A WITNESS to CHRIST
in
COMMUNIST CHINA:
 
SAINT BENEDICT PRIORY
in
CHENGTU
Fr. RAPHAEL VINCIARELLI, O.S.B. (1952)
 

 Chengdu Priory, ca. 1950



“Témoin du Christ en Chine communiste: Le Prieuré Saint-Benoît de Chengtu,” Le Bulletin des Missions, Jubilee 1902-1952, Abbey of Saint-Andre-Lez-Bruges, Volume XXVI N°s 3 and 4; 3° and 4° quarters 1952, pp. 191-219


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(1) Fr. Raphael's Response to the Three AutonomiesMovement;     (2) Bro. Peter's Public Witness of Faith


“A Witness to Christ in Communist China: Saint Benedict Priory in Chengtu”

Témoin du Christ en Chine communiste Le Prieuré Saint-Benoît de Chengtu

Rev. Dom. Raphael Vinciarelli, OSB. Abbey of Saint-André, [Bruges, Belgium], February 21, 1952.

Rev. Dom. Raphael Vinciarelli, OSB, Abbaye de Saint-André, le 21 février 1952.

Le Bulletin des Missions, Jubilee 1902-1952, Abbey of Saint-Andre-Lez-Bruges, Volume XXVI N°s 3 and 4; 3° and 4° quarters 1952, pp. 191-219

Le Bulletin des Missions, Jubilé  1902-1952, Abbaye de Saint-Andre-Lez-Bruges, Tome XXVI N°s 3 et 4 3° et 4° trimestres 1952, pp. 191-219

ON November 8, 1928, the Sacred Congregation of Propaganda [now known as the Dicastery for the Propagation of the Faith] canonically erected the “Priory of the Saints Peter and Andrew in Sishan,” founded by the Abbey of Saint-André in the immense province of Szechwan. The Priory was located in the Apostolic Vicariate of Shun-king, entrusted to His Excellency Mgr Paul Wang, and it constituted the first Benedictine foundation in China (1).

LE 8 novembre 1928, la Sacrée Congrégation de la Propagande érigeait canoniquement le « Prieuré des SS. Pierre et André de Sishan », fondé par l’Abbaye de Saint-André dans l’immense province du Szechwan. Le Prieuré était situé dans le Vicariat Apostolique de Shun-king, confié à S. E. Mgr Paul Wang, et constituait la première fondation bénédictine en Chine (1).

(1) See the article by Most Rev. Dom Théodore Nève, “Le Prieuré des SS. Pierre and André de Sishan”, in le Bulletin des Missions, t. IX (1928-1929), pp. 289 ff.

(1) Voir l’article du Rme Père Dom Théodore Nève, Le Prieuré des SS. Pierre et André de Sishan, dans le Bulletin des Missions, t. IX (1928-1929), p. 289 et suivantes.

The purpose of the foundation was the establishment of Benedictine monasticism in this country, rich in a thousand-year-old culture and populated by Buddhist and Taoist monasteries. Missionaries had already carried Christianity there for several centuries and, in Szechwan in particular, Christians were numerous and fervent. The time seemed to have come to introduce them to monastic life and to show them a concrete realization of it. It was necessary to give souls who so wished the means of serving God in the silence of the cloister through prayer and work.

Le but de la fondation était l’établissement du monachisme béné­dictin dans ce pays, riche d’une culture millénaire et peuplé de monastères bouddhistes et taoïstes. Les missionnaires y avaient déjà porté le chris­tianisme depuis plusieurs siècles et, au Szechwan en particulier, les chrétiens étaient nombreux et fervents. Le moment semblait venu de leur faire connaître la vie monastique et de leur en montrer une réalisa­tion concrète. Il fallait donner aux âmes qui le souhaitaient le moyen de servir Dieu dans le silence du cloître par la prière et le travail.

But in medieval Europe the monks had also been apostles; it was normal that they also became so in China, adapting their work to the conditions of the country and to the present needs of the Church. The monk is above all a son of the Church and he owes her his energies as much as his prayers.

Mais dans l’Europe du moyen âge les moines avaient été aussi des apôtres; il était normal qu’ils le devinssent également en Chine, adaptant leur travail aux conditions du pays et aux nécessités actuelles de l’Eglise. Le moine est avant tout fils de l’Eglise et il lui doit ses énergies autant que ses prières.

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The valley of Sishan was five kilometers away from the city of Shunking. The monastery was built on terraces formed by old rice fields. The narrowness of these terraces and the whole configuration of the valley did not permit the creation of large buildings. However, we were able to build a small monastery and a primary school there which operated from 1935 to 1943. The pupils were recruited mainly from the rural population of the surrounding areas.

Le vallon de Sishan se trouvait à 5 km. de la ville de Shun-king. Le monastère était bâti sur des terrasses constituées par d’anciennes rizières. L’étroitesse de ces terrasses et toute la configuration du vallon ne permettait pas l’établissement de vastes constructions. Nous pûmes cependant y construire un petit monastère et une école primaire qui fonctionna de 1935 à 1943. Les élèves se recrutaient surtout parmi la population rurale des environs.

Shun-king had several middle schools, but no university institutes. The distance that separated us from the city did not make it easy for the monks to have regular contact with teachers, students, or the educated elite of the region. Besides, we couldn’t expect anyone to spontaneously come and find us. In China a Catholic monastery does not signify much. It does not attract by itself. It must first establish itself by some intellectual or social service.

Shun-king possédait plusieurs écoles moyennes, mais aucun institut universitaire. La distance qui nous séparait de la ville ne facilitait pas aux moines un contact suivi avec les professeurs, les élèves, l’élite cultivée de l’endroit. Par ailleurs, il ne fallait point espérer qu’on vînt nous trouver spontanément. En Chine, un monastère catholique ne signifie pas encore grand’chose. Il n’attire pas par lui-même. Il lui faut d’abord s’imposer par quelque service intellectuel ou social.

Now, we know that for the missionary to be able to exercise a real influence in a non-Christian country, he must first have thoroughly penetrated its civilization and customs. Undoubtedly, the missionary goes to distant lands to bring the Gospel of Jesus Christ there. He goes there to “give” Christ. But before being able to “give”, he must have consented to “receive”. In China especially, where there is a superior and thousand-year-old civilization which has forged the soul of a great people, which has given it its way of thinking and its traditions, the missionary must begin by “receiving”. He must learn the spoken and written language of the country, he must know as well as possible its history, its philosophy, its literature. To achieve this goal, a library is not enough. It requires ongoing contact with society, with the Chinese family, with individuals. This is how one may gradually understand the concerns of the Chinese people, their tastes, their sympathies, their whole psychology.

Or, nous le savons : pour que le missionnaire puisse exercer une influence réelle dans un pays non-chrétien, il faut auparavant qu’il en ait pénétré à fond la civilisation et les coutumes. Sans doute, le mission­naire s’en va dans les pays lointains pour y apporter l’Evangile de Jésus-Christ. Il y va pour « donner » le Christ. Mais avant d’être capable de « donner », il faut qu’il ait consenti à « recevoir ». En Chine surtout, où il existe une civilisation supérieure et millénaire qui a forgé l’âme d’un grand peuple, qui lui a donné sa forme de pensée et ses traditions, le missionnaire doit commencer par « recevoir ». Il faut qu’il apprenne la langue parlée et écrite du pays, qu’il connaisse le mieux possible son histoire, sa philosophie, sa littérature. Pour atteindre ce but, une bibliothèque ne suffit pas. Il faut un contact suivi avec la société, avec la famille chinoise, avec les individus. C’est ainsi qu’il comprendra peu à peu les préoccupations du peuple chinois, ses goûts, ses sympathies, toute sa psychologie.

The missionary who has reached this degree of assimilation begins to feel “at home” in China. He makes his own the joys and sorrows of those he now loves effortlessly and as if quite naturally. At this moment, he can finally “give” Jesus Christ and his Gospel fully. He will be able to put the supernatural message he holds into a Chinese form, to make it more understandable and more attractive. He will have become a complete apostle.

Le missionnaire qui est parvenu à ce degré d’assimilation commence à se sentir « chez lui » en Chine. Il fait siennes les joies et les peines de ceux qu’il aime désormais sans effort et comme tout naturellement. A ce moment, il peut enfin « donner » pleinement Jésus-Christ et son Evangile. Il saura revêtir d’une forme chinoise le message surnaturel qu’il détient, le rendre plus compréhensible et plus attrayant. Il sera devenu un apôtre complet.

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In Sishan, because of the remoteness of the city, it was not possible to establish and above all to maintain sufficient contact with the various social strata of the population. Besides, the town of Shun-king was itself very far from any important cultural centre. Communications with the cities of Chung-king and Chengtu proved long and difficult. During the Sino-Japanese War, Chung-king was to become the political capital of Free China, but Chengtu remained, as in the past, the great cultural center of the country.

A Sishan, à cause de l’éloignement de la ville, il n’était pas possible d’établir ni surtout de maintenir un contact suffisant avec les diverses couches sociales de la population. D’ailleurs, la ville de Shun-king se trouvait elle-même fort éloignée de tout centre culturel important. Les communications avec les cités de Chung-king et de Chengtu s’avéraient longues et difficiles. Au cours de la guerre sino-japonaise, Chung-king allait devenir la capitale politique de la Chine libre, mais Chengtu demeurait, comme par le passé, le grand centre culturel du pays.

Nevertheless, during their long stay in Sishan, the monks had time to devote themselves to the study of the Chinese language and to have their first apostolic experiences. There they learned to know the old China of the countryside, to open their minds and their hearts to it. This stay was therefore most useful for us; it imprinted on our monastery a Chinese orientation, which would remain its characteristic note and would only be accentuated during the years to come.

Néanmoins, au cours de leur long séjour à Sishan, les moines eurent le temps de s’adonner à l’étude de la langue chinoise et de faire leurs premières expériences apostoliques. Ils y apprirent à connaître la vieille Chine des campagnes, à lui ouvrir leur esprit et leur coeur. Ce séjour nous fut donc des plus utiles; il imprima à notre monastère une orientation chinoise, qui restera sa note caractéristique et ne fera que s’accentuer durant les années à venir.

The Sino-Japanese war broke out in 1937. From then until 1945 we were separated from the rest of the world. The Japanese never succeeded in penetrating into Szechwan, but this long period of enforced isolation made life more difficult for us. It deprived the monastery of its normal resources and forced us to seek new activities for our monks.

La guerre sino-japonaise éclata en 1937. A partir de ce moment et jusqu’en 1945 nous fûmes séparés du reste du monde. Jamais les Japonais ne réussirent à pénétrer dans le Szechwan, mais cette longue pé­riode d’isolement forcé nous rendit la vie plus pénible. Elle priva le mo­nastère de ses ressources normales et nous obligea à chercher pour nos moines de nouvelles activités.

It was these multiple reasons that prompted us to reorient ourselves towards Chengtu, where various university institutions had been established since the founding of the Chinese Republic.

Ce furent ces multiples raisons qui nous poussèrent à nous orienter vers Chengtu, où diverses institutions universitaires s’étaient établies depuis la fondation de la République chinoise.

His Excellency Mgr Rouchouse, Bishop of Chengtu, received us there with open arms. Since the founding of Sishan, the diocese of Chengtu had been welcoming and generous. It was still so in this circumstance. Bishop Rouchouse put at our disposal some Chinese houses, in the middle of town, not far from the chancery. This is where, from 1944, the monks settled, until the day when they built their monastery in a vast surrounding land.

S. E. Mgr Rouchouse, évêque de ‘ Chengtu, nous y reçut à bras ouverts. Depuis la fondation de Sishan, le diocèse de Chengtu s’était montré accueillant et généreux. Il le fut encore en cette circonstance. Mgr Rouchouse mit à notre disposition quelques maisons chinoises, en pleine ville, non loin de l’évêché. C’est là que, dès 1944, les moines se fixèrent, jusqu’au jour où ils construisirent leur monastère dans un vaste terrain avoisinant.

In 1947, Rome approved the canonical transfer of the Priory of Sishan to the city of Chengtu, under the new name of “The Priory of Saint Benedict of Chengtu”.

En 1947, Rome approuvait le transfert canonique du Prieuré de Sishan dans la ville de Chengtu, sous le nouveau vocable de « Prieuré Saint-Benoît de Chengtu ».

The new environment in which the life of the monastery was to develop proved to be the right environment. The Priory found its way there in prayer and work. Undoubtedly, prayer is the same in all countries and for all ages, for God does not change and neither do souls. But the work varies, for it must constantly adapt to new conditions of time and place. The following pages will show how our apostolate began and how it developed.

Le nouveau milieu dans lequel allait se développer la vie du monastère se révéla être le milieu qui convenait. Le Prieuré y trouva sa route dans la prière et le travail. Sans doute,- la prière est la même dans tous les pays et pour tous les âges, car Dieu ne change pas et les âmes non plus. Mais le travail varie, car il doit s’adapter sans cesse aux conditions nouvelles de temps et de lieu. Les pages qui suivent montre­ront comment notre apostolat prit naissance et quels en furent les développements.

The Institute of Chinese and Western Studies.

L’Institut des Etudes chinoises et occidentales.

The idea of the Institute was born in 1943, in Chengtu, from the first contacts with teachers and students from different University Institutes of the city. These circles had not yet been penetrated by Catholic thought. I had noticed that, although they were still imbued with prejudices against the Church, it was nevertheless easy to establish simply human and cultural relations with them. Professors, students and cultured circles of Chengtu liked to talk about philosophy, art and history, of Chinese and foreign literature. It was enough to have a real sympathy for them and for their age-old culture. A contemptuous or simply superior attitude would have infallibly driven them away from us, and rightly so.

L’idée de l’Institut naquit en 1943, à Chengtu, des premiers contacts avec les professeurs et les étudiants des différents Instituts Universitaires de la ville. Ces milieux n’avaient pas encore été pénétrés par la pensée catholique. J’avais constaté que, bien qu’ils fussent encore imbus de préjugés contre l’Eglise, il était néanmoins facile d’établir avec eux des relations simplement humaines et culturelles. Les professeurs, les étudiants et les milieux cultivés de Chengtu aimaient à causer de philosophie, d’art et d’histoire; de littérature chinoise et étrangère. Il suffisait d’avoir une vraie sympathie pour eux et pour leur culture millénaire. Une attitude méprisante ou de simple supériorité les eût infailliblement éloignés de nous et à juste titre.

Encouraged by His Excellency Mgr Rouchouse, Bishop of Chengtu, four monks from our monastery accepted professorships in university institutes and at the Provincial School of Fine Arts. From 1943 to 1951, they taught history, philosophy, English, French, drawing and the history of Western art. At the beginning, the students said: “It’s curious! Catholic priests who are interested in science.” They ended up finding it quite natural and they no longer feared walking with us in the streets of the city, having dinner with us and loving to come to the monastery. Distances and prejudices had fallen. Two monks were invited to attend the meetings of a philosophical association and to give lectures there. We had no difficulty then in organizing two circles of students, one at the monastery, the other in a parish close to the school. Even under the communist regime, a missionary dared to start a third in his parish, and he asked us to take the direction of it; it only lasted a few months because of subsequent events.

Encouragés par S. E. Mgr Rouchouse, évêque de Chengtu, quatre moines de notre monastère acceptèrent des fonctions de professeur dans les Instituts universitaires et à l’Ecole Provinciale des Beaux-Arts. De 1943 à 1951, ils enseignèrent ainsi l’histoire, la philosophie, l’anglais, le français, le dessin et l’histoire de l’art occidental. Au début, les étudiants disaient : « C’est curieux ! des prêtres catholiques qui s’inté­ressent à la science. » Ils finirent par trouver la chose toute naturelle et ils ne craignirent plus de se promener avec nous dans les rues de la ville, dînant avec nous et aimant à venir au monastère. Les distances et les préjugés étaient tombés. Deux moines furent invités à assister aux réunions d’une association philosophique et à y donner des con­férences. Nous n’eûmes pas de difficulté alors à organiser deux cercles d’étudiants, l’un au monastère, l’autre dans une paroisse proche de l’école. Même sous le régime communiste, un missionnaire osera en commencer un troisième dans sa paroisse et il nous demanda d’en prendre la direction ; cela ne dura que quelques mois à cause des événements.

The study circle organized at the monastery was frequented by Catholic students, (a good half of whom had been baptized by us), and also by non-Catholic students, brought by their classmates or by their monk teachers, or even sent by Chinese missionaries and priests. The meetings took place every Sunday and began with a Mass for the students, with an appropriate sermon. At 10:30, after the rosary recited in common in the chapel, the students, often joined by gentlemen from the city, met in a large room where a Father gave them a presentation followed by Catholic teaching, accompanied by philosophical and historical explanations. During the presentation, the students could raise objections. After the conference, the discussion began with a proposed subject, or any other question raised by the students. Everyone took part in it and it was certainly the most interesting and useful part of the meeting. When objections or questions were exhausted, the meeting ended. But before leaving us the students chose, in the Catholic library placed at their disposal, whichever book suited them. They brought it back to us after having read it. (1).

Le cercle d’études organisé au monastère était fréquenté par des étudiants catholiques, dont une bonne moitié avait été baptisés par nous, et aussi par des étudiants non-catholiques, amenés par leurs condisciples ou par leurs professeurs moines, ou encore, envoyés par des missionnaires et des prêtres chinois. Les réunions avaient lieu tous les dimanches et commençaient par une Messe pour les étudiants, avec sermon approprié. A 10 h. 30, après le chapelet récité en commun à la chapelle, les étudiants, à qui se joignaient souvent des Messieurs de la ville, se réunissaient dans une grande salle où un Père leur donnait un exposé suivi de la doctrine catholique, accompagné d’explications philosophiques et historiques. Pendant l’exposé, les étudiants pouvaient poser des objections. Après la conférence, la discussion s’engageait sur le sujet traité ou sur toute autre question soulevée par les étudiants. Chacun y prenait part et c’était, certes, la partie la plus intéressante et la plus utile de la réunion. Quand les objections ou les questions étaient épuisées, la réunion prenait fin. Mais avant de nous quitter, les étudiants choisissaient, dans la bibliothèque catholique mise à leur disposition, le livre qui leur convenait. Ils nous le rapportaient après lecture (1).

(1) This study circle was to function for years and bring many conversions. It was possible to continue it until June 1951, even after the arrival of the Communists; but after the arrival of the “Reds” in Chengtu, the non-Catholic pupils rapidly dwindled in number. Soon not a single one came, with the exception of two Communist spies who sometimes appeared to seek grounds for accusation, either against us or against the students.

(1) Ce cercle d’études devait fonctionner pendant des années et amener beaucoup de conversions. Il fut possible de le continuer jusqu’en juin 1951, même après l’arrivée des communistes; mais après l’arrivée des Rouges à Chengtu, les élèves non-catholiques dimi­nuèrent rapidement en nombre. Bientôt il n’en vint plus un seul, à l’exception de deux espions communistes qui faisaient parfois leur apparition pour chercher matière à accusation, soit contre nous, soit contre les étudiants.

Faced with the good that resulted from these contacts, we gradually came to design an organization that would group and house these different activities, and we decided to create an Institute whose purpose would be to bring Chinese and Western cultures closer together, to research their points of contact and the penetration of Christian revelation into cultivated circles (2).

Devant le bien qui résultait de ces contacts, nous en vînmes peu à peu à concevoir un organisme qui grouperait et abriterait ces diffé­rentes activités, et nous décidâmes la création d’un Institut qui aurait pour objet le rapprochement des cultures chinoises et occidentales, la recherche de leurs points de contact et la pénétration de la révélation chrétienne dans les milieux cultivés (2).

(2) This idea, moreover, was not new. Since the great Jesuit Ricci (1552-1610), the Church, through her missionaries, her universities or Institutes, has long pursued this goal. Even today, Chinese, priests or lay people, and missionaries are still working in the same direction.

(2) Cette idée d’ailleurs n’était point nouvelle. Depuis le grand Jésuite Ricci (1552-1610), l’Eglise, par ses missionnaires, ses universités ou Instituts, a depuis longtemps poursuivi ce but. Actuellement encore, des Chinois, prêtres ou laïcs, et des missionnaires travaillent toujours dans le même sens.

The members of the Institute would be, in addition to the monks, priests or lay people, Catholic or not, who would care to conduct research in the same direction and the same spirit. We therefore envisaged collaborative work between Chinese and Westerners, the latter knowing better the culture of the West, the former that of the East. The Monastery remained at the base of the Institute and had to ensure its continuity in time and the spirit of consistency in its direction.

Les membres de l’Institut seraient, outre les moines, des prêtres ou des laïcs, catholiques ou non, qui désireraient faire des recherches dans la même direction et le même esprit. Nous envisagions donc un travail de collaboration entre Chinois et Occidentaux, ces derniers connaissant mieux la culture de l’Occident, les premiers celle de l’Orient. Le Monastère restait à la base de l’Institut et devait lui assurer la con­tinuité dans le temps et l’esprit de suite dans la direction.

The means of work of the Institute would be, in addition to our publications, (3) the works and the various activities which we have already mentioned. A review would appear when the time came.

Les moyens de travail de l’Institut seraient, en plus de nos publi­cations (3), les oeuvres et les diverses activités que nous avons déjà signalées. Une revue pourrait paraître le moment venu.

(3) From 1946 to 1950 we published in Chinese five works of apologetics and an English grammar in the Chinese language.

(3)De 1946 à 1950 nous fîmes paraître en chinois cinq ouvrages d’apologétique et une grammaire anglaise en langue chinoise.

The Institute was therefore founded. We baptized it: “The Institute of Chinese and Western Studies”, an appellation which seemed to us to perfectly define its spirit and method.

L’Institut fut donc fondé. Nous le baptisâmes : « Institut des Etudes Chinoises et Occidentales », appellation qui nous parut définir parfaitement son esprit et sa méthode.

The results were soon encouraging. In a short time, our relations with teachers and students became most cordial. As we have described above, these relations were first established on a purely human and cultural level. Soon real ties of sympathy arose. From purely cultural questions, it soon became possible to move on to strictly religious subjects. Prejudices had crumbled.

Les résultats furent bientôt encourageants. En peu de temps, nos relations avec les professeurs et les étudiants devinrent des plus cor­diales. Comme nous l’avons dit plus haut, ces relations s’établirent tout d’abord sur le plan purement humain et culturel. Bientôt naquirent de véritables liens de sympathie. Des questions purement culturelles, il devint bientôt possible de passer aux sujets proprement religieux. Les préjugés étaient tombés.

In fact, in the work of conversion, the heart plays a role just as much as the spirit. You will never convert someone who feels neither sympathy nor esteem for you. But if the approach of the heart is essential, it is just as necessary to conquer the spirit. We must first break down prejudice against foreigners. It is also necessary to expose the true meaning of religion, to lead the non-Christian to accept first of all the necessity of a natural religion, in order to then lead him, step by step, towards Christ. For this purpose we first gave our friends books on religion in general, then the book of the Gospels, so that they could then come into direct contact with Christ. Souls then rapidly mature, and the teaching of the catechism will be quickly understood and accepted. Certainly the work of clarifying and the kind of approach always varies with the individual, as well as the time which will be necessary to arrive at the baptism. But nothing can replace direct contact with Christ in the Gospels. An old general from the time of the Empire, to whom I asked what had decided him to ask for baptism replied: “The reading of the Gospels and the life of Jesus Christ.”

C’est qu’en effet, dans le travail de la conversion, le coeur joue un rôle tout autant que l’esprit. L’on ne convertira jamais celui qui n’éprouve pour vous ni sympathie ni estime. Mais si l’approche du coeur est indispensable, il est tout aussi nécessaire de faire la conquête de l’esprit. Il faut d’abord faire tomber les préjugés contre les étrangers. Il faut aussi exposer le vrai sens de la religion, amener le non-chrétien à accepter tout d’abord la nécessité d’une religion naturelle, pour le conduire ensuite, pas à pas, vers le Christ. Dans ce but nous donnions tout d’abord à nos amis des livres sur la religion en général, puis le livre des Evangiles, pour qu’ils pussent entrer alors directement en contact avec le Christ. Les âmes alors sont bientôt mûres, et l’enseignement du catéchisme sera vite compris et admis. Certes le travail de déblaiement et d’approche varie toujours avec les individus, de même que le temps qui sera néces­saire pour arriver au baptême. Mais rien ne peut remplacer le contact direct avec le Christ dans les Evangiles. Un vieux général du temps de l’Empire, à qui je demandais ce qui l’avait décidé à demander le baptême répondait : « La lecture des Evangiles et la vie de Jésus-Christ. »

In conversions, therefore, the heart and the spirit play their part; but with one person it is the heart that leads, and with another it is the mind. I have known students who demanded clearly philosophical proofs.

Dans les conversions, le coeur et l’esprit jouent donc leur rôle; mais chez l’un, c’est le coeur qui entraîne, et chez l’autre c’est l’esprit. J’ai connu des étudiants qui exigeaient des preuves nettement philo­sophiques.

I have just described the method we followed with students and educated people. But, for one to decide to ask for baptism, something else is needed, a certain degree of humility is needed; and I remember several Confucian scholars who never entered the Church, because they were satisfied with themselves and their knowledge, not even supposing that it was still possible for them to find something else.

Je viens de décrire la méthode que nous suivions avec les étudiants et les personnes cultivées. Mais, pour que l’on se décide à demander le baptême, il faut encore autre chose, il faut une certaine dose d’humilité; et je me souviens de plusieurs lettrés confucianistes qui n’entrèrent jamais dans l’Eglise, parce qu’ils étaient satisfaits d’eux-mêmes et de leur science, ne supposant même pas qu’il leur fût encore possible de trouver autre chose.

The Institute of Chinese and Western Studies was thus a precious means of Catholic penetration into cultivated circles.

L’Institut des Etudes Chinoises et Occidentales fut ainsi un précieux moyen de pénétration catholique dans les milieux cultivés.

The Catholic Library

La Librairie catholique

Alongside the activities of the Institute, we created two other works, of a rather different character, but which were each very successful. I mean our Catholic Library and the Legion of Mary.

En marge des activités de l’Institut nous créâmes encore deux autres oeuvres, d’un caractère assez différents, mais qui connurent chacune un grand succès. Je veux parler de notre Librairie catholique et de la Légion de Marie.

Our Library was created in 1948 and operated at full capacity for three years. It was instrumental in establishing in many parishes of Szechwan and other provinces Catholic libraries for the use of both Christians and non-Christians. However, from the end of 1950, the Communists began to intercept the shipments of books, especially those coming from the “Catholic Truth Society” of Hong Kong, founded by the Foreign Missions of Milan, and those of the “Catholic Center Bureau” of Shanghai, founded by the Apostolic Internuncio Msgr. Riberi. In the month of September 1951, anticipating that any apostolate through books would become impossible, we invited Chinese priests and missionaries to take all the books they wanted and distribute them to Christians.

Notre Librairie fut créée en 1948 et fonctionna à plein rendement pendant -trois ans. Elle contribua largement à établir dans beaucoup de paroisses du Szechwan et d’autres provinces des bibliothèques catholiques à l’usage tant des chrétiens que des non-chrétiens. Cependant dès la fin de 1950, les communistes commencèrent à intercepter les envois de livres, surtout ceux venant de la « Catholic Truth Society » de Hongkong, fondée par les Missions Etrangères de Milan, et ceux du « Catholic Center Bureau » de Shanghaï, fondé par l’Internonce Apostolique Mgr Riberi. Au mois de septembre 1951, prévoyant que tout apostolat par le livre allait devenir impossible, nous invitâmes les prêtres chinois et les missionnaires à prendre eux-mêmes tous les livres qu’ils désiraient et à les distribuer aux chrétiens.

The Legion of Mary

Le Légion de Marie

We do not have to explain to our readers what the Legion of Mary is, a purely religious organization intended to promote the lay apostolate and placed under the special patronage of the Virgin. Born in Ireland, this organization has now spread to all continents.

Nous n’avons pas à expliquer à nos lecteurs ce qu’est la Légion de Marie, organisation purement religieuse destinée à promouvoir l’apostolat laïc et placée sous le patronage spécial de la Vierge. Née en Irlande, cette organisation s’est répandu aujourd’hui dans tous les continents.

Prior to the triumph of Communism in China, under the leadership of the Apostolic Internuncio, Bishop Riberi, a large number of Legion of Mary praesidia had been established throughout China. In 1949, before what our new masters were to call “Communist liberation”, a considerable number of these centers of prayer and Catholic action had been organized in the diocese of Chengtu. They brought together the most zealous Christians, chosen from the parishes or from among the students. Our monastery establishes a “praesidium” for university and middle school students. It was the members of the Legion of Mary who most resolutely resisted the schismatic movement of reform that was soon to be launched by the Communists. Thus they were not slow in attacking this religious organization and would accuse it of being a political organization at the service of the Church against the Chinese Government. We will see later how the Communists will use this pretext to drive out the missionaries and to imprison or put to death the Chinese priests and Christians.

Avant le triomphe du communisme en Chine, sous l’impulsion de l’Internonce Apostolique, Mgr Riberi, un grand nombre de « Praesidia » de la Légion de Marie avaient été établis dans toute la Chine. En 1949, avant ce que nos nouveaux maîtres allaient appeler « la libéra­tion communiste », un nombre considérable de ces centres de prière et d’action catholique avaient été organisés dans le diocèse de Chengtu. Ils groupaient les chrétiens les plus zélés, choisis dans les paroisses ou parmi les étudiants. Notre monastère établit un « praesidium » pour les étudiants universitaires et ceux des écoles moyennes. Ce furent les membres de la Légion de Marie qui résistèrent le plus résolument au mouvement schismatique de réforme qu’allaient lancer bientôt les communistes. Aussi, ceux-ci ne tarderont-ils pas à attaquer cette organisation religieuse et l’accuseront-ils d’être une organisation poli­tique au service de l’Eglise contre le Gouvernement chinois. Nous verrons plus tard comment les communistes se serviront de ce prétexte pour chasser les missionnaires et pour emprisonner ou mettre à mort les prêtres chinois et les chrétiens.

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Arrival of the Communists.

Arrivée des communistes.

Everything was established and all the works of the monastery had begun to give their full output when the communists occupied Chengtu.

Les choses en étaient là et l’ensemble des oeuvres du monastère commençaient à donner leur plein rendement, lorsque les communistes investirent Chengtu.

It was on Christmas night 1949. Our monastery and the chapel had been decorated for the occasion, and before the liturgy a small party had been organised. In addition to the monks and friends, all the neighboring families were present. About twenty students from universities and middle schools came, as they had every year, to celebrate with us. Among them there were as many Catholics as aspirants to baptism.

C’était dans la nuit de Noël 1949. Notre monastère et la chapelle avaient reçu une ornementation de circonstance, et, avant l’office, une petite fête avait été organisée. En plus des moines et des familiers, toutes les familles voisines étaient présentes. Une vingtaine d’étudiants des Universités et des écoles moyennes venaient, comme chaque année, passer la fête avec nous. Parmi eux, il y avait autant de catholiques que d’aspirants au baptême.

But this year, our joy was mixed with apprehensions. Communist armies surrounded the city; some elements had even already infiltrated inside the city walls. We were joyful though, because Christ was about to be reborn and He would be with us.

Mais cette année, notre joie était mêlée d’appréhensions. Les armées communistes encerclaient la ville; certains éléments s’étaient même déjà infiltrés à l’intérieur des remparts. Nous étions joyeux cependant, car le Christ allait renaître et il serait avec nous.

The party lasted until 11:30 pm. We then went to the chapel. Baptism was conferred on a professor and a student of the university. At midnight, Solemn Mass and Communion were celebrated. On Christmas morning, before the second Mass, a whole family was baptized: father, mother and four children. In the afternoon, a big party just as every year, but this time, in our new refectory which was much larger than the old one. It contained more than a hundred people that day, rich and poor, Catholics and non-Catholics, male and female students. The celebration was presided over by His Excellency Mgr Pinault, the new bishop of Chengtu.

La fête dura jusqu’à 11 h. 30 de la nuit. Nous nous rendîmes alors à la chapelle. L’on y conféra le baptême à un professeur et à un étudiant de l’université. A minuit, Messe solennelle et communion. Le matin de Noël, avant la seconde Messe, l’on baptisa encore toute une famille : père, mère et quatre enfants. L’après-midi, grande fête comme toutes les années, mais cette fois, dans notre nouveau réfectoire, beaucoup plus vaste que l’ancien. Il contint ce jour-là plus de cent personnes, riches et pauvres, catholiques et non-catholiques, étudiants et étudiantes. La fête fut présidée par S. E. Mgr Pinault, nouvel évêque de Chengtu.

During this time, the communist armies definitively took possession of the city: We were under the “red regime”.

Pendant ce temps, les armées communistes prenaient définitivement possession de la ville : Nous étions sous le régime rouge.

All the walls of the city were immediately covered with posters: “Freedom of thought and speech; respect for property; protection against bandits; protection of foreigners and their property; religious freedom...” All freedoms! And the loudspeakers constantly repeated the same claim.

Tous les murs de la ville furent aussitôt couverts d’affiches : « Liberté de pensée et de parole; respect de la propriété; protection contre les bandits; protection des étrangers et de leurs biens; liberté de religion... ». Toutes les libertés ! Et les fourneaux, à l’envi, répétèrent la même consigne.

It did not take long for the people of Chengtu and those in the countryside to realize that there was no freedom at all and that the Government was like a hungry wolf, far more terrible than the bandits.

Il ne fallut pas longtemps aux habitants de Chengtu et à ceux de la campagne pour se rendre compte qu’il n’y avait plus de liberté du tout et que le Gouvernement était comme un loup affamé, beaucoup plus terrible que les bandits.

After defeating all the Nationalist armies, the Communists immediately forced the citizens to surrender their arms; they suppressed the very numerous and, formerly, very powerful secret societies in Szechwan; they wiped out the old military leaders and the old nationalists, or reduced them to impotence. Landowners were killed or dispossessed; private commerce was destroyed. The division of land gave the peasants a portion of a rice field, enough to live on for five months, so their fate was to be sadder than under the nationalists. The Communists proclaimed the principle that all former military leaders and all landowners—and this automatically included the Catholic Church—had “sucked the blood of the people.” So they had to make restitution. In practice, the Communists dispossessed the owners of all their gold and seized their homes and lands.

Après avoir battu toutes les armées nationalistes, les communistes obligèrent aussitôt les citoyens à livrer leurs armes; ils supprimèrent les sociétés secrètes fort nombreuses au Szechwan et, jadis, très puis­santes; ils firent disparaître les anciens chefs militaires et les anciens nationalistes, ou bien les réduisirent à l’impuissance. Les propriétaires fonciers furent tués ou dépossédés; le commerce privé fut anéanti. Le partage des terres donna aux paysans un morceau de rizière, de quoi vivre tout juste pendant cinq mois, aussi leur sort allait-il être plus triste que sous les nationalistes. Les communistes établirent en principe que tous les anciens chefs militaires et tous les propriétaires fonciers, — et cela incluait automatiquement l’Eglise Catholique, — avaient « sucé le sang du peuple ». Ils devaient donc restituer. Pratiquement, les communistes dépossédèrent les propriétaires de tout leur or et s’emparèrent de leurs maisons et de leurs terres.

As for the press, all the newspapers or reviews had to become communist, or else disappear. With the exception of Russian newspapers, no foreign newspaper could circulate in China.

Quant à la presse, tous les journaux ou revues durent devenir communistes, ou sinon disparaître. A l’exception des journaux russes, aucun journal étranger ne pouvait plus circuler en Chine.

It therefore happened that the Government, let us say the Communist Party, became the only great landowner since it had plundered all the others; the only rich, since it alone owned everything: gold, rice, trade.  It alone had the means of subsistence, which it distributed to its members, its employees or its soldiers. It alone also controlled ideas, for it was the master of propaganda in all fields, social, political, philosophical or religious.

Il se fit donc que le Gouvernement, disons le parti communiste, devenait le seul grand propriétaire puisqu’il avait spolié tous les autres; le seul riche, puisque seul il détenait tout : or, riz, commerce. Seul, il disposait des moyens de subsistance, qu’il distribuait à ses membres, à ses employés ou à ses soldats. Seul encore, il contrôlait les idées, car il était le maître de la propagande dans tous les domaines, social, politique, philosophique ou religieux.

Deprived of arms, money, rice; deprived of leaders, the people were no longer capable of organizing any resistance. All citizens had become equal in poverty and slavery. The Communist steamroller had passed through, and everyone was now at the mercy of the party; all depended on it in everything for their work, for their subsistence, for their thought.

Dépourvu d’armes, d’argent, de riz; privé de chefs, le peuple n’était plus capable d’organiser une résistance. Tous les citoyens étaient devenus égaux dans la pauvreté et l’esclavage. Le rouleau compresseur communiste avait passé par là, et chacun se trouvait désormais à la merci du parti ; il dépendait de lui en tout pour son travail, pour sa subsistance, pour sa pensée.

To ensure this situation and make it lasting, a police network extended its mesh all over China, in the towns, villages and countryside. The police controlled each group, each family, and made sure of the political opinions of each individual. Marxist doctrine had to be taught in all schools. First by persuasion, then by force, it was imposed on the entire population. This was done through “Study Circles”, which were soon organized every week throughout the country.

Pour assurer et faire durer cette situation, un réseau policier étendit ses mailles sur toute la Chine, dans les villes, les villages et les cam­pagnes. La police contrôla chaque groupement, chaque famille, et s’assura des opinions politiques de chaque individu. La doctrine marxiste dut être enseignée dans toutes les écoles. Par la persuasion d’abord, par la force ensuite, on l’imposa à toute la population. On se servit pour cela de « Cercles d’études », qu’on organisa bientôt chaque semaine dans tout le pays.

Communism as we have seen it.

Le communisme tel que nous l’avons vu.

Communism is essentially a totalitarian regime. From its followers or its victims it demands everything: body and goods; heart, thought, action. Recalcitrants are doomed to disappear. Their fate is prison or death.

Le communisme est essentiellement un régime totalitaire. De ses adeptes ou de ses victimes il, exige tout : corps et biens; coeur, pensée, action. Les récalcitrants sont condamnés à disparaître. Leur sort c’est la prison ou la mort.

The regime controls everything, intends to penetrate everywhere, even into the most hidden recesses of consciousness. It requires a public, lifelong confession. One must declare whether one is for the Government or not; whether one robbed the people or not; whether or not one has observed the laws of morality. You even have to confess faults you didn’t commit, if the party, for one reason or another, has decided to make you disappear.

Le régime contrôle tout, veut pénétrer partout, jusque dans les replis les plus cachés de la conscience. Il exige une confession publique de toute la vie. Il faut déclarer si l’on est pour le Gouvernement ou non; si l’on a volé le peuple ou non; si l’on a observé ou non les lois de la morale. Il faut même avouer des fautes que l’on n’a pas commises, si le parti, pour une raison ou pour une autre, a décidé de vous faire disparaître.

The “people’s tribunal” is then convened. The ringleaders stir up the crowd, assembled there on the orders of the police, and make them demand the sentence they want. The crowd utters the prescribed howls and it is proclaimed that the will of the people has been manifested.

L’on réunit alors le « tribunal du peuple ». Les meneurs excitent la foule, assemblée là sur l’ordre de la police et lui font exiger la sentence qu’ils souhaitent. La foule pousse les hurlements prescrits et l’on proclame que la volonté du peuple s’est manifestée.

Nothing of the human personality is respected any more in such a regime. Only the party counts, to which everything must be sacrificed: family ties, the love of parents and children. Children are forced to accuse their parents and then the party proclaims them heroes, because they have proven that they prefer the party to everything. Parents are suspicious of their children and friends of their friends.

Plus rien dans un tel régime n’est respecté de la personnalité humaine. Seul compte le parti, à qui tout doit être sacrifié : les liens de la famille, l’amour des parents et des enfants. Ceux-ci sont contraints d’accuser leurs parents et alors le parti les proclame héros, parce qu’ils ont prouvé qu’ils préféraient le parti à tout. Les parents se méfient de leurs enfants et les amis de leurs amis.

As for religion, the Chinese communists are bent on destroying it, just like the Russian communists by whom they are inspired and who control them. They want to eradicate the idea of God and above all to destroy the Catholic Church which is the most obvious affirmation of this idea. In China, other religions have already been destroyed. They bowed to the Government, because they had little consistency. They did not possess, like Catholicism, a solid framework of defined dogmas, immutable because revealed by God, the infallible source of truth. They did not have, like it, a hierarchical organization that the Catholic Church possesses in the person of the Pope, his bishops and his priests.

Quant à la religion, les communistes chinois s’acharnent à la détruire, exactement comme les communistes de Russie dont ils s’inspirent et qui les contrôlent. Ils veulent extirper l’idée de Dieu et détruire surtout l’Eglise catholique qui est l’affirmation la plus évidente de cette idée. En Chine, les autres religions sont déjà abattues. Elles se sont inclinées devant le Gouvernement, car elles n’avaient guère de consistance. Elles ne possédaient pas, comme le Catholicisme, une solide armature de dogmes définis, immuables parce que révélés par Dieu, source infaillible de vérité. Elles ne disposaient pas comme lui, d’une organisa­tion hiérarchique, telle que l’Eglise catholique la possède dans la personne du Pape, de ses Evêques et de ses prêtres.

Communism in the face of the Church.

Le communisme en face de l’Eglise.

For the Communists, the Church is the great enemy. Its doctrine is irreconcilable with theirs. Between the Church and Communism the opposition is complete.

Pour les communistes, l’Eglise est le grand ennemi. Sa doctrine est irréductible à la leur. Entre l’Eglise et le Communisme, l’opposition est complète.

Communists, essentially atheists, affirm as a dogma that matter exists by itself. There is no need outside of it for a Being to explain it. Its evolution alone explains everything, including the soul. This too is material. The Catholic Church, on the contrary, affirms and proves that God exists through Himself. He created matter, like the spiritual soul, essentially distinct from matter.

Les communistes, essentiellement athées, affirment comme un dogme que la matière existe par elle-même. Nul besoin en dehors d’elle d’un Etre pour l’expliquer. Son évolution, à elle seule, explique tout, jusqu’à l’âme inclusivement. Celle-ci est matérielle elle aussi. L’Eglise catholique, au contraire, affirme et prouve que Dieu existe par lui-même. Il a créé la matière, comme l’âme spirituelle, essentielle­ment distincte de la matière.

Communism is a mysticism. In China, it erected the portrait of Mao Tse-tung on the altars of our churches, in place of the Cross. Communism offers man a materialist ideal, gives a materialist meaning to life and launches its members into a movement organized down to the smallest detail to lead to the conquest of the world. The Catholic Church is also a mystic. She worships Jesus Christ. She also offers man an ideal and gives meaning to life, but it is a religious ideal and a spiritual meaning. She has an organic structure, firm and intangible, because she was established by Jesus Christ. Communism obeys a single leader, the Catholic Church too. The Church preaches love, communism preaches hate and class struggle. A communist said to me one day: “We communists, we hate our enemies to death! I replied: “We Catholics love our enemies and the wicked; we are only trying to make them better. — “Yes, I know it,” continued the Communist; the difference between you and us is that we have hatred and you have charity.”

Le communisme est une mystique. En Chine, il a mis le portrait de Mao Tse-tung sur les autels de nos églises, à la place de la Croix. Le communisme propose à l’homme un idéal matérialiste, donne un sens matérialiste à la vie et lance ses membres dans un mouvement organisé jusque dans les moindres détails pour aboutir à la conquête du monde. L’Eglise catholique aussi est une mystique. Elle adore Jésus-Christ. Elle aussi propose à l’homme un idéal et donne sens à la vie, mais, c’est un idéal religieux et un sens spirituel. Elle a une structure organique, ferme et intangible, parce qu’établie par Jésus-Christ. Le communisme obéit à un seul chef, l’Eglise catholique aussi. L’Eglise prêche l’amour, le communisme la haine et la lutte des classes. Un communiste me disait un jour : « Nous autres communistes, nous haîs­sons nos ennemis jusqu’à la mort! » Je lui répondis : « Nous autres catholiques, nous aimons nos ennemis et les méchants; nous essayons seulement de les rendre meilleurs. » — « Oui, je le sais, continua le communiste; la différence entre vous et nous, c’est que nous avons la haine et vous la charité. »

Communism is totalitarian; it takes the whole man, and intends to destroy all those who do not accept this empire. And all this in the name of an ideology invented by men. The Catholic Church, too, is totalitarian; she orders all men: “You will love God with all your heart, with all your energies, and you will love your neighbour, without exception, as yourself, for love of God.” The empire of the Church is not based on an ideology invented by men, but on an order from God, Creator and Father.

Le communisme est totalitaire; il prend l’homme tout entier, et entend détruire tout ceux qui n’acceptent pas cet empire. Et tout cela, au nom d’une idéologie inventée par des hommes. L’Eglise Catholique, elle aussi, est totalitaire; elle ordonne à tous les hommes : « Tu aimeras Dieu de tout ton coeur, de toutes tes énergies, et tu aimeras ton prochain, sans exception, comme toi-même, par amour pour Dieu. » L’empire de l’Eglise n’est pas basé sur une idéologie inventée par les hommes, mais sur un ordre venu de Dieu, Créateur et Père.

As we can see, Communism and Catholicism oppose and confront each other like “yes” and “no”, and the struggle becomes inevitable. A communist said to a missionary: “From the spiritual point of view, our greatest enemy is the Catholic Church; from the material point of view, it is America; but we fear spiritual forces more.”

On le voit, communisme et catholicisme s’opposent et s’affrontent comme le « oui » et le « non », et la lutte devient inévitable. Un com­muniste disait à un missionnaire : « Au point de vue spirituel, notre plus grand ennemi c’est l’Eglise Catholique; au point de vue matériel, c’est l’Amérique; mais nous craignons davantage les forces spirituelles. »

In China as elsewhere, the Communists know their adversaries well. With a skill that adapts diabolically to individuals, groups and circumstances, they wanted to create a movement of reform within the Church itself. According to them, it was a question of “preserving his faith”, of “purifying” it from the “imperialist” elements (read: the missionaries) who had contaminated it. To this end, they tried to use the Christians themselves to undermine the foundations of the religious edifice in China and to make it crumble from within. This is how they act in the various countries of the world to undermine the political structures of the peoples by using the citizens themselves. Never in history have we seen this kind of persecution. The Communists tried to introduce into the very interior of the Church a spirit of hatred, of jealousy, in order to provoke rivalries and suspicions among Christians, between Christians and priests, between Chinese priests and missionaries. They incited Christians to criticize their priests, their missionaries, their bishops, and even the Apostolic Internuncio, Msgr. Riberi. And all this, they said, for a noble purpose: “to purify the Church.” “ To succeed more easily, they appealed to the patriotism of Christians and wanted to launch them against the so-called “foreign imperialists”, against the Apostolic Internuncio and, finally, against the Pope in person, called by them “the great imperialist , which was one with the American imperialists”.

En Chine comme ailleurs, les communistes connaissent bien leurs adversaires. Avec une habileté qui s’adapte d’une façon diabolique aux individus, aux groupes et aux circonstances, ils voulurent créer un mouvement de réforme à l’intérieur même de l’Eglise. Il s’agissait d’après eux de « préserver sa foi », de la « purifier » des éléments « impérialistes » (comprenons : les missionnaires) qui l’ont contaminée. Dans ce but, ils tentèrent d’utiliser les chrétiens eux-mêmes pour saper les bases de l’édifice religieux en Chine et de le faire crouler par le dedans. C’est ainsi qu’ils agissent dans les différents pays du monde pour miner les structures politiques des peuples en se servant des citoyens eux-mêmes. Jamais au cours de l’histoire, on ne vit pareil genre de persé­cution. Les communistes tentèrent d’introduire à l’intérieur même de l’Eglise un esprit de haine, de jalousie, pour y provoquer des rivalités et des suspicions entre les chrétiens, entre les chrétiens et les prêtres, entre les prêtres chinois et les missionnaires. Ils excitèrent les chrétiens à critiquer leurs prêtres, leurs missionnaires, leurs évêques, et jusqu’à l’Internonce Apostolique, Mgr Riberi. Et tout cela, disaient-ils, dans un noble but : « pour purifier l’Eglise. » Pour réussir plus facilement, ils firent appel au patriotisme des chrétiens et voulurent lancer ceux-ci con­tre les prétendus « impérialistes étrangers », contre l’Internonce Aposto­lique et, pour finir, contre le Pape en personne, appelé par eux « le grand impérialiste, qui faisait un avec les impérialistes américains ».

To this religious reform, the Communists gave a name with a double meaning: “The Reform of The Three Autonomies”. Autonomy of government: China needs Chinese bishops; economic autonomy: China has nothing to do with economic aid from foreigners; the Church of China can be self-sufficient; autonomy of preaching: Chinese priests alone will assure the extension of the Gospel in China, there is no need for missionaries.

A cette réforme religieuse, les communistes donnèrent un nom à double sens : « la réforme des trois autonomies ». Autonomie de gouvernement : il faut en Chine des évêques chinois; autonomie économique : la Chine n’a que faire de l’aide économique des Etrangers; l’Eglise de Chine peut se suffire à elle-même; autonomie de prédication : les prêtres chinois seuls assureront l’extension de l’Evangile en Chine, nul besoin de missionnaires.

We know that the Catholic Church has always and in all countries pursued these same objectives. The Pope has long since appointed many Chinese bishops, and the missionaries have always applied themselves to training Chinese clergy. But it is up to the Church alone to decide whether a region can entirely do without the help of the missionaries, whether the time has come to fully apply the “three autonomies” to use the expression quoted. All decisions in this matter must always be taken entirely under the control of the Sovereign Pontiff.

Nous savons, nous, que depuis toujours et dans tous les pays, l’Eglise catholique a poursuivi ces mêmes objectifs. Le Pape a depuis longtemps nommé de nombreux évêques chinois, et les missionnaires se sont toujours appliqués à former un clergé chinois. Mais il appartient à l’Eglise seule de décider si une région peut se passer entièrement de l’aide des missionnaires, si le moment est venu d’appliquer complètement les « trois autonomies » pour reprendre l’expression citée. Toutes les décisions en cette matière devront toujours être prises sous la dépen­dance entière du Souverain Pontife.

In China, atheistic communism itself took the initiative for this reform and imposed its directives without the Pope. This was only a maneuver intended to ruin the Church by destroying the hierarchy.

En Chine, le communisme athée prit lui-même l’initiative de cette réforme et imposa ses directives en se passant du Pape. Il s’agissait là uniquement d’une manœuvre destinée à ruiner l’Eglise par la destruction de la hiérarchie.

Persecution breaks out.

La persécution éclate.

In Chengtu there soon began a devious persecution against the Church, Communists are active and efficient. In the countryside, the churches were confiscated. Christians were forced to remove crucifixes and religious images from their homes. They were forbidden to meet to pray. But in the city itself, the Communists used another tactic. They dared not clash head-on with Christian sentiment. Putting on the mantle of the shepherd, they displayed themselves as the protectors of the Catholic religion. They tried to divide Christians from within by introducing ideas of schismatic reform. From the end of 1950, the reform movement launched by them gained momentum and the pressure exerted on Chinese priests and Christians grew stronger and stronger. There were then almost daily home visits, and weekly meetings of “reform committees” chaired by delegates from the Communist Party.

A Chengtu, la persécution sournoise contre l’Eglise se déclencha bientôt. Les communistes sont actifs et efficients. Dans les campagnes, les églises furent confisquées. On contraignit les chrétiens à enlever les crucifix et les images pieuses de leurs maisons. On leur interdit de se réunir pour prier. Mais dans la ville même, les communistes usèrent d’une autre tactique. Ils n’osèrent heurter de front le sentiment chrétien. Endossant le manteau du berger, ils s’affichèrent comme les protecteurs de la religion catholique. Ils s’efforcèrent de diviser les chrétiens par l’intérieur en introduisant des idées de réforme schismatique. Dès la fin de 1950, le mouvement de réforme lancé par eux prit de l’envergure et la pression exercée sur les prêtres et les chrétiens chinois devint de plus en plus forte. Ce furent alors presque chaque jour des visites à domicile, et chaque semaine, la réunion des « comités de réforme » présidés par les délégués du parti communiste.

During 1951 and the first months of 1952, the persecution was intense. The Communists pushed the Chinese priests and Christians to accuse the missionaries, to speak publicly of their faults, real or imagined. They went so far as to ask to accuse His Excellency Msgr. Riberi, Apostolic Internuncio in China. This movement of “purification of the Catholic Church”, as they called it, tended to drive out all foreign missionaries from China, to have them driven out by the Christians themselves, and then to create a national Church entirely under the control and under the thumb of the party. What the Communists wanted was a Church completely separate from the Pope. Such a Church, they knew, would obviously become the plaything of the party.

Durant l’année 1951 et les premiers mois de 1952, la persécution fut intense. Les communistes poussèrent les prêtres et les chrétiens chinois à accuser les missionnaires, à dire publiquement leurs défauts, réels ou imaginaires. Ils allèrent jusqu’à demander d’accuser S. E. Mgr Riberi, Internonce Apostolique en Chine. Ce mouvement de « puri­fication de l’Eglise Catholique », ainsi qu’ils l’appelaient, tendait à faire chasser de Chine tous les missionnaires étrangers, à les faire chasser par les chrétiens eux-mêmes, et à créer ensuite une Eglise nationale entièrement sous la coupe et le contrôle du parti. Ce que les communistes voulaient, c’était une Eglise complètement séparée du Pape. Une telle Eglise, ils le savaient, deviendrait évidemment le jouet du parti.

But this communist reform movement failed. The missionaries resisted. As early as 1951, ten foreign priests were thrown into prison. Among them were Spaniards, Frenchmen, an Italian and a German. Successively, during the months of August, October and December 1951, seven missionaries were expelled. The reason invoked for these imprisonments and expulsions was always the same: the opposition of these missionaries to the schismatic reform movement and their membership in the Legion of Mary. We will return to this.

Mais ce mouvement de réforme communiste échoua. Les mission­naires résistèrent. Dès 1951, dix prêtres étrangers furent jetés en prison. Il y eut parmi eux des Espagnols, des Français, un Italien et un Allemand. Successivement, pendant les mois d’août, d’octobre et de décembre 1951, sept missionnaires furent expulsés. Le motif invoqué pour ces empri­sonnements et ces expulsions fut toujours le même : l’opposition de ces missionnaires au mouvement schismatique de réforme et leur appar­tenance à la Légion de Marie. Nous y reviendrons.

What is even more important, because it concerns the Church of China, is that the Chinese priests and the Christians opposed this reform. Of the 4,300 Christians in the city of Chengtu, barely forty gave their name to the movement. Of the twelve Chinese priests in the city, two, perhaps three, announced their allegiance. Two Chinese Trappist monks died, martyrs to their faith. Seven Chinese priests, including the Administrator of the diocese, are currently in prison because they did not want to renounce their faith. A dozen Christians, including the secretary of the monastery, suffered the same fate. In the countryside, out of about fifty Chinese priests, five, to our knowledge, were massacred, and probably others of whom we are unaware.

Ce qui est encore plus important, parce qu’il s’agit de l’Eglise de Chine, c’est que les prêtres chinois et les chrétiens s’opposèrent à la réforme. Sur les 4.300 chrétiens que compte la ville de Chengtu, quarante à peine donnèrent leur nom au mouvement. Sur les douze prêtres chinois de la ville, deux, peut-être trois, marquèrent leur adhésion. Deux moines trappistes chinois moururent, martyrs de leur foi. Sept prêtres chinois, dont l’Administrateur du diocèse, sont actuellement en prison parce qu’ils n’ont pas voulu renier leur foi. Une dizaine de chrétiens, dont le secrétaire du monastère, ont subi le même sort. Dans les campagnes, sur une cinquantaine de prêtres chinois, cinq, à notre connaissance, ont été massacrés, et probablement d’autres que nous ignorons.

Communist tactics and the laws of logic.

La tactique communiste et les lois de la logique.

One day, it was in the month of December 1951, in a meeting where Christians had been summoned, among whom was a Chinese priest, the Communist delegate declared: “Hell does not exist”, and “you must separate from the Pope”. The Chinese priest left the room in protest. He was thrown into prison shortly afterwards. At that time, for nearly a year, the Communists had been trying, by means of these forced meetings which they called “study circles”, to inoculate drop by drop their spirit of revolt into the minds of Christians. They had thought that they were already sufficiently prepared to accept “all” communist doctrine at once. They were wrong. They realized they had moved too quickly. The Communists had time [on their side] and knew when it was necessary to back off and wait. So they pulled themselves together and changed their approach. The following Sunday, in the same study circle and without worrying about what seems to us to be a contradiction, the Communist delegate asked: “Who told you that hell does not exist and that you must separate from the Pope? But not at all. Hell exists and the Pope is your religious leader. Why part with it? And afterwards the Communists patiently resumed their slow work of corroding the Catholic mindset.

Un jour, c’était au mois de décembre 1951, dans une réunion où avaient été convoqués des chrétiens, parmi lesquels se trouvait un prêtre chinois, le délégué communiste déclara : « L’enfer n’existe pas », et « il faut vous séparer du Pape ». Le prêtre chinois quitta la salle en signe de protestation. Il fut jeté en prison peu de temps après. A cette époque, depuis près d’un an, les communistes avaient essayé, au moyen de ces réunions forcées qu’ils appelaient « cercles d’études », d’inoculer goutte à goutte leur esprit de révolte dans l’esprit des chrétiens. Ils avaient pensé que ceux-ci étaient déjà suffisamment préparés pour accepter en une fois « toute » la doctrine communiste. Ils s’étaient trompés. Ils se rendirent compte qu’ils avaient marché trop vite. Les communistes disposent du temps et savent, quand il faut, reculer et attendre. Ils se reprirent donc et changèrent d’attitude. Le dimanche suivant, dans le même cercle d’études et sans s’inquiéter de ce qui nous paraît être une contradiction, le délégué communiste demanda : « Qui donc vous a dit que l’enfer n’existe pas et qu’il faut vous séparer du Pape? Mais pas du tout. L’enfer existe et le Pape est votre chef religieux. Pourquoi vous en séparer ? » Et, dans la suite, les communistes reprirent patiemment leur lent travail de corrosion de la mentalité catholique.

The Institute of Chinese Studies is targeted.

L’Institut des études chinoises est visé.

Given the influence it exerted and the sympathy with which it was surrounded, the Institute of Chinese and Western Studies could not fail to attract the attention of the Communists. Shortly after their arrival in Chengtu, on Christmas 1949, they wanted to appropriate it. From 1950, they repeatedly asked us:

Etant donné le rayonnement qu’il exerçait et la sympathie dont il était entouré, l’Institut des Etudes Chinoises et Occidentales ne pouvait manquer d’attirer l’attention des communistes. Peu après leur arrivée à Chengtu, lors de la Noël 1949, ils voulurent mettre la main sur lui. Dès 1950, ils nous demandèrent à plusieurs reprises :

“Was the Institute recognized by the Nationalist Government?” — “No, he was not.” — “Do you intend to have it recognized now?” — “No” — “Does it have any capital?” — “No, it’s the monastery that supports it.” — “Are there any buildings?” — “No, the monastery lends them to [the Institute].” »

— « L’Institut était-il reconnu par le Gouvernement nationaliste? » —« Non, il ne l’était pas. » — « Avez-vous l’intention de le faire reconnaître maintenant ? » — « Non » — « Dispose-t-il d’un capital ? » — « Non, c’est le monastère qui l’aide. » — « A-t-il des bâtiments ? » — « Non, le monastère les lui prête. »

Finding neither capital nor buildings to seize, they then sought to destroy its activity.

Ne trouvant à saisir ni capital ni bâtiments, ils voulurent alors anéantir son action.

On October 27, 1950, the Director of Police of the Bureau of Foreign Affairs summoned me:

Le 27 octobre 1950, le directeur de la police du Bureau des Affaires Etrangères me convoqua :

“You are all in the prime of life; return to your respective countries, your work will be very useful to them. — “But we have work here.”  —  “We do not need the work of foreigners; what there is to do, we can do ourselves.”

— « Vous êtes tous dans la force de l’âge; rentrez dans vos pays respectifs, votre travail leur sera très utile. » — « Mais nous avons du travail ici. » — « Nous n’avons pas besoin du travail des étrangers; ce qu’il y a à faire, nous le faisons nous-mêmes. »

And they gave us two weeks to prepare for departure. All the foreign monks were targeted en bloc, with the exception of Fr. Emile Butruille and Fr. Eleuthère Winance; Father Butruille, because he had obtained “provisional” Chinese naturalization; Father Winance, because he was still a professor at the University and at the Provincial School of Fine Arts. But this teaching position was soon to be taken from him.

Et ils nous donnèrent deux semaines pour préparer le départ. Tous les moines étrangers étaient visés en bloc, à l’exception du P. Emile Butruille et du P. Eleuthère Winance; le P. Butruille, parce qu’il avait obtenu une naturalisation chinoise « provisoire »; le P. Winance, parce qu’il était encore professeur à l’Université et à l’Ecole Provinciale des Beaux-Arts. Mais cet enseignement devait bientôt lui être enlevé.

On November 21, 1950, all the necessary formalities for departure were completed and our trunks full of books, were shipped. The Communists had insisted very much that our cases be rapidly expedited. That day the Foreign Affairs police told us: “There is no urgency for your departure. When the day is set, we will let you know. They warned us more than a year later.

Le 21 novembre 1950, toutes les formalités nécessaires au départ étaient remplies et nos caisses, pleines de livres, expédiées. Les com­munistes avaient beaucoup insisté sur l’expédition rapide de nos caisses. Ce jour-là, la police des Affaires Etrangères nous dit : — « Rien ne presse pour votre départ. Quand le jour sera fixé, nous vous avertirons. » Ils nous avertirent plus d’un an après.

They had simply intended to destroy the work of the Institute by casting us in the psychology of one who leaves and no longer works, and has their books sent to them. Our conviction in this regard stems from the interrogations undergone by us and by other missionaries about our Institute. In the month of March 1952, in his prison in Chungking, His Excellency Mgr Boisguérin, Bishop of Suifu (Ipin), was questioned about the Institute. The Communists made the following remark to him: “Yes, the Catholic Church is well organized; some missionaries are in charge of preaching the doctrine, others practice cultural imperialism.”

Ils avaient simplement voulu détruire le travail de l’Institut en nous mettant dans la psychologie de celui qui part et ne travaille plus, et en nous faisant expédier nos livres. Notre conviction à cet égard découle des interrogatoires subis par nous et par d’autres missionnaires au sujet de notre Institut. Au mois de mars 1952, dans sa prison de Chungking, S. E. Mgr Boisguérin, Evêque de Suifu (Ipin), était interrogé sur l’Institut. Les communistes lui firent la réflexion suivante : « Oui, l’Eglise Catholique est bien organisée; certains missionnaires sont chargés de prêcher la doctrine, d’autres font de l’impérialisme culturel. »

The communists inform themselves.

Les communistes s’informent.

On May 17, 1951, the Communists threw the first missionary in prison, Fr. Sagredo, a Spanish Redemptorist, and they pressured the Christians to accuse him. The Christians refused. Some even went so far as to write letters to the Communist police in defense of the missionary. These letters, it must be said, were not signed, for fear of reprisals. The Communists were astonished at this resistance and sought in vain to discover the authors of the anonymous letters. This happened in June 1951.

Le 17 mai 1951, les communistes jetèrent en prison un premier missionnaire, le P. Sagredo, rédemptoriste espagnol, et ils poussèrent les chrétiens à l’accuser. Les chrétiens refusèrent. Certains allèrent même jusqu’à écrire des lettres aux policiers communistes pour défendre le missionnaire. Ces lettres, faut-il le dire, n’étaient pas signées, par crainte de représailles. Les communistes furent étonnés de cette résistance et cherchèrent vainement à découvrir les auteurs des lettres anonymes. Ceci se passait au mois de juin 1951.

Failing to engage Christians in the reform movement, the Communists wanted to know the reason for their failure. They decided to learn more about Catholic doctrine in order to better understand the psychology of Christians and to better adapt their sneak attacks and corrupt work. For this purpose they made use of the process which we are about to describe, and which reveals their tactics.

Ne réussissant pas à engager les chrétiens dans le mouvement de réforme, les communistes voulurent connaître la raison de leur insuccès. Ils décidèrent de s’informer plus à fond au sujet de la doctrine catholique afin de mieux comprendre la psychologie des chrétiens et de mieux adapter leurs attaques sournoises et leur travail de corruption. Ils se servirent dans ce but du procédé qu’on va lire, et qui est révélateur de leur tactique.

On June 18, 1951, I was summoned to the Foreign Affairs Office and I found there, having already arrived, His Excellency Mgr Pinault, Bishop of Chengtu, who was also summoned. For the first and last time, the communist police received us politely, offering us tea and cigarettes.

Le 18 juin 1951, je fus convoqué au Bureau des Affaires Etrangères et j’y trouvai, déjà arrivé, S. E. Mgr Pinault, évêque de Chengtu, convoqué lui aussi. Pour la première et la dernière fois, les policiers communistes nous reçurent avec politesse, nous offrant du thé et des cigarettes.

“We would like to have,” they said, “a sincere exchange of views with you on the reform movement in the Catholic Church . You and us: just say what you think.”

                « Nous voudrions avoir avec vous », nous dirent-ils, « un échange de vues sincère sur le mouvement de réforme dans l’Eglise Catholique. Vous et nous, disons simplement ce que nous pensons. »

The exchange of views lasted a little over an hour. As they escorted us to the door, with their Chinese politeness for a day, the Communists asked us both to put our thoughts in writing.

L’échange de vues dura un peu plus d’une heure. En nous recon­duisant jusqu’à la porte, avec leur politesse chinoise d’un jour, les communistes nous demandèrent à tous deux de mettre nos réflexions par écrit.

I had hardly returned to the monastery when a policeman arrived:

J’étais à peine rentré au monastère qu’un policier survint :

    “Don’t forget to bring us your written thoughts tomorrow.”

       « N’oubliez pas de nous apporter demain vos réflexions écrites. »

The next day, I gave the director of the Foreign Affairs Office the following letter, written in French and Chinese, of which I was able to send a copy to Hong Kong:

Le lendemain, je remettais au directeur du Bureau des Affaires Etrangères la lettre ci-contre, écrite en français et en chinois, lettre dont je pus faire parvenir un exemplaire à Hongkong :

 Response to the Three Autonomy Movement

 

Tsung Fu Kai Foreign Affairs Office . Chengtu.

Bureau des Affaires Etrangères Tsung Fu Kai. Chengtu.

“Gentlemen,

« Messieurs,

“Yesterday, June 18, 1951, His Excellency Mgr Pinault, Bishop of Chengtu, and myself, were invited by you, to your Office, to have an exchange of views on the “movement of the three autonomies” in the Catholic Church. This exchange of views took place in the afternoon, from approximately 2:15 to 3:15. You then asked me to write down my thoughts and bring them to you.

»                    Hier, 18 juin 1951, S. E. Mgr Pinault, évêque de Chengtu, et moi-même, avons été invités par vous, à votre Bureau, pour avoir un échange de vues sur le «mouvement des trois autonomies » dans l’Eglise Catholique. Cet échange de vues a eu lieu dans l’après-midi, de 2 h. 15 à 3 h. 15 environ. Vous m’avez demandé ensuite de mettre mes réflexions par écrit et de vous les apporter.

“You were saying that the “three-autonomy movement” only consists in having in China, Chinese bishops and priests who direct and administer the Catholic Church in China and that popular judgment was not necessary to realize the three autonomies. You admitted that only the Pope has the power to appoint bishops in China, as he does all over the world. However, you added, the Chinese bishops, once appointed by the Pope, alone have the right to deal with the administration of the Catholic Church in China, and the Pope can no longer intervene in this administration.

»                    Vous disiez que le « mouvement des trois autonomies » consiste uniquement à avoir en Chine, des évêques et des prêtres chinois qui dirigent et administrent l’Eglise Catholique en Chine et que le jugement populaire n’était pas nécessaire pour réaliser les trois autonomies. Vous admettiez que seul le Pape a le pouvoir de nommer les évêques en Chine, comme il le fait dans le monde entier. Cependant, ajoutiez-vous, les évêques chinois, une fois nommés par le Pape, ont seuls le droit de s’occuper de l’administration de l’Eglise Catholique en Chine, et le Pape ne peut plus intervenir dans cette administration.

“You also said that the Chinese People’s Government desires the development of the Catholic Church, that it does not want to change anything in its faith whose purity it wishes to protect; that it only wishes to purify the Catholic Church of imperialist elements.

»                    Vous disiez encore que le Gouvernement du Peuple chinois désire le développement de l’Eglise Catholique, qu’il ne veut rien changer à sa foi dont il désire protéger la pureté; qu’il veut seulement purifier l’Eglise Catholique des éléments impérialistes.

“Personally I had never before heard such a clear exposition, given by the authorities, of the wishes of the Chinese People’s Government.

»                    Personnellement, jamais encore je n’avais entendu un exposé aussi clair, fait par des autorités, des désirs du Gouvernement du Peuple chinois.

So here are my thoughts .

»                    Voici maintenant mes réflexions.

“Since  its foundation by Jesus Christ, and throughout its history of almost two thousand years, the Catholic Church has always endeavored to stop the encroachments of Governments who wanted to make it an instrument of their policy. There are many examples of this in history, one could say in every century. The Catholic Church wanted to keep intact her entire faith, received from Jesus Christ, even at the cost of blood.

»                    Depuis son fondateur Jésus-Christ, et pendant toute son histoire de presque deux mille ans, l’Eglise Catholique s’est toujours efforcée d’arrêter les empiètements des Gouvernements qui voulaient faire d’Elle un instrument de leur politique. Les exemples en sont nombreux dans l’histoire, on peut dire dans chaque siècle. L’Eglise Catholique a voulu garder intacte toute sa foi, reçue de Jésus- Christ, même au prix du sang.

“Now, with regard to the “movement of the three autonomies”, here is what is the faith of the Catholic Church consists of.

»                    Or, pour ce qui concerne le « mouvement des trois autonomies », voici quelle est la foi de l’Eglise Catholique.

“In founding his Church, Jesus Christ gave it a unique Head in the person of Peter and his legitimate successors. From its foundation to the present day, the Catholic Church has had 262 Popes who have succeeded each other throughout history without any interruption.

»                    En fondant son Eglise, Jésus-Christ lui a donné un Chef unique dans la personne de Pierre et de ses successeurs légitimes. Depuis sa fondation jusqu’à nos jours, l’Eglise Catholique compte 262 Papes qui se sont succédés, au cours de l’histoire, sans aucune interruption.

“According to the Catholic faith, the Pope alone has not only the exclusive power and right to appoint and depose bishops throughout the world, but he also has the exclusive power and right to continue to rule them in the internal administration of the Catholic Church throughout the world. And this is precisely so that the faith remains pure and always the same in all countries. The bishops of all countries have the duty to administer the religion of the Catholic Church according to the teaching of Jesus Christ and according to the law fixed by the Pope, the representative of Jesus Christ.

»                    Selon la foi catholique, le Pape seul a non seulement le pouvoir et le droit exclusifs de nommer et de déposer les évêques dans le monde entier, mais il a également le pouvoir et le droit exclusifs de continuer à les diriger dans l’administration intérieure de l’Eglise catholique dans le monde entier. Et ceci justement, afin que la foi demeure pure et toujours la même dans tous les pays. Les évêques de tous les pays ont le devoir d’administrer la religion de l’Eglise Catholique selon l’enseignement de Jésus-Christ et selon la loi fixée par le Pape, repré­sentant de Jésus-Christ.

“All this is in accordance with the teaching of Jesus Christ, the only Founder of the Catholic Church, and whom we believe to be God. The powers of the Pope come solely from Jesus Christ and therefore from God. They do not come from any man or from any government. No man or government can take away his powers. We believe that no man or government of any country can change what Jesus Christ taught or established, because no man or government is above Jesus Christ who created men.

»                    Tout ceci, en conformité avec l’enseignement de Jésus-Christ, seul Fondateur de l’Eglise Catholique, et que nous croyons être Dieu. Les pouvoirs du Pape viennent uniquement de Jésus-Christ et donc de Dieu. Ils ne viennent d’aucun homme ni d’aucun Gouvernement. Aucun homme ni aucun Gouvernement ne peut donc lui enlever ses pouvoirs. Nous croyons qu’aucun homme ni aucun Gouvernement de n’importe quel pays ne peut changer ce que Jésus-Christ a enseigné ni ce qu’il a établi, parce qu’aucun homme ni aucun Gouvernement n’est au-dessus de Jésus-Christ qui a créé les hommes.

“So therefore, according to the will of Jesus Christ, the Pope is the only Head of the Catholic Church in the whole world. And always according to the will of Jesus Christ, the administration of the Catholic Church in all countries is done by the bishops of the whole world appointed by the Pope, but always under the direction and control of the Pope. If the bishops do not want to obey the Pope in the administration of the Catholic Church, the Pope has the right and the duty to depose them. The Pope is the only appointed guardian of the purity of our faith: one God, one faith, one Catholic Church and one Pope, for the whole world until the end of time.

»                    Ainsi donc, selon la volonté de Jésus-Christ, le Pape est l’unique Chef de l’Eglise Catholique dans le monde entier. Et toujours selon la volonté de Jésus-Christ, l’administration de l’Eglise Catholique dans tous les pays est faite par les évêques du monde entier nommés par le Pape, mais toujours sous la direction et le contrôle du Pape. Si les évêques ne veulent pas obéir au Pape dans l’administration de l’Eglise Catholique, le Pape a le droit et le devoir de les déposer. Le Pape est le seul gardien attitré de la pureté de notre foi : un seul Dieu, une seule foi, une seule Eglise Catholique et un seul Pape, pour le monde entier et jusqu’à la fin des temps.

“Based on the purity of our faith received from Jesus Christ, we must conclude :

»                    En nous basant sur la pureté de notre foi reçue de Jésus-Christ, nous devons conclure :

Since the “three-autonomy movement” consists in having Chinese bishops in China, and since only the Pope has the power to appoint them, it follows that  only the Pope has the power to realize the three autonomies, and not Catholics, nor priests, nor bishops.

»                    Puisque le « mouvement des trois autonomies » consiste à avoir en Chine des évêques chinois, et puisque seul le Pape a le pouvoir de les nommer, il s’ensuit que seul le Pape a le pouvoir de réaliser les trois autonomies, et non pas les catholiques, ni les prêtres, ni les évêques.

Personally, I believe that the ideal solution of the “three-self movement” would be for the Chinese People’s Government to get in touch with the Pope to deal with this question in conformity with the purity of our faith.

»                    Personnellement, je crois que la solution idéale du « mouvement des trois autonomies », serait que le Gouvernement du Peuple Chinois se mette en relation avec le Pape pour traiter cette question en con­formité avec la pureté de notre foi.

I therefore approve of any “movement of the three autonomies” which would be made in the Catholic Church by the Pope, but I cannot approve of any other. »

»                    J’approuve donc tout « mouvement des trois autonomies » qui serait fait dans l’Eglise Catholique par le Pape, mais je ne puis en approuver aucun autre. »

WHEN, on June 19, I gave my thoughts to the Communist policeman, he contented himself with reading the conclusion of my letter to me, but he showed no reaction. The same day, I hastened to communicate to the missionaries, to the Chinese priests and to the Christians the exchange of views which we had had with the Communists and the answer which I had given them. In Chengtu, it was indeed the first time that the communist authorities themselves clearly revealed the ultimate goal of the “Three-Self Movement” launched by them. Until then, they had endeavored to conceal it from the Christians so as not to frighten them; and they will continue to act in the same way in what follows.

Quand, le 19 juin, je remis mes réflexions au policier com­muniste, il se contenta de lire devant moi la conclusion de ma lettre, mais il ne manifesta aucune réaction. Le jour même, je me hâtai de communiquer aux missionnaires, aux prêtres chinois et aux chrétiens l’échange de vues que nous avions eu avec les communistes et la réponse que je leur avais donnée. A Chengtu, c’était en effet la première fois que les autorités communistes révélaient elles-mêmes nettement le but ultime du « Mouvement des trois autonomies » lancé par eux. Jusqu’alors, ils s’étaient efforcés de le dissimuler aux chrétiens pour ne pas les effrayer; et ils continueront dans la suite à agir de même.

The admirable stance of our Chinese monks.

La belle attitude de nos moines chinois.

The attitude of our young Chinese monks and the group around them was magnificent. They could not flatter themselves, like us, with the more or less remote hope of one day being expelled from China, any more than the Chinese priests or the Christians. They had to remain face to face with this persecutor who never lets go of his prey, who first tries to “change your brain”, and who, if the brain does not change, puts you in prison or sends you to a training camp for Marxist doctrines. If after these first attempts you remain firm in your faith, he may leave you alone for a while, but you know  that your adversary will not let you go; sooner or later he will return.

L’attitude de nos jeunes moines chinois et du groupe qui les entourait fut magnifique. Ils ne pouvaient se flatter, comme nous, de l’espoir plus ou moins lointain, d’être un jour expulsés de Chine, pas plus d’ailleurs que les prêtres chinois ou les chrétiens. Ils devaient rester, eux, en face de ce persécuteur qui ne lâche jamais sa proie, qui s’attaque d’abord à « changer votre cerveau », et qui, si le cerveau ne change pas, vous met en prison ou vous envoie dans un camp d’entraînement aux doctrines marxistes. Si après ces premières tentatives vous restez ferme dans votre foi, il vous laissera peut-être tranquille pour un temps, mais vous le savez, votre adversaire ne vous lâchera pas; tôt ou tard, il reviendra.

So, at the end of October 1951, since they had not joined the “reform committee” on their own, the attack on our Chinese monks and their group began. We were gentle, we first tried to convince them by reasoning. The police in our neighborhood—every two or three streets in the city have their police bureau which watches families and individuals—composed largely of uneducated people, quickly ran out of arguments and called in more Communists. intelligent and better trained. They tried in turn, but did not succeed either. The police first said to them, “You know there is a reform committee. Why don’t you go, why don’t you join? Obviously you are free, but... you must join! Our Chinese monks and their whole group refused. The police then yielded on this point, but they forced the monks to take part in the popular assemblies which they organized against them for ten days. Each time, they came to fetch them from the monastery, armed with guns.

Ainsi donc, fin octobre 1951, comme ils ne s’étaient pas joints d’eux-mêmes au « comité de réforme », l’attaque contre nos moines chinois et leur groupe commença. On se montra doux, on essaya tout d’abord de les convaincre par des raisonnements. La police de notre quartier — toutes les deux ou trois rues de la ville ont leur bureau de police qui surveille familles et individus, — composée en grande partie de gens sans instruction, fut vite à bout d’arguments et fit appel à des communistes plus intelligents et mieux formés. Ceux-ci essayèrent à leur tour, mais n’aboutirent pas davantage. Les policiers leur dirent tout d’abord : « Vous savez qu’il existe un comité de réforme. Pourquoi n’y allez-vous pas, pourquoi n’y adhérez-vous pas? Evidemment vous êtes libres, mais... vous devez y adhérer! » Nos moines chinois et tout leur groupe refusèrent. Les policiers cédèrent alors sur ce point, mais ils obligèrent les moines à prendre part aux assemblées populaires qu’ils organisèrent contre eux pendant une dizaine de jours. Chaque fois, ils venaient les chercher au monastère, armés de fusils.

In these assemblies of the people, which often brought together several hundred people, among whom were also Catholics, the monks and their companions were all interrogated in turn. “You are Chinese,” they were told, “you must love your country and separate yourself from foreign imperialists! Why don’t you join the church reform movement?” All refused.

Dans ces assemblées du peuple qui réunissaient souvent plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles se trouvaient également des catholiques, les moines et leurs compagnons furent tous interrogés à tour de rôle. « Vous êtes Chinois, leur disait-on, vous devez aimer la patrie et vous séparer des impérialistes étrangers! Pourquoi ne vous joignez-vous pas au mouvement de réforme de l’Eglise? » Tous refu­sèrent.

A monk, questioned, stood up: “Before answering your question, I would like you to answer mine: What do the words “freedom of religion” mean in our Constitution? When no one answered, he sat down again and was left alone.

Un moine, interrogé, se leva : « Avant de répondre à votre question, je voudrais que vous répondiez à la mienne : Que signifient, dans notre Constitution, les mots « liberté de religion? » Comme per­sonne ne répondait, il se rassit et on le laissa tranquille.

The Testimony of Bro. Peter Zhou Bang-Jiu, O.S.B

 

[N.B. (editor’s comment):the young monk whose speech is given below was Bro. Peter Zhou Bangjiu, OSB]

 

On November 4, another monk was interrogated in his turn. Before an assembly of several hundred people, he made the following statement. He had written it all in advance and read it in a firm, steady voice. Here is the text in its literal translation:

Le 4 novembre, un autre moine fut interrogé à son tour. Devant une assemblée de plusieurs centaines de personnes, il fit la déclaration suivante. Il l’avait entièrement écrite à l’avance et en donna lecture d’une voix ferme et posée. En voici le texte dans sa traduction littérale :

“I thank the infinitely merciful Providence of God, for having allowed me to receive the light of the truth of Jesus Christ, his own Son, and for having made me understand in a more profound way the true meaning of things. Today, I truly assume the duty and the responsibility to be a witness to the truth of Jesus and the purity of the holy Church, at the risk of being exposed to your insults and your criticisms, in case you do not understand me.

« Je remercie la Providence infiniment miséricordieuse de Dieu, de m’avoir donné de recevoir la lumière de la vérité de Jésus-Christ, son propre Fils, et de m’avoir fait comprendre d’une manière plus approfondie le vrai sens des choses. Aujourd’hui, j’assume vraiment le devoir et la responsabilité d’être témoin de la vérité de Jésus et de la pureté de la sainte Eglise, au risque d’être en butte à vos insultes et à vos critiques, au cas où vous ne me comprendriez pas.

“To speak concretely, with regard to the problem of religion, and especially the problem of the Catholic religion; I cannot lightly follow the opinion of the masses. Because I dare to say with confidence that on religious questions, such as: ‘What is religion?’ ‘What is the law, history, organization and doctrine of the Catholic Church?’ I certainly have a deeper knowledge than yours. Moreover, I constantly strive to conform my whole life to this high ideal. This is why, with regard to the problem under discussion, here, in all frankness, is my position.

»                    Pour parler concrètement, en ce qui concerne le problème de la religion, et surtout le problème de la religion catholique; je ne puis pas à la légère suivre l’opinion de la masse. Parce que j’ose dire avec assurance qu’au sujet des questions religieuses, comme par exemple : « Qu’est-ce que la religion? Quelle est la loi, l’histoire, l’organisation et la doctrine de l’Eglise Catholique ? », j’ai une connaissance certainement plus approfondie que la vôtre. De plus, je m’efforce sans cesse, de conformer ma vie toute entière à ce haut idéal. C’est pourquoi, à propos du problème en discussion, voici, en toute franchise, quelle est mon attitude.

“I.— On the subject of the reform movement of the three autonomies, I cannot in any way participate in it. First, because this reform movement did not receive, either before or after its establishment, the approval of the unique Head of the Catholic Church, the Pope of Rome. Second, because this movement, in its current stage of development, leads directly to separation from the Pope of Rome.

»                    I. — Au sujet du mouvement réformiste des trois indépendances, je ne puis en aucune manière y participer. D’abord, parce que ce mouve­ment réformiste n’a pas reçu, ni avant ni après son établissement, l’approbation de l’unique Chef de l’Eglise Catholique, le Pape de Rome. Ensuite, parce que ce mouvement, dans son degré de développement actuel, mène tout droit à la séparation d’avec le Pape de Rome.

“If you say that other Christians are already involved in this reform movement, that concerns the individual freedom of each person, and they will be responsible for their own actions .

»                    Si vous dites que d’autres chrétiens sont déjà engagés dans ce mouvement réformiste, cela concerne la liberté individuelle d’un chacun, et ils seront responsables de leurs propres actions.

“Are those who participated in this reform movement schismatic ? Did they apostatize? I apologize, but I do not have standing to decide this question. Here I just want to express my personal attitude, and that is it.

»                    Ceux qui ont participé à ce mouvement réformiste sont-ils schis­matiques? Ont-ils apostasié? Je vous prie de m’excuser, mais je n’ai pas qualité pour trancher cette question. Ici, je veux seulement exprimer mon attitude personnelle, et c’est tout.

“II. As for the Legion of Mary, I did not participate in it. But, since it does not belong to the essence of the Catholic Church, I can acknowledge that the Government of the People has dissolved it. Only, I do not approve of people saying that this purely religious association is reactionary. The reason for this is that this organization is approved by the Pope and that the Pope cannot permit the formation of a falsely religious association of a political nature with the purpose of combating any popular or national government.

»                    II. — Quant à la Légion de Marie, je n’y ai pas participé. Mais, comme elle n’appartient pas à l’essence de l’Eglise Catholique, je puis admettre que le Gouvernement du Peuple la dissolve. Seulement, je n’approuve pas qu’on dise que cette association purement religieuse est réactionnaire. La raison en est que cette organisation est approuvée par le Pape et que le Pape ne peut pas permettre de former une associa­tion faussement religieuse, de nature politique, dans le dessein de combat­tre tel Gouvernement populaire ou national.

“If  it is true that spies, special agents and brigands have been discovered in the Legion of Mary, then these are false members of the Legion of Mary. The People’s Government therefore has the right to punish them according to the common law. But one cannot absolutely, for this reason, consider the Legion of Mary to be a reactionary organization.

»                    S’il est vrai qu’on a découvert dans la Légion de Marie des espions, des agents spéciaux et des brigands, ce sont là de faux membres de la Légion de Marie. Le Gouvernement du Peuple a donc le droit de les punir selon la loi commune. Mais on -ne peut absolument pas pour cette raison, considérer la Légion de Marie comme une organisation réaction­naire.

*

*

“I know that these opinions are completely contrary to those of the mass of the people. There is a real difference between my point of view and yours. As our points of view and the means of assessment employed by us are different, our evaluations lead logically to different conclusions. That is why, vis-à-vis this question, I do not want to force you to maintain the same attitude as mine. And since my means of assessment are impractical for you, all you can do is use yours.

»                    Je sais que ces opinions sont complètement contraires à celles de la masse du peuple. Il y a une réelle différence entre mon point de vue et le vôtre. Comme notre point de vue et l’unité de mesure employés par nous sont différents, il s’ensuit logiquement, dans nos appréciations, des conclusions différentes. C’est pourquoi, vis-à-vis de cette question, je ne veux pas vous forcer à maintenir la même attitude que moi. Et puisque mon unité de mesure est impraticable pour vous, il ne vous reste plus qu’à vous servir de la vôtre.

“In other words, since my opinion on religious matters cannot agree with yours, nor with the arrangements made by the People’s Government, I, a citizen of the Chinese People’s Republic, must accept your judgment and the punishment of the People’s Government. From your perspective this judgment and punishment are truly just, reasonable, and even necessary. As for me, I will bear no grudge, no hatred; I only desire, with joy and eagerness, to accept them all. Yes, since from eternity the holy Will of God has thus disposed of me, how could I refuse to drink this chalice of bitterness? Moreover, if I desire to be the true disciple of Jesus, I must follow in his footsteps by carrying the cross and climbing the mountain of Calvary to glorify his Holy Father and as soon as possible rest in Him

»                    En d’autres mots, moi, citoyen’ de la République du Peuple Chinois, étant donné que mon opinion sur les questions religieuses ne peut pas s’accorder avec la vôtre, ni avec les dispositions prises par le Gouvernement du Peuple, il me faut accepter votre jugement et la punition du Gouvernement du Peuple. Ce jugement et cette punition, selon votre point de vue, sont vraiment justes, raisonnables et même nécessaires. Quant à moi, je ne garderai aucune rancune, aucune haine; je désire seulement, avec joie et enthousiasme, les accepter toutes. Si, dès l’éternité,. la sainte volonté de Dieu a disposé ainsi de moi, comment pourrais-je refuser de boire ce calice d’amertume? Bien plus, si je désire être le vrai disciple de Jésus, il me faut suivre ses traces en portant la croix et gravir la montagne du Calvaire pour glorifier son Père Saint et, le plus tôt possible, me reposer en Lui.

“Whether you understand me or not, matters little; provided that God, who scrutinizes the loins and the heart of man, understands me - that is enough for me.

»                    Que vous me compreniez ou ne me compreniez pas, cela importe peu; pourvu que Dieu, qui scrute les reins et le coeur de l’homme, me comprenne, cela me suffit.

My attitude should not seem strange to you, or say frankly that my thought is retarded; that I am intoxicated by a servile education; that I am deceived by the stranger; that I am poisoned to the highest degree by the imperialists, to the point of using language so shocking to your ears and so contrary to the opinion of the masses.

»                    Mon attitude ne doit pas vous paraître étrange, ou bien dites carrément que ma pensée est retardataire; que je suis intoxiqué par une éducation d’esclave; que je suis trompé par l’étranger; que je suis empoisonné jusqu’au plus haut degré par les impérialistes, au point d’employer un langage tellement choquant pour vos oreilles et tellement contraire à l’opinion de la masse.

But, if you believe that belief in the existence of God is backward thinking, then my thinking is truly backward; I even believe I shall be backward for all eternity. If it is said that the education of our holy religion is a servile education, then I even regret not having received an even more servile education. If you say that I have too much confidence and reverence for the stranger, to the point of letting myself be deceived by him, then know that the stranger of whom you speak - there is only one for me – is Jesus Christ, the Founder of the Catholic religion, a Jew. In Him, not only do I believe, but also I adore Him and I want to live by Him and for Him. If you say that I am intoxicated by the imperialist, to the point of willingly wanting to become his dog, then, this imperialist can only be the one who will never be defeated, the Jew Jesus Christ. I only regret that, until now, I am not yet completely conformed to Christ, nor completely transformed into a real dog of Christ. Indeed, I am ashamed to receive the glorious title you give me.

»                    Mais, si vous croyez que la croyance à l’existence de Dieu est une pensée arriérée, alors, ma pensée est vraiment arriérée; je pense même être arriéré pour l’éternité. Si on dit que l’éducation de notre sainte religion est une éducation servile, alors je regrette même de n’avoir pas reçu une éducation servile plus profonde. Si vous dites que j’ai trop de confiance et de vénération pour l’étranger, au point de me laisser tromper par lui, sachez alors que l’étranger dont vous parlez, il n’y en a qu’un seul pour moi, Jésus-Christ, le Fondateur de la religion catholique, un Juif. En Lui, non seulement je crois, mais encore je L’adore et je veux vivre par Lui et pour Lui. Si vous dites que je suis intoxiqué par l’im­périaliste, au point de vouloir devenir de plein gré son chien courant, alors, cet impérialiste ne peut être que celui qui ne sera jamais vaincu, le Juif Jésus-Christ. Je regrette seulement que, jusqu’à présent, je ne suis pas encore complètement christifié, ni complètement transformé en vrai chien courant du Christ. Aussi, je suis honteux de recevoir le glorieux titre que vous me donnez.

“Do not take me for a fanatic, nor for an intoxicated wretch, because of these words, nor for a drowning man, waiting for salvation. Let us be honest; my head is extremely calm and clear, my soul is imbued with the truth of Jesus and his inexhaustible goodness. I finally understand, who Jesus Christ is; I know where man comes from, where he goes after death. I understand even better what the meaning of human life is.

»                    Ne me prenez pas, à cause de ces paroles, pour un fanatique, ni pour un misérable intoxiqué; ou bien un homme en train de se noyer, qui attend le salut. Parlons franchement; ma tête est extrêmement calme et claire, mon âme est imprégnée de la vérité de Jésus et de sa bonté inépuisable. Je comprends en fin de compte, qui est Jésus-Christ; je sais d’où vient l’homme, où il va après la mort. Je comprends encore mieux quel est le sens de la vie humaine.

“So do not worry about me; do not extend hands of sympathy to try to save me from the shackles of truth. Rather, please dispose of me as you wish, according to the common judgment of the masses. I surrender my body to you, but I keep my soul for the God who created, nourished, redeemed and gladdened me.

»                    C’est pourquoi, ne vous inquiétez pas de moi; ne tendez pas des mains de sympathie pour essayer de me sauver des chaînes de la vérité. Mais je vous prie de disposer de moi à votre gré, selon le jugement commun de la masse. Je vous livre mon corps, mais je garde mon âme pour le Dieu qui m’a créé, nourri, racheté et réjoui.

“My speech has been long and disorganized. Tonight I have wasted your precious time. Please excuse me.

»                    Mon discours est long et sans ordre. Ce soir j’ai gaspillé votre temps précieux. Veuillez m’en excuser.

“I am finshed.”

»                    J’ai fini. »

*

*

When the monk had finished his profession of faith, the people dared not respond at all, but a communist lady, seated at the presiders’ table declared: “I admire your attitude; but what a pity that it is not for the truth!”

Quand le moine eût terminé sa profession de foi, le peuple n’osa rien manifester, mais une dame communiste, assise à la table de la présidence, déclara : « J’admire votre attitude; mais quel dommage que ce ne soit pas pour la vérité! »

Did the district police chief vaguely feel the nobility of the young monk’s attitude? In any case, he summoned the young religious and their group and made this declaration to them: “You are all so young; you dare to resist the Government and you have no arms. You only resist with the weapons of the spirit.”

Le chef de la police du quartier sentit-il confusément la noblesse de l’attitude du jeune moine ? Toujours est-il qu’il convoqua les jeunes religieux et leur groupe et leur fit cette déclaration : « Vous êtes si jeunes tous; vous osez résister au Gouvernement et vous n’avez pas d’armes. Vous résistez seulement avec les armes de l’esprit. »

They were then left alone, at least temporarily. But their firm and quiet resistance made an impression on the crowd; witness the reflection of this old pagan who said after hearing this discourse:

On les laissa tranquilles alors, du moins provisoirement. Mais leur résistance ferme et tranquille fit impression sur la foule ; témoin la réflexion de ce vieux païen qui disait après avoir entendu ce discours :

“This young man spoke very well. It’s very good, very good; he dares to resist the Government. But what a pity! He is so young!”

«                    Ce jeune homme a très bien parlé. C’est très bien, très bien; il ose résister au Gouvernement. Mais quel dommage! Il est si jeune! »

Had the priory of Chengtu only been able in its too short existence to prepare for Christ and his Church the moving testimony of its Chinese monks, that it could congratulate itself on a task accomplished.

Le prieuré de Chengtu n’aurait-il fait dans sa trop courte existence que de préparer au Christ et à son Eglise l’émouvant témoignage de ses moines chinois, qu’il pourrait se féliciter de la tâche accomplie.

*

*

The Legion of Mary in the spotlight.

La légion de Marie à l’honneur.

In the month of November 1951, the “Legion of Mary” in Chengtu was about to be honored. I have already said that the Communists wanted to make use of this purely religious organization, spread throughout China, to expel the missionaries and imprison the Chinese priests and Christians who were firm in their faith. For more than one of the latter, it was even the occasion of martyrdom. The Communists therefore accused the “Legion of Mary” of being a reactionary political organization.

Au mois de novembre 1951, la « Légion de Marie », à Chengtu, allait être à l’honneur. J’ai déjà dit que les communistes voulurent se servir de cette organisation purement religieuse, répandue dans toute la Chine, pour expulser les missionnaires et emprisonner les prêtres chinois et les chrétiens fermes dans leur foi. Pour plus d’un de ces derniers, ce fût même l’occasion du martyre. Les Communistes accu­sèrent donc la « Légion de Marie » d’être une organisation politique réactionnaire.

On November 7, the Official Journal notified the Directors and members of the “Legion of Mary” of the obligation to register. The next day, the 8th, I went to the Foreign Affairs Office. The policeman showed me the register where it was written:

En date du 7 novembre, le Journal Officiel notifiait aux Directeurs et aux membres de la « Légion de Marie » l’obligation de se faire inscrire. Le lendemain 8, je me rendis au Bureau des Affaires Etrangères. Le policier me présenta le registre d’inscription où se trouvait écrit :

“Legion of Mary, reactionary organization”. To affix one’s signature to this register was to recognize at the same time that the Catholic Church had, in China, a reactionary political organization, directed against the Government. And the communists then would have had a fair chance of declaring: “Look, even the priests and the Christians recognize that the Church is imperialist and reactionary!” So I returned the register to the policeman, saying, “This register is not for me.” He protested:

«                    Légion de Marie, organisation réactionnaire ». Apposer sa signature à ce registre, c’était reconnaître du même coup que l’Eglise Catholique avait, en Chine, une organisation politique réactionnaire, dirigée contre le Gouvernement. Et les communistes alors auraient eu beau jeu de déclarer : « Voyez, même les prêtres et les chrétiens reconnaissent que l’Eglise est impérialiste et réactionnaire! » Je rendis donc le registre au policier en disant : « Ce registre n’est pas pour moi. » Il protesta :

“But you sponsored the Legion of Mary! — “Yes, but not the reactionary Legion of Mary.” The policeman then demanded that I put my declaration in writing, and I wrote: “I register the Legion of Mary, but not the reactionary Legion of Mary.” The policeman, still furious, exclaimed: “But there are priests and Catholics who have signed!”

«                    Mais vous aviez la Légion de Marie! » — « Oui, mais pas la Légion de Marie réactionnaire. » Le policier alors exigea que je misse par écrit ma déclaration, et j’écrivis : « J’enregistre la Légion de Marie, mais pas la Légion de Marie réactionnaire. » Le policier toujours furieux, s’écria : « Mais il y a des prêtres et des catholiques qui ont signé! »

“Did they act rightly”? “No they did wrong.” — “Write that they have acted wrongly.” “ No.” — “Why don’t you want to write that ?” —

«Ont-ils bien fait? » « Non ils ont mal fait. » — « Ecrivez qu’ils ont mal fait! » « Non. » — « Pourquoi ne voulez-vous pas écrire ? » —

“Because I am not their judge and they are solely responsible for their own actions. The policeman then led me into a room and said, “Stay here and think it over!” He returned shortly afterwards:

« Parce que je ne suis pas leur juge et qu’ils sont seuls responsables de leurs propres actes. » Le policier me conduisit alors dans une chambre et me dit : « Restez ici et réfléchissez! » Il revint peu de temps après :

 “Have you thought about it? » — « There is no need to think, the question is so simple. — “So what is your last word?” — “Exactly like the first one.”

 « Avez-vous réfléchi? » — « Pas besoin de réfléchir, la question est si simple. » — « Quel est alors votre dernier mot? » — « Exactement comme le premier. »

Go away! It was on this last word that the interviews generally concluded.

— « Allez-vous en! » C’était sur ce dernier mot généralement, que se concluaient les entretiens.

Father Marchand, of the Foreign Missions of Paris, was present with Christians; he gave the same answers, as did the other missionary directors of the Legion of Mary. On November 9, we were summoned for 10 a.m. and put in prison on account of the Virgin. This reason filled us with joy. We were six missionaries, including four from the Foreign Missions of Paris, one from the Society of the Divine Word and myself. The monastery’s Chinese secretary, a young man of 25, calmly courageous in his faith, also refused to acknowledge that the Legion of Mary was a reactionary organization.

Le P. Marchand, des Missions Etrangères de Paris, était présent avec des chrétiens; il donna les mêmes réponses, de même que les autres missionnaires directeurs de la Légion de Marie. Le 9 novembre, nous fûmes convoqués pour 10 h. du matin et mis en prison pour la Vierge. Cette raison nous remplit de joie. Nous étions six missionnaires dont quatre des Missions Etrangères de Paris, un de la Société du Verbe Divin et moi-même. Le secrétaire chinois du monastère, un jeune homme de 25 ans, calmement courageux dans sa foi, refusa lui aussi de recon­naître que la Légion de Marie était une organisation réactionnaire.

He was imprisoned with us. Unbeknownst to our guards, by getting up long before them, we had the consolation of being able to say Mass every day, without sacred ornaments or chalice, but with an ordinary glass. During the day, we sometimes laughed too loudly, which provoked the furious intervention of our jailers. They would have liked to see us humiliated and beaten down. Fr. L Trivière, of the Foreign Missions of Paris, had the privilege of having a room all to himself and could not communicate with us; it must have been particularly dangerous. We managed, however, to often communicate many things, because all the prisoners manage to arrange it.

Il fut mis en prison avec nous. A l’insu de nos gardiens, en nous levant longtemps avant eux, nous eûmes la consolation de pouvoir dire la Messe tous les jours, sans ornements sacrés ni calice, mais avec un verre ordinaire. Dans la journée, il nous arrivait de rire trop fort, ce qui provoquait l’intervention furieuse de nos geôliers. Ils auraient voulu nous voir humiliés et abattus. Le P. L. Trivière, des Missions Etrangères de Paris, avait le privilège de posséder une chambre pour lui tout seul et ne pouvait pas communiquer avec nous; il devait être particulièrement dangereux. On s’arrangeait cependant, pour se communiquer souvent beaucoup de choses, car tous les prisonniers parviennent à s’arranger.

In prison, my interrogations focused mainly on the Legion of Mary and its members; on the movement of the three autonomies; about the “reactionary” books we had written, sold or distributed; on the students we sent abroad, etc. The judges were sometimes correct; but more often than not they indulged in gross insults. One of them, on Christmas Day, vulgarly insulted the country of a missionary. Obviously, the policeman wanted to provoke him. But Father Kaiser, of the Society of the Divine Word, managed to control his nerves and, returned to prison, he told us: “I have had my Christmas party”.

En prison, mes interrogatoires portèrent principalement sur la Légion de Marie et sur ses membres; sur le mouvement des trois auto­nomies; sur les livres « réactionnaires » que nous avions écrits, vendus ou distribués; sur les étudiants que nous avions envoyés à l’étranger, etc. Les juges étaient parfois corrects; mais, le plus souvent, ils se laissaient aller à des injures grossières. L’un d’eux, le jour de Noël, injuria vul­gairement la patrie d’un missionnaire. De toute évidence, le policier voulait le provoquer. Mais le P. Kaiser, de la Société du Verbe Divin, parvint à maîtriser ses nerfs et, retourné en prison, il nous dit : « J’ai eu ma fête de Noël ».

Here are some examples of my interrogations: “How many Catholic books did you bring after the Communist liberation? — “I don’t remember.”  —  “You must know it, you are responsible!” “Probably, but I forgot the number.” -.” Your Prosecutor gave us the exact figure! — “He gave it to you?” — “Yes, he gave it to us!” — “Well, settle for that one.” — “No,” continued the policeman ingenuously, “we would like to compare his figure with yours.” — “I’m sorry, you must content yourself with his.”

Voici quelques exemples de mes interrogatoires : « Combien de livres catholiques avez-vous fait venir après la libération communiste ? » — « Je ne m’en souviens plus. » — « Vous devez le savoir, vous êtes le responsable! » « Sans doute, mais j’ai oublié le chiffre. » —.« Votre Procureur nous a donné le chiffre exact! » — « Il vous l’a donné? » — « Oui, il nous l’a donné! » — « Eh bien, contentez-vous de celui-là. » — « Non, continua ingénument le policier, nous voudrions comparer son chiffre avec le vôtre. » — « Je le regrette, contentez-vous du sien. »

Another time: “Are you opposed to the reform committees of the Christians to establish the three autonomies?” — “Yes, I am opposed to it.” — “But the Government has the right to unite the Chinese Catholics!” — “Not as Catholics; the Government has no right to interfere in the Catholic religion.” — “But in China the Catholics are Chinese and the Government has the right to establish a Chinese Church.” What do you think about this? — “I think that if the Chinese want to establish a Chinese church, it is their business; but it will no longer be the Catholic Church.” In another interrogation, the judge flew into a rage: “You are an imperialist like the Americans!” - “ I am not American. — “I am not saying that you are American; I say that you and your whole group, you are more imperialists than the American imperialists!” There followed a shower of insults. I interrupted him: “I don’t accept what you say.” When he had exhausted the list of his invectives, he said to me: “Go away

Une autre fois : « Etes-vous opposé aux comités de réforme des chrétiens pour établir les trois autonomies ? » — « Oui, j’y suis opposé. » — « Mais le Gouvernement a le droit de réunir les catholiques chinois! » — « Pas en tant que catholiques; le Gouvernement n’a pas le droit d’intervenir dans la religion catholique. » — « Mais, en Chine, les catholiques sont chinois et le Gouvernement a le droit d’établir une église chinoise. Que pensez-vous de cela? » — « Je pense que si les Chinois désirent établir une église chinoise, c’est leur affaire; mais ce ne sera plus l’Eglise Catholique. » Dans un autre interrogatoire, le juge entra en colère : « Vous êtes un impérialiste comme les américains! » — « Je ne suis pas américain. » — « Je ne dis pas que vous êtes américain; je dis que vous et tout votre groupe, vous êtes plus impérialistes que les impérialistes américains! » Suivit une pluie d’injures. Je l’interrompis : « Je n’accepte pas ce que vous dites. » Quand il eut épuisé la série de ses invectives, il me dit : « Allez-vous-en! »

The interrogations undergone by the other missionary prisoners resembled mine, with a few variations. The communists did not believe in the devil, but were still afraid of him. They were especially afraid of being called “devils.” They accused us of having given them that name in front of the Christians. One day, in court, in the presence of some Christians called as witnesses, they accused Father Marchand, of the Paris Foreign Missions: “You said that we are devils. Is it true?”  —  “I did not say that you are devils; I said you do the works of the devil.”

Les interrogatoires subis par les autres prisonniers missionnaires ressemblèrent aux miens, à quelques variantes près. Les communistes ne croyaient pas au diable, mais en avaient peur quand même. Ils avaient particulièrement peur d’être appelés « diables ». Ils nous accusaient de leur avoir donné ce nom devant les chrétiens. Un jour, au tribunal, en présence de quelques chrétiens appelés comme témoins, ils accusent le P. Marchand, des Missions Etrangères de Paris : « Vous avez dit que nous sommes des diables. Est-ce vrai? » — « Je n’ai pas dit que vous êtes des diables; j’ai dit que vous faites les oeuvres du diable. »

Another time, they interrogated Father Gabriac, also from the Foreign Missions. Before the “communist liberation”, Fr. Gabriac had received from Paris, a printed sheet containing the “confessions of the devil” made by a medium. These “confessions of the devil” had been translated into Chinese. The communists found out about it and eventually obtained this document. The devil expressed there his hatred for God, for the Virgin and for the Pope. The police accused Father Gabriac of having wanted to apply this text to the Communists.

Une autre fois, ils interrogent le P. Gabriac, lui aussi des Missions Etran-gères. Avant la « libération communiste », le P. Gabriac avait reçu de Paris, une feuille imprimée contenant les « aveux du diable » faits par un médium. Ces « aveux du diable » avaient été traduits en chinois. Les communistes en eurent connaissance et finirent par obtenir ce document. Le diable y disait sa haine pour Dieu, pour la Vierge et pour le Pape. Les policiers accusèrent le P. Gabriac d’avoir voulu faire l’application de ce texte aux communistes.

When Fr. Hildebrand Marga, a monk from our monastery, was expelled from China, the police accused him of teaching Christians to say their rosary, adding: “Christians think that each bead of the rosary is like a cannon shot launched against us!” They again questioned Father Audren, of the Paris Foreign Missions, a prisoner with us: “What are your thoughts on...?” — “My thoughts are my business!” — “Do you believe that Communism will prevail over the Catholic Church?” “ - “ Never !”

Quand le P. Hildebrand Marga, moine de notre monastère, fut expulsé de Chine, les policiers l’accusèrent d’avoir enseigné aux chrétiens à dire leur chapelet, ajoutant_: « Les chrétiens pensent que chaque grain du chapelet est comme un coup de canon lancé contre nous ! » Ils interrogèrent encore le P. Audren, des Missions Etrangères de Paris, prisonnier avec nous : « Quelles sont vos pensées sur...? » — «Mes pensées, c’est mon affaire! » —« Croyez-vous que le communisme l’emportera sur l’Eglise catholique ? » — « Jamais ! »

At the beginning of December 1951, two other prisoners from the Chengtu diocese came to join us in prison. On the 30th of the same month, four of our companions were expelled. The grievances invoked were always the same.

Au début de décembre 1951, deux autres prisonniers du diocèse de Chengtu vinrent nous rejoindre en prison. Le 30 du même mois, quatre de nos compagnons étaient expulsés. Les griefs invoqués étaient toujours les mêmes.

On February 5, 1952, our trial took place. Taken to court, we were surprised to find two other defendants there, Fr. Sparfell from the diocese of Chengtu and Fr. Winance from our monastery. We were all sentenced to “eternal” expulsion from China. The main reasons were our opposition to the reform movement in the Church and our membership in the Legion of Mary. On the 6th, we left Chengtu with five Franciscan Missionaries of Mary, accused of having killed “120,000 orphans and a few more”. Six armed police accompanied us to the Hong Kong border, where we arrived on February 21, after a horrible journey.

Le 5 février 1952, eut lieu notre jugement. Amenés au tribunal, nous eûmes la surprise d’y trouver deux autres accusés, le P. Sparfell du diocèse de Chengtu et le P. E. Winance de notre monastère. Nous fûmes tous condamnés à l’expulsion « éternelle » de Chine. Les raisons principales étaient notre opposition au mouvement de réforme dans l’Eglise et notre appartenance à la Légion de Marie. Le 6, nous quittions Chengtu avec cinq Franciscaines Missionnaires de Marie, accusées d’avoir tué « 120.000 orphelines et un peu plus ». Six policiers armés nous accompagnèrent jusqu’à la frontière de Hong-Kong où nous arri­vâmes le 21 février, après un horrible voyage.

*

*

The expulsion of the other foreign monks took place between December 28, 1951 and March 2, 1952. On December 28, Fr. Albéric de Crombrugghe and on January 23, 1952, Fr. Werner Papeians de Morchoven received “permission” to leave. On January 13, 1952, Fr. Hildebrand Marga was expelled for having the same ideas as His Excellency Msgr. Riberi, Apostolic Internuncio. At the end of February 1952, Fr. Emile Butruille was “invited” twice to make his request to leave. He left Chengtu on February 29.

L’expulsion des autres moines étrangers s’échelonna entre le 28 décembre 1951 et le 2 mars 1952. Le 28 décembre, le P. Albéric de Crombrugghe et le 23 janvier 1952, le P.Werner Papeians de Morchoven, « recevaient » respectivement’» la permission » de partir. Le 13 janvier 1952, le P. Hildebrand Marga était expulsé pour avoir les mêmes idées que S. E. Mgr Riberi, Internonce Apostolique. Fin février 1952, le P. Emile Butruille était « invité » deux fois à faire sa demande de départ. Il quittait Chengtu le 29 février.

Father Gaétan Loriers remained with our Chinese monks. It was Father Loriers who endured the last communist attempts to seize the monastery. At the end of February, they called him: “You have to leave; you must appoint a Chinese superior! “— “ I will not do it; I don’t have the authority. — “Yes,” they said to him, “you prefer to obey your Prior rather than the Chinese People’s Government!” And a few days later: “You must hand over the monastery to the progressive Christians (meaning: schismatic church). — “No, I will not.” On March 2, 1952, he was expelled “for disobeying Chinese laws.” Only our Chinese monks remained.

Restaient le P. Gaétan Loriers avec nos moines chinois. Ce fut le P. Loriers qui supporta les dernières tentatives communistes pour s’emparer du monastère. Fin février, ils l’appellent : « Vous devez partir; il faut que vous nommiez un supérieur chinois ! » — « Je ne le ferai pas; je n’en ai pas le pouvoir. » — « Oui, lui dirent-ils, vous préférez obéir à votre Prieur plutôt qu’au Gouvernement du Peuple chinois ! » Et peu de jours après : « Vous devez passer le monastère aux chrétiens progressistes (entendons : église schismatique). » — « Non, je ne le ferai pas. » Le 2 mars 1952, il fut expulsé « pour avoir désobéi aux lois chinoises ». Restaient seuls, nos moines chinois.

Current situation of the monastery.

Situation actuelle du monastère.

The Communists had often questioned us: “What are your relations with the Bishop of Chengtu?” — “We have the same Catholic religion.” — “And financially?” —”Financially, we are completely independent. His Excellency Bishop Pinault had given them the same answer. On several occasions, slyly at first, they tried to bring the Priory into the ownership of the diocese, which was taxed with astronomical sums. If they succeeded in their attempt, the diocese obviously not being able to pay all these taxes, they would have found there a reason, apparently legal, to seize the monastery. The Communists returned to the charge: “Who is the owner of the monastery?” — “The abbey of Saint-André, in Belgium.”

Les communistes nous avaient souvent interrogés : « Quelles sont vos relations avec l’évêque de Chengtu? » — « Nous avons la même religion catholique. » — « Et financièrement ? » —« Financièrement, nous sommes complètement indépendants. » S. E. Mgr Pinault leur avait donné la même réponse. A plusieurs reprises, sournoisement d’abord, ils essayèrent de faire entrer le Prieuré dans la propriété du diocèse qui était taxé de sommes astronomiques. S’ils réussissaient dans leur tentative, le diocèse ne pouvant évidemment pas payer toutes ces taxes, ils auraient trouvé là une raison, apparemment juridique, pour s’emparer du monastère. Les communistes revenaient à la charge : « Qui est le propriétaire du monastère ? » — « L’abbaye de Saint-André, en Belgique. »

In the course of 1951, they made a frontal attack. The Tax Office had called Bishop Pinault: “Tell the Benedictine Fathers that they must sell their monastery to pay your taxes.” I immediately went to the Foreign Office to protest: “The monastery does not belong to the diocese.” In the afternoon of that same day, Bishop Pinault went to the Foreign Affairs Office. No sooner had he entered than the policeman shouted at him: “So! You want to sell other people’s property to pay your taxes! — “Not at all, it’s the Tax Office that...” — “Shut up!” You are creating false rumours!”

Dans le courant de l’année 1951, ils firent une attaque de front. Le Bureau des Taxes avait appelé Mgr Pinault : « Dites aux Pères Bénédictins qu’ils doivent vendre leur monastère pour payer vos taxes. » Je me rendis immédiatement au Bureau des Affaires étrangères pour protester : « Le monastère n’appartient pas au diocèse. » L’après-midi de ce même jour, Mgr Pinault se rendit au Bureau des Affaires Etran-gères. A peine était-il entré que le policier l’apostrophe : « Comment ? Vous voulez vendre la propriété des autres pour payer vos taxes! » —« Nullement, c’est le Bureau des Taxes qui... » — « Taisez-vous ! Vous créez de fausses rumeurs ! »

Do not imagine that the two Bureaus acted independently. Among the Communists, all the bureaus always follow the same directives, emanating from the same superior authority. We saw in this incident one more proof of Communist duplicity. But it was a failed attempt for them.

Ne pensons pas que les deux Bureaux aient agi indépendamment. Chez les communistes tous les bureaux suivent toujours les mêmes directives, émanées de la même autorité supérieure. Nous vîmes dans cet incident une preuve de plus de la duplicité communiste. Mais ce fut pour eux une tentative manquée.

Legally the monastery was neither sold, nor rented, nor passed on to anyone. Our Chinese monks did not become responsible for it, because otherwise they would have had to continue to pay the taxes and would have been the recipients of innumerable vexations. The monastery remained the acknowledged property of the Abbey of Saint-André. But the Communists were obviously going to occupy it, and today, we know, it has been done: At the end of April 1952, our Chinese monks and all those who lived on the monastery property were expelled. They had to vacate the premises in less than half an hour.

Légalement le monastère n’était ni vendu, ni loué, ni transmis à personne. Nos moines chinois n’en devenaient pas les responsables, car ils auraient dû sinon continuer à payer les taxes et auraient été en butte à des vexations innombrables. Le monastère demeurait la propriété reconnue de l’Abbaye de Saint-André. Mais les communistes allaient évidemment l’occuper, et aujourd’hui, nous le savons, c’est chose faite : Fin avril 1952, nos moines chinois et tous ceux qui habitaient dans la propriété du monastère en furent chassés. Ils durent vider les lieux en moins d’une demi-heure.

Conclusion.

Conclusion.

What can be concluded from all of this?

De tout ceci que conclure?

It is no surprise that we were attacked. Communism does not like any religion, but above all it hates the Catholic Church because it does not flinch; she does not bow her head, except before God. We can say that, on the whole Chinese continent, the Catholic Church is the only one, openly, not to bow its head. Communism failed to change its faith in God and the Pope. The Church of China in the vast majority of its Bishops, its priests, its faithful, said “no” to the schismatic reform that the Government wanted to impose on it, either by underhanded gentleness or by brutal force.

Il n’est pas étonnant que nous ayons été frappés. Le communisme n’aime aucune religion, mais il déteste avant tout l’Eglise catholique parce que celle-ci ne bronche pas; elle ne courbe pas la tête, si ce n’est devant Dieu. On peut dire que, sur tout le continent chinois, l’Eglise catholique est la seule, ouvertement, à ne pas courber la tête. Le communisme n’a pas réussi à changer sa foi sur Dieu et sur le Pape. L’Eglise de Chine dans l’immense majorité de ses Evêques, de ses prêtres, de ses fidèles, a dit « non » à la réforme schismatique que le Gouvernement voulait lui imposer par la douceur sournoise ou par la force brutale.

The Church of China has given its testimony of fidelity to Christ and to his Church; to the Virgin and the Pope. The Priory of Saint Benedict of Chengtu can rejoice to have played its part in this testimony. Its Chinese monks showed magnificent faith. They feared neither suffering nor prison, which they called “the glorious place.” And they continued to say, “God’s will is that we stay here to drink the chalice of the Lord.” The Lord is faithful. He carried out the words he addressed to his Father on the eve of his Passion: “I do not ask you, Father, to remove them from the world, but to keep them from evil.”

L’Eglise de Chine a donné son témoignage de fidélité au Christ et à son Eglise; à la Vierge et au Pape. Le Prieuré de Saint-Benoît de Chengtu peut se réjouir d’avoir eu sa part dans ce témoignage. Ses moines chinois ont montré une foi magnifique. Ils n’ont redouté ni les souffrances ni la prison, qu’ils appelaient « l’endroit glorieux ». Et ils disaient encore : « La volonté de Dieu est que nous restions ici pour boire le calice du Seigneur. Le Seigneur est fidèle. Il a réalisé les paroles qu’il adressa à son Père la veille de sa Passion : « Je ne vous demande pas, mon Père, de les ôter du monde, mais de les garder du mal. »

Future prospects.

Perspectives d’avenir.

Both Catholic and Protestant missionaries were driven out of China by the Communists and not by the Chinese people. Of nearly 3,000 Catholic missionaries, there were only 420 left in China as of February 10, 1953, and almost every day a certain number are expelled to Hong Kong. However, the Church will return to China. In what state will future missionaries find the spirits?

Les missionnaires catholiques aussi bien que protestants sont chassés de Chine par les communistes et non par le peuple chinois. Sur pres de 3.000 mission­naires catholiques, il n’en restait plus en Chine, en date- du 10 février 1953, que 420, et presque chaque jour, un certain nombre sont expulsés vers Hong-Kong. Cependant, l’Eglise retournera en Chine. Dans quel état les futurs missionnaires trouveront-ils les esprits ?

Before the Red regime, it was, I think, easier to convert the Chinese who had had their education in the modern schools, erected since the establishment of the Republic (1911), than those who had had theirs in the Confucianist classics. Because, if the old classic Chinese books, transmitted by Confucius, are enlivened by a real theistic background, let us not forget that since the twelfth century, with Tchou-hi (1130-1200), these books have been interpreted in a materialistic way, and that from then until today the rationalist spirit has dominated Confucian thought. The rationalism imported from Europe during the first half of the 20th century only accentuated this tendency.

Avant le régime rouge, il était, je pense, plus facile de convertir les Chinois qui avaient fait leur éducation dans les écoles modernes, érigées depuis l’établissement de la République (1911), que ceux qui avaient fait la leur dans les classiques confucéens. Car, si les anciens livres classiques chinois, transmis par Confucius, sont vivifiées par un fond théiste réel, n’oublions cependant pas que depuis le XIIe siècle, avec Tchou-hi (1130-1200), ces livres ont été interprétés d’une façon matérialiste et que, depuis lors jusqu’à nos jours, l’esprit rationaliste a dominé la pensée confucéenne. Le rationalisme importé d’Europe pendant la première moitié du XXe siècle, n’a fait qu’accentuer cette tendance.

I also believe it was much easier to convert pious lay Buddhists than to bring Chinese monks to Christianity. Applying themselves only to the knowledge of their books, the Chinese monks lacked critical thinking and were hardly open to further insight. I remember having visited, in 1943, a Buddhist monastery renowned for its studies. I went there with a Protestant pastor, a Chinese philosopher and with the superior of another Buddhist monastery. The Protestant pastor planned meetings where representatives of all religions would have taken part. He proposed to the monks to send delegates there, in order, he said, “to seek the truth.” A monk stood up and said forcefully: “We don’t need to seek the truth; we already possess it entirely in our books!”

Je pense également qu’il était beaucoup plus facile de con­vertir les pieux bouddhistes laïcs que d’amener au christianisme les bonzes chinois. Ne s’appliquant qu’à la connaissance de leurs livres, les bonzes chinois manquaient d’esprit critique et étaient difficilement ouverts à une autre pénétration. Je me souviens d’avoir visité, en 1943, un monastère bouddhiste renommé pour ses études. Je m’y rendis avec un pasteur protestant, un philosophe chinois et avec le supérieur d’un autre monastère bouddhiste. Le pasteur protestant projetait des réunions où auraient pris part des représentants de toutes les religions. Il proposa aux bonzes d’y envoyer des délégués, afin, disait-il, « de chercher la vérité ». Un bonze se leva et dit avec force : « Nous n’avons pas besoin de chercher la vérité; nous la possédons déjà tout entière dans nos livres! »

What will be the state of minds in China after the upheavals provoked in Chinese thought by the Communists? These no longer want Confucian teaching; they find the bonzes [monks] useless to society and seize their monasteries. Supposing that the communists were to remain the masters for a long time, would not future missionaries have to face, at the beginning at least, much more Marxist materialism than Confucian rationalism and the obscurantism of the Chinese bonzes?

Quel sera l’état des esprits en Chine après les bouleversements provoqués dans la pensée chinoise par les communistes? Ceux-ci ne veulent plus de l’enseignement confucéen; ils trouvent les bonzes inutiles à la société et s’emparent de leurs monastères. A supposer que les communistes doivent rester longtemps les maîtres, les futurs mis­sionnaires n’auront-ils pas à faire face, au début tout au moins, bien plus au matérialisme marxiste qu’au rationalisme confucéen et à l’obscuran­tisme des bonzes chinois?

Indeed, the Communists have transformed China into an immense school (483,687,862 pupils, according to the latest official statistics of 1952); all Chinese, from children to old people, men and women, all must learn Marxism there. For youth, the danger of thought poisoning is frightening. Future missionaries will have to know Marxism thoroughly in order to be ready to fight it when they are in China. From now on, it seems important to prepare an adapted literature. It is in this way, we believe, that in the current trials, they can still and always serve China.

En effet, les communistes ont transformé la Chine en une immense école (483.687.862 d’élèves, d’après les dernières statistiques officielles de 1952); tous les Chinois, depuis les enfants jusqu’aux vieillards, hommes et femmes, tous, doivent y apprendre le marxisme. Pour la jeunesse, le danger d’empoisonnement de la pensée est effrayant. Les futurs missionnaires devront connaître le marxisme à fond pour être prêts à le combattre lorsqu’ils seront en Chine. Dès maintenant, il semble important de préparer une littérature adaptée. C’est de cette manière, croyons-nous, que dans les épreuves actuelles, ils peuvent encore et toujours servir la Chine.

D. Raphaël VINCIARELLI, OSB
Abbey of Saint-André, February 21, 1953.

D. Raphaël VINCIARELLI, O.S.B. Abbaye de Saint-André, le 21 février 1953.