also submit his intelligence. In all other cases, conscience retains its rights.

Le domaine à l'intérieur duquel il est possible de soumettre son intelligence est clairement défini : il s'agit des situations où l'évidence de la vérité connue ne l'emporte pas nécessairement. Tel est le principe libérateur : seules les situations où il n'y a pas de raison majeure de préférer un avis plutôt que l'autre invitent le religieux à soumettre aussi son intelligence. Dans tous les autres cas, la conscience garde ses droits.

Francis de Sales, for his part, takes the trouble to specify that he only asks for blind obedience (in the sense he has specified) for things of little importance. When it comes to planting cabbages, if the superior asks to plant them in a foolish way, the consequence is small enough that obedience can prevail. If it is a question of planting 15 hectares of cabbage and if the damage for the community can become important, it is then the duty of the sister to warn the superior of her mistake. Ignatius of Loyola also speaks of it:

François de Sales, de son côté, prend la peine de préciser qu'il ne demande une obéissance aveugle (dans le sens qu'il a précisé) que pour des choses de peu d'importance. Quand il s'agit de planter des choux, si la supérieure demande de les planter d'une façon stupide, la conséquence est suffisamment peu importante pour que l'obéissance puisse prévaloir. S'il s'agit de planter 15 hectares de choux et si le préjudice pour la communauté peut devenir important, il est alors du devoir de la soeur de prévenir la supérieure de sa méprise. Ignace de Loyola en parle lui aussi :

It is not, however, that if there comes to your mind some opinion different from that of the superior, and that after having consulted our Lord in prayer it seems to you that you must reveal it, you cannot do so.  (Ignatius Loyola, “ Letter to the fathers and brothers of Portugal of March 26, 1553”, p. 296-306)

Ce n'est pas pourtant que s'il se présente à votre esprit quelque avis différent de celui du supérieur, et qu'après avoir consulté notre Seigneur dans la prière il vous semble devoir l'exposer, vous nele puissiez faire'.

He adds that one must keep a detached mind in this.

Il ajoute que l'on doit garder en cela un esprit détaché

As long as it concerns purely material questions, there are not too many difficulties. When the good of people is involved, the responsibility of the religious becomes more important and it is no longer possible for him to do just anything under the pretext that his superior has asked him to.

Tant qu'il s'agit de questions purement matérielles, il n'y a pas trop de difficultés. Lorsque le bien des personnes est engagé, la responsabilité du religieux devient plus importante et il ne lui est plus possible de faire n'importe quoi sous prétexte que son supérieur le lui a demandé.

In any case, it must be firmly underlined that the submission of intelligence is limited to the framework of things to be done. Obedience in no way allows the superior to dictate to the religious what he should think. Our intelligence must submit to Christ through the Church and this submission to the Church can be taught by the superior, but he cannot go further. It is not he who has authority in matters of faith or morals since he himself is subject to this obedience to the Church, in the same way as all his religious. And since he can only command according to the constitutions, (See the CIC text quoted above) it is clear that he cannot do so in matters of politics, philosophy or otherwise. He must of course ensure the formation of his religious, but this does not come under obedience: intelligence must be convinced, it cannot be coerced. Nor can he command in matters of spirituality, this matter will be dealt with later in connection with spiritual abuse.

En tout cas, il faut souligner avec fermeté que la soumission de l'intelligence se limite au cadre des choses à faire. L'obéissance ne permet en aucune façon au supérieur de dicter au religieux ce qu'il doit penser. Notre intelligence doit se soumettre au Christ à travers l'Église et cette soumission à l'Église pourra être enseignée par le supérieur mais il ne peut aller plus loin. Ce n'est pas lui qui a autorité en matière de foi ou de morale puisqu'il est lui-même soumis à cette obéissance à l'Église, au même titre que tous ses religieux. Et puisqu'il ne peut commander que suivant les constitutions', il est clair qu'il ne peut le faire en matière de politique, de philosophie ou autre. Il doit bien sûr assurer la formation de ses religieux, mais cela ne relève pas de l'obéissance : l'intelligence doit être convaincue, elle ne peut être contrainte. Il ne peut pas non plus commander en matière de spiritualité, cette question sera traitée plus loin à propos de l'abus spirituel.

The proper understanding of the submission of intelligence in religious obedience has always been difficult. However, if it is missing, the consequences can be significant. On the side of the subject, the one who completely refuses the principle of this submission generally arrives at: I obey if I agree. Or, as a little cartoon of a young nun kneeling before her prioress put it with humor: I make a vow of obedience, provided that the superior is nice and that I agree with what she proposes after negotiation.

La compréhension juste de la soumission de l'intelligence dans l'obéissance religieuse a toujours été difficile. Pourtant, si elle manque, les conséquences peuvent être importantes. Du côté du sujet, celui qui refuse entièrement le principe de cette soumission en arrive en général à : j'obéis si je suis d'accord. Ou, comme le disait avec humour une petite caricature montrant une jeune religieuse à genoux devant sa prieure : Je fais voeu d'obéissance, à condition que la supérieure soit sympa et que je sois d'accord avec ce qu'elle propose après négociation.

 

 

 

 

 REFLECTION ON PROVIDENCE

RÉFLEXION SUR LA PROVIDENCE

 

 

The status of obedience that brings us into God’s plan through a very imperfect person is not an exception, it covers our whole life.

Le statut de l'obéissance qui nous fait rejoindre le dessein de Dieu à travers une personne très imparfaite n'est pas une exception, il recouvre toute notre vi

Nobody, in fact, does what he wants in life. The monks have made a vow of obedience, but all men obey, willy-nilly, in a number of events that they had in no way wanted. These events are not left to blind chance because

Personne, en effet, ne fait ce qu'il veut dans la vie. Les religieux ont fait un voeu d'obéissance, mais tous les hommes obéissent, bon gré mal gré à quantité d'événements qu'ils n'avaient aucunement voulus. Ces événements ne sont pas livrés à un hasard aveugle car

God guards and governs by His providence all that He has created. The testimony of Scripture is unanimous: the solicitude of divine providence is concrete and immediate, it takes care of everything, from the smallest little things to the great events of the world and of history. With force, the holy books affirm the absolute sovereignty of God in the course of events. (CEC, Nos. 302 and 303.)

Dieu garde et gouverne par sa providence tout ce qu'Il a créé. Le témoignage de l'Écriture est unanime : la sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu'aux grands événements du monde et de l'histoire. Avec force, les livres saints affirment la souveraineté absolue de Dieu dans le cours des événements'.

Jesus tells us about the sparrows: “Not a single one falls to the ground except your Father wills it” (Mt 10, 29). The Catechism of the Catholic Church gives an excellent synthesis in numbers 300-314. A concrete example will help us to bring out the relationship of Providence with the obedience of the religious.

Jésus nous le dit en parlant des moineaux : « Pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille » (Mt 10, 29). Le Catéchisme de l'Église catholique en donne une excellente synthèse dans les numéros 300-314. Un exemple concret nous aidera à dégager les rapports de la Providence avec l'obéissance du religieux.

Hector drives quietly on a small country road. Anatole comes in front, he’s had too much to drink and recklessly overtakes a truck at the top of a hill, with no visibility. The two vehicles collide and Hector, seriously injured, will remain paraplegic. Can we say that God had willed this accident? The answer is less simple than it seems.

Hector roule tranquillement sur une petite route de campagne. Anatole vient en face, il a trop bu et dépasse imprudemment un camion au sommet d'une côte, sans visibilité. Les deux véhicules se percutent et Hector, gravement blessé, restera paraplégique. Peut-on dire que Dieu avait voulu cet accident ? La réponse est moins simple qu'il n'y paraît.

Directly, no: God did not ask Anatole to get drunk and commit some gross recklessness that could have caused Hector’s death as well as his own. To think so would be to make a mockery of human freedom. “It was written” amounts to replacing loving Providence with a fatalism that reduces our life to a theater.

ponse est moins simple qu'il n'y paraît. Directement, non : Dieu n'a pas demandé à Anatole de se saouler et de commettre une imprudence grave qui aurait pu causer la mort d'Hector aussi bien que la sienne. Le penser serait tourner en dérision la liberté humaine. « C'était écrit », revient à remplacer la Providence aimante par un fatalisme qui réduit notre vie à un théâtre.

God is in no way, either directly or indirectly, the cause of moral evil. He allows it however, respecting the freedom of his creature, and, mysteriously, he knows how to bring forth good from it.(CEC, n° 311, which adds the references: Augustine, lib. 1, 1, 1: PL 32, 1221-1223; Thomas. Aquinas, Summ. Theol. IaIIæ, q. 79, a. 1.)

Dieu n'est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral. Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien'.

God, therefore, does not want evil but allows it. This is also good because God has given us the freedom to act for good or for evil:

Dieu, donc, ne veut pas le mal mais le permet. Ceci vaut également du bien car Dieu nous a donné la liberté d'agir pour le bien comme pour le mal :

God not only causes His creatures to exist, He also gives them the dignity to act themselves, to be causes and principles for each other and thus to cooperate in the accomplishment of His designs. (Ibid., No. 306).

Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d'exister, il leur donne aussi la dignité d'agir elles-mêmes, d'être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l'accomplissement de son desseins.

This could save Hector a revolt against God: What did I do to God to make him do this to me? No, God didn’t do that, but He respected Anatole’s freedom, even when he misused it. He does this to us all the time.

Ceci pourra éviter à Hector une révolte contre Dieu : Qu'est-ce que j'ai fait à Dieu pour qu'il me fasse cela ? Non, Dieu n'a pas fait cela, mais Il a respecté la liberté d'Anatole, même quand il l'utilisait mal. Il fait ainsi sans cesse envers nous.

However, it is not possible to stop there, otherwise how can we still say that his Providence takes care of the smallest things? God would seem to distance himself and clear himself by saying to Hector: sorry, I had nothing to do with it, which risks provoking another revolt.

Il n'est pourtant pas possible d'en rester là, sinon comment dire encore que sa Providence prend soin des moindres petites choses ? Dieu semblerait prendre de la distance et se dédouaner en disant à Hector : désolé, je n'y suis pour rien, ce qui risque de provoquer une autre révolte.

What happened to Hector was not wanted by God, but He allowed it and for him, this permission is not impotence, it is a free choice of his Providence. God was not absent during the accident, He was present in both Hector and Anatole.

Ce qui est arrivé à Hector n'a pas été voulu par Dieu, mais Il l'a permis et pour lui, cette permission n'est pas une impuissance, elle est un choix libre de sa Providence. Dieu n'était pas absent lors de l'accident, Il était présent aussi bien à Hector qu'à Anatole.

Sometimes He intervenes in a more direct way, as in the attempted assassination of Saint John Paul II. Surprised that no vital organs were hit, the surgeon said, “One hand fired, another guided the bullet. These discreet interventions by the Lord or our guardian angels remain exceptional and are not part of ordinary life, except perhaps in an area invisible to us. They didn’t want to prevent John Paul II (or Hector) from being injured. Our condition as free human beings makes part of divine providence.

Parfois, Il intervient de façon plus directe, comme lors de la tentative d'assassinat de saint Jean-Paul II. Le chirurgien étonné qu'aucun organe vital n'ait été touché a dit : « Une main a tiré, une autre a guidé la balle. » Ces interventions discrètes du Seigneur ou de nos anges gardiens, restent exceptionnelles et ne font pas partie de la vie ordinaire, sauf peut-être dans une zone invisible pour nous. Elles n'ont pas voulu empêcher que Jean-Paul II (ou Hector) ne soit blessé. Notre condition d'êtres humains libres fait partie de la Providence divine.

The question then turns around: if God neither wanted nor did this, why did he not prevent it, why did he allow it? Answering this huge question is beyond the scope of this book, so let’s stick to the concrete reality: Hector has some inner work to do on this point to understand that God never abandoned him, never turned his head away, and this during all the seconds of the accident, of which he knows all the details infinitely better than we do.

La question se retourne alors : si Dieu n'a ni voulu ni fait cela, pourquoi ne l'a-t-il pas empêché, pourquoi l'a-t-il permis ? Répondre à cette question immense dépasse le cadre de ce livre, aussi restonsen à la réalité concrète : Hector a un travail intérieur à faire sur ce point pour comprendre que Dieu ne l'a jamais abandonné, n'a jamais détourné la tête, et cela pendant toutes les secondes de l'accident dont il connaît infiniment mieux que nous tous les détails.

This presence of God near Hector in all the moments of the drama will allow Hector to find the presence and the love of God in this moment of his life and in all its consequences. If God allowed it, he could get Hector some good out of it.

Cette présence de Dieu auprès d'Hector dans tous les moments du drame va permettre à Hector de trouver la présence et l'amour de Dieu dans cet instant de sa vie et dans toutes ses conséquences. Si Dieu l'a permis, c'est qu'il pouvait en tirer un bien pour Hector

For the Almighty God [...], since he is supremely good, would never allow any evil to exist in his works if he were not powerful and good enough to bring good out of evil themselves. (Aug., Enchir. 11, 3, quoted in CEC, n° 311)..

Car le Dieu Tout-puissant E...], puisqu'il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses oeuvres s'il n'était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-mêmes.

It begins with everything that we have not chosen: our parents, the environment in which we were born with all its historical, cultural and family flaws, our handicaps—we all have them—whether physical, intellectual or emotional. Many things are not good in all of this, and yet God allows a child born in these imperfect and potentially damaging circumstances. But he remains present to everything and everyone, in order to transform this path strewn with more or less serious imperfections into a path towards him, the total and shadowless good. Even our bad choices, all the “no's” that we oppose to Him, and which were obviously not wanted by Him, He respects them because He infinitely respects our freedom, and He accompanies them by following us on the path that we took, because if this path, He did not directly want it, our free human condition, He wanted it, directly.

Cela commence par tout ce que nous n'avons pas choisi : nos parents, le cadre dans lequel nous sommes nés avec toutes ses tares historiques, culturelles, familiales, nos handicaps — nous en avons tous — qu'ils soient physiques, intellectuels ou émotionnels. Bien des choses ne sont pas bonnes dans tout cela, et pourtant Dieu permet qu'un enfant naisse dans ces circonstances imparfaites et potentiellement dommageables pour lui. Mais il reste présent à tout et à tous, afin de transformer ce chemin semé d'imperfections plus ou moins graves en chemin vers Lui, le bien total et sans ombre. Même nos mauvais choix, tous les « non » que nous lui opposons, et qui n'étaient évidemment pas voulus par Lui, Il les respecte parce qu'Il respecte infiniment notre liberté, et Il les accompagne en nous suivant sur le chemin que nous avons pris, car si ce chemin, Il ne l'a pas directement voulu, notre condition humaine libre, Il l'a voulue, elle, directement.

Thus Anatole’s sin, the evil he did to Hector, can become a way of holiness for Hector; for Anatole too, moreover, if he embarks on a path of repentance. Such is the transformation that Providence inflicts on every event, which leads Saint Paul to say: “We know that when men love God, he himself makes everything work for their good” (Rom 8:28).

Ainsi le péché d'Anatole, le mal qu'il a fait à Hector, peut devenir un chemin de sainteté pour Hector ; pour Anatole aussi, d'ailleurs, s'il s'engage sur un chemin de repentance. Telle est la transformation que la Providence fait subir à tout événement, ce qui fait dire à saint Paul : « Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien » (Rm 8, 28).

Such is the dynamic that allows the religious to receive from the hand of God all that is asked of him in obedience, with the restrictions already mentioned. With a look of faith, the religious knows that the Lord is present there and expects from him that intelligent obedience endowed with discernment which is addressed to God through the superior. And in the little things without moral consequence of which daily life is woven, God expects the religious to be faithful to his vow, to obey, thus giving concrete meaning to this vow.

Telle est la dynamique qui permet au religieux de recevoir de la main de Dieu tout ce qui lui est demandé dans l'obéissance, avec les restrictions déjà dites. Dans un regard de foi, le religieux sait que le Seigneur y est présent et attend de lui cette obéissance intelligente et douée de discernement qui s'adresse à Dieu à travers le supérieur. Et dans les petites choses sans conséquence morale dont la vie quotidienne est tissée, Dieu attend du religieux qu'il soit fidèle à son voeu, qu'il obéisse, donnant ainsi un sens concret à ce voeu.

The distinction between the freedom and responsibility of the superior who commands and the freedom of the religious whom the Lord expects to express his love to him by fulfilling his vow, whenever possible, makes it possible to avoid on the one hand an undue sanctification of the word or the will of the superior, on the other hand reducing religious obedience to a purely human dimension which would amount to saying: I obey if I agree, in other words , I only obey myself.

La distinction entre la liberté et la responsabilité du supérieur qui commande et la liberté du religieux dont le Seigneur attend qu'il lui dise son amour par l'accomplissement de son voeu, toutes les fois que c'est possible, permet d'éviter d'un côté une sacralisation indue de la parole ou de la volonté du supérieur, de l'autre de réduire l'obéissance religieuse à une dimension purement humaine qui reviendrait à dire : j'obéis si je suis d'accord, autrement dit, je n'obéis qu'à moi-même.

 

 

 

 

 WHEN WE EXCEED THE LIMITS OF OBEDIENCE

QUAND ON SORT DES LIMITES DE L'OBÉISSANCE

 

 

When we exceed the limits of obedience as they have just been presented, what should have been a great good can become a great evil.

Quand on sort des limites de l'obéissance telles qu'elles viennent d'être exposées, ce qui devait être un grand bien peut devenir un grand mal.

 

 

 

 

 When the evil is obvious

Lorsque le mal est clair

 

 

The first case has already been dealt with: if the superior asks for something that goes against divine law, the religious not only is not bound to obey but it would even be a sin to do so.

Le premier cas a déjà été traité : si le supérieur demande une chose qui va contre la loi divine, le religieux non seulement n'est pas tenu à obéir mais il y aurait même péché à le faire

If the superior asks the accountant brother to camouflage a tax evasion, the situation is clear, the decision to be taken is much less so. The situation is clear because the accountant who has a moral sense will know that he has no right to obey this order. But if he refuses to obey, he knows he will have to bear the consequences, in particular the disapproval of the superior who will perhaps be severe with him.

Si le supérieur demande au frère comptable de camoufler une fraude fiscale, la situation est claire, la décision à prendre l'est beaucoup moins. La situation est claire parce que le comptable qui a un sens moral saura qu'il n'a pas le droit d'obéir à cet ordre. Mais s'il refuse d'obéir, il sait qu'il devra en porter les conséquences, en particulier le mécontentement du supérieur qui le lui manifestera peut-être vertement.

If he decides to obey against his conscience, he will probably have to numb that conscience by telling him that it is not so serious, that others do it, that if it is not he who does it another will do it in his place and this last argument is the most formidable. Is it worth complicating your life if nothing changes anyway?

S'il décide d'obéir contre sa conscience, il sera probablement obligé d'endormir cette conscience en lui disant que ce n'est pas si grave, que d'autres le font, que si ce n'est pas lui qui le fait un autre le fera à sa place et ce dernier argument est le plus redoutable. Est-ce que cela vaut la peine de se compliquer la vie si de toute façon rien ne change ?

Situations like this should be rare in a religious setting, but they can still happen. Respect for people can be seriously violated when you don’t pay pension contributions or when you make someone work without a contract and without any insurance.  People who were exploited in this way were later left homeless when they distanced themselves from the community.(Let us not forget that a religious can go out one day and find himself dependent in his old age on a retirement pension.)

De telles situations devraient être rares dans un milieu religieux, mais elles peuvent cependant se produire. Le respect des personnes peut être gravement bafoué lorsqu'on ne paye pas les cotisations de retraitesl , ou qu'on fait travailler quelqu'un sans contrat et sans aucune assurance. Des personnes ainsi exploitées se sont vues plus tard laissées à la rue quand elles ont pris de la distance par rapport à la communauté.

This can happen on very small things, like the superior who asks his secretary to answer that he is absent to a correspondent who calls. Certainly, it is not very serious and we can say that the correspondent will understand. However, if the secretary has a thin conscience, this can disturb him. But can he claim to correct his superior? It’s delicate. In all these cases, the situation is clear, the decision much less so.

Cela peut se produire sur de très petites choses, comme le supérieur qui demande à son secrétaire de répondre qu'il est absent à un correspondant qui appelle. Certes, ce n'est pas bien grave et on peut se dire que le correspondant comprendra. Pourtant, si le secrétaire a une conscience un peu fine, cela peut le troubler. Mais peut-il prétendre corriger son supérieur ? C'est délicat. Dans tous ces cas, la situation est claire, la décision beaucoup moins.

 

 

 When evil is uncertain

Lorsque le mal n'est pas certain

 

 

We advance one degree in the difficulty if it is a question of a prudential judgement. Here is something that happened in a monastery many years ago. A monk, a former doctor, filled the role of nurse. A weak-hearted old monk had received a prescription from the house doctor for an injection to support his heart. The prior asked the monk to give the injection but he thought: It’s much too strong, it will kill him. He opens up to the superior who telephones the doctor who replies that the monk’s fears are ridiculous and that there is no problem. The prior therefore maintains his request. Caught in a dilemma, the monk asks for advice and receives various opinions. He finally decides to give the injection in the evening and the old monk dies during the night. Cause or coincidence, it is certain that the event was difficult for the monk to bear.

On avance d'un degré dans la difficulté s'il s'agit d'un jugement prudentiel. Voici un fait qui s'est produit dans un monastère il y a bien des années. Un moine, ancien médecin, remplissait le rôle d'infirmier. Un vieux moine au coeur fragile avait reçu du médecin de la maison une ordonnance pour une injection afin de soutenir son coeur. Le prieur demanda au moine de faire l'injection mais celui-ci pensa : C'est beaucoup trop fort, cela va le tuer. Il s'en ouvre au supérieur qui téléphone au médecin lequel répond que les craintes du moine sont ridicules et qu'il n'y a aucun problème. Le prieur maintient donc sa demande. Pris dans un dilemme, le moine demande conseil et reçoit des avis divers. Il se décide finalement à faire l'injection le soir et le vieux moine meurt dans la nuit. Cause ou coïncidence, il est certain que l'événement fut difficile à porter pour le moine.

We may assume that the prior asked him for forgiveness, but what would have happened if the monk had refused to give the injection, a nurse had come to give it and the old monk had felt no harm from it? Would the superior have accepted the thing as well? Yet there was, on the side of the conscience of the monk, no difference since he never claimed to have a certainty that the monk was going to die, it was only a significant risk.

On peut supposer que le prieur lui aura demandé pardon, mais que se serait-il passé si le moine avait refusé de faire l'injection, qu'un infirmier soit venu la faire et que le vieux moine n'en ait ressenti aucun mal ? Le supérieur aurait-il aussi bien accepté la chose ? Pourtant il n'y avait, du côté de la conscience du moine, aucune différence puisqu'il n'a jamais prétendu avoir une certitude que le moine allait mourir, cela relevait seulement d'un risque important.

The difficulty for the monk was that the situation was less clear than in the previous cases, as evidenced by the diversity of opinions he had received. Lying or committing tax evasion is something that is clearly unethical. But here the question inevitably arises for him: “am I right to believe that this injection risks being fatal since the other doctor says exactly the opposite? He finds himself caught between two bad solutions: disobeying the prior, or disobeying his conscience. Whatever solution is taken, he will find himself in pain, and this is the reason why the prior is at fault vis-à-vis him when he imposes such a dilemma on him when other solutions were possible, especially the more normal solution of asking a professional nurse.

La difficulté pour le moine venait de ce que la situation était moins claire que dans les cas précédents, comme le prouve la diversité des avis qu'il a reçu. Mentir ou faire une fraude fiscale, est une chose qui est clairement contraire à la morale. Mais ici la question se pose forcément pour lui : « ai-je raison de croire que cette injection risque d'être fatale puisque l'autre médecin dit exactement le contraire ? » Il se trouve pris entre deux mauvaises solutions : désobéir au prieur, ou désobéir à sa conscience. Quelle que soit la solution prise, il va se trouver mal, et c'est la raison pour laquelle le prieur est en faute vis-à-vis de lui lorsqu'il lui impose un tel dilemme alors que d'autres solutions étaient possibles, en particulier la solution plus normale de demander à un infirmier professionnel.

 

 

 

 

 When the true principle of discernment is achieved

Lorsque le principe même du discernement est atteint

 

 

The examples we have taken so far could occur equally well in civilian life.  Religious life offers a particular risk because of the value given to obedience by the vow, a value which is no longer at the level of the act but of the person. By our vow of obedience, we wish to be conformed to the image of Christ by completely obedient. Now Christ learned that he suffered obedience. In the reflection on the total oblation of self to God, can we come to the conclusion that, for it to be effectively total, the religious must renounce not only his will but also his intelligence?

Les exemples que nous avons pris jusqu'ici pourraient se présenter à l'identique dans la vie civile. La vie religieuse offre un risque particulier en raison de la valeur donnée à l'obéissance par le voeu, valeur qui ne se situe plus au niveau de l'acte mais de la personne. Par notre voeu d'obéissance, nous souhaitons être conformés à l'image du Christ parfaitement obéissant. Or le Christ apprit de ce qu'il souffrit l'obéissance. Dans la réflexion sur l'oblation totale de soi à Dieu, peut-on arriver à la conclusion que, pour qu'elle soit effectivement totale, il faut que le religieux renonce non seulement à sa volonté mais aussi à son intelligence ?

Some go so far based on ancient texts such as the chapter on the obedience of John Climacus, and giving instructions like these: Certains vont jusque-là en s'appuyant sur des textes anciens comme le chapitre sur l'obéissance de Jean Climaque, et en donnant des instructions comme celles-ci :

“The perfect disciple has total confidence in his abba:  it is the latter who has wisdom, and everything he asks is necessarily good. To think is to rationalize and to rationalize, that’s just what Eve did with the serpent, and so he deceived her. The abba discerns and you don’t reflect, you have forgotten what it is to reflect. This is giving your intelligence: renouncing discernment out of fullness of discernment.

 « Le parfait disciple fait une confiance totale à son abbal , c'est ce dernier qui a la sagesse et tout ce qu'il demande est nécessairement bien. Réfléchir c'est rationaliser et rationaliser, c'est juste ce qu'a fait Ève avec le serpent, et ainsi il l'a trompée. L'abba discerne et toi tu ne réfléchis pas, tu as oublié ce que c'était que réfléchir. C'est cela donner ton intelligence : renoncer au discernement par plénitude de discernement. »

The Holy Ladder, by Saint John Climacus, is the book that gave him his name. In Greek, ladder is called Klimax. We use this term abba so that we do not have to choose between the multiple terms used according to circumstances and communities.

 

For young people, this approach can seduce by its absolute aspect. “You give yourself totally, you abdicate your responsibility and your intelligence by submitting yourself totally and unconditionally to someone who will embody the will of God for you. In this way you are totally free, totally free from the bondage of your own will.

Pour des jeunes, cette approche peut séduire par son côté absolu. « Tu te donnes totalement, tu abdiques ta responsabilité et ton intelligence en te soumettant totalement et inconditionnellement à quelqu'un qui va incarner la volonté de Dieu sur toi. De cette façon tu es totalement libre, totalement libéré de l'esclavage de ta volonté propre. »

A young person can sink into this for a while, because it removes the heavy burden of discernment. At first the fruits are good, and this is not surprising. The sense of obedience is so degraded in our society that the application of horse therapy can be effective. But simultaneously this therapy establishes a new imbalance, worse than the evil it claimed to fight.

Un jeune peut foncer là-dedans pour un certain temps, parce que cela lui enlève le lourd fardeau du discernement. Au début, les fruits sont bons et cela n'a rien de surprenant. Le sens de l'obéissance est si dégradé dans notre société que l'application d'une thérapeutique de cheval peut s'avérer efficace. Mais simultanément cette thérapeutique instaure un nouveau déséquilibre, pire que le mal qu'elle prétendait combattre.

To understand the words of Jean Climacus, they must be placed in their context. It would take a book for that, both the monument that constitutes The Ladder contains a doctrine as precious as it is inimitable. Claiming to transpose to the twenty-first century this synthesis of Syrian monasticism in the seventh century can lead to serious damage. He himself warns his reader, in his chapter on obedience:

Pour comprendre les paroles de Jean Climaque, il faut les situer dans leur contexte. Il faudrait un livre pour cela tant le monument que constitue L'échellecontient une doctrine aussi précieuse qu'inimitable'. Prétendre transposer au xxie siècle cette synthèse du monachisme syrien au vile siècle peut aboutir à de graves dommages. Il prévient lui-même son lecteur, dans son chapitre sur l'obéissance :

At the moment of bending our necks and entrusting ourselves to another, in the Lord, to acquire humility and above all salvation, even before entering, if we have some skill and some prudence, we will have to examine, scrutinize, and as it were to test our pilot, lest falling on a sailor instead of a pilot, on a sick man instead of a doctor, on a man subject to passions instead of a man impassive, and meeting the open sea instead of the port, we were not going to meet a ready-made shipwreck .(Jean Climacus, The Holy Ladder, 4th degree, “Obedience”, Paris, Ed. du Cerf, 2019, p. 57).

Au moment de courber la nuque et de nous confier à un autre, dans le Seigneur, pour acquérir l'humilité et surtout le salut, avant même d'entrer, si nous avons quelque habileté et quelque prudence, il nous faudra examiner, scruter, et pour ainsi dire mettre à l'épreuve notre pilote, de peur que tombant sur un matelot au lieu d'un pilote, sur un malade au lieu d'un médecin, sur un homme sujet aux passions au lieu d'un homme impassible, et rencontrant la pleine mer au lieu du port, nous n'allions au-devant d'un naufrage tout préparée .

The temptation to transpose the figure of the staretz to the West will be discussed later . The words of Ignatius Briantchaninov will not be less severe. Father Labourdette, OP writes

Il sera question plus loin de la tentation de transposer en Occident la figure du staretz. Les paroles d'Ignace Briantchaninov ne seront pas moins sévères. Le père Labourdette, o.p. écrit :

Obedience is a virtue of a free man. Any subhuman obedience is a counterfeit [...] To truly obey, one must be able to disobey .(M.-M. labourdette, Course in moral theology, t. H. Special moral, Paris, Word and Silence, 2012, p. 739-740. Quoted in the article by Fr H. Donneaud, “The theological issues of obedience in consecrated life”, n. 2, p. 156).

L'obéissance est une vertu d'homme libre. Toute obéissance infrahumaine en est une contrefaçon [...] Pour obéir vraiment, il faut être capable de désobéira .

The sentence is stark but easy to understand. Can we say that a man who is taken to prison obeys the gendarmes? Materially, perhaps, but this obedience is not free, it is endured and not wanted. The distinction of Saint Thomas between act of man and human act, mentioned above, applies here. Religious obedience, following the example of Christ, is the free submission of a free will enlightened by a free intelligence. Everything else has no religious value.

La phrase est forte mais se comprend aisément. Peut-on dire qu'un homme qu'on conduit en prison obéit aux gendarmes ? Matériellement, peut-être, mais cette obéissance n'est pas libre, elle est subie et non voulue. La distinction de saint Thomas entre acte de l'homme et acte humain, mentionnée plus haut, s'applique ici. L'obéissance religieuse, à l'exemple du Christ, est la soumission libre d'une volonté libre éclairée par une intelligence libre. Tout le reste n'a pas de valeur religieuse.

For the physical constraint of the gendarmes, we can substitute a more subtle one: Tie up the intelligence, you tie up everything else because the will is no longer free, it resembles that of a person under hypnosis who has lost the responsibility for his actions. Apparently she obeys, but in reality she no longer exists as a person and looks more like a robot. Wouldn’t giving away one ‘s intelligence be a kind of spiritual hypnosis? After all, to whom do we give it?

A la contrainte physique des gendarmes, on peut en substituer une plus subtile : Ligotez l'intelligence, vous ligotez tout le reste car la volonté n'est plus libre, elle ressemble à celle d'une personne sous hypnose qui a perdu la responsabilité de ses actes. Apparemment elle obéit, mais en réalité elle n'existe plus comme personne et ressemble plus à un robot. Donner son intelligence ne relèverait-il pas d'une sorte d'hypnose spirituelle ? Car finalement, à qui la donne-t-on ?

 

 

 

 

 May we renounce our intelligence?

Peut-on renoncer à son intelligence ?

 

 

Sublime as it may seem, this doctrine results in the atrophy of a faculty essential for spiritual life: discernment. He who renounces his intelligence, how will he manage to discern his thoughts? One will answer: It is his abba who will do it. But this answer is only a pretty sentence without much grip with reality. The combat of thoughts is constant, daily, it concerns all the movements of the soul. Would he, the disciple could not say one percent to his abba. Strange paternity that wants to keep a monk in childhood without exercising that which comprises the power of the elders, discernment...

Pour sublime qu'elle paraisse, cette doctrine aboutit à l'atrophie d'une faculté essentielle pour la vie spirituelle : le discernement. Celui qui renonce à son intelligence, comment fera-t-il pour discerner ses pensées ? On répondra : C'est son abba qui le fera. Mais cette réponse n'est qu'une jolie phrase sans grande prise avec le réel. Le combat des pensées est constant, quotidien, il concerne tous les mouvements de l'âme. Le voudrait-il, le disciple ne pourrait pas en dire un pour cent à son abba. Étrange paternité qui veut maintenir un moine en enfance sans l'exercer dans ce qui fait la force des anciens, le discernement...

Some will say: “See how beautiful it is, this monk who has become a child, in absolute docility and who will do anything, whatever you tell him.” It cannot be denied that a disabled person can be beautiful because man’s resources are deep. Can this justify deliberately creating a handicap? “Man was created in the image of God, which means that he is endowed with intelligence, free will and autonomous power”, writes Saint Thomas (Thomas Aquinas, Sum Theol, Prologue to IaIIæ.).

Certains diront : Voyez comme c'est beau, ce moine qui est devenu un enfant, dans une docilité absolue et qui fera n'importe quoi, quoi qu'on lui dise. On ne peut pas nier qu'une personne handicapée puisse être belle parce que les ressources de l'homme sont profondes. Cela peut-il justifier de créer délibérément un handicap ? « L'homme a été créé à l'image de Dieu, ce qui signifie qu'il est doué d'intelligence, de libre arbitre et d'un pouvoir autonome », écrit saint Thomas.

If intelligence is one of the dimensions of the image of God in us, it would offend God to silence it. The Old Testament insists, sometimes heavily, that one should not offer an unclean victim to God (cf Lv 22,21-25, etc.).

Si l'intelligence est une des dimensions de l'image de Dieu en nous, ce serait offenser Dieu que de la réduire au silence. L'Ancien Testament insiste, parfois lourdement, pour qu'on n'offre pas à Dieu une victime tarée'.

An obedience without intelligence is an obedience of a robot, it mutilates man in a part of his resemblance to God, it is unworthy of God because it is unworthy of man. Spiritual accompaniment must help the Christian to rediscover his full dignity as the image of God, as God wanted it from the beginning. It is impressive to see, in the second account of creation, God who brings to man the living beings he has just created “to see what he would call them: the name that man would give to any living being would be his name.” (Gn 2, 19, Osty translation, closer to Hebrew than the Liturg. Bible.).

Une obéissance sans intelligence est une obéissance de robot, elle mutile l'homme d'une partie de sa ressemblance avec Dieu, elle est indigne de Dieu parce qu'elle est indigne de l'homme. L'accompagnement spirituel doit aider le chrétien à retrouver sa pleine dignité d'image de Dieu, telle que Dieu l'a voulue dès l'origine. Il est impressionnant de voir, dans le deuxième récit de la création, Dieu qui amène à l'homme les êtres vivants qu'il vient de créer « pour voir comment il les appellerait : le nom que l'homme donnerait à tout être vivant serait son nom' » (Gn 2,19)

God respects the work of Adam’s intelligence, he accepts the name he gives to creatures.

Dieu respecte l'oeuvre de l'intelligence d'Adam, il accepte le nom qu'il donne aux créatures.

The highest spiritual life is no exception. Teresa of Avila warns us of this:

La vie spirituelle la plus élevée ne fait pas exception à la règle. Thérèse d'Avila nous en avertit :

 In the mystical theology of which I have begun to speak, the understanding ceases to act, for God suspends it... Pretend or think of suspending it ourselves, that is what I ask not to do; you shouldn’t stop using it either, on pain of becoming cold, stupid, and getting nothing; for when the Lord suspends and arrests our understanding, He gives it something to amaze and occupy it, and without reasoning, the time of a creed, He makes it understand more things than it would obtain in many years all of our land application. Using the powers of the soul and believing to immobilize them is madness. (Teresa of Avila Autobiography, 12, 5, Paris, DDB, p. 79.)

Dans la théologie mystique dont j'ai commencé à parler, l'entendement cesse d'agir, car Dieu le suspend... Prétendre ou penser à le suspendre nous-mêmes, voilà ce que je demande de ne point faire ; il ne faut pas non plus cesser de l'utiliser, sous peine de devenir froid, stupide, et de ne rien obtenir ; car quand le Seigneur suspend et arrête notre entendement, Il lui donne de quoi l'émerveiller et l'occuper, et sans raisonnement, le temps d'un credo, Il lui fait comprendre plus de choses que ne l'obtiendrait en beaucoup d'années toute notre application terrestre. Utiliser les puissances de l'âme et croire les immobiliser, c'est de la folies .

 

 

 

 

 A formula of Saint John Climacus

La formule de saint Jean Climaque

 

 

The formula of St. John Climacus that “obedience is a renunciation of discernment through overabundance of discernment” cannot be applied to all cases. This paradoxical formula requires an exegesis. But it should be clear that what is essential is precisely the overabundance of discernment. If we understand it this way: the absence of discernment is an overabundance of discernment, we are making a dangerous mistake. (The Holy Ladder, ch. 4: “Of blessed and always laudable obedience”, n° 3.)

La formule de saint Jean Climaque selon laquelle « l'obéissance est un renoncement au discernement par surabondance de discernement' » ne peut pas être appliquée à tous les cas. Cette formule paradoxale demande une exégèse. Mais il devrait être clair que l'essentiel est précisément la surabondance du discernement. Si on la comprend ainsi : l'absence de discernement est une surabondance de discernement, on fait une erreur dangereuse. En réalité, Jean

In fact, John Climacus demands a highly spiritual discernment capable of grasping when the value of obedience is more important than the material result of the action requested. In other words, even if the idea of the monk was perhaps better in itself than that of the superior, the perfection of the act of obedience of the monk who leaves aside his own thought (lack of discernment) can compensate amply the possible loss of material yield - on the condition that the result is not obviously catastrophic. If the superior wants a brother to paint a large room with a brush rather than a roller, without the brother being able to perceive any interest in this choice, there is no doubt that he will waste time

Climaque demande un discernement hautement spirituel capable de saisir dans quel cas la valeur de l'obéissance est plus importante que le résultat matériel de l'action demandée. En d'autres termes, même si l'idée du moine était peut-être meilleure en soi que celle du supérieur, la perfection de l'acte d'obéissance du moine qui laisse de côté sa propre pensée (absence de discernement) peut compenser amplement l'éventuelle perte de rendement matériel — à la condition que le résultat ne soit pas évidemment catastrophique. Si le supérieur tient à ce qu'un frère peigne une grande pièce au pinceau plutôt qu'au rouleau, sans que le frère puisse percevoir aucun intérêt à ce choix, il ne fait pas de doute qu'il va perdre du temps.

. Let him spend this painting time telling the Lord that he is happy to have, out of love for Him, renounced his will, this time becomes a moment of prayer: all that was apparently lost is, if the it can be said, regained, the matter was unimportant. If the matter is serious, or if the good of other people is at stake, an absence of discernment will no longer be an overabundance of discernment, but irresponsible behavior.

Qu'il passe ce temps de peinture à dire au Seigneur qu'il est heureux d'avoir, par amour pour Lui, renoncé à sa volonté, ce temps devient un moment de prière : tout ce qui était apparemment perdu est, si l'on peut dire, regagné, la matière était sans importance. Si la matière est grave, ou si le bien d'autres personnes entre en jeu, une absence de discernement ne sera plus une surabondance de discernement, mais un comportement irresponsable.

In any case, discernment is necessary, since the one who obeys must judge whether the matter is serious or not.

Dans tous les cas, un discernement est nécessaire, puisque celui qui obéit doit juger si la matière est grave ou non.

It is therefore necessary to pay attention to the formula of Jean Climacus. He speaks of an overabundance of discernment, which is primary and which leads in certain cases to what he calls an absence of discernment, which could more simply be translated by the fact of preferring the opinion of others to his own.

Il faut donc faire attention à la formule de Jean Climaque. Il parle d'une surabondance de discernement, qui est première et qui aboutit dans certains cas à ce qu'il appelle une absence de discernement, qu'on pourrait plus simplement traduire par le fait de préférer l'opinion d'autrui à la sienne.

 

 

OBEDIENCE TO THE CHURCH

 

 OBEDIENCE TO THE CHURCH

L'OBÉISSANCE À L'ÉGLISE

 

 

So far, obedience has been considered in a superior/ subject relationship. However, it should not be forgotten that the superiors also made a vow of obedience and that the latter does not become null and void on the pretext that they ascend to a position.

Jusqu'ici, l'obéissance a été considérée sous le rapport supérieur/sujet. Il ne faut cependant pas oublier que les supérieurs aussi ont fait voeu d'obéissance et que ce dernier ne devient pas caduc sous prétexte qu'ils accèdent à une charge.

However, in situations of deterioration [drift], we generally notice a curious dichotomy. Or dans les situations de dérive, on remarque en général une curieuse dichotomie.

On the one hand a doctrine of obedience that is extremely demanding for the members, with a submission not only of the will but also of the intelligence, because any word from superiors must be considered to be the Word of God.

D'un côté une doctrine de l'obéissance extrêmement exigeante pour les membres, avec une soumission non seulement de la volonté mais aussi de l'intelligence, parce que toute parole des supérieurs doit être considérée comme parole de Dieu.

Conversely, an extremely lax practice on the part of the superiors themselves, obedience to the Church and to canon law being unscrupulously relativized, or even completely and deliberately ignored and suspended (A nun remarked humorously that in her congregation Canon Law was considered science fiction).

Inversement, une pratique extrêmement laxiste pour les supérieurs eux-mêmes, l'obéissance envers l'Église et envers le droit canon étant relativisée sans scrupule, voire complètement et délibérément ignorée et suspendues . . (Une religieuse disait avec humour que dans sa congrégation le Droit canon relevait de la science-fiction.)

To support this [deterioration], a rationalization is often invoked: “We do not obey, because the Church does not understand us.” This explanation is very similar to certain reactions of novices who are not from the same culture as their European novice master: you do not understand us. Impossible to contradict, because not entirely untrue, and very useful [to justify]  doing whatever one wants.

Pour l'appuyer, une raison est souvent invoquée : « Nous n'obéissons pas, car l'Église ne nous comprend pas. » Cette explication ressemble beaucoup à certaines réactions de novices qui ne sont pas de la même culture que leur maître des novices européen : vous ne nous comprenez pas. Imparable, car pas entièrement inexact, et très pratique pour faire ce que l'on veut

There comes irresistibly to mind the little humorous drawing quoted above, with the young nun on her knees before her prioress. It is enough to adapt it a little: We are very obedient towards the Church, provided that the Congregation is sympathetic and that we agree with what it proposes after negotiation. But as much as the little caricature makes one smile, the adapted version is no longer humorous at all, since it corresponds, in some cases, to reality.

Irrésistiblement revient à l'esprit le petit dessin humoristique cité plus haut, avec la jeune religieuse à genoux devant sa prieure. Il suffit de transposer un peu : Nous sommes très obéissants envers I'Église, à condition que la Congrégation soit sympa et que nous soyons d'accord avec ce qu'elle propose après négociation. Mais autant la petite caricature fait sourire, autant la version adaptée ne fait plus rire du tout tant elle correspond, dans certains cas, à la réalité.

Father Henry Doneaud writes:

Le père Henry Donneaud écrit :

I will note this fact that has been observed in many cases, particularly in recent decades: the communities in which the most abuses of power occurred, through manipulation, provoking blindness and fostering infantilization: these may be the same [communities] whose leaders attempt to escape as much as possible from ecclesial regulation, and in particular, when the noose tightens, from true ecclesial obedience . (H. Donneaud, “The theological issues of obedience in consecrated life”, p. 42)

Je noterai ce fait constaté en de nombreux cas, en particulier au cours des dernières décennies : les communautés au sein desquelles se produisent les plus nombreux abus de pouvoir par manipulation, aveuglement provoqué et infantilisation entretenue, peuvent être les mêmes dont les responsables tentent d'échapper le plus possible à la régulation ecclésiale, et en particulier, lorsque l'étau se resserre, à une véritable obéissance ecclésiales .

We shouldn’t be deceived either. As long as the weather is fine, as long as the Church admires and applauds, many deceptive words and demonstrations of submission and deference are spoken, but they do not carry much weight. What counts is the attitude on the day when the Church asks for something that is displeasing. Similarly, if the Church approves the Rule, very great significance will be assigned to this approval, and the authority of the Church will be invoked to support all the small details and to forbid all criticism, even when Rome expresses reservations that we managed to overcome.

Il ne faut pas non plus se laisser tromper. Tant que le temps est au beau fixe, tant que l'Église admire et applaudit, beaucoup de paroles et de démonstrations de soumission et de déférence peuvent donner le change mais elles n'ont pas beaucoup de poids. Ce qui compte est l'attitude le jour où l'Église demande une chose qui déplaît. De même, si l'Église approuve la Règle, une très grande insistance sera donnée à cette approbation et l'autorité de l'Église sera invoquée pour appuyer tous les petits détails et pour interdire toute critique, même lorsque Rome a manifesté des réserves sur lesquelles on a réussi à passer.

The contrast between this insistence on submission to the Church, the divine voice when she approves, and the freedom we give ourselves to refuse if she expresses disagreeable requests, is enough to signal a major dysfunction. Everyone knows the variant of the Our Father: Thy will be done, provided it corresponds to mine. A witness writes:

Le contraste entre cette insistance sur la soumission à l'Église, voix divine lorsqu'elle a approuvé, et la liberté que l'on se donne pour refuser si elle exprime des demandes qui déplaisent suffit pour signaler un gros dysfonctionnement. Tout le monde connaît la variante du Notre Père : Que ta volonté soit faite, pourvu qu'elle corresponde à la mienne. Un témoin écrit :

When I pointed out this discrepancy to my superiors, I was not contradicted, but I was told that such behavior was legitimate, because: “the Church does not understand us” (and implicitly: that is why we don’t have to obey [the Church]. I reacted somewhat provocatively, saying, “So I can conclude that if the prioress doesn’t understand me (or if I just think she doesn’t understand me), I don’t need to obey her! “. Obviously my superiors were neither in agreement nor happy, but they also failed to resolve this contradiction.

Lorsque j'ai souligné ce décalage à mes supérieures, je n'étais pas contredite, mais on me disait qu'un tel comportement était légitime, car : « l'Église ne nous comprend pas » (et implicitement : c'est pourquoi nous n'avons pas à lui obéir). J'ai réagi de façon un peu provocante en disant : « Donc, je peux conclure que si la prieure ne me comprend pas (ou si je pense simplement qu'elle ne me comprend pas), je n'ai pas besoin de lui obéir ! ». Évidemment mes supérieures n'étaient ni d'accord, ni contentes, mais elles n'ont pas réussi non plus à résoudre cette contradiction.

Several dynamics intersect in this question, and thereby arises its relevance to identifying a dysfunction. The “culture of the exception” finds one of its most conspicuous applications here. Religious must obey, the superior is not concerned. If the superior is supposed to be the voice of the Holy Spirit, he will consider himself such — and he will be considered such — a fortiori when it comes to defending the charism. This leads to a position of superiority in relation to the Church which is judged by the community: the Church is in crisis, decadent, and it is we who is going to save it − the theme of Noah’s Ark in the Flood.

Plusieurs dynamiques s'entrecroisent dans cette question, et de là vient sa pertinence pour repérer un dysfonctionnement. La culture de l'exception trouve ici une de ses applications les plus voyantes. Les religieux doivent obéir, le supérieur, lui, n'est pas concerné. Si le supérieur est supposé être la voix de l'Esprit Saint, il se considérera tel — et on le considérera tel — a fortiori lorsqu'il s'agira de défendre le charisme. Ceci entraîne une position de supériorité par rapport à l'Église qui est jugée par la communauté : l'Église est en crise, décadente, et c'est nous qui allons la sauver. Toujours le thème de l'Arche de Noé dans le déluge.

We will go so far as to say: “It is through love of the Church and for her good that we disobey. One degree more, and the community will claim to be undergoing heroic persecution on the part of the Church −  the supreme proof of its fidelity to God.

On ira jusqu'à dire : « C'est par amour de l'Église et pour son bien que nous désobéissions. » Un degré de plus, et la communauté sera présentée comme subissant héroïquement une persécution de la part de l'Église, preuve suprême de sa fidélité à Dieu.

This last degree presents a [truly] frightening prospect, because the assertion is so paradoxically gigantic that it seems credible. [Its defenders] will quote all the saints who have had to undergo the contradiction, which allows us to divert our gaze from the real question. The logic of the affirmation starts from an undisputed postulate because it is considered indisputable: the community is pure as a dove. Therefore, our “enemies” are the enemies of God. Or to put it more simply: we are necessarily right, therefore they are necessarily wrong. We come back to the diagnosis of Bishop Carballo: when a community considers itself above all others, and a fortiori above the Church, the deterioration into a sect (sectarian drift) is already present. The witness quoted above continues:

Ce dernier degré a quelque chose d'effrayant car, paradoxalement, l'affirmation est si énorme qu'elle paraît crédible. On citera à l'envie tous les saints qui ont eu à subir la contradiction, ce qui permet de détourner le regard de la véritable question. La logique de l'affirmation part d'un postulat indiscuté parce qu'il est considéré comme indiscutable : la communauté est pure comme une colombe. Par conséquent, nos « ennemis » sont les ennemis de Dieu. Ou pour dire les choses plus simplement : nous avons nécessairement raison, donc ils ont nécessairement tort. On en revient au diagnostic de Mgr Carballo : quand une communauté se considère au-dessus de toutes les autres, et a fortiori au-dessus de l'Église, la dérive sectaire est déjà présente. Le témoin cité plus haut continue :

For me this question of obedience concretely lived towards the Church by the superiors and the obedience demanded at the same time within the community is really the key question to detect deterioration into a sect as quickly as possible. . I am absolutely sure that where there is no (or very little) discrepancy between these two forms of obedience, there will be no great danger of deterioration into a sect.

Pour moi cette question de l'obéissance concrètement vécue envers l'Église par les supérieures et l'obéissance exigée en même temps au sein de la communauté est vraiment la question clé pour détecter le plus vite une dérive sectaire. Je suis absolument sûre, que là où il n'y a pas (ou très peu) de décalage entre ces deux formes d'obéissance, là il n'y aura pas de grand danger d'une dérive sectaire

Everything said above about obedience also applies to superiors, which means that they too have the right to explain the disadvantages of what is requested and to try to find a common solution in an open dialogue. But there must also be a real disposition to obedience, because a charism must be discerned, in its object and in the way in which it is pursued, and this discernment belongs to the Church. If the community refuses it, it closes in exclusively into its own vision of the Church and of the world. It then risks progressively cutting itself off from the ecclesial body: we have seen painful examples of this. The founder’s vision may be beautiful and prophetic, but the fact remains that it can only bear fruit within the Body of the Church.

Tout ce qui a été dit plus haut à propos de l'obéissance s'applique aussi aux supérieurs, ce qui signifie qu'ils ont eux aussi le droit d'expliquer les inconvénients de ce qui est demandé et d'essayer de trouver une solution commune dans un dialogue ouvert. Mais il faut aussi une vraie disposition à l'obéissance, car un charisme doit être discerné, dans son objet et dans la manière dont il est poursuivi, et ce discernement appartient à l'Église. Si la communauté le refuse, elle se referme exclusivement sur sa propre vision de l'Église et du monde. Elle risque alors de se couper progressivement du Corps ecclésial, on en a vu de douloureux exemples. La vision du fondateur est peut-être belle et prophétique, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut fructifier qu'à l'intérieur du Corps de l'Église.

 

 

THE ROYAL WAY OF OBEDIENCE

 

 THE ROYAL WAY OF OBEDIENCE

LA VOIE ROYALE DE L'OBÉISSANCE

 

 

Some might fear that the insistence on the limits of obedience will reduce it to nothing. Let them be reassured, the scope remains vast within the limits that have been set. In daily life there are many occasions for obedience to the third degree, so numerous are the situations in which one can without fear prefer the opinion of others. The choice of menus, or of which plants to cultivate in the garden, which books to buy, the whole of liturgy, a place of obedience and constant renunciation, the services to be rendered, the irritating habits of such a brother or such a sister, etc., there too there is a “yes” to be said to the Lord. We know the famous example of Thérèse of the Child Jesus with the sister who tapped her fingernails on her teeth during prayer. (Therese of The Child Jesus, Manuscript C (30v°), in Complete Works, Paris, td. du Cerf, 1992, p. 275-276)

Certains pourraient craindre que l'insistance sur les limites de l'obéissance en vienne à la réduire à peu de chose. Qu'ils se rassurent, le champ reste vaste à l'intérieur des limites qui ont été posées. Dans la vie quotidienne les occasions d'obéir jusqu'au troisième degré abondent, tant sont nombreuses les situations où l'on peut sans crainte préférer l'opinion d'autrui. Le choix des menus, ou des plantes à cultiver dans le jardin, les livres à acheter, toute la liturgie, lieu d'obéissance et de renoncement constant, les services à rendre, les manies agaçantes de tel frère ou telle soeur, etc., là aussi il y a un oui à dire au Seigneur. On connaît le fameux exemple de Thérèse de l'Enfant-Jésus avec la soeur qui faisait crisser son ongle sur ses dents pendant l'oraison'.

And then there is also the observation of the rule, omnipresent in life. All activity is filled with choices to be made that are not critical or objects of truth. On all these occasions it is possible to practice renunciation of one’s own will, freely and without the slightest danger, going as far as the submission of the intelligence cultivated on the basis of humility which consists in striving to to think that my brother is certainly as intelligent as me, and of charity which will be happy to follow what he prefers, to enhance it and make him happy. Putting the connection of the virtues into practice in this way will lead to a joyful and luminous obedience which opens up the deep being because it is experienced as a freedom and not as a constraint.

Et puis il faut compter aussi l'observation de la règle, omniprésente dans la vie. Toute activité est remplie de choix à faire qui ne sont pas critiques, ni objets de vérité. En toutes ces occasions il est possible de pratiquer le renoncement à sa volonté propre, librement et sans le moindre danger, en allant jusqu'à la soumission de l'intelligence cultivée sur la base de l'humilité qui consiste à s'efforcer de penser que mon frère est certainement aussi intelligent que moi, et de la charité qui se fera une joie de suivre ce qu'il préfère, pour le valoriser et lui faire plaisir. Mettre ainsi en pratique la connexion des vertus conduira à une obéissance joyeuse et lumineuse qui épanouit l'être profond parce qu'elle est vécue comme une liberté et non comme une contrainte.

Dom Guillaume Jedrzejczak wrote that “learning to obey is perhaps learning to disobey” (Exchange before the trainers’ session at the Grande Chartreuse, 2018). , and he explained that we obey, without realizing it, a number of unconscious or uncontrolled processes, generally egocentric, which prevent us from to be truly free. We obey it blindly without realizing it. Disobeying automatic impulses, ingrained reflexes, what are now called addictions and which used to be called, in a more monastic way, vices, all of this is necessary to become free. For freedom does not consist simply in a choice, it is still necessary that the corresponding capacity exists. Whoever chooses to be a pianist cannot just say “I want”, for this to become a reality, a long apprenticeship is necessary.

Dom Guillaume Jedrzejczak écrivait qu'« apprendre à obéir, c'est peut-être apprendre à désobéir2 », et il expliquait que nous obéissons, sans nous en rendre compte, à quantité de processus inconscients ou incontrôlés, généralement égocentrés, qui nous empêchent d'être réellement libres. Nous y obéissons aveuglément sans nous en rendre compte. Désobéir aux pulsions automatiques, aux réflexes enracinés, à ce qu'on appelle aujourd'hui les addictions et qui était nommé autrefois, d'une façon plus monastique, les vices, tout cela est nécessaire pour devenir libre. Car la liberté ne consiste pas simplement dans un choix, encore faut-il que la capacité correspondante existe. Celui qui choisit d'être pianiste ne peut pas se contenter de dire « je veux », pour que cela devienne une réalité, un long apprentissage est nécessaire

Obedience teaches us the freedom of giving by teaching us to disobey the tyranny of self. Christian obedience is royal obedience and not the obedience of a slave or a passive instrument, since we are “chosen offspring, a royal priesthood” (1 Pet 2:9), and God “calls us to his Kingdom and to his glory” (1 Thess 2:12). The religious obeys because he wants to obey, having sealed this choice with a vow, with the aim of learning to love. But he is king, or at least called to be king, and he knows it. The Christian, called to follow the humility of Christ, the religious who has chosen a more demanding path of obedience, must never lose sight of their supreme dignity as sons of God, while remembering the example of who gives them participation in his filiation and his royalty and who reigns in such a special way since he himself washes the feet of his disciples. “If therefore I, the Lord and Teacher, have washed your feet, you also must wash one another’s feet” (Jn 13:14).

L'obéissance nous apprend la liberté du don en nous enseignant à désobéir à la tyrannie du moi. L'obéissance chrétienne est une obéissance royale et non une obéissance d'esclave ou d'instrument passif, puisque nous sommes « une descendance choisie, un sacerdoce royal' » (1 P 2, 9), et que Dieu « nous appelle à son Royaume et à sa gloire » (1 Th 2, 12). Le religieux obéit parce qu'il veut obéir, ayant scellé ce choix par un voeu, dans le but d'apprendre à aimer. Mais il est roi, ou du moins appelé à la royauté, et il le sait. Le chrétien, appelé à suivre l'humilité du Christ, le religieux qui a choisi une voie d'obéissance plus exigeante, ne doivent jamais perdre de vue leur dignité suréminente de fils de Dieu, tout en se souvenant de l'exemple de celui qui leur donne participation à sa filiation et à sa royauté et qui règne d'une manière si particulière puisqu'il lave lui-même les pieds de ses disciples. « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 14).

Insisting on the limits of obedience in no way reduces its requirement, it only puts it back in its place as a means and not an end, and it teaches how to prioritize obedience. The martyr, to obey God, must disobey a civil authority which is legitimate in his order, but which has exceeded the limits of his power. Apart from this extreme situation, he remains subject to civil authority, as Saint Peter reminds us (see 1 Pet 2, 13-18). In the same way, the limits explained leave to the religious the immense space of obedience to the rule and to the superiors when they command according to the constitutions, and even to the brothers, as Saint Benedict recommends (RB 71.1-2). There is work for a lifetime.

Insister sur les limites de l'obéissance n'en réduit aucunement l'exigence, elle la remet seulement à sa place de moyen et non de fin, et elle enseigne à hiérarchiser les obéissances. Le martyr, pour obéir à Dieu, doit désobéir à une autorité civile légitime en son ordre, mais qui a dépassé les limites de son pouvoir. En dehors de cette situation extrême, il demeure soumis à l'autorité civile, comme le rappelle saint Pierre (voir 1 P 2, 13-18). De la même façon, les limites expliquées laissent au religieux l'immense espace de l'obéissance à la règle et aux supérieurs lorsqu'ils commandent selon les constitutions, et même aux frères, comme le recommande saint Benoît'. Il y a du travail pour une vie entière.

The path of just obedience is therefore in no way reductive, it will suffice, to be convinced of this, to read the texts that we have quoted. Saint Benedict, Saint Francis de Sales or Saint Ignatius all propose a high and difficult way, conformation to the perfectly obedient Christ. As for superiors, their responsibility is also a path to holiness if they exercise it as the Church proposes:

La voie de l'obéissance juste n'a donc rien de réducteur, il suffira, pour s'en convaincre, de lire les textes que nous avons cités. Saint Benoît, saint François de Sales ou saint Ignace proposent tous une voie haute et difficile, la conformation au Christ parfaitement obéissant. Quant aux supérieurs, leur responsabilité est aussi un chemin de sainteté s'ils l'exercent comme le leur propose l'Église :

Superiors will exercise in a spirit of service the power they have received from God through the ministry of the Church. That, therefore, docile to the will of God in the exercise of their office, they govern their subjects as children of God and, to promote their voluntary obedience in respect for the human person, they listen to them willingly and favor thus their cooperation for the good of the institute and of the Church, remaining however safe their authority to decide and to order what is to be done’. (Code of Canon Law Canon 618)

Les Supérieurs exerceront dans un esprit de service le pouvoir qu'ils ont reçu de Dieu par le ministère de l'Église. Que, par conséquent, dociles à la volonté de Dieu dans l'exercice de leur charge, ils gouvernent leurs sujets comme des enfants de Dieu et, pour promouvoir leur obéissance volontaire dans le respect de la personne humaine, ils les écoutent volontiers et favorisent ainsi leur coopération au bien de l'institut et de l'Église, restant sauve cependant leur autorité de décider et d'ordonner ce qu'il y a à faire'.