SHOULD THE CHURCH RECOGNIZE
H
OMOSEXUAL RELATIONSHIPS
  —
SOME ELEMENTS of DISCERNMENT
Fr. Christophe Cossement
 

 The Confessional, Crespi, 1771


Fr. Christophe Cossement, Nouvelle revue théologique
2015, Vol. 137, no. 3, 439-450


Recognize homosexual liaisons in the Church?
 — some elements of discernment

Reconnaître dans l’Église des liaisons homosexuelles? — quelques éléments de discernement

Updated: February 24, 2015

Mis à jour : 24 février 2015

In the perspective of the next 2015 synod on the family, debates revolve around the question of the possible recognition by the Catholic Church of homosexual liaisons. For example, there is the case of grandparents who would like to welcome their granddaughter with her lesbian companion without this causing a problem in the family. There is more generally the case of any person who has a homosexual attraction and who would like to feel that he has a place in the Church. For this, would it be good for the Catholic Church to give some form of recognition to sexual liaisons between Christian people of the same sex? I wanted in this page to reconcile doctrine and pastoral to present what recognition is possible, what recognition is problematic and above all, how to express the love of God which reaches each person in concrete reality.

Dans la perspective du prochain synode 2015 sur la famille, des débats tournent autour de la question de la reconnaissance possible par l’Église catholique des liaisons homosexuelles. Par exemple, il y a le cas de grands-parents qui aimeraient accueillir leur petite-fille avec sa compagne lesbienne sans que cela fasse problème dans la famille. Il y a plus généralement le cas de toute personne qui a une attirance homosexuelle et qui voudrait sentir qu’elle a une place dans l’Église. Pour cela, serait-il bon que l’Église catholique donne une forme de reconnaissance aux liaisons sexuelles entre personnes chrétiennes de même sexe? J’ai voulu dans cette page réconcilier doctrine et pastorale pour présenter quelle reconnaissance est possible, quelle reconnaissance est problématique et surtout, comment dire l’amour de Dieu qui rejoint chaque personne dans la réalité concrète.

Present values

Des valeurs présentes

What are the data of a homosexual affair that would fall into the package of what the Church could recognize? Mgr. Bonny, Bishop of Antwerp, opens the debate by evoking the seriousness of a commitment to a lasting relationship, its exclusivity, fidelity and care for the other 1 , and alongside that educational generosity. These are real values. Those who want to persevere in a homosexual affair are expected to embody these values. But is there really anything other than the genuine values of friendship, friendship as it was known in antiquity and which Christian spirituality brought to its height? Before the evolution of mentalities slowly led to its blatant oblivion today to retain only a more or less intense camaraderie.

Quelles sont les données d’une liaison homosexuelle qui entreraient dans le paquet de ce que l’Église pourrait reconnaître? Mgr Bonny, évêque d’Anvers, ouvre le débat en évoquant le sérieux d’un engagement dans une relation durable, son exclusivité, la fidélité et le soin pour l’autre1, et à côté de cela la générosité éducative. Ce sont des valeurs réelles. De ceux qui veulent persévérer dans une liaison homosexuelle on espère qu’ils incarneront ces valeurs. Mais est-ce qu’il y a là vraiment autre chose que les authentiques valeurs de l’amitié, l’amitié comme elle était connue dans l’antiquité et que la spiritualité chrétienne a conduit à son apogée? Avant que l’évolution des mentalités ne conduise lentement à son oubli flagrant aujourd’hui pour n’en retenir qu’une camaraderie plus ou moins intense.

The friendship I am talking about is the one that caused Saint Gregory of Nazianzus to say about his friend Basil of Caesarea: “one would have said in one and in the other a single soul to carry two bodies, and […] we must be believed when we say that we were in each other and side by side. 2  » Other great spiritual people have made themselves the champions of this friendship, in the manner of Saint Aelred de Rievaulx in his medieval Treatise on Friendship. This tradition of deep friendship goes back in the Bible at least to the friendship of King David and Jonathan son of King Saul. When Jonathan dies, David cries out: “I weep for you, my brother Jonathan. You were so dear to me: your love was more marvelous to me than a woman’s love. “ (2S 1,26) When Cardinal Newman lost his friend Ambrose St John, he declared: “I have always thought that there was no mourning equal to that of the loss of a spouse or a wife, but today I find it hard to believe that there is greater mourning, or even greater pain, than my own”. From this we clearly see that on the one hand he did not regard this friend as a husband and yet that the bond which united them had an extremely great emotional intensity.

L’amitié dont je parle est celle qui faisait dire à saint Grégoire de Nazianze à propos de son ami Basile de Césarée : «on eût dit chez l’un et chez l’autre une seule âme pour porter deux corps, et […] on doit nous croire quand nous disons que nous étions l’un dans l’autre et l’un aux côtés de l’autre.2» D’autres grands spirituels se sont fait les chantres de cette amitié, à la manière de saint Aelred de Rievaulx dans son médiéval Traité de l’amitié. Cette tradition de l’amitié profonde remonte dans la Bible au moins à l’amitié du roi David et de Jonathan fils du roi Saül. À la mort de Jonathan, David s’écriera : «je pleure sur toi, mon frère Jonathan. Tu m’étais si cher : ton amour était pour moi plus merveilleux que l’amour d’une femme.» (2S 1,26) Quand le cardinal Newman perd son ami Ambrose St John, il déclare : «J’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas deuil égal à celui de la perte d’un époux ou d’une épouse, mais aujourd’hui j’ai du mal à croire qu’il y ait deuil plus grand, ou même douleur plus grande, que les miens». Par là on voit clairement que d’une part il ne regardait pas cet ami comme un époux et que pourtant le lien qui les unissait avait une intensité affective extrêmement grande.

Such a friendship resolutely emerges from lust to become a strong and lasting bond 3 through the refusal of sexual practices. What the Church can best offer to those who love a person of the same sex are the values of friendship, of the love of friendship. Some would say it’s impossible between people who are physically attracted to each other. Others that any deep friendship already has a value of sexual attraction. In any case, this path of friendship is only possible by accepting a good deal of struggle for true self-control 4, and choosing to get up if there are falls. It is a path that has already illuminated many lives. Refusing to take it because you feel sexual attraction seems to me to be giving up too quickly. Friendship love is not made for angels. But since “he who is the angel is the beast”, we must take really serious measures to succeed in this challenge.

Une telle amitié se dégage résolument de la convoitise pour devenir un lien fort et durable3 par le refus des pratiques sexuelles. Ce que l’Église peut proposer de mieux à celui qui aime une personne du même sexe, ce sont les valeurs de l’amitié, de l’amour d’amitié. Certains diront que c’est impossible entre des personnes qui s’attirent physiquement. D’autres que toute amitié profonde a déjà une valeur d’attirance sexuelle. En tous cas ce chemin de l’amitié n’est possible qu’en acceptant une bonne part de combat pour une vraie maîtrise de soi4, et en choisissant de se relever s’il y a des chutes. C’est un chemin qui a déjà illuminé bien des vies. Refuser de le prendre parce qu’on éprouve une attirance sexuelle, cela me semble renoncer trop vite. L’amour d’amitié n’est pas fait pour les anges. Mais puisque «qui fait l’ange fait la bête», il faut prendre des dispositions vraiment sérieuses pour réussir ce défi.

As for the educational generosity mentioned above, it reasonably has no place in the context of a homosexual affair except towards children previously begotten in a union with a person of the opposite sex and whom it is our duty to protect. ‘to occupy. It is impossible to condone what is currently happening in Belgium: the production 5 of children for the benefit of homosexual people by artifices which deliberately deprive these children of a link with their biological father or mother (insemination with an anonymous donor, anonymous donation ovum, surrogacy). Not knowing one’s origin is distress; neither the Church nor society has the right to organize distress on behalf of other people .

Quant à la générosité éducative évoquée plus haut, elle n’a raisonnablement sa place dans le cadre d’une liaison homosexuelle qu’envers les enfants engendrés auparavant dans une union avec une personne de l’autre sexe et dont on a le devoir de s’occuper. C’est impossible de cautionner ce qui se passe actuellement en Belgique : la fabrication5 d’enfants au bénéfice de personnes homosexuelles par des artifices qui privent délibérément ces enfants de lien avec leur père ou leur mère biologique (insémination avec donneur anonyme, don anonyme d’ovule, gestation pour autrui). Ne pas connaître son origine, c’est une détresse; ni l’Église ni la société n’ont le droit d’organiser de la détresse en faveur d’autres personnes6.

The list of values enumerated by Bishop Bonny includes exclusivity: not having any other intimate relationship. This value does not come within the framework of friendship, even if ancient wisdom advises having few friends. Exclusivity only makes sense in the context of a sexual practice, as we sense from Jesus’ answer to the Sadducees who wondered which husband will have in heaven the woman who had seven on earth (Mc 12.18-27). It is therefore time to ask the question of a possible sexual value here.

La liste des valeurs énumérées par Mgr Bonny comprend l’exclusivité : ne pas avoir d’autre relation intime. Cette valeur n’entre pas dans le cadre de l’amitié, même si la sagesse millénaire conseille d’avoir peu d’amis. L’exclusivité n’a de sens que dans le cadre d’une pratique sexuelle, comme on le pressens à la réponse de Jésus aux sadducéens qui se demandent quel mari aura dans le ciel la femme qui en a eu sept sur la terre (Mc 12,18-27). Il est donc temps de se poser ici la question d’une possible valeur sexuelle.

A homosexual value?

Une valeur homosexuelle?

Should we go further? Should we look for values other than those of deep friendship? This would be to distinguish a value in sexual acts between persons of the same sex. Should it be done? If sexual life was simply the meeting of two bodies which, moved by a powerful desire, obtain pleasure from each other thanks to the sensitivity of their erogenous zones, then why not. What would the difference between the sexes have in this case? There is no longer even any need to talk about sex, what counts is desire and the sensitive organs of the body, which are implemented in the most diversified practices possible, and of which we end up tragically bored after going around everything.

Faut-il aller plus loin? Faut-il chercher d’autres valeurs que celles de l’amitié profonde? Ce serait distinguer une valeur dans les actes sexuels entre personnes de même sexe. Faut-il le faire? Si la vie sexuelle était simplement cette rencontre de deux corps qui, mus par un désir puissant, se procurent l’un à l’autre du plaisir grâce à la sensibilité de leurs zones érogènes, alors pourquoi pas. Que viendrait faire la différence des sexes dans cette affaire? Il n’y a même plus lieu de parler de sexe, ce qui compte c’est le désir et les organes sensibles du corps, que l’on met en œuvre dans des pratiques les plus diversifiées possible, et dont on finit par tragiquement s’ennuyer après avoir fait le tour de tout.

But sexual life, in the light of Christian revelation, is something quite different. It is not the collaboration of two beings in a shared pleasure, but a union of two beings, which reflects the union that they experience on all levels: physical union, union of the heart and union of the spirit 7 . In this union, pleasure is not an end in itself but aims to unite people in the accomplishment of a common work . So not only “mutual” work, as if we were aiming to be fair in the distribution of pleasures, once one after the other. But a “common” work, that is to say together as much as one through the other, by “making” only one flesh 8 .

Mais la vie sexuelle, au regard de la Révélation chrétienne, est tout autre chose. Elle n’est pas collaboration de deux êtres à un plaisir partagé, mais une union de deux êtres, qui reflète l’union qu’ils vivent sur tous les plans : union physique, union du cœur et union de l’esprit7. Dans cette union le plaisir n’est pas une fin en soi mais vise à unir des personnes dans l’accomplissement d’une œuvre commune. Donc pas seulement œuvre «mutuelle», comme si on visait à être équitable dans la répartition des plaisirs, une fois l’un une fois l’autre. Mais œuvre «commune», c’est-à-dire ensemble autant que l’un par l’autre, en ne «faisant» qu’une seule chair8.

This union of people that summons the physical level only takes place if their bodies are able to unite. Only the body of the man and that of the woman are capable of uniting with each other, because they are thus arranged in their physiognomy: the body of the woman can accommodate that of man for a union, and it is only thus that the union is truly realized 9 . This disposition refers to something deeper, to the differentiation of the sexes. The female sex exists vis-à-vis the male sex, the two exist one through the other and one for the other. If one is denied, the other disappears as sex, even if so-called “sexual” organs remain. There is no longer any reason to speak of masculine if there is no longer any feminine, and vice versa.

Cette union des personnes qui convoque le niveau physique n’a lieu que si leurs corps sont capables de s’unir. Il n’y a que le corps de l’homme et celui de la femme qui sont capables de s’unir l’un à l’autre, parce qu’ils sont ainsi disposés dans leur physionomie : le corps de la femme peut accueillir celui de l’homme pour une union, et c’est seulement ainsi que l’union se réalise vraiment9. Cette disposition renvoie à quelque chose de plus profond, à l’altérité des sexes. Le sexe féminin existe en vis-à-vis du sexe masculin, les deux existent l’un par l’autre et l’un pour l’autre. Si l’un est nié, l’autre disparaît comme sexe, même s’il subsiste des organes dits «sexuels». Il n’y a plus de raison de parler de masculin s’il n’y a plus de féminin, et vice versa.

When desire seeks something other than union, it slips. It happens too often to slip in the meeting of the man and the woman. It is not uncommon for people to struggle with aberrant desires in the pursuit of sexual pleasure. In the homosexual liaison, desire always bypasses union, because it cannot be experienced physically, even if the desire of the heart would lead to it. There can be a rapprochement through mutual satisfaction, but that remains illusory because it cannot be achieved in union. The union sought in a homosexual affair cannot be achieved physically because the bodies fail to relay this union 9b. A more or less deep and unsatisfying split then sets in between the heart and the body, which one believes can be overcome by fulfilling other sensual desires, in an endless chain. In reality, in a homosexual liaison, sexual practice symbolically separates more than it brings together. This is why the Church believes that for a person who has a homosexual attraction, the full realization of the person is not accomplished in the sexual relationship but rather by avoiding it. This does not mean avoiding any relationship. Because sexual desire hides an emotional quest that deserves to be recognized for itself. Every human being is made to love and be loved.

Lorsque le désir cherche autre chose que l’union, il dérape. Il lui arrive trop souvent de déraper dans la rencontre de l’homme et de la femme. Il n’est pas rare que des personnes doivent lutter contre des désirs aberrants en matière de recherche du plaisir sexuel. Dans la liaison homosexuelle, le désir passe toujours à côté de l’union, car elle ne peut pas se vivre physiquement, quand bien même le désir du cœur y porterait. Il peut y avoir un rapprochement par la satisfaction mutuelle, mais qui reste illusoire car il ne peut pas s’accomplir dans l’union. L’union que l’on cherche dans une liaison homosexuelle ne peut s’accomplir physiquement car les corps ne parviennent pas à relayer cette union9b. S’installe alors une scission plus ou moins profonde et insatisfaisante entre le cœur et le corps, que l’on croit pouvoir surmonter en accomplissant d’autres désirs sensuels, dans une chaîne sans fin. En réalité, dans une liaison homosexuelle la pratique sexuelle sépare symboliquement plus qu’elle ne rapproche. C’est pourquoi l’Église croit que pour une personne qui a un attrait homosexuel la pleine réalisation de la personne ne s’accomplit pas dans la relation sexuelle mais plutôt en l’évitant. Ce qui ne veut pas dire éviter toute relation. Car le désir sexuel cache une quête affective qui mérite d’être reconnue pour elle-même. Tout être humain est fait pour aimer et être aimé.

We must also add this: sexual complimentarity, and it alone, is enriched by the capacity to give life, to make a new human life exist. The child is born from the union of its parents and it will rely on it to grow. This fecundity gives a framework to sexual life, preventing it from drifting into an activity that is confined to the satisfaction of two people. This is the whole point of the encyclical Humanae vitae and its reception in the contemporary mentality.

Il faut encore ajouter ceci : l’altérité sexuelle, et elle seule, est enrichie de la capacité de donner la vie, de faire exister une nouvelle vie humaine. L’enfant naît de l’union de ses parents et il se reposera sur elle pour grandir. Cette fécondité donne son cadre à la vie sexuelle, en l’empêchant de dériver vers une activité repliée sur la satisfaction de deux personnes. C’est tout l’enjeu de l’encyclique Humanae vitae et de son accueil dans la mentalité contemporaine.

Because of all these observations, all in all quite simple, I believe that the Church cannot renounce its vision of sexual life as union, under penalty of depriving humanity of an irreplaceable contribution. Christian families must remain places where everyone has their place regardless of the sexual attractions they experience and the bonds they form, but where we learn at the same time that sexuality should be lived in the otherness of sexes which alone truly respects the person body and soul.

En raison de toutes ces constatations, somme toute assez simples, j’estime que l’Église ne peut renoncer à sa vision de la vie sexuelle comme union, sous peine de priver l’humanité d’un apport irremplaçable. Les familles chrétiennes doivent rester des lieux où tout le monde a sa place quelles que soient les attirances sexuelles qu’il éprouve et les liens qu’il noue, mais où on apprend en même temps que la sexualité devrait se vivre dans l’altérité des sexes qui seule respecte vraiment la personne corps et âme.

The virtues of foster care

Les vertus de l’accueil familial

Between Christians, especially in the family, it will be necessary to articulate in an always inventive way these two guidelines: an unconditional reception of the person, whatever their sexual attractions, and a translation into the facts of the unitive vocation of sexuality. We can already feel at ease by noticing that in the life of the Church, welcoming someone has never been a form of guarantee of the entirety of his conduct. This is even more true in family life. Could a way of welcoming the values of friendship without recognizing sexual values be, for example, to give a place for meals but not a marital bed at home? That seems reasonable to me. We will benefit from making the difference between inviting his granddaughter with his partner, and make the double bed in the upstairs bedroom available to them… Especially if it could make little nephews and nieces think that a man-woman relationship or a homosexual relationship is the same thing. It will take imagination to avoid the trap of contemporary thought which consists in saying: in order not to discriminate, one must deny the difference and the specificities10.

Entre chrétiens, spécialement dans la famille, il faudra articuler de façon toujours inventive ces deux lignes directrices : un accueil inconditionnel de la personne, quelles que soient ses attirances sexuelles, et une traduction dans les faits de la vocation unitive de la sexualité. On pourra déjà se sentir à l’aise en remarquant que dans la vie de l’Église, accueillir quelqu’un n’a jamais été une forme de caution de l’entièreté de sa conduite. C’est encore plus vrai dans la vie de famille. Est-ce qu’une façon d’accueillir les valeurs d’amitié sans reconnaître des valeurs sexuelles pourrait être par exemple de donner une place au repas mais pas un lit conjugal chez soi? Cela me semble raisonnable. On gagnera à faire la différence entre inviter sa petite fille avec sa compagne, et mettre à leur disposition le lit double de la chambre de l’étage… Surtout si cela pourrait faire penser aux petits neveux et nièces que relation homme-femme ou relation homosexuelle c’est la même chose. Il faudra de l’imagination pour éviter le piège de la pensée contemporaine qui consiste à dire : pour ne pas discriminer il faut nier la différence et les spécificités10.

Loving without admitting a behavior, disapproving while keeping an outstretched hand and an open heart, it seems to me that this is a family exercise that we often have to practice. In the Gospel, Jesus frequently acts in this way. He goes to eat with the Pharisees but it is not to endorse their practices. And he doesn’t speak with the Samaritan woman to congratulate her on having had five husbands and on being on the sixth. He invites himself to Zacchaeus and that changes everything. These encounters are sometimes an opportunity for conversion. Today, can’t we just do the same? To testify to human warmth even if we do not validate a behavior? If in the Church we are not able to respect each other and to tell each other without passing, for example, through the channel of official recognition of homosexual liaisons, then we are still far from living the Gospel and that is first this site that should be opened.

Aimer sans admettre un comportement, désapprouver en gardant la main tendue et le cœur ouvert, il me semble que c’est un exercice familial que l’on a souvent à pratiquer. Dans l’Évangile, Jésus agit fréquemment de cette manière. Il va manger chez les pharisiens mais ce n’est pas pour cautionner leurs pratiques. Et il ne parle pas avec la Samaritaine pour la féliciter d’avoir eu cinq maris et d’en être au sixième. Il s’invite lui-même chez Zachée et cela change tout. Ces rencontres sont parfois l’occasion de conversion. Aujourd’hui, ne peut-on pas simplement agir de la même façon? Se témoigner de la chaleur humaine même si on ne valide pas une conduite? Si dans l’Église on n’est pas capables de se respecter et de se le dire sans passer par exemple par le canal d’une reconnaissance officielle des liaisons homosexuelles alors on est encore loin de vivre l’Évangile et c’est d’abord ce chantier qu’il faudrait ouvrir.

The humanization of desire in a stable bond?

L’humanisation du désir dans une liaison stable?

There remains a case where one might think that an ecclesial recognition of a homosexual liaison is possible. It is when a person who experiences strong same-sex attraction chooses to settle into a stable same-sex affair to prevent their desire and lack from subjecting them to sexual vagrancy. This is probably what was mentioned above when we talked about exclusivity in the relationship. Shouldn’t God and the Church encourage someone to cleave to one person instead of chasing partners? The subject is vast 11 . I would simply like to give some clues.

Il reste un cas où l’on pourrait penser qu’une reconnaissance ecclésiale d’une liaison homosexuelle est possible. C’est lorsqu’une personne qui éprouve une forte attirance homosexuelle choisit de s’installer dans une liaison homosexuelle stable pour éviter que son désir et son manque ne la soumette au vagabondage sexuel. C’est sans doute ce qui était évoqué plus haut quand on parlait d’exclusivité dans la relation. Est-ce que Dieu et l’Église ne devraient pas encourager quelqu’un à s’attacher à une seule personne plutôt que de courir les partenaires? Le sujet est vaste11. Je voudrais simplement donner quelques pistes.

On the one hand, hope is reluctant to accept the idea that there are cases where freedom is entirely and durably subject to the drive, and that therefore there are only two alternatives: either multiple partners, or the steady pair. Is the path of chastity to be conquered completely out of reach, and forever? On the other hand it is an illusion to believe that restraining a sexual desire automatically makes it out of control while satisfying it leads to appeasement. In a pictorial way we can draw a parallel with the approach of alcoholics anonymous and the choice not to touch a drop of alcohol. What the Church proposes in a chaste friendship is not a path of confinement but a path of liberation. But it is also an inevitable Way of the Cross, and few are aware of its harshness. So we have to say with Pope Francis: “If a person is gay and seeks the Lord with good will, who am I to judge him? The phrase has become arch-famous, and almost always quoted omitting “and seek the Lord with good will,” as if that condition were a luxury that has no real place in the debate that agitates the Church. And yet, isn’t the real challenge there: to seek the Lord with all your heart, to always go further, not to get tired, to get up when you have fallen? as if this condition were a luxury that has no real place in the debate that agitates the Church. And yet, isn’t the real challenge there: to seek the Lord with all your heart, to always go further, not to get tired, to get up when you have fallen? as if this condition were a luxury that has no real place in the debate that agitates the Church. And yet, isn’t the real challenge there: to seek the Lord with all your heart, to always go further, not to get tired, to get up when you have fallen?

D’une part l’espérance répugne à accepter l’idée qu’il y a des cas où la liberté est entièrement et durablement soumise à la pulsion, et que donc il n’y a que deux alternatives : ou les partenaires multiples, ou le couple stable. La voie de la chasteté à conquérir est-elle complètement hors de portée, et pour toujours? D’autre part c’est une illusion de croire que refréner un désir sexuel le rend automatiquement hors de contrôle tandis que l’assouvir conduit à l’apaisement. De façon imagée on peut faire le parallèle avec la démarche des alcooliques anonymes et le choix de ne plus toucher une goutte d’alcool. Ce que l’Église propose dans une amitié chaste n’est pas un chemin d’enfermement mais un chemin de libération. Mais c’est aussi un chemin de croix, inévitable, et peu ont conscience de sa dureté. De sorte que nous devons dire avec le pape François : «Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?» La phrase est devenue archi-célèbre, et pratiquement toujours citée en omettant «et cherche le Seigneur avec bonne volonté», comme si cette condition était un luxe qui n’a pas vraiment sa place dans le débat qui agite l’Église. Et pourtant, le vrai enjeu n’est-il pas là : chercher le Seigneur de tout son cœur, aller toujours plus loin, ne pas se lasser, se relever lorsqu’on est tombé?

In these lines I have tried to give some beacons of the path by which this search for the Lord takes place. Whoever chooses a stable bond to fix his desire will be able to truly progress if there is a mutual agreement to evolve towards chastity in the form of continence 12. As for the speed of this evolution, I have not met enough people to have an idea. It must be admitted that the conquest of chastity is something progressive, and that sometimes excessive pressure can be counterproductive. But there is a time when you have to “put pressure” on yourself if you want to move forward, if you want to seriously refuse to be self-centered. The Spirit prompts us to go beyond what we believe possible because of our failures. We must entrust ourselves to him who renews our hearts. God calls everyone to constantly go further in true love, to get out of the traps of narcissism to truly give themselves.

Dans ces lignes j’ai essayé de donner quelques balises du chemin par lequel se fait cette recherche du Seigneur. Celui qui choisit une liaison stable pour fixer son désir pourra véritablement progresser s’il y a une entente mutuelle pour évoluer vers la chasteté sous la forme de la continence12. Quant à la rapidité de cette évolution, je n’ai pas rencontré assez de monde pour en avoir une idée. Il faut admettre que la conquête de la chasteté est quelque chose de progressif, et que parfois une mise sous pression excessive peut être contreproductive. Mais il y a un moment où il faut «mettre la pression» sur soi si on veut avancer, si on veut refuser sérieusement d’être auto-centré. L’Esprit nous pousse à aller au-delà de ce que nous estimons possible à cause de nos échecs. Il faut se confier à lui qui renouvelle nos cœurs. Dieu appelle toute personne à aller sans cesse plus loin dans l’amour véritable, à sortir des pièges du narcissisme pour se donner vraiment.

Finally, we can ask ourselves: by what right does a priest say all this? It’s that this “priest” is trying to make himself the heir to a wisdom that precedes and surpasses him, a wisdom that some will surely qualify as a backward spirit, but it’s perhaps a little light because it seems to me that here is the unanimous wisdom of humanity before the West lost its compass.

Pour finir on pourra se demander : de quel droit un curé dit-il tout cela? C’est que ce «curé» essaie de se faire héritier d’une sagesse qui le précède et le dépasse, une sagesse que certain qualifieront sûrement d’esprit arriéré, mais c’est peut-être un peu léger car il me semble qu’il y a là la sagesse unanime de l’humanité avant que l’Occident ne perde sa boussole.


 


 

1 The notion of “reciprocal support until sacrifice” was present in the intermediate document of the synod of October 2014, but this entire document was profoundly reworked during the work of the second week. The text which was put to the vote at the end of the synod — and which for the part corresponding to people with a homosexual orientation did not receive the expected 2/3 approval — retains only the notion of welcoming with respect and delicacy.

1La notion de «soutien réciproque jusqu’au sacrifice» était présente dans le document intermédiaire du synode d’octobre 2014, mais tout ce document été profondément remanié lors des travaux de la deuxième semaine. Le texte qui a été soumis au vote à la fin du synode — et qui pour la partie correspondant aux personnes ayant une orientation homosexuelle n’a pas recueilli les 2/3 d’approbation attendus — ne retient que la notion d’accueil avec respect et délicatesse.

2 Gregory of Nazianzus, Discourse 43 , chap. 19-22, quoted in Jacques Follon and James McEvoy, Wisdoms of Friendship II , Cerf, 2003, p.110.

2Grégoire de Nazianze, Discours 43, chap. 19-22, cité dans Jacques Follon et James McEvoy, Sagesses de l’amitié II, Cerf, 2003, p.110.

3 Saint Jerome: “a friendship that can end has never been true” ( Letters III , 6 [PL XXII, 335a])

3Saint Jérôme : «une amitié qui peut finir n’a jamais été véritable» (Lettres III, 6 [PL XXII, 335a])

4 The Christian sages were never unaware of this difficulty. Thus Gregory of Nazianzus said in his funeral homily for Basil of Caesarea: “the desire for the body, since it concerns what passes, also passes the equal of spring flowers [...] but when love attaches itself to God and when he is chaste, as he addresses himself to a stable reality, he is also by that very fact more durable, and the more beauty shows itself to him, the more it attaches him and attaches him to each other. those who have the same love. (Follon, op. cit. , p.109). Thus Aelred: “I wanted to love in spirit and did not feel the strength to do so; so I resolved to write on spiritual friendship and to prescribe to myself the rules of a chaste and holy love. ( Spiritual Friendship , 659A-660B, quoted in Follon,on. cit. , p.258.)

4Les sages chrétiens n’ont jamais été inconscients de cette difficulté. Ainsi Grégoire de Nazianze dit dans son homélie funèbre pour Basile de Césarée : «le désir des corps, puisqu’il concerne ce qui passe, passe aussi à l’égal des fleurs printanières […] mais quand l’amour s’attache à Dieu et quand il est chaste, comme il s’adresse à une réalité stable, il est aussi par là-même plus durable, et plus la beauté se montre à lui, plus elle se l’attache et attache l’un à l’autre ceux qui ont même amour.» (Follon, op. cit., p.109). Ainsi Aelred : «Je voulais aimer en esprit et ne m’en sentais pas la force; aussi, je résolus d’écrire sur l’amitié spirituelle et de me prescrire les règles d’un chaste et saint amour.» (L’amitié spirituelle, 659A-660B, cité dans Follon, op. cit., p.258.)

5 The word is from Pope Francis himself, to Italian physicians .

5Le mot est du pape François lui-même, aux médecins italiens.

6 I am not opening here the debate on adoption by a homosexual duo. He has already been treated badly. To tell the truth often by brandishing partisan studies here and there; and by completely discrediting the findings of 20th century educational psychology . Is all this really reasonable?

6Je n’ouvre pas ici le débat de l’adoption par un duo homosexuel. Il a déjà été pas mal traité. À vrai dire souvent en brandissant des études partisanes de ci de là; et en discréditant complètement les découvertes de la psychopédagogie du XXe siècle. Tout cela est-il vraiment raisonnable?

7 See Gen 2.24: “Therefore a man leaves his father and his mother and cleaves to his wife, and they become one flesh. »

7Voir Gn 2,24 : «C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair.»

8 See for example Karol Wojtyla, Love and Responsibility , Stock, 1978, p.116: “Contrary to opinions which consider the sexual problem in a superficial way and see the pinnacle of love only in the carnal abandonment of woman to man, it is appropriate to see here the mutual gift and the reciprocal belonging of two people. Not a mutual sexual enjoyment where one abandons his body to the other so that both experience the maximum of sensual voluptuousness, but precisely a reciprocal gift and a reciprocal belonging of persons. This is the comprehensive conception of the nature of spousal love flourishing in marriage. In the opposite conception, love is canceled in advance in favor of enjoyment (in both senses of the term). However, it cannot be reduced to enjoyment alone, be it mutual and simultaneous. On the other hand, it finds its normal expression in the union of persons”.

8Voir par exemple Karol Wojtyla, Amour et responsabilité, Stock, 1978, p.116 : «Contrairement aux opinions qui envisagent le problème sexuel d’une façon superficielle et ne voient le summum de l’amour que dans l’abandon charnel de la femme à l’homme, il convient de voir ici le don mutuel et l’appartenance réciproque de deux personnes. Non pas une jouissance sexuelle mutuelle où l’un abandonne son corps à l’autre afin que tous les deux éprouvent le maximum de volupté sensuelle, mais précisément un don réciproque et une appartenance réciproque des personnes. Voilà la conception exhaustive de la nature de l’amour sponsal s’épanouissant dans le mariage. Dans la conception contraire, l’amour est par avance annulé au profit de la jouissance (dans les deux sens du terme). Or, il ne peut être réduit à la seule jouissance, soit-elle mutuelle et simultanée. Par contre, il trouve son expression normale dans l’union des personnes».

9 Otherwise there remains only sodomy or various forms of mutual masturbation, ie non-unitive sexual acts even if they are collaborative. Today there are quite a few articles claiming that sodomy is an ordinary sexual practice, and even that the anus is a sexual organ. Sodomy is also advocated in the couple of man and woman. I can only see in it a rhetoric intended to justify practices where there inevitably remains a relationship of dominator to dominated, someone who enjoys while the other suffers—and only enjoys suffering.

9Autrement il ne reste que la sodomie ou diverses formes de masturbation mutuelle, c’est-à-dire des actes sexuels non unitifs même s’ils sont collaboratifs. On trouve aujourd’hui pas mal d’articles pour prétendre que la sodomie est une pratique sexuelle ordinaire, et même que l’anus serait un organe sexuel. On fait l’apologie de la sodomie également dans le couple de l’homme et de la femme. Je ne peux y voir qu’une rhétorique destinée à justifier des pratiques où il demeure inévitablement un rapport de dominateur à dominé, quelqu’un qui jouit pendant que l’autre subit — et ne jouit que de subir.

9b I would add that the notion of “common” work mentioned above has nothing to do with what would be “simultaneous”.

9bJ’ajouterai que la notion d’œuvre «commune» évoquée plus haut n’a rien à voir avec ce qui serait «simultané».

10 Non-discrimination is one of the main drivers of legislative changes in favor of same-sex marriage. Applied as it was, this principle turned into an affirmation of insignificance: everything is the same thing, because ultimately everything has little value.

10La non discrimination est un des grands moteurs des changements législatifs en faveur du mariage homosexuel. Appliqué comme il l’a été, ce principe a tourné à l’affirmation de l’insignifiance : tout est la même chose, parce que finalement tout a peu de valeur.

11 It was remarkably treated by Xavier Thévenot in his thesis: Male homosexualities and Christian morality , Cerf, 1985.

11Il a été remarquablement traité par Xavier Thévenot dans sa thèse : Homosexualités masculines et morale chrétienne, Cerf, 1985.

12 Chastity is necessary for everyone because it translates the will to love in truth, that is to say in a non-captive way. Chastity is declined differently depending on whether one is husband-wife, single, friends. I have tried to show here why chastity in a homosexual affair translates into continence: not having sex.

12La chasteté est nécessaire à tous car elle traduit la volonté d’aimer en vérité, c’est-à-dire d’une façon non captative. La chasteté se décline différemment selon qu’on est époux-épouse, célibataire, amis. J’ai essayé de montrer ici pourquoi la chasteté dans une liaison homosexuelle se traduisait par la continence : ne pas avoir de rapports sexuels.